Généralités sur les nanofibres optiques
Définition et principales applications
Définition
Une nanofibre optique de silice est un guide cylindrique d’onde lumineuse ayant un diamètre égal ou inférieur à la longueur d’onde. Elle est obtenue par l’étirage à chaud d’une fibre optique standard de silice [Birks1, Tong]. on distingue plusieurs zones sur le composant ainsi réalisé : la zone centrale ayant un diamètre sub-micrométrique uniforme, est reliée de part et d’autre à deux zones de transition, reliées elles-mêmes aux extrémités de la fibre optique standard. Dans la suite du manuscrit, on appellera « nanofibre » la zone centrale et « tapers » les zones transitoires.
La fibre optique standard comprend un cœur de silice dopé entouré d’une gaine de silice. Les diamètres du cœur et de la gaine sont respectivement, pour la fibre SMF28 (fibre standard utilisée pour les télécommunications optiques) de 10 µm et 125 µm. les rayons du cœur et de la gaine de la fibre optique sont réduits séquentiellement tout le long du taper engendrant la disparition du cœur de la fibre initiale à l’entrée de la nanofibre. On peut alors considérer qu’on passe d’un guidage « cœur de silice/gaine de silice » à un guidage « gaine de silice/milieu externe ». Dans une fibre optique standard, la lumière est guidée par réflexion totale interne dans le cœur de silice dopé. L’indice de réfraction du cœur dopé doit ainsi être plus élevé que celui de la gaine de silice. La lumière est isolée du milieu externe grâce à la gaine de silice. En revanche, le guidage de la lumière dans la nanofibre est un guidage par réflexion totale interne assuré par le contraste entre les indices de réfraction de la gaine de silice et du milieu externe. L’indice de réfraction de la gaine doit être plus élevé que celui du milieu externe.
En guise d’illustration des propriétés originales du mode optique se propageant dans la nanofibre, et comme nous le détaillerons plus loin, nous avons par exemple 63% de lumière dans la nanofibre et 37% à l’extérieur pour une nanofibre ayant un rayon de 150 nm à une longueur d’onde 532 nm. Pour comparaison, dans la fibre de silice non étirée, plus de 99% de la lumière se propage dans le cœur.
Exemples d’applications utilisant des nanofibres optiques
Les propriétés originales de la nanofibre optique la rendent largement exploitée pour différentes applications [Tong, Brambilla]. En effet, le fort confinement de la lumière nous permet d’exciter des effets non linéaires. On cite principalement la génération de supercontinuum [Birks2]. Birks et al. ont prouvé par exemple qu’à l’aide d’impulsions fs de 300 mW de puissance moyenne, on arrive à générer un supercontinuum dont le spectre s’étend de 370 nm à 1545 nm en utilisant une nanofibre de 2 μm de diamètre. Dans cette étude, on voit par ailleurs que le diamètre de la nanofibre est un très bon moyen de contrôler la dispersion chromatique pour la gestion de l’accord de phase. D’autres applications ont été réalisées grâce au fort confinement de lumière que la nanofibre procure telles que la génération de la seconde et de la troisième harmonique [Laegsgaard] et la génération des paires de photons corrélés par mélange à quatre ondes [Cui].
Le champ évanescent a été utilisé pour plusieurs applications et notamment pour la conception de capteurs. On cite par exemple les capteurs biochimiques [Warken], les capteurs par fluorescence de particules à la surface [Stiebeiner], les capteurs sensibles à l’indice de réfraction du milieu externe tels que les capteurs de fluides [Polynkin] et d’humidité [Zhang]… Le champ évanescent intense de la nanofibre permet aussi de piéger et de manipuler des atomes ou des nano-particules et il existe une littérature abondante sur ces applications de piégeage [Le Kien, Frawley, Brambilla]. La flexibilité des nanofibres a aussi permis de développer des géométries originales avec différentes géométries comme la boucle [Sumetsky1], le noeud [Jiang], ou la bobine [Sumetsky2]. D’autres travaux ont également permis de mettre en évidence des ondes de surface inédites dans les nanofibres grâce à la diffusion Brillouin [Beugnot].
Cependant, il y a très peu d’études sur les non-linéarités excitées dans le champ évanescent de la nanofibre, que j’appellerai dans la suite « non-linéarités évanescentes ». À ce jour, seules deux études expérimentales ont été faites. Il s’agit de la première démonstration de la diffusion Raman stimulée dans le champ évanescent d’une nanofibre baignée dans un liquide [Shan] et de l’observation de l’effet Kerr évanescent [Fanjoux]. L’utilisation d’un milieu externe pour enrober la nanofibre offre un degré de liberté supplémentaire pour le contrôle du guidage de la lumière ouvrant ainsi un vaste champ de nouvelles expériences en optique non linéaire. Il est possible d’utiliser des gaz, des solides comme des enrobages polymères ou des liquides et c’est d’ailleurs cette dernière possibilité que nous continuons d’exploiter dans ces travaux de thèse.
Comme autres alternatives, des nanofibres fabriquées à partir d’autres matériaux que la silice tels que des chalcogénures ont été réalisées et ont permis d’augmenter très fortement les non‐linéarités [Mägi]. Des nanofibres dopées au graphène ont aussi été testées pour la réalisation d’effets optiques non-linéaires àfaible seuil [Meng].
Propagation dans les tapers
Modélisation du guidage dans les tapers
Tout le long du taper, le rayon de la gaine et le rayon du cœur diminuent progressivement. Nous utilisons la théorie des modes locaux où le profil des tapers est modélisé par une succession de tronçons cylindriques de même longueur zL et dont les rayons de cœur et de gaine diminuent d’un facteur Ro, choisi constant . Nous calculons les modes sur chaque tronçon cylindrique en considérant qu’il est infiniment long. Cette méthode permet de définir un critère d’adiabaticité simple, que nous allons présenter dans la suite. Cette partie transitoire est assimilée à un modèle à trois couches : la couche du cœur de la fibre, la couche de gaine de la fibre et la couche du milieu externe. Afin de modéliser l’onde lumineuse traversant le taper, nous devons résoudre l’équation d’onde pour chacune des couches et assurer la continuité des composantes tangentielles des champs électriques et magnétiques à l’interface cœur/gaine et à l’interface gaine/milieu externe sur les tronçons de fibres cylindriques de longueur zL.
Dans les tapers, le mode reste principalement confiné dans la silice (cœur ou gaine) et voit relativement peu le milieu externe. Le modèle scalaire à trois couches est bien adapté pour décrire sa propagation. Le modèle vectoriel serait, certes, plus précis mais il est très lourd à mettre en œuvre pour un apport modeste. On considère alors le modèle scalaire au lieu du modèle vectoriel dans le cas du taper.
Adiabaticité des tapers
L’adiabaticité des tapers a été notamment étudiée par Tong et Bures dans leurs références [Tong, Bures]. On souhaite convertir le mode fondamental de la fibre optique standard en mode fondamental de la nanofibre à travers le premier taper. Le but est de minimiser les pertes lors de cette conversion de mode et de transférer le maximum d’énergie dans la nanofibre. Le taper qui répond à cette contrainte est appelé taper « adiabatique ». La variation de la pente locale du taper est considérée comme une perturbation pour un mode qui perd de l’énergie par couplage avec des modes d’ordre supérieur . Si cette pente locale est suffisamment faible, les couplages seront minimisés mais en contrepartie le taper sera très long. Il est donc nécessaire de trouver un compromis entre une pente locale suffisamment faible pour limiter les couplages de modes et en même temps suffisamment grande pour avoir des tapers relativement courts.
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Table des matières
Liste des publications et communications
Introduction générale
1. Chapitre 1 – Généralités sur les nanofibres optiques
1.1. Introduction
1.2. Définition et principales applications
1.2.1. Définition
1.2.2. Exemples d’applications utilisant des nanofibres optiques
1.3. Propagation linéaire de la lumière dans la nanofibre et ses tapers
1.3.1. Modèle scalaire et modèle vectoriel
1.3.2. Propagation dans la fibre optique non étirée
1.3.3. Propagation dans les tapers
1.3.3.1. Modélisation du guidage dans les tapers
1.3.3.2. Adiabaticité des tapers
1.3.4. Propagation dans la nanofibre
1.4. Fabrication d’une nanofibre optique de silice
1.4.1. Modélisation de l’étirage
1.4.2. Techniques de chauffage
1.4.3. Techniques d’étirage des nanofibres
1.4.4. Différents profils de taper
1.4.5. Présentation du banc d’étirage développé par le groupe Photonique Non Linéaire
1.4.5.1. Trajectoire des platines de translation
1.4.5.2. Description du banc d’étirage
1.5. Conclusion du chapitre 1
2. Chapitre 2 – Diffusion Raman stimulée dans le champ évanescent d’une nanofibre baignée dans un liquide
2.1. Introduction
2.2. Généralités sur la diffusion Raman
2.2.1. Description qualitative de la diffusion Raman spontanée
2.2.2. Description qualitative de la diffusion Raman stimulée
2.2.3. Cascade Raman
2.2.4. Spécificités des liquides
2.3. Diffusion Raman stimulée dans le champ évanescent
2.3.1. Étude du gain Raman modal
2.3.2. Équations de propagation non linéaire
2.3.3. Définition du seuil Raman
2.4. Première démonstration de la diffusion Raman stimulée évanescente
2.5. Conclusion du chapitre 2
3. Chapitre 3 – Conception et réalisation d’un convertisseur de longueur d’onde basé sur une nanofibre baignée dans un liquide Raman
3.1. Introduction
3.2. Dimensionnement d’un convertisseur Raman évanescent
3.2.1. Dimensionnement de la nanofibre
3.2.2. Fibres optiques standard utilisées
3.2.3. Dimensionnement des tapers
3.3. Estimation des incertitudes de la géométrie du convertisseur fabriqué
3.4. Montage expérimental
3.5. Résultats expérimentaux
3.5.1. Spectre de sortie du convertisseur
3.5.2. Modes de sortie du convertisseur à 532 nm et 630 nm
3.5.3. Efficacité du convertisseur Raman évanescent
3.5.4. Études systématiques des performances des convertisseurs
3.5.5. Domaine de fonctionnement des convertisseurs
3.5.6. Calcul et exploitation du paramètre ?
3.5.7. Utilisation d’une fibre monomode dans le visible
3.5.8. Tests avec un autre liquide
3.6. Étude expérimentale des seuils de dommage optique de la nanofibre
3.7. Conclusion du chapitre 3
4. Chapitre 4 – Réalisation d’une source de paires de photons corrélés utilisant une nonlinéarité de surface d’ordre 2 dans une nanofibre optique : études préliminaires
4.1. Introduction
4.2. Bases théoriques et choix réalisés
4.2.1. Mécanismes non linéaires pour la génération de paires de photons
4.2.2. Accord de phase modal en fluorescence paramétrique
4.2.3. Estimation du rendement de conversion
4.2.4. Choix de la fibre
4.2.5. Étude de la fibre SM1500SC
4.2.6. Conversion d’un mode fondamental gaussien vers le mode LP11
4.2.7. Sélection du mode TM01
4.3. Mises en œuvre expérimentales
4.3.1. Tests d’étirage de la fibre SM1500SC
4.3.2. Montage préliminaire de contrôle des modes
4.3.2.1. Caractérisation de la lame de phase
4.3.2.2. Premières observations du mode LP11
4.4. Étude du vieillissement des nanofibres
4.5. Conclusion du chapitre 4
Conclusion générale
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