Dans les écosystèmes aquatiques naturels, les métaux se trouvent à de faibles concentrations, généralement de l’ordre du nano gramme ou micro gramme par litre (C.Biney et al, 1991) Les métaux lourds ou éléments traces métalliques sont des composants naturels de l’écorce terrestre dans laquelle on les rencontre généralement sous forme de minerais, associés entre eux et à de nombreux éléments (oxygène et souffre en particulier). Ils sont donc aussi naturellement présent dans les roches drainées par les eaux de surfaces et les nappes souterraines ( C.Biney et al, 1991). Par ailleurs, les métaux lourds constatés dans l’environnement aquatique émanent de sources naturelles et anthropogènes. Leur présence peut être le résultat soit de déversements effectués directement dans les écosystèmes aquatiques, soit d’un cheminement indirect comme dans le cas des décharges sèches et humides et du ruissellement agricole. Les lacs étant, par nature, le réceptacle des eaux de pluie qui lessivent leurs bassins versants et, de plus en plus, celui des eaux usées des populations riveraines, il nous a paru utile dans le cadre de ce travail de déterminer les niveaux de la contamination métallique de trois plans d’eau notamment lac El-Mellah, lac Tonga et lac Oubeira et cela au niveau de trois compartiments eau, sédiment et faune. En effet, La surveillance des polluants métalliques est effectuée dans les sédiments (fraction < 63 millimicron) car en sédimentologie les métaux se fixe préférentiellement sur cette fraction fine, aussi c’est un compartiment qui peut conserver dans leur couches successives toute une histoire chimique d’une région et les premiers centimètres de la couche superficielle peuvent nous donner une idée sur plusieurs années de contamination (D.Claisse, 1995-RNO). D’autre part, le choix d’étudier la contamination chez les bivalves est en raison de la capacité ce ces organismes aquatiques à bioaccumuler les métaux lourds présents dans l’environnement. En plus ces mollusques ont un habitat très étendue et diversifié (benthique, saumâtre, douce, marins…) ; et se sont des bioindicateurs de pollution, et des organismes de choix dans les programmes de surveillance de la contamination métallique (Jean François Chiffoleau ; 2001).
GENERALITES SUR LES METAUX LOURDS
Définition des métaux lourds
Les définitions des métaux lourds sont multiples et dépendent du contexte dans lequel on se situe ainsi que de l’objectif de l’étude à réaliser. D’un point de vue purement scientifique et technique, les métaux lourds peuvent être également définis comme :
– tout métal ayant une densité supérieure à 5,
– tout métal ayant un numéro atomique élevé, en général supérieur à celui du Sodium (Z=11),
– tout métal pouvant être toxique pour les systèmes biologiques.
Certains chercheurs utilisent des définitions plus spécifiques encore. Le géologue par exemple, considérera comme métal lourd tout métal réagissant avec la pyrimidine. Dans le traitement des déchets liquides, les métaux lourds indésirables auxquels on s’intéresse principalement sont : As, Cd, Cr, Hg, Ni, Pb, Se, Zn. Dans les sciences environnementales, les métaux lourds associés aux notions de pollution et de toxicité sont généralement : As, Cd; Cr, Cu, Hg, Mn, Ni, Pb, Sn, Zn. Enfin, dans l’industrie en général, on considère comme métal lourd tout métal de densité supérieure à 5, de numéro atomique élevé et présentant un danger pour l’environnement et /ou pour l’homme.( In Di Benedetto., 1997).
Dés qu’on aborde la problématique des métaux lourds, il faut avoir présent à l’esprit que ces éléments se trouvent dans notre environnement quotidien sous des formes chimiques très diverses. En effet, à coté des formes minérales les plus simples par exemple le Pb2+ , les métaux lourds peuvent exister aussi sous forme organique, c’est-à-dire combinés à un atome de carbone (exemple : le Plomb tétra-éthyl des essences ) mais aussi sous forme de complexe ( exemple la salicylate de plomb) ou encore sous forme de chélate (exemple : complexe de plomb EDTA).Toutes ces formes, même si elles sont présentes en quantité minime, et quelles que soient les transformations qu’elles subissent lors de leur cheminement dans l’environnement, doivent être prises en compte lorsque l’on étudie les métaux lourds et ceci confère à ce sujet toute sa complexité. L’étude de toutes ces formes de métaux lourds constitue une discipline à part entière, connue actuellement sous le terme d’étude de la « spéciation des métaux lourds ».
Caractéristiques des métaux lourds analysés dans cette étude
Le mercure
Propriétés fondamentales
De symbole Hg et NA 80 , le mercure est un métal dont la dynamique dans l’environnement est conditionnée par trois propriétés fondamentales: physique, par sa forme liquide à température ambiante ; chimique, par la stabilité de ses liaisons avec le carbone et le soufre et biologique par sa très forte bioconcentration et sa toxicité. Son cycle biogéochimique fait intervenir des conversions d’espèces chimiques qui se traduisent par des changements de phase (liquide, solide, gaz) et, en conséquence des comportements très différents dans l’environnement. Les composés du mercure se divisent en deux classes chimiques principales: le mercure inorganique (incluant le mercure élémentaire) et le mercure organique (incluant le Méthyl-mercure).
Utilisations du mercure
Le mercure est rare dans le milieu naturel: il se trouve cependant dans les roches, parfois à des concentrations justifiant une exploitation. Le mercure est extrait du cinabre (sulfure de mercure), par des techniques minières classiques. Le mercure, libéré sous forme de vapeur, est recueilli par condensation. Le mercure est utilisé par l’homme dans de multiples domaines. Il a été largement utilisé dans l’agriculture (pesticide), comme fongicide pour les papeteries et les industries de peinture, pour le traitement des minerais d’or et d’argent, dans l’industrie catalytique et l’électrolyse, dans les équipements électroniques et électriques, les lampes, les explosifs, les batteries et les instruments de mesures (A.Boudou, 1982; D.Cossa et J.Rondeau, 1985 ; Fitzgerald et Clarkson, 1991; Lindqvist, 1991,).
Cycle, sources naturelles et anthropiques
Le mercure est dégazé ou émis vers l’atmosphère par différents processus naturels qui sont principalement : le dégazage par les sols et la végétation, la volatilisation du mercure à partir des eaux naturelles et les émissions d’origine volcanique (Lindqvist et Rhode, 1985; Schröder et al., 1989; Lindqvist, 1991). Le dégazage naturel de l’écorce terrestre et les activités humaines constituent les sources principales de mercure mobilisé dans l’environnement. Le transfert du mercure s’effectue très schématiquement par volatilisation, déposition sèche et pluie, transport fluviatile et sédimentation. La part anthropique du mercure mobilisé à l’échelle planétaire est estimée à plus de 50 %. La contamination par le mercure est ubiquiste en raison de sa grande mobilité et les systèmes aquatiques en sont particulièrement affectés. Actuellement, la principale source est la rémission de mercure anthropique déposé. Les sources ponctuelles anthropiques sont par ordre d’importance: la combustion des hydrocarbures fossiles, en particulier le charbon, l’incinération d’ordures ménagères et hospitalières et les procédés industriels (fabrication de la soude caustique, métallurgie non ferreuse, etc.). Les sources diffuses sont nombreuses: tubes fluorescents, piles, thermomètres, peintures, gaz d’échappement des véhicules, décharges d’ordures, certains dépôts d’armes, sols contaminés et certaines exploitations de gaz naturel (Cossa et Ficht, 1999). Les émissions atmosphériques de mercure dues à l’activité humaine ont augmenté d’environ 4,5 fois depuis le début du siècle dernier (Mason et al. 1994) et plus des deux tiers de la production du mercure ont été effectué au cours du vingtième siècle. Selon Fitzgerald (1989), environ 30 à 40 % des émissions totales annuelles de mercure dans l’atmosphère sont d’origine anthropique (Fitzgerald et Watras, 1989). Les estimations de Mason et al., 1994 sont beaucoup plus sévères: c’est de 70 à 80 % des émissions actuelles vers l’atmosphère qui sont estimées être d’origine anthropique. L’augmentation des émissions anthropiques de mercure a entraîné depuis le siècle dernier une augmentation d’un facteur trois des concentrations en Hg dans l’atmosphère et les eaux de surface de l’océan.
Propriétés biologiques et toxicité
Le mercure est le seul élément métallique dont l’introduction dans le milieu aquatique par l’activité humaine à avoir entraîné la mort d’hommes. Le grand exemple est : Quarante huit décès, sept cents paralysés et plusieurs milliers d’individus atteints ont en effet été recensés suite au déversement de cent cinquante tonnes de mercure dans la baie de Minamata, au sud du japon, au cours des années cinquante et soixante. Cette maladie tragique fut le résultat de l’ingestion, par des pécheurs et leur famille, de poissons contaminés par un dérivé neurotoxique du mercure, le méthyl-mercure. La toxicité aiguë du mercure (introduit sous forme inorganique) pour les mollusques varie de 5 μg/L à plus de 5000 μg/ L. Elle varie en outre avec la température et la salinité du milieu: elle augmente généralement avec la température et à faible salinité (Marchand et Kantin, 1997). Les larves et les embryons figurent parmi les plus sensibles. Le mercure est donc considéré comme un élément extrêmement toxique pour la vie aquatique puisque les doses létales les plus basses sont inférieures à 10 μg.L.1 à certains stades du développement d’espèces déjà constatées comme très sensibles (GESAMP, 1997). Les concentrations sans effet sont inférieures à 1 μg /L. Pour des teneurs inférieures à 10 μg/ L, différents effets sublétaux peuvent se manifester comme une perturbation de la respiration, un retard de croissance et des effets sur la reproduction. Les effets histopathologiques relevés concernent surtout les branchies et le système digestif des organismes marins. Ils sont observés pour des concentrations supérieures à 100 μg/L et des durées de contamination relativement longues. Il est donc normal que les taux de mercure soient contrôlés. En France par exemple, le Conseil supérieur de l’hygiène publique (CSHP) propose une norme de tolérance de 0,7 mg/kg (poids humide) chez les poissons en bout de chaîne alimentaire (dont le thon) et de 0,5 mg/kg (poids humide) pour les autres produits de la pêche. (Marchand et Kantin, 1997). Le Règlement (CCE) n° 466/2001 fixe les quantités maximales de certains contaminants: nitrates, aflatoxines, plomb, cadmium, mercure, dioxines, patuline et l’étain inorganique. La fixation des teneurs maximales pour certains contaminants vise à réduire la présence de ces contaminants dans certaines denrées alimentaires aux niveaux les plus faibles que permettent raisonnablement de bonnes pratiques de fabrication ou agricoles, afin d’obtenir un niveau élevé de protection de la santé publique, en particulier pour les groupes sensibles de la population: enfants, personnes allergiques, etc.
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Table des matières
Introduction
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES METAUX LOURDS
1.Définition des métaux lourds
2.Caractéristiques des métaux lourds analysés dans cette étude
2.1.Le mercure
2.1 .1.Propriétés fondamentales: physiques, chimiques et biologiques
2.1.2. Utilisations du mercure
2.1.3.Cycle et sources naturelles et anthropiques
2.1.4.Propriétés biologiques et toxicité
2.2.Le cadmium
2.2.1.Propriétés fondamentales
2.2.2.Utilisations du cadmium
2.2.3.Cycle et sources naturelles et anthropiques
2.2.4.Propriétés biologiques et toxicité
2.3.Le plomb
2.3.1.Propriétés fondamentales
2.3.2.Utilisations du plomb
2.3.3.Cycle et sources naturelles et anthropiques
2.3.4.Propriétés biologiques et toxicité
2.4.Le cuivre
2.4.1.Propriétés fondamentales
2.4.2.Utilisation du cuivre
2.4.3.Cycle et sources naturelles et anthropiques …
2.4.4.Propriétés biologiques et toxicité
2.5.Le zinc
2.5.1.Propriétés fondamentales
2.5.2.Utilisation du zinc
2.5.3.Cycle, sources naturelles et anthropiques
2.5.4.Propriétés biologiques et toxicité
2.6 .Le Chrome
2.6.1.Propriétés fondamentales
2.6.2.Composés du chrome
2.6.3. Utilisations du chrome
2.6.4.Propriétés biologiques et toxicité
2.7.Le Nickel
2.7.1.Propriétés fondamentales
2.7.2. Utilisation du nickel
2.7.3.Sources de pollution par le nickel
2.7.4. Effets biologiques et toxicité
2.8.Le manganèse
2.8.1.Propriétés fendamentales
2.8.2. Sources naturelles et anthropiques
2.8.3.Utilisation du manganèse
2.8.4.Effets biologiques et toxicité
2.9.Le fer
2.9.1.Propriétés fendamentales
2.9.2.Utilisation du fer
2.9.3.Pollution, Sources naturelles et anthropiques
2.9.4.Effets biologiques et toxicité
3.Le devenir des métaux lourds
3.1. Bioaccumulation
3.1.1. Assimilation
3.1.2.Bioconcentration
3.1.3.Bioamplification
4. Classification des organismes aquatiques en fonction de la bioconcentration
CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODES
1 .Description du site d’étude
1.1. Le lac Mellah et son bassin versant
1.2 .Lac Oubeira et son bassin versant
1.3. Lac Tonga et son bassin versant
2. Echantillonnage
3. Mode de prélèvement et traitement des échantillons
3.1.Mode de prélèvement de l’eau
3.2.Traitement de l’échantillon d’eau
3.3.Mode de prélèvement du Sédiment
3.4.Traitement du sédiment
3.5. Mode de Prélèvement des bivalves et des anguilles
3.6.Traitement de la chair des bivalves et du foie des anguilles par la méthode du « dry Ashing Procedure »
4.Analyses statistiques
4.1.Analyses statistiques univariées
4.1.1.Description des données
4.1.2.L’analyse de la variance à un critère de classification (AV1)
4.1.3. Le test de la PPDS ; « Plus Petite Différence Significative »
5. Normes de qualité admises pour évaluer les niveaux de contamination
5.1. Les normes de qualité dans les eaux de surface
5.2. Valeurs guides des teneurs en métaux lourds dans le sédiment
5.3.L’indice de contamination Ic pour évaluer le degré de pollution
5.4 .Nomes de qualité de la chair des bivalves
5.5.Normes des éléments traces métalliques chez les poissons
6. Méthode d’analyse des métaux lourds
CHAPITRE III : RESULATS
PREMIERE PARTIE : LAC TONGA
1. Teneurs en métaux lourds dans l’eau et le sédiment superficiel du lac Tonga…..
1.1.Le fer
1.2.Le cuivre
1.3.Le zinc
1.4.Le manganèse
1.5.Le nickel
1.6.Le chrome
1.7.Le plomb
1.8.Le cadmium
1.9.Le mercure
2 – Teneurs en métaux lourds relevées dans le foie de l’anguille peuplant le lac Tonga
3 .Détermination du niveau de la contamination métallique au niveau du lac Tonga
DEUXIEME PARTIE : LAC OUBEIRA
1. Teneurs en métaux lourds dans l’eau et le sédiment superficiel du lac Oubeira
1.1.Le fer
1.2.Le cuivre
1.3.Le zinc
1.4.Le manganèse
1.5.Le nickel
1.6.Le chrome
1.7.Le plomb
1.8.Le cadmium
1.9.Le mercure
2. Teneurs en métaux lourds relevées dans la chair d’Anodonte peuplant le lac Oubeira
3. Détermination du niveau de la contamination au niveau du lac Oubeira
TROISIEME PARTIE : RESULTATS LAC EL-MELLAH
1.Teneurs en métaux lourds dans l’eau et le sédiment superficiel de la lagune ElMellah
1.1.Le fer
1.2.Le cuivre
1.3.Le zinc
1.4.Le manganèse
1.5.Le nickel
1.6.Le chrome
1.7.Le plomb
1.8.Le cadmium
1.9.Le mercure
2.Teneurs en métaux lourds relevées dans la chair de palourde récoltée dans la lagune El-Mellah
3. Détermination du niveau de la contamination métallique au niveau de la lagune El Mellah
Discussion
Conclusion