La leucémie est une pathologie grave du sang. Elle est rarement rencontrée en service de réanimation en dehors des complications dont les plus graves sont la Coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD) et la septicémie. Ce travail intitulé « Leucémie aiguë révélée par une CIVD », est une étude rétrospective à propos d’un cas survenu au service de Réanimation Médical du Centre Hospitalier Universitaire Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona Ampefiloha Antananarivo (CHU HJRA). Devant la contrainte temps, l’insuffisance de moyens d’investigation, l’absence de protocole établi, la prise en charge d’un tel cas de syndrome hémorragique présente d’innombrables difficultés.
GENERALITES SUR LES LEUCEMIES AIGUES
Les leucémies sont un ensemble de cancers affectant le sang. Au XIXe siècle, ce terme ne désignait qu’une seule maladie mortelle. Le sang extrait des patients atteints par cette maladie était d’aspect blanchâtre. On distingue aujourd’hui de nombreux types de leucémies qui demandent chacune un traitement spécifique . En 1847, Rudolf Virchow, un médecin histologiste allemand, fut l’un des premiers à décrire la leucémie. Cette maladie débute dans la moelle osseuse. Les cellules leucémiques se comportent de manière anormale en raison d’une modification de leur génome avec une accumulation, au niveau de leur ADN, de mutations acquises qui permettent la transformation de la cellule. Les cellules souches de la moelle osseuse produisent quotidiennement des milliards de globules rouges, de globules blancs et de plaquettes. La leucémie est caractérisée par une prolifération anormale et excessive de précurseurs des globules blancs, bloqués à un stade de différenciation, qui finissent par envahir complètement la moelle osseuse. S’installe alors un tableau d’insuffisance médullaire avec production insuffisante de globules rouges (source d’anémie), de globules blancs normaux, polynucléaires principalement, (leuconeutropénie, source d’infections graves) et de plaquettes (thrombopénie, source d’hémorragies provoquées ou spontanées). Les cellules leucémiques peuvent également envahir d’autres organes comme les ganglions lymphatiques, la rate, le foie, les testicules ou le système nerveux central. D’après une conférence du professeur Degos (hématologie, hôpital Saint-Louis à Paris) à la Fondation pour la recherche médicale, les progrès en matière de leucémie sont plus rapides que pour d’autres formes de cancer. L’une des raisons en est la facilité de tester l’effet des médicaments : il est nettement plus facile en effet de multiplier les prélèvements sanguins ou médullaires que d’effectuer des ponctions ou des biopsies de tumeurs du poumon ou du foie. Actuellement, on dispose même de produits dits différenciants qui permettent de normaliser le comportement d’une cellule leucémique. Le meilleur exemple en est le traitement des LAM3 par l’acide tout-trans rétinoïque. Le rôle préventif de ces médicaments différenciants est discuté. Sans constituer à proprement parler une « vaccination » contre les leucémies, elles en représenteraient une sorte d’équivalent fonctionnel » (exposé du professeur Degos à la Fondation pour la recherche médicale, 9 septembre 2004, publié en octobre 2004 dans les comptes-rendus du cycle de conférences) (1). Historiquement, on distingue, selon la vitesse d’évolution, les leucémies aiguës et les leucémies chroniques. Selon l’aspect des cellules au microscope optique, ces leucémies vont être classées en différents sous-types cytologiques.
DEFINITIONS
Les leucémies aigues (LA ) sont des proliférations clonales et malignes de cellules hématopoiétiques immatures ( blastes ) , bloquées dans leur processus de différenciation, qui envahissent la moelle osseuse puis le sang périphérique et finalement de nombreux organes. Ce phénomène d’expansion clonale s’accompagne d’une insuffisance médullaire quantitative.(2) Le caractère aigu de la leucémie est défini par le potentiel évolutif rapide (en quelques semaines) des symptômes et signes biologiques de la maladie et le caractère rapidement létal des troubles viscéraux engendrés, ceci en l’absence d’un traitement efficace. Leur incidence annuelle est de 3 pour 100 000 habitants. Ceci correspond à environ 2500 nouveaux cas de LAM et 1000 nouveaux cas de LAL par an en France (3). Les LAM prédominent chez l’adulte (avec une médiane autour de 60 ans, et une incidence qui augmente pour atteindre de 10 pour 100 000 sujets de 80 ans et plus).Les LAL représentent 80% des LA de l’enfant et 20% des LA de l’adulte ; elles ont 2 pics de fréquence : chez l’enfant de 2 à 10 ans (75% des cas sont diagnostiqués avant 6 ans) et chez l’adulte vers 70 ans. Le traitement des LA repose avant tout sur la chimiothérapie, éventuellement complétée par l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, et dans certains cas par des thérapeutiques plus spécifiques. Les modalités thérapeutiques diffèrent entre LAM et LAL. Si environ 3/4 des LA de l’enfant peuvent être guéries, ce n’est le cas que pour environ un tiers des LA de l’adulte.
On définit deux grands types de leucémies aiguës : lymphoblastiques (LAL) et myéloblastiques (LAM), en fonction de l’origine du précurseur hématopoïétique atteint. Les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) sont définies par un envahissement de la moelle osseuse par une population lymphoïde immature et monoclonale. La transformation maligne d’un progéniteur lymphoïde produit une descendance de cellules lymphoïdes bloquées à un stade précoce de la différenciation cellulaire et incapables de maturation terminale . Les précurseurs concernés par la transformation maligne sont des précurseurs lymphoïdes B ou T. La population cellulaire clonale envahit la moelle osseuse, perturbe le fonctionnement des progéniteurs normaux et entraîne une insuffisance médullaire. Le mécanisme de l’inhibition de l’hématopoïèse polyclonale normale est soit un encombrement physique de l’espace médullaire soit une inhibition de la différenciation des progéniteurs hématopoïétiques normaux soit l’association des deux mécanismes.
Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) sont définies par un envahissement de la moelle osseuse par une population myéloïde immature et monoclonale. La transformation maligne d’un progéniteur myéloïde (granuleux, monocytaire, érythroïde ou plaquettaire) produit une descendance de cellules myéloïdes bloquées à un stade précoce de la différenciation cellulaire et incapables de maturation terminale. Cette population cellulaire clonale envahit la moelle osseuse, perturbe le fonctionnement des progéniteurs normaux et entraîne une insuffisance médullaire. Le mécanisme de l’inhibition de l’hématopoïèse polyclonale normale est soit un encombrement physique de l’espace médullaire soit une inhibition de la différenciation des progéniteurs hématopoïétiques normaux soit l’association des deux mécanismes (6). Il en résulte la survenue d’un tableau clinico-biologique d’insuffisance médullaire (déficit en cellules matures des lignées hématopoïétiques). Les cellules leucémiques envahissent la moelle osseuse, ensuite le sang voire les tissus. La transformation maligne résulte de l’acquisition d’évènements génétiques lui conférant un avantage de survie et entraînant la perte de son potentiel de maturation cellulaire terminale. Les cellules leucémiques clonales qui en résultent (de phénotype myéloïde) envahissent la moelle osseuse et parfois la rate, les ganglions, les reins, le système nerveux central… La transformation maligne d’un progéniteur hématopoïétique normal en un progéniteur leucémique est liée à la modification d’une séquence d’acide nucléique d’un gène impliqué dans l’homéostasie cellulaire. L’avantage de survie du progéniteur transformé résulte :
– soit de l’activation d’un gène impliqué dans un avantage de croissance cellulaire (gène du cycle cellulaire ou protooncogène). Elle résulte soit d’une mutation soit de l’amplification par multiplication du nombre de copies du protooncogène soit de la juxtaposition d’une séquence d’activation par insertion de matériel génétique exogène ou par translocation chromosomique (accident somatique de cassure et recombinaison génétique qui met en contact un protooncogène avec une séquence nucléotidique « partenaire » activatrice ou fusionnelle)
– soit de l’inactivation d’un gène impliqué dans l’induction de l’apoptose (antioncogène) par mutation d’un gène inhibiteur de l’apoptose.
Les études cytogénétiques et moléculaires ont mis en évidence :
– l’existence d’une corrélation entre les groupes cytologiques de LAM définis par la classification FAB (ainsi nommée car définie en 1974 par un groupe de cytologistes français, américains et britanniques) et l’existence de certaines anomalies cytogénétiques et moléculaires.
– l’existence d’une hétérogénéité moléculaire dans la physiopathologie de la maladie.
CLASSIFICATION FAB DES LEUCEMIES AIGUES
Au début des années 1970, un groupe international constitué de chercheurs français, américains et britanniques a travaillé sur une nouvelle classification des leucémies aiguës en compulsant des centaines de dossiers médicaux de malades leucémiques. Il en a résulté la classification franco-américano-britannique, toujours utilisée aujourd’hui pour classer les leucémies aiguës. Cette classification reconnaissait 3 sous-types de leucémie aiguë lymphoblastique (LAL): L1, L2 et L3, et 7 sous-types de leucémie aiguë myéloblastique (LAM) : M1, M2, M3, M4 et M4Eo, M5 et M6. Secondairement ont été ajoutés les types M0 et M7. Sur le plan thérapeutique les LAL L1 et L2 sont traités dans les mêmes protocoles ; le type L3, appelé également Leucémie de Burkitt, relève d’un traitement différent. Pour les LAM, le type M3 (leucémie aiguë promyélocytaire) a bénéficié de progrès récents (utilisation de l’acide tout-trans rétinoïque et des sels d’arsenic) et est traitée selon des protocoles spécifiques ; les autres sous-types de LAM se traitent de façon identique.
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Table des matières
INTRODUCTION
RAPPELS
I. GENERALITES SUR LES LEUCEMIES AIGUES
II. DEFINITIONS
III. CLASSIFICATION FAB DES LEUCEMIES AIGUES
IV. CLASSIFICATION CLINICO-BIOLOGIQUE(OMS) DES LAM
IV.1. LAM de NOVO
IV.2. LAM secondaires
V. CLASSIFICATION OMS DES LAL
V.1. Leucémie lymphoblastique des précurseurs lymphoblastiques B/ Lymphome lymphoblastique
V.2. Leucémie lymphoblastique des précurseurs lymphoblastiques T/ Lymphome lymphoblastique
VI. FACTEURS ETIOLOGIQUES
VI.1. Facteurs génétiques
VI.2. Facteurs d’environnement
VI.3. Origine infectieuse des LAL
VI.4. Etats pré-leucémiques
VII. FACTEURS PRONOSTIQUES
VII.1. Facteurs pronostiques des LAM
VII.2. Facteurs pronostiques des LAL
PATIENT ET METHODE
DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
I. DIAGNOSTIC POSITIF DE CIVD
I.1. Diagnostic clinique de CIVD
I.2. Diagnostic biologique de CIVD
II. PRISE EN CHARGE ETIOLOGIQUE DE CIVD
II.1. Septicémie
II.2. Leucémie aiguë
III. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
III.1. PEC Thérapeutique de CIVD
III.2. PEC Thérapeutique de la septicémie
III.3. PEC Thérapeutique des LAM
III.3.1. Signes de gravité immédiate
III.3.2. Principaux facteurs pronostiques
III.3.3. Traitement des LAM
III.3.4. Surveillances
IV. NOS SUGGESTIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE