Généralités sur les minéralisations en métaux rares

Les éléments à fort effet de champ

Caractéristiques géochimiques des éléments à fort effet de champ et des éléments de terres rares 

En 1928, le géochimiste G. H. Cartledge fut le premier à introduire le concept de potentiel ionique et le définit comme le rapport entre la charge d’un élément et son rayon ionique (Z/r) (Cartledge, 1928). Le potentiel ionique est donc une mesure de la densité de charge. Il montre dans son étude que le comportement géochimique des éléments est étroitement lié à leur potentiel ionique. V. Goldschmidt utilisera par la suite le potentiel ionique des éléments pour expliquer le comportement des éléments dans les processus de formation des minéraux (Goldschmidt, 1937). Il publie notamment le diagramme rayon ionique en fonction de la charge, à partir duquel il distingue plusieurs groupes d’éléments aux comportements similaires. La Figure 1.1 est une version modifiéedu diagramme de Goldschmidt à partir duquel on peut distinguer plusieurs groupes d’éléments (Rollinson, 1993) :

1. les éléments à grand rayon ionique et faible charge (large-ion-lithophile elements, LILE) avec un potentiel ionique inférieur à deux, comprenant K+ , Rb+ , Cs+ , Sr2+ , Ba2+, Pb2+ et Eu2+ .

2. les éléments à fort potentiel ionique ou fort effet de champ, (high-field-strength elements, HFSE), dont le rapport entre la charge et le rayon ionique est supérieur à deux. Ce groupe d’éléments comprend Ti4+ , Zr4+ , Hf4+ , Th4+ , Nb5+ , Ta5+ , U4+, U6+, ainsi que les 15 éléments de terres rares (TR) allant du La3+ au Lu3+ auxquels il faut ajouter Sc3+ et Y 3+ dont les comportements géochimiques sont similaires aux TR.

Bien qu’appartenant au groupe des HFSE, les TR forment à elles seules un groupe d’éléments cohérents aux propriétés chimiques similaires. Je choisis donc dans la suite de cette étude de faire la distinction entre les HFSE et TR. Dans les systèmes magmatiques primitifs, le grand rayon ionique des LILE et le potentiel ionique élevé des HFSE et TR limitent leur incorporation dans les systèmes cristallins des minéraux mantelliques essentiels tels que l’olivine et le pyroxène. Ainsi, au cours du refroidissement d’un système magmatique basique où ces minéraux sont communs, LILE et HFSE iront préférentiellement dans le magma et leur concentration augmentera de manière significative avec l’avancement de la cristallisation fractionnée. Pour cette raison, ces éléments sont dits incompatibles en comparaison des éléments compatibles comme Ni, Cr, Co, V qui se substituent facilement au Fe et Mg. D’une manière plus générale, en géologie, les éléments compatibles sont enrichis dans le manteau alors que les éléments incompatibles sont enrichis dans la croûte. Dans les magmas évolués, LILE et HFSE ont des comportements différents. Par exemple, parmi les LILE, K, Rb et Cs sont facilement incorporés dans les feldspaths potassiques ou les micas. D’autres LILE, notamment Sr, Ba et Eu sont compatibles dans les plagioclases où ils viennent se substituer au Ca. Les HFSE, à cause de leur charge ionique élevée ne sont compatibles dans aucun de ces deux minéraux et vont continuer à se concentrer dans le magma. Durant les processus d’altération, le comportement des minéraux à LILE et HFSE sont différents. Les minéraux à LILE sont facilement dissous par les fluides aqueux et sont par conséquents considérés comme mobiles durant les processus d’altération et de métasomatisme. Au contraire, les minéraux porteurs de HFSE résistent à la dissolution, et pour cette raison, les HFSE sont souvent utilisés pour identifier la source des magmas des roches magmatiques altérées ou métamorphisées (Floyd et Winchester, 1975). Dans la suite de ce travail, je m’intéresse uniquement aux minéralisations en HFSE et TR qui constituent l’essentiel de la minéralisation observée dans le complexe d’Ambohimirahavavy.

Des éléments stratégiques

Les métaux dits stratégiques sont des éléments clés de la production de produits technologiques et innovants, dont l’approvisionnement doit être sécurisé. Ce sont en général des métaux mineurs (en comparaison aux métaux majeurs tels que le fer ou les métaux dits « de base » comme le cuivre, le zinc ou l’aluminium qui sont consommés dans le monde par millions de tonnes annuelles) dont la consommation mondiale va de quelques dizaines de tonnes à une ou deux centaines de milliers de tonnes annuellement, et dont la demande française peut aller de quelques tonnes à quelques milliers de tonnes. Les propriétés spécifiques de ces métaux les rendent essentielles et difficilement substituables pour une application industrielle donnée. La production de ces métaux provient le plus souvent d’un nombre restreint de pays. Les tensions sur les flux d’approvisionnement ou les prix de ces métaux s’avèrent critiques pour les filières industrielles qui en dépendent. La majorité des HFSE et TR répondent à ces critères et sont considérés comme métaux stratégiques. En France, début 2011, a été créé le comité des métaux stratégiques (COMES) dont la mission est d’assister l’état dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de gestion des métaux stratégiques. Au Royaume uni, le British Geological Survey (BGS) a établi en 2012 une liste de 41 éléments dont l’approvisionnement pourrait représenter un risque pour le pays (Fig. 1.2 ; BGS, 2012). Les TR y occupent la première position et Nb, Th et Ta sont situés dans la moitié supérieure. La commission européenne a également publié en 2014 une liste de 20 matières premières économiquement importantes, comprenant TR et Nb, (Fig. 1.3 et 1.4 ; Report on critical raw materials for the europe 2014) dont l’interruption d’approvisionnement pourrait représenter un risque pour la communauté  européenne. Les risques d’approvisionnement sont particulièrement forts pour les TR lourdes que l’on ne trouve qu’en très faible quantité dans la majorité des gisements de TR.

En raison des propriétés physico-chimiques très spécifiques des TR, leur utilisation est aujourd’hui devenue indispensable au développement de nombreuses technologies de pointe. Ces éléments agissent comme des catalyseurs ; incorporés en faible quantité dans une large gamme d’alliages et de composés, ils modifient profondément les performances des systèmes. Bien que les propriétés géochimiques des TR soient similaires, leurs propriétés métallurgiques, chimiques, catalytiques, électriques, magnétiques et optiques varient, et ces différences et propriétés uniques ont conduit à leur utilisation dans une grande variété de technologies émergentes.

Les grands domaines d’applications des TR sont les aimants permanents, les alliages métalliques, les catalyseurs, l’électronique et l’optique (Hatch, 2012). Les aimants permanents, domaine dans lequel la demande en TR est croissante, représentent environ 21 % du volume total de TR utilisé. Les performances accrues des aimants permanents néodyme-fer-bore ont permis leur miniaturisation et leur incorporation dans des casques audio pour les lecteurs MP3, dans les disques durs ou encore dans les lecteurs de DVD. Ces aimants sont également utilisés dans les secteurs énergétiques de développement durable tels que les éoliennes où leur utilisation a permis d’augmenter de manière significative la production d’électricité. Les alliages métalliques utilisent principalement le Nd et le Pr dans les systèmes d’allumage. Les TR légères et Y sont des éléments qui entrent dans la composition des superalliages utilisés par exemple pour résister aux conditions de haute température et d’oxydation que l’on rencontre à l’intérieur des réacteurs d’avion. Les TR sont des composants essentiels des catalyseurs automobiles qui transforment les polluants primaires des gaz du moteur en composés non toxiques. Dans l’industrie de l’électronique, les TR sont utilisées pour la fabrication d’écrans de télévisions et d’ordinateurs (cathodiques, LCD ou plasma) ou pour l’éclairage dans les lampes fluocompactes. Enfin, dans l’industrie du verre, des quantités significatives de CeO2 sont utilisées pour obtenir des qualités de polissage supérieur. L’ajout d’oxydes de TR à la composition des verres permet également de modifier leurs propriétés absorbantes (ultraviolet), de les colorer ou de les décolorer. La production mondiale d’oxydes de TR se situait en 2013 autour de 100 000 t et provenait à plus de 90 % de la Chine (USGS, 2013). Les autres producteurs importants sont les États-Unis (4000 t), l’Inde (2900 t), la Russie (2400 t) et l’Australie (2000 t). Alors que durant les dix dernières années, la demande et le prix des oxydes de TR n’ont cessé de croître, cette tendance s’est aujourd’hui largement inversée. Le niobium et le tantale, deux éléments aux propriétés chimiques très voisines font également partie des éléments stratégiques. Le niobium est particulièrement important pour les industries automobile et aéronautique. Son addition en faible proportion à l’acier permet d’en augmenter la résistance. Ces aciers sont utilisés pour la fabrication de tôles pour l’automobile, des coques des navires, des rails, ou dans la construction. Il permet également d’élaborer des aciers inoxydables résistant à la corrosion à haute température et des superalliages pour les zones chaudes des moteurs aéronautiques. Le tantale est un élément essentiel dans l’industrie des télécommunications et de la micro-électronique pour la fabrication de téléphones cellulaires et ordinateurs portables.

Le zirconium, qui n’est pas considéré comme un élément stratégique, est utilisé principalement comme réfractaire, comme sable de fonderie et comme opacifiant dans les céramiques. L’oxyde de zirconium est utilisé pour ses qualités d’éclat et de couleur en joaillerie. L’uranium, le thorium et l’hafnium sont trois éléments radioactifs utilisés dans l’industrie nucléaire. L’hafnium est utilisé dans la fabrication des barres de commande des réacteurs nucléaires en tant que piège à neutrons et pour son excellente résistance à la corrosion. L’uranium et dans une moindre mesure le thorium sont utilisés pour la fabrication de combustible dans les réacteurs nucléaires.

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Table des matières

Introduction
I. Généralités sur les minéralisations en métaux rares
1. Les éléments à fort effet de champ
1.1. Caractéristiques géochimiques des éléments à fort effet de champ et des éléments de terres rares
1.2. Des éléments stratégiques
1.3. Métallogénie des terres rares, Zr, Hf, Nb et Ta
2. Complexes alcalins minéralisés en métaux rares dans le monde
2.1. Ilímaussaq
2.2. Khibina Lovozero
2.3. Strange Lake
2.4. Thor Lake
2.5. Khan Bogd
2.6. Tamazeght
2.7. Brandberg
3. Origine des minéralisations en métaux rares associées aux complexes alcalins
3.1. Les minéralisations d’origine magmatique
3.2. Les minéralisations d’origine hydrothermale
II. Le magmatisme alcalin à Madagascar : l’exemple du complexe d’Ambohimirahavavy
4. Le magmatisme alcalin cénozoïque au nord de Madagascar
4.1. Généralités sur le magmatisme alcalin
4.2. Le magmatisme alcalin de Madagascar
5. Évolution magmatique du complexe d’Ambohimirahavavy Publié dans le journal Lithos : Unusual evolution of silica-under- and – oversaturated alkaline rocks in the Cenozoic Ambohimirahavavy Complex (Madagascar) : Mineralogical and geochemical evidence
6. Fractionnement des éléments rares dans les magmas alcalins évolués
6.1. Éléments en trace dans les clinopyroxènes
6.2. Éléments en trace dans les amphiboles
6.3. Comparaison avec les complexes alcalins de la province du Gardar
6.4. Évolution des éléments en trace dans les minéraux mafiques des roches plutoniques alcalines évoluées d’Ambohimirahavavy
III. Les minéralisations à métaux rares du complexe d’Ambohimirahavavy
7. Les minéralisations en TR et HFSE des filons de granite hyperalcalin et de pegmatite Publié dans le Journal of African Earth Sciences : REE and HFSE mineralization in peralkaline granites of the Ambohimirahavavy alkaline complex, Ampasindava peninsula, Madagascar
8. Les minéralisations en TR et HFSE de type skarn Soumis au journal Economic Geology : The origin of skarn-hosted rare-metal mineralization in the Ambohimirahavavy alkaline complex, Madagascar
9. Zircons des granites et des pegmatites
9.1. zircons de type-I
9.2. zircons de type-II
9.3. zircons de type-III
9.4. Origine des différents types de zircon : magmatique ou hydrothermale ?
10. Eudialyte et minéraux riches en HFSE
10.1. Textures des eudialytes
10.2. Chimie des eudialytes
10.3. Autres minéraux riches en métaux rares du granite agpaïtique, ægyrine et amphibole
10.4. Variations de composition en éléments majeurs et mineurs des eudialytes
11. Évolution tardi-magmatique : remobilisation des minéralisations
11.1. Altération et pseudomorphose
11.2. Étude des inclusions fluides
12. Datations U-Pb des différents types de minéralisations
12.1. Datations sur zircon
12.2. Datations sur eudialyte et nacareniobsite-(Ce)
IV. Synthèse et discussion générale : de l’origine du complexe alcalin d’Ambohimirahavavy à la mise en place des minéralisations en métaux rares
13. Stade précoce
13.1. Contrôle du magmatisme et nature de la source
13.2. Mélanges de magma et évolution précoce
13.3. Association des faciès sous- et sursaturés
14. Stade évolué
14.1. Évolution des roches sous-saturées en silice
14.2. Évolution des roches sursaturées en silice
15. Rôle et nature des fluides hydrothermaux
15.1. Rôle de l’encaissant, le cas particulier du skarn
Conclusions

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