Dans le temps, il y a maintenant plus de 60 ans, des vétérinaires présents sur le terrain avaient signalé la présence de composés oestrogéniques dans les plantes rencontrées ; composés pouvant induire la période de rut (période d’activité sexuelle pendant laquelle les mammifères cherchent à s’accoupler) chez des animaux encore immatures ou interférer dans les processus normaux de reproduction(1). Ces composés, pouvant avoir des propriétés oestrogéniques et même antioestrogéniques sont appelés phytoestogénes et on dénombre de nos jours plus de 300 plantes disposant de ces propriétés (1). Parmi ces composés, sont retrouvés les coumarines, les stilbénes, les lignanes, objet de cette étude. Les lignanes sont des composés présents dans de nombreux végétaux mais également retrouvés chez l’homme et les animaux sous formes de métabolites secondaires (2). Ils constituent ainsi une classe importante de produits naturels dotés de propriétés intéressantes qui témoignent aujourd’hui de la place qu’ils occupent dans le monde. Ce sont des métabolites secondaires appartenant au groupe des polyphénols connus pour leurs diverses propriétés notamment celles anti oxydantes, anti tumorales, anti inflammatoire, analgésiques, hépatoprotectrices. On retrouve essentiellement les lignanes dans les graines de lin principalement, puis de sésame, de soja et d’autres légumineuses à des quantités variées. Le terme lignane a été introduit pour la première fois par Haworth en 1936(3). Ce nom dériverait de leur analogie avec la lignine qui est un composé essentiel du bois avec une chaine phénylpropanique synthétisée par les végétaux chez lesquels elle assure le durcissement de l’écorce (3). La présente étude a pour objectif de contribuer à la connaissance des lignanes en mettant à disposition une revue où seront consignés les prés requis sur ces derniers.
GENERALITES SUR LES LIGNANES
Définition et structure de base des lignanes
définition
Les lignanes constituent un groupe de composés naturels généralement retrouvés dans le règne végétal mais également animal. Les graines de lin, de sésame, d’haricots blancs, de lentilles et de soja en sont les principales sources(4).Il existe un grand nombre de lignanes isolés du bois ou de la résine des conifères mais également retrouvés chez les mammifères sous forme de métabolites. La distribution botanique des lignanes est large : plusieurs centaines de composés ont été isolés dans environ soixante–dix familles. Chez les Gymnospermes, les lignanes sont surtout rencontrés dans les bois alors que chez les Angiospermes, ils ont été identifiés dans tous les tissus, de toutes les parties des plantes : les racines, les feuilles, les fruits et les graines (5). Il s’agit là de métabolites secondaires des plantes, caractérisés par la condensation de deux unités phénylpropanoïdes (C6C3)2 via leur carbone 8-8’ contrairement à la lignine qui est un polymère de C6C3 généralement confondue aux lignanes (5). Lignanes et lignines sont formés à partir de la voie des phénylpropanoïdes et partagent ainsi les mêmes précurseurs : les monolignols. Cependant la lignine est un polymère phénolique complexe présent dans les parois végétales de certaines cellules spécialisées (xylème, sclérenchyme) où elle joue un rôle important de support mécanique et de défense. Tandis que les lignanes sont des dimères de monolignols reliés entre eux au niveau des carbones 8 et 8’ la plupart du temps et rencontrés chez de nombreux végétaux .
Structures de base des lignanes
Les lignanes (fig. 2(2)) appartiennent à un vaste ensemble de composés appelés cyclooctanoides car possédant deux sous unités phénylpropanoides (fig. 2(1)) pouvant se combiner de façon à former un cycle à huit atomes de carbones appelé dibenzocyclooctadiene(8).Ce sont des composés à huit chainons qui regroupent outre les lignanes, les terpènes et les pigments. Deux revues de renommée ont traité ce sujet en 1992 puis en 1999(9). En règle générale les composés possédant un cycle de taille moyenne (7 à 12 chainons) sont plus difficiles à synthétiser que des composés avec des cycles de petites tailles (5 à 6 chainons).L’approche est également très différente de celle des cycles de grande taille (≥ 12 chainons).Ceci est essentiellement dû à deux facteurs : la tension de cycle et les interactions transannulaires. Un facteur supplémentaire lié à ceux-ci est la conformation des cyclooctanoides. En effet, les cyclooctanoides peuvent prendre environ 10 conformations différentes parmi lesquelles la (BC) et la (CR) sont les plus stables à la température ambiante (9).
Il existe également un certain nombre de lignanes dont la liaison C-C se fait différemment ; c’est à dire d’une manière différente des liaisons 8-8’ au niveau des carbones .Ce nouveau groupe constitue celui des Néolignanes (fig. 3) (10).
Voies de biosynthèse des lignanes
Précurseurs des lignanes
Les précurseurs des lignanes et du polymère de lignine sont les monolignols, eux mêmes issus de la phénylalanine. La synthèse des précurseurs de lignanes utilise la voie générale des phénylpropanoïdes. Dans cette voie la phénylalanine (elle-même issue de la voie du shikimate) est convertie en acide transcinnamique, qui subira par la suite des étapes successives d’hydroxylation et de méthylation pour donner l’acide para-coumarique, l’acide caféique, l’acide férulique, l’acide 5 hydroxyférulique et l’acide sinapique. Les acides hydroxycinnamiques sont largement estérifiés avec une diversité de composés, comme la cutine, la subérine, la lignine, les oses, les protéines, les lipides, les acides aminés, les terpénoïdes, les alcaloïdes et les flavonoïdes, ainsi que d’autres composés contenant un groupement hydroxyle (fig. 4) (11). Chez les plantes, les acides hydroxycinnamiques sont des composés centraux dans le métabolisme des composés phénoliques, végétaux impliqués dans les mécanismes de défense, dans l’inhibition ou l’activation d’enzymes et la morphogenèse. De plus, les acides hydroxycinnamiques sont les précurseurs d’un grand nombre de classes de composés tels que lignine, lignanes, flavonoïdes (pigments permettant notamment la protection contre les UV), phytoalexines à savoir: isoflavonoïdes, coumarines, stilbènes ou dérivés d’acide benzoïque (fig. 5). Puis cette voie de biosynthèse se poursuit par la voie des monolignols. La formation de l’alcool coniférylique, précurseur commun de la plupart des lignanes et néolignanes et des unités guaïacyles de lignine, est le résultat de deux étapes de réductions successives catalysées par la cinnamoylCoA réductase (CCR). La CCR, lorsqu’elle utilise le féruloyl-coA en tant que substrat conduit à la formation du coniféraldéhyde suivie de la coniféraldéhyde déshydrogénase (CAD). Ces 2 réductases sont NADPH dépendantes et sont responsables de la formation des monolignols, en particulier de l’alcool coniférylique .
Il a également été retrouvé dans la littérature d’autres voies de biosynthèse des lignanes spécifiques à savoir ceux du lin et du sésame cependant le précurseur de cette biosynthèse demeure le même que celui de tous les lignanes.
Etude de la biosynthèse des lignanes à l’aide de précurseurs isotopiquement marqués
Ce projet a eu comme objectif l’étude du métabolisme des lignanes dans des suspensions cellulaires de lin réalisé à l’aide de précurseurs des lignanes marqués au carbone 13 synthétisés au laboratoire .
Il est noté qu’à l’issue de ce projet, six précurseurs des lignanes doublement marqués par des carbones 13 ont été synthétisés. Leur utilisation dans des expériences de supplémentassions dans des cultures de Lin in vitro a pu mettre en évidence la biosynthèse de différents lignanes possédant le marquage isotopique (12). En plus de la biosynthèse, les lignanes subissent énormément de procédés d’hémi synthèse ou de synthèse totale chimique à partir de dérivés issus des plantes ou des animaux. Mais cette présente étude s’arrête à la biosynthèse des lignanes.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : Généralités sur les lignanes
I-Définition, structure de base et biosynthèse des lignanes
I-1-Définition
I-2-Structures de base
I-3-Voies de biosynthèse des lignanes
I-3-1-Précurseurs des lignanes
I-3-2-Etude de la biosynthèse des lignanes à l’aide de précurseurs isotopiquement marqués
II-Classification des lignanes
II-1-Classification selon la position de la liaison C-C liant les deux unités phénylpropanes
II-2-Classification selon le nombre d’unité phénylpropane
II-3-Autres classifications
III-Numérotation et nomenclature des lignanes
III-1-Numérotation des lignanes
III-2-Nomenclature des lignanes
IV-Les différentes sources de lignanes
IV-1-lignanes issus des végétaux
IV-2-lignanes issus des oléagineux
IV-3-lignanes issus des céréales
IV-4-lignanes issus des fruits
IV-5-lignanes issus de boissons alcoolisées
IV-6-lignanes issus de boissons non alcoolisées
IV-7-autres sources de lignanes
Chapitre II : Propriétés physico-chimiques, extraction et méthodes d’analyse des lignanes
I-Propriétés physico-chimiques des lignanes
II-Choix des plantes, extraction et méthodes d’analyse des lignanes
II-1-Choix des plantes et justificatifs
II-2-Extraction des lignanes à partir des plantes choisies
II-2-1-Extraction des lignanes du Schisandra
II-2-2-Extraction des lignanes du lin
II-2-3-Extraction des lignanes du sésame
II-2-4-Extraction de la podophyllotoxine
II-3-Méthodes d’analyses des lignanes
II-3-1-Principe général des méthodes chromatographiques
II-3-2-Chromatographie planaire
II-3-3- Chromatographie liquide haute performance
II-3-4-Chromatographie en phase gazeuse
II-3-5-Chromatographie en phase gazeuse à haute température
II-3-6-Chromatographie électrocinétique micellaire
II-3-7-Résonance Magnétique Nucléaire
Chapitre III : Activités pharmacologiques des lignanes
I -Activité anti oxydante
II-Activité anti tumorale
III-Activité favorable sur la ménopause
IV-Activité anti-inflammatoire
V-Activité analgésique
VI-Protection contre les maladies cardiovasculaires
VII-Effet hépatoprotecteur
VIII-Effet antimalarique
IX- Autres effets des lignanes
COMMENTAIRE
CONCLUSION