Les méningites purulentes sont des affections graves, qui ont une évolution fatale inéluctable en l’absence de traitement spécifique pratiqué en urgence [62].Elle constituent l’une des plus grandes urgences médicales de la pathologie infectieuse [35]. Leur évolution reste caractérisée par une lourde mortalité et d’importantes séquelles psychomotrices et neurosensorielles. [63] Le nombre de cas de ces méningites est estimé à plus d’un million par an dans le monde. Elles sont à l’origine d’une mortalité élevée dans les pays pauvres comme dans les pays industrialisés, malgré les progrès des politiques vaccinales et le développement des nouvelles stratégies antibiotiques.[17] L’OMS estime que les risques d’épidémies de méningite cérébro spinale sont une actualité de santé publique en Afrique sub-saharienne où la mortalité de cette maladie est de trente mille personnes par an. [29] Les trois germes les plus fréquemment en cause des méningites purulentes chez l’enfant sont : Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis et Haemophilus influenzae b.
Ces affections surviennent selon deux modes épidémiologiques :
❖ Un mode épidémique surtout dû à Neisseria meningitidis et qui sévit spécialement dans une zone en Afrique subsaharienne dite « la ceinture méningitique ».
❖ Un mode endémo-sporadique qu’on rencontre notamment au Maroc, et qui nécessite une surveillance épidémiologique rapide.
Au Maroc, comme dans les autres pays en voie de développement, des facteurs favorisants augmentent la fréquence et la gravité de cette infection. Il s’agit des mauvaises conditions d’hygiène, du niveau socio-économique bas, de l’automédication et de l’insuffisance dans le domaine de l’éducation sanitaire.[2] La précocité du diagnostic, l’identification du germe en cause et la mise en route rapide d’un traitement adapté, permettent une amélioration favorable et diminuent le risque de séquelles neurologiques. Le traitement des méningites purulentes repose sur une antibiothérapie bactéricide initialement empirique choisie en fonction de l’age, du terrain, du tableau clinique, et du contexte épidémiologique, puis adapté au germe isolé dans le liquide céphalo-rachidien (LCR). [18] Cependant la disparition des méningites purulentes à Haemophilus influenzae b par l’administration du vaccin antiHaemophilus, l’augmentation de la résistance de Streptococcus pneumoniae à la pénicilline et l’émergence de souches de Neisseria meningitidis résistantes aux Bêta lactamines ont modifié les stratégies thérapeutiques.
GENERALITES SUR LES MENINGITES PURULENTES
DEFINITION
La méningite purulente est une inflammation des méninges et du liquide céphalorachidien (LCR) d’origine bactérienne. C’est une affection cosmopolite, fréquente en zone intertropicale et due principalement à trois bactéries: Neisseria meningitidis, Haemophilus influenzae, et Streptococcus pneumoniae. Le processus inflammatoire s’étend dans tout l’espace sousarachnoïdien du cerveau à la moelle épinière et se caractérise par la présence d’un nombre augmenté de globules blancs dans le LCR. Il s’agit d’une grande urgence médicale, diagnostique et thérapeutique.
ANATOMIE DES MENINGES
La paroi osseuse de l’endocrâne est tapissée par des membranes appelées méninges qui sont la dure mère, l’arachnoïde et la pie mère. La dure-mère se trouve contre la table interne de l’os. C’est une membrane épaisse, fibreuse et résistante. L’Arachnoïde se trouve en dedans de la membrane dure-mérienne. Elle est composée d’un feuillet pariétal (contre la dure mère) et d’un autre feuillet viscéral. L’arachnoïde est séparée de la dure mère par une fente capillaire dite espace sous-dural. La Pie-mère est une membrane méningée appliquée sur la surface du cerveau, contenant un riche réseau vasculaire. C’est la membrane nourricière des centres.
PATHOGENIE
Le germe gagne les espaces méningés par plusieurs voies :
Méningites primitives
Le germe est amené aux espaces méningés par voie hématogène lors de septicémie et bactériémie.
Méningites secondaires
Ici l’invasion des méninges peut se faire :
-soit par contiguïté à partir d’un foyer infectieux ORL (sinusite, pharyngé, otite, mastoïdite).
-soit directement par : traumatisme cranio-vertébral, complication d’un geste chirurgical, malformation congénitale, ponctions lombaires, rachianesthésie des encéphalopathies gazeuses.
PHYSIOPATHOLOGIE
Les trois germes responsables de la majorité des méningites bactériennes de l’enfant sont des germes de portage du rhino-pharynx : Pneumocoque, Méningocoque, Haemophilus influenzae. La pénétration des germes dans le LCR se fait essentiellement par voie hématogène lors de septicémie ou bactériémie avec franchissement secondaire de sites sensibles de la barrière hémato-encéphalique (BHE), tels que les plexus choroïdes et la micro-vascularisation cérébrale [44]. La contamination est beaucoup plus rarement directe par extension d’un foyer régional de voisinage « thrombophlébite locale ».
Ces agents pathogènes à multiplication extracellulaire possèdent des facteurs qui leur permettent de coloniser l’oropharynx grâce à l’adhésine, Immunoglobuline A protéase, de dessiminer par voie hématogène grâce à la capsule polysaccharidique, les lipo-oligos, le système de captation de fer, et enfin d’envahir les méninges grâce au Lipopolysaccharide, au Facteur d’adhésion aux cellules endothéliales.[45] Les bactéries se multiplient très rapidement dans le LCR au sein du quel il n’existe aucune bactéricidie naturelle. [18] Cette multiplication s’accompagne d’une lyse permanente d’une partie d’entre-elles, entraînant une libération continue de produits des parois bactériennes tels que l’endotoxine des bactéries à Gram négatif (lipopolysaccharide) ou les polymères d’acide techoïques du pneumocoque. Ces produits bactériens stimulent les cellules macrophagiques cérébrales et les cellules endothéliales vasculaires qui vont en réponse, sécréter de nombreuses cytokines dont le Tumor Necrosis Factor TNF, l’Interleukine 1B et l’Interleukine 6. La libération de ces cytokines induit : d’une part l’afflux de polynucléaires (PN) dans le LCR. Ces PN sont capables d’adhérer aux cellules endothéliales et de traverser leurs surfaces s’il y a stimulation par le TNF, l’IL1 ou même le LPS. Des molécules appartenant à la famille des immunoglobulines, des intérgrines et des sélectines sont impliquées dans ce processus. Elle induit d’autre part l’augmentation de la perméabilité de la BHE. L’interaction de ces deux événements conduit à l’inflammation méningée et à l’œdème cérébral.
La conséquence de cet œdème est une hypertension intracrânienne et une diminution du flux sanguin cérébral qui rend compte d’une bonne partie de la symptomatologie des méningites purulentes. De même, l’inflammation méningée peut aboutir à de profondes altérations vasculaires sur les vaisseaux méningés. Cette vascularité s’accompagne de thromboses qui, avec l’hypertension intracrânienne, participent à l’anoxie cérébrale et à de profondes altérations du débit sanguin cérébral.
ETIOLOGIE DES MENINGITES PURULENTES
Méningocoque
Neisseria meningitidis est un diplocoque Gram négatif, intracellulaire qui pousse en aérobiose à 37c° en moins de 24h. C’est une bactérie strictement humaine qui ne survit pas dans l’environnement et dont le réservoir est le nasopharynx de l’Homme. La transmission se fait directement d’un sujet à un autre par voie aérienne à partir de gouttelettes de salive et des mucosités naso-pharyngées provenant de porteurs sains ou de malades. N.meningitidis est le principal agent bactérien responsable des méningites purulentes de l’enfant [19]. Il existe 13 sérogroupes mais trois (A, B et C) d’entre eux sont à l’origine de plus de 90% des cas [31]. En France, le sérogroupe B prédomine, mais le sérogroupe C est en croissance régulière depuis 1980. Au USA, c’est le sérogroupe B qui prédomine. En Afrique, le sérogroupe A est au premier plan.
Pneumocoque
Streptococcus pneumoniae est un cocci Gram positif encapsulé, se présentant sous forme de diplocoque ou de courtes chaînette à l’examen microscopique. [31 ] Sa fréquence demeure élevée dans les pays du tiers monde notamment en Afrique subsahélienne. [22] Les portes d’entrées du pneumocoque sont le plus souvent :
-ORL : Sinusite, Otite, Mastoïdite.
-Pulmonaire.
Haemophilus influenzae
Bacille Gram négatif, aéro-anaérobies facultatifs de petite taille. Six sérogroupes (a, b, c, d, e, f) ont été décrits par Pittman en fonction de la structure antigénique de la capsule du germe, et ce sont les souches capsulées de type b qui sont responsables de M.P. Haemophilus influenzae sérogroupe b était avant la vaccination le germe le plus fréquemment en cause des MP Chez le jeune nourrisson.
Autres bactéries
Elles sont rarement rencontrées, et seulement dans des circonstances particulières.Il s’agit de :
-Staphylocoques ou bacilles Gram (-) : Milieu neurochirurgical ou ORL.
-Germes opportunistes : Chez les sujets immunodéprimés.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I :GENERALITES SUR LES MENINGITES PURULENTES
1- Définition
2- Anatomie des méninges
3- Pathogénie
3-1- Méningites primitives
3-2- Méningites secondaires
4- Physiopathologie
5- Etiologie
5-1-Méningocoque
5-2-Pneumocoque
5-3- Haemophilus influenzae
5-4- Autres bactéries
CHAPITRE II: EPIDEMIOLOGIE DES MENINGITES PURULENTES
1-Forme endémo-sporadique
2- Poussées épidémiques
CHAPITRE III : ASPECTS CLINIQUES DES MENINGITES PURULENTE
1- Modalité de début
1-1-Début aigu
1-2-Début sur aigu
1-3-Début progressif
2- Durée d’évolution avant l’hospitalisation
3- Notion de terrain réceptif
4- Principaux signes cliniques à la phase d’état
4-1-Tableau typique
4-1-1-Syndrome infectieux
4-1-2 -Syndrome méningé
4-1-3-Syndrome rachidien
4-2-Tableau clinique atypique
4-2-1-Age de l’enfant
4-2-2-Prise préalable d’antibiothérapie
5- Arguments cliniques d’orientation étiologiques
5-1-Méningite à MNO
5-2-Méningite à PNO
5-3-Méningite à Haemophilus influenzae
6- Les complications
6-1- Complications infectieuses
6-2- Complications neurologiques immédiates
6-3- Séquelles neurologiques
CHAPITRE IV : DIAGNOSTIC DES MENINGITES PURULENTES
1- Ponction lombaire
2- Aspect du LCR
2-1-Aspect macroscopique
2-2-Etude cytologique du LCR
2-3-Etude biochimique du LCR
2-3-1-Hyperalbuminorachie
2-3-2-Hypoglycorachie
2-3-3- Chlorurachie
2-4-Etude bactériologique classique du LCR
2-4-1-Examen direct
2-4-2-Culture
2-5-Techniques récentes
2-5-1-Recherche des antigènes solubles dans le LCR
2-5-2-Examen d’orientation
2-5-2-1-Dosage quantitatif de la C.réactive protéine
2-5-2-2-Dosage de l’acide lactique
2-5-2-3-Eléctrophorèse de la lacticodéshydrogénase
3- Autres examens complémentaires
3-1-Hémoculture
3-2-Ionogramme sanguin et urinaire
3-3-Radiographie pulmonaire
3-4-EEG, audiogramme, TDM cérébral
CHAPITRE V : TRAITEMENT DES MENINGITES PURULENTES
1- Les antibiothérapie : consensus national
1-1-Critère de choix d’ATB
1-2-Antibiothérapie probabiliste d’urgence
1-3-Antibiothérapie avec germe isolé
1-3-1-Méningocoque
1-3-2-Pneumocoque
1-3-3-Haemophilus influenzae
1-4-Posologie quotidienne, voie et rythme d’administration des ATB
1-5-Antibiotiques en fonction du germe et de l’âge
1-6-Durée et conduite de l’antibiothérapie
2- Traitement adjuvants
2-1-Corticothérapie
2-2-Restriction hydrique
2-3-Traitement d’un collapsus
2-4- Traitement antipyrétique
2-5-Anticonvulsivants
3- Traitement chirurgical
CHAPITRE VI : EVOLUTION DES MENINGITES PURULENTES
1-Eléments de surveillance
1-1-Surveillance de l’évolution des MP sous traitement en milieu hospitalier
1-1-1-Critères cliniques de surveillance
1-1-2- Critères biologiques de surveillance
1-2-Surveillance au long cours
2- Critères d’arrêt et durée de l’antibiothérapie
2-1-Durée de l’antibiothérapie
2-2-Critères d’arrêt
2-3-Imagerie
2-4-Problème de fièvre prolongée
CONCLUSION