Principe de fonctionnement laser
Interactions rayonnement-matière
Les LASERs, acronyme anglais pour Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation, sont des systèmes optiques permettant l’amplification cohérente, spatialement et temporellement, de rayonnements du spectre électromagnétique (le plus classiquement IR, visible, voire plus récemment UV). Leur principe de fonctionnement fait intervenir trois phénomènes d’interaction rayonnement-matière .
Caractéristiques idéales du milieu amplificateur et conditions d’usage requises en laser de puissance
Pour réduire les contraintes thermiques subies par le milieu amplificateur, l’option la plus évidente reste la diminution du défaut quantique (cf. Equation I-8). Idéalement, les lasers à trois niveaux sont donc à privilégier aux quatre niveaux, dont le fonctionnement, reposant sur de multiples relaxations non-radiatives, induit des défauts quantiques plus élevés. Pour un laser trois niveaux, un compromis doit néanmoins être trouvé sur la différence en énergie des niveaux E2 et E3 (ΔE = E2 – E3) : Des écarts d’énergie ΔE trop élevés sont assurément défavorables, diminuant les probabilités de relaxations non-radiatives et induisant des défauts quantiques, et donc des chaleurs dégagées importantes. La volonté de réduction du défaut quantique pousserait donc à s’orienter vers des amplificateurs à ΔE toujours plus faibles, pourtant de telles conditions présentent l’inconvénient de permettre un repeuplement thermique plus aisé du niveau E2, et des effets thermiques plus facilement restrictifs en opération (cf. Loi de Boltzmann, Eq. I-7).
Le repeuplement thermique peut toutefois, théoriquement, être jugulé par un refroidissement efficace, si tant est que le milieu amplificateur possède une conductivité thermique suffisante. La propagation, et le libre parcours moyen des phonons au travers du réseau du milieu, lorsqu’on peut parler de réseau et donc de phonons toutefois (les verres et les gaz en étant exempts), devient alors un paramètre déterminant dans la prévention des effets thermiques et de l’élévation de température du matériau en usage, permettant aussi bien la répartition de la chaleur au sein du matériau, que son extraction efficace par les méthodes de refroidissement mises en œuvre. Néanmoins l’absorption des faisceaux de pompes pouvant parfois être fortement localisées dans le matériau, typiquement sur quelques microns lors de pompage par laser, les dégagements de chaleurs et élévations de températures qui en résultent peuvent l’être également, entrainant localement des gradients de températures importants.
Deux leviers d’optimisation de l’homogénéité spatiale de la température dans le milieu, permettant de limiter les chocs thermique et d’améliorer l’extraction de la chaleur, se démarquent dans ces équations :
✦ L’architecture de la cavité : La forme du faisceau de pompe, et la répartition de son absorption par le milieu amplificateur (agissants localement sur Qd(x,y,z,)). Intuitivement plus celle-ci est étendue, moins les gradients thermiques sont forts.
✦ Les paramètres amplificateur : la diminution de la densité en ions ou molécules actives (adaptation des taux de dopage) peut permettre une répartition plus favorable de l’absorption Qd et donc de la chaleur générée. Mais surtout, le choix d’amplificateurs de haute conductivité thermique k est le paramètre le plus critique. Cela motive d’autant plus le refroidissement continu des amplificateurs pour lasers de puissance que leur conductivité thermique est généralement dépendante de la température, et dans le cas le plus répandu largement accrue aux températures cryogéniques.
S’ils peuvent être au mieux limités, par l’ajustement de ces paramètres, les gradients de température sont néanmoins difficilement contournables. Il est donc primordial que les matériaux amplificateurs disposent, en plus de bonnes propriétés thermiques, d’une résistance à l’endommagement suffisante pour supporter de brusques variations thermiques. Des facteurs thermomécaniques, voire thermo-optiques, sont donc également à prendre en compte. En premier lieu, le coefficient linéaire de dilatation thermique αl , ainsi que sa dépendance en température, jouent un rôle important dans les problèmes de fracturation, l’inhomogénéité de température entrainant logiquement celle de l’expansion du matériau amplificateur, les gradients de température mènent à des contraintes locales propices à l’initiation de fractures. Le coefficient de dilatation agit alors comme principal levier des contraintes mécaniques thermiquement induites : Plus il sera faible, plus les contraintes exercées par la dilatation des zones « chaudes » seront réduites et moins les fracturations seront probables. Il est cependant contrebalancé par un second paramètre : la ténacité, K, du matériau, qui correspond à la quantité d’énergie nécessaire à la propagation des fractures au sein du milieu, caractérisant donc sa résistance à la fracturation. Plus celle-ci est élevée plus la progression des fractures dans le matériau nécessite un apport d’énergie conséquent, et doit donc logiquement être la plus importante possible.
Adéquation d’amplificateurs solides en céramique en réponse aux problématiques posées par les lasers de haute puissance moyenne
Pour mieux comprendre les raisons qui nous poussent, à envisager des amplificateurs solides et plus spécifiquement de type céramique en réponse aux problèmes que posent les applications à haute puissance et haute fréquence de répétition laser, nous allons devoir nous intéresser de plus près aux caractéristiques des systèmes préexistants pour en comprendre, aussi bien les avantages, qui ont motivé leur usage jusqu’alors, que leur déficiences qui poussent aujourd’hui à s’orienter vers des alternatives. Dans un premier temps, nous décrirons les trois grandes classes de lasers : liquide, gaz et solide dans leur généralité, et sans s’attacher aux caractéristiques de compositions spécifiques. Puis, dans une seconde partie, nous entrerons plus en détails sur les natures possibles des amplificateurs solides, qui se démarquent de leurs concurrents, gaz ou liquides. Il s’agira alors de montrer les fortes disparités, en particulier techniques et économiques entre les différents types de matériaux éligibles à l’amplification laser.
Différents types de systèmes lasers : Avantages, inconvénients et applicabilité à haute puissance
Lasers à colorants
Dans ce type de lasers, l’amplification est assurée par des molécules organiques, le plus souvent sous forme dissoutes ou naturellement liquides, et sont communément appelés par abus de langage, ‘‘lasers à liquides’’. Il est à noter néanmoins que les molécules actives peuvent parfois être incluses dans des matrices solides organiques[21-22], ou même hybrides[23] cependant ce cas de figure se présente plus rarement. Ils présentent l’avantage de couvrir la quasi-totalité du spectre électromagnétique, le panel de molécules actives éligibles étant relativement fourni (coumarine, fluorescéine, rhodamine…etc.), et chacun de leurs dérivés, indénombrables, permettant une modulation des niveaux d’énergie engagés dans la transition laser (qui varient de plus en fonction des solvants dans lesquels ils sont utilisés). Les diversités de conformations et d’interactions rencontrées dans les mélanges organiques leur confèrent également une large accordabilité (Fig.11), ainsi qu’un potentiel en génération d’impulsions brèves d’ores et déjà éprouvé, jusqu’à quelques dizaines de femtosecondes .
Pourtant, les lasers à colorants restent confinés à des applications basses ou moyennes puissances, en raison de limitations inhérentes à l’usage d’espèces organiques, souvent fragiles et sujettes aux altérations. Les molécules actives, ou même le solvant dans lequel elles sont dissoutes, peuvent être soumis à des dégradations d’ordre chimique : instabilités des molécules à long terme, photo-dégradation, altération par interaction solvant-soluté ; ou bien d’ordre thermique : dégradation sous la chaleur induite par le flux de pompe[26-28] , vaporisation du solvant…etc. Le mélange solvant-colorant est généralement renouvelé, en flux continu, d’un réservoir vers la cavité laser, ou plus simplement mis en convection pour limiter les problèmes d’instabilité sous flux laser. Malgré ces mesures, les colorants ont néanmoins des durées de vie relativement réduites, et sont à considérer comme des consommables, à renouveler régulièrement. Les lasers à colorants nécessitent donc des maintenances régulières sinon continues. En outre, la question de la toxicité des solvants utilisés reste également problématique (méthanol, éthylène glycol…).
Malgré des propriétés optiques qui sont indiscutablement avantageuses, en particulier en termes d’accordabilité et de largeur temporelle d’impulsion, la trop grande fragilité des molécules assurant l’amplification dans les lasers à colorant les excluent d’office d’un usage en laser de puissance, où les contraintes thermiques induiraient fatalement une rapide photo/thermo-dégradation.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I Généralités sur les lasers de puissance : Problématiques et limites technologiques
I.1. Principe de fonctionnement laser
I.1.1. Interactions rayonnement-matière
I.1.2. Cavité laser et conditions d’inversion de population
I.1.3. Laser trois et quatre niveaux
I.1.4. Mise en œuvre du principe et évolution des systèmes laser
I.2. Problématiques du fonctionnement en hautes puissances et cadences de répétition
I.2.1. Le défaut quantique, inévitable source de chaleur
I.2.2. Caractéristiques idéales du milieu amplificateur et conditions d’usage requises en laser de puissance
I.3. Adéquation d’amplificateurs solides en céramique en réponse aux problématiques posées par les lasers de haute puissance moyenne
I.3.1. Différents types de systèmes lasers : Avantages, inconvénients et applicabilité à haute puissance
I.3.1.1. Lasers à colorants
I.3.1.2. Lasers à gaz
I.3.1.3. Lasers solides
I.3.2. Lasers solides : Variétés de nature du milieu amplificateur
I.3.2.1.Les monocristaux
I.3.2.2. Les verres
I.3.2.3. Les céramiques transparentes
I.3.2.4. Bilan comparatif : la fatalité d’un compromis sur le trio propriétés optiques, mécaniques et coûts ?
I.4. Positionnement du fluorure de calcium en tant que milieu amplificateur pour lasers de haute puissance moyenne
I.4.1. Compromis entre largueur de bande d’émission et conductivité thermique, un inextricable dilemme ?
I.4.2. Facteurs de mérites et résistance à l’endommagement sous flux laser
I.4.3. Autres facteurs de comparaison importants
I.5. L’Yb3+ en tant qu’ion actif en lasers de puissance, et propriétés spectroscopiques spécifiques dans la matrice CaF2
I.5.1. Diagramme énergétique de l’ion Yb3+: Avantages et inconvénients d’un fonctionnement laser de type ‘‘quasi-trois niveaux’’
I.5.2. Organisation dans la structure CaF2 : Origine de la largeur de bande d’émission
Chapitre I Conclusion
Chapitre I – Références
Chapitre II Elaboration et optimisation des caractéristiques des nano-poudres précurseurs aux céramiques CaF2:Yb
II.1. Rappel sur les caractéristiques et paramètres attendus de poudres destinées au frittage de céramiques parfaitement denses
II.1.1. Vers une poudre monodisperse, ou une polydispersité contrôlée ?
II.1.2. Contrôle de l’agrégation
II.1.3. Etat de surface des particules et impératifs de pureté
II.1.4. Résumé des caractéristiques attendues des poudres CaF2:Yb, précurseurs à l’obtention de céramiques transparentes
II.2. Méthode d’élaboration de nano-poudres de CaF2:Yb
II.2.1. Sélection d’une méthode de synthèse
II.2.2. Protocole de synthèse usuel
II.3. Caractéristiques physico-chimiques des nano-poudres CaF2:Yb
II.3.1. « Etat des lieux » sur les nano-poudres CaF2:Yb issues de coprécipitation : Rappels et discussions sur les imperfections identifiées des poudres précurseurs
II.3.2. Granulométrie
II.3.2.1. Dispersion en taille et morphologie des particules primaires
II.3.2.2. Influence du taux de dopage
II.3.3. Caractérisation de l’état de surface
II.3.3.1. Evolution de la nature des espèces adsorbées de la synthèse au lavage des poudres
II.3.3.2. Influence du recuit sur l’adsorption, et discussion sur l’impact des nitrates résiduels
II.3.3.3. Oxydation de surface, et influence de recuits sous atmosphère fluorante
II.3.4. Etat d’agrégation des particules
II.3.4.1. Facteurs déterminants de l’agrégation
II.3.4.2. Distribution de taille des agrégats en poudre sèche
II.3.4.3. Disparités entre poudre sèche et dispersée dans l’eau
II.3.4.4. Estimation de la force de cohésion des agrégats formés au séchage
Chapitre II Conclusion
Chapitre II – Références
Chapitre III Optimisation et intérêt comparé de mises en forme à sec et humides : Conséquences sur la densité et la microstructure post-frittage
III.1. Mise en forme par voie sèche
III.1.1. Principe et avantages d’une mise en forme par pressage isostatique
III.1.2. Caractéristiques du corps à cru
III.1.3. Comportement et densification du corps à cru au traitement thermique
III.1.3.1. Effet de la température de frittage sur la microstructure, la densité et la nature des porosités résiduelles
III.1.3.2. Influence de l’atmosphère de frittage sur la densité et la teneur en phases parasites des céramiques
III.1.4. Limites de la densification par frittage naturel
III.1.5. Réduction des porosités résiduelles par frittage sous contrainte
III.1.5.1. Méthode
III.1.5.2. Influence sur la microstructure et la porosité
III.1.6. Caractérisation des défauts subsistants
III.1.7. Examen critique du procédé de mise en forme et de frittage
III.2. Mise en forme par voie humide : Coulage de barbotines
III.2.1. Principe et état de l’art dans le secteur des céramiques optiques
III.2.2. Stabilité des suspensions nanoparticulaires de CaF2:Yb
III.2.2.1. Rappels théoriques sur la stabilisation de suspensions colloïdales
III.2.2.2. Potentiel de surface et stabilisation de particules CaF2:Yb
III.2.3. Préparation de suspensions de poudres sèches, et mise en forme d’un corps à cru
III.2.3.1. Mise en suspension de poudres sèches
III.2.3.2. Mise en forme et séchage du corps à cru
III.2.4. Densification par frittage naturel
III.2.5. Adaptation de la méthode aux contraintes de nanoparticules de CaF2:Yb
III.2.5.1. Usage de poudres sans transition par l’état sec
III.2.5.2. Méthode et conditions de coulage
III.2.5.3. Conditions de séchage et impact sur la formation des fractures
III.2.5.4. Comportement du corps à cru au traitement thermique
III.2.6. Caractérisation des défauts subsistants
III.2.7. Etude sur la faisabilité de systèmes complexes par coulage de dispersions
III.2.8. Examen critique du procédé de mise en forme
III.3. Mise en forme par voie humide : Centrifugation de dispersions
III.3.1. Principe de mise en forme et comparaison à l’état de l’art
III.3.2. Caractéristiques du corps à cru et comportement au traitement thermique
III.3.3. Caractérisation des défauts résiduels
III.3.4. Examen critique du procédé de mise en forme
Chapitre III Conclusion
Chapitre III – Références
Conclusion générale
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