Généralités sur les granulats recyclés
Production et traitement des déchets du BTP, un peu de statistiques
Chaque année, la France produit environ 300 Millions de tonnes de déchets issus des différentes activités économiques industrielles : extractives, manufacturières, énergie, construction, démolition et autres. Les déchets de construction et de démolition (C&D) représentent 70% du total [1] (Tableau 1). Les déchets de C&D sont généralement des déchets mélangés dont le degré d’hétérogénéité dépend de l’origine. Ils sont divisés en déchets de démolition et déchets de construction. La majorité des déchets de construction et de démolition sont généralement inertes et ne présentent pas de menace environnementale [2]. Les déchets de démolition sont des produits des travaux de démolition, de restauration et de réparation des structures de bâtiments ou plus généralement des applications en génie civil. Ces déchets peuvent être divisés en 4 principales catégories : déchets non pierreux (acier, fer, aluminium, cuivre, verre, bois, plastique etc.), déchets pierreux (béton, mortier, céramiques, agrégats et mélanges de ceux-ci, (c’est la catégorie investiguée dans cette thèse), déchets dangereux (matériaux contenant de l’amiante, plomb, zinc, peinture, vernis, batteries, tubes fluorescents, lubrifiants, huiles, graisses, installations de climatisation, etc.) et autres (matière organique) [3]. Les déchets de construction sont produits lors des travaux sur les chantiers de construction et de génie civil. Ces déchets peuvent être divisés à leur tour en 5 catégories : des sols (sables, argile, pierre, boue etc.), des emballages des matériaux de construction (palettes en bois, plastique, carton, etc.), des restes de matériaux de construction et des déchets dangereux (sols contaminés et déblais de dragage, additifs, adhésifs, etc.) et autres [3].
La gestion et l’élimination des déchets peuvent avoir des incidences graves sur l’environnement. Les décharges, par exemple, occupent de l’espace et peuvent provoquer une pollution de l’air, de l’eau ou des sols, tandis que l’incinération peut générer des émissions de polluants atmosphériques. Les politiques de gestion des déchets de l’UE visent par conséquent à réduire les incidences environnementales et sanitaires des déchets et à rationaliser l’utilisation des ressources dans l’UE. L’objectif à long terme de ces politiques est de réduire le volume de déchets produits et, lorsque leur production est inévitable, de les valoriser comme une ressource, ainsi que de parvenir à de meilleurs taux de recyclage et à une élimination des déchets qui soit sans danger. La directive européenne 2008/98/CE impose, à l’horizon 2020, un recyclage des déchets de C&D à hauteur de 70%.
Production des granulats recyclés
Les roches massives représentent un pourcentage important de déchets de C&D (Figure 1). Généralement, le traitement des déchets de C&D commence par un tri manuel suivi d’un concassage (principalement avec des concasseurs à mâchoires), d’une séparation magnétique et d’un tamisage. Dans le cas des chantiers mobiles, l’ensemble de ce processus se termine à ce stade tandis que dans un chantier stationnaire, une ou plusieurs étapes de concassage, de tamisage et de triage peuvent être ajoutées. Dans la phase de tri, les composants indésirables, tels que les matériaux organiques ou légers, doivent être retirés pour ne pas affecter les propriétés intrinsèques des granulats (résistance mécanique, forme des grains, etc.) [3].
Le processus de séparation des matériaux peut être réalisé par voie sèche, produisant des granulats recyclés convenant principalement pour la construction des routes. Pour avoir une séparation plus efficace et pour pouvoir séparer à la fois les matériaux de construction organiques et légers, il est nécessaire d’ajouter une étape supplémentaire faisant appel à un traitement par voie humide. Le choix du processus humide est plus coûteux mais il est probablement inévitable lorsque des granulats recyclés sont utilisés dans la fabrication de nouveaux bétons. Les machines pour laver les granulats et faire la séparation par voie humide sont des flotteurs, des trieurs et des jigs [4].
Une fois les différents composants du gisement de déchets de C&D séparés, les blocs de béton monolithique sont passés au concasseur. Cependant, la variabilité des matériaux recyclés issus du gisement de bétons recyclés est non négligeable. Le gisement comporte des matériaux très hétérogènes en matière, en forme, en taille … . In situ, le béton concassé obtenu à partir de déchets de C&D est toujours mélangé avec d’autres matériaux concassés tels que l’asphalte, la brique, le gypse, le verre et autres. Dans la littérature et comme discuté ci-dessus, des jigs à air ou à eau ont été proposés pour séparer les différents matériaux composant le lot [10].
La norme européenne [NF EN 12620+A1] spécifie les caractéristiques des granulats et des fillers élaborés à partir de matériaux naturels, artificiels ou recyclés et des mélanges de ces granulats qui sont utilisés pour la fabrication du béton. Dans cette norme, un granulat recyclé est défini comme un granulat résultant de la transformation de matériaux inorganiques antérieurement utilisés dans la construction. Selon la norme [NF EN 206/CN], les granulats recyclés doivent être conformes aux spécifications des normes européennes [NF EN 12620+A1] et [NF P 18-545] pour pouvoir être utilisés dans la fabrication du béton, à l’exclusion du béton précontraint. Trois types de gravillons recyclés sont définis à partir de leur classification et de la fréquence d’essais associée :
– Type 1 : CRB
– Type 2 : CRB ou CRC
– Type 3 : CRB ou CRC ou CRD
Le pourcentage maximal des impuretés et des contaminants permis dans les granulats de béton recyclés est de 1.5% dans la plupart des règlements [3]. Pour la fabrication de béton à base des granulats recyclés, les GBR doivent contenir moins de 10% d’impuretés (les PaysBas, le Royaume-Uni et le Danemark exigent au moins 95% de granulats de béton recyclés). Les contaminants organiques et les impuretés provenant d’autres sources sont limités à 5% dans les réglementations les plus tolérantes comme au Brésil et à 1% dans celles les plus strictes (Allemagne, Belgique, Suisse). On distingue souvent deux classes granulaires dans les GBR : les gravillons recyclés dont les dimensions sont plus grandes que 5mm, et les sables recyclés dont les dimensions sont inférieures à 5mm. Dans la thèse nous allons distinguer les granulats de béton recyclés (GBR) (granulats comportant du béton concassé, de la brique, des enrobés et d’autres impuretés) des granulats de béton concassé (GBC), constitués de béton à plus de 99%. Toutefois, dans cette partie bibliographique, nous utilisons le terme GBR puisque c’est le terme le plus utilisé dans la littérature.
Taux de recyclage (taux de substitution), normes et études bibliographiques
Dans cette partie, le taux de recyclage est le taux de substitution des granulats naturels par des granulats recyclés dans des nouvelles formulations de bétons. Les granulats de béton recyclés (GBR) étant issus de la démolition de bétons de structure, sont des matériaux à priori de bonne qualité et qui devraient donc pouvoir être valorisés dans des applications à haute valeur ajoutée comme la formulation de nouveaux bétons recyclés à base de GBR. Une telle valorisation permettrait également d’économiser des ressources en granulats naturels. Cependant, la réutilisation des granulats de béton recyclés pour produire du nouveau béton n’a pas encore été largement adoptée [11].
Différentes études visent à développer la production de béton recyclé en incorporant des GBR tout en restant conforme aux codes et aux normes applicables [12-16]. Jusqu’à présent, seul un faible pourcentage de ces matériaux est réutilisé pour la production de béton recyclé [17-19].
Plusieurs projets nationaux et internationaux ont été engagés pour améliorer l’utilisation des granulats recyclés dans le béton. Le projet national Recybéton a notamment souligné, au travers de plusieurs chantiers expérimentaux, le potentiel d’utilisation de ces déchets de construction dans la fabrication de nouveaux bétons. La question reste toujours de déterminer la fraction acceptable de granulat recyclé pour que la mise en œuvre et la qualité du béton final restent inchangées. C’est précisément l’objectif du projet Recybéton. A Villeneuvela-Garenne, 80 m3 de béton incorporant des gravillons et des sables recyclés ont été coulés dans la dalle du deuxième étage d’un immeuble. Le long de la ligne ferrée Nîmes-Montpellier, des parties d’un pont de 100 m3 de béton ont été construites avec 20 % de gravillons recyclés [20].
Aux Pays-Bas, la plupart des déchets de construction et de démolition sont recyclés. La plus grosse partie va dans les couches de fondation routière. Il est extrêmement coûteux d’envoyer ces déchets de chantier en décharge, de l’ordre de 300 euros la tonne. Conformément à la norme hollandaise [MEN-EN206/NEN8005] et sans études additionnelles, le taux de remplacement des granulats naturels par des recyclés peut monter à 30%. Cependant il est possible, en réalisant des études supplémentaires, d’aller jusqu’à 50% et même 100%. Une difficulté dans l’utilisation des granulats recyclés dans certains bétons est la présence d’impuretés comme le plastique, le bois ou le plâtre. La teneur en impuretés peut être réduite, mais ce traitement additionnel augmente le prix de ces matériaux. Aux Pays-Bas et puisque les matériaux naturels sont rares, le prix des granulats recyclés traités reste inférieur au prix des granulats naturels. Mais dans d’autres pays, comme la France ou l’Espagne, les granulats naturels sont bon marché. Pour rendre les granulats recyclés compétitifs, il faut prendre le problème en amont et obliger à mieux trier sur le chantier. A l’échelle du laboratoire et dans la littérature, plusieurs chercheurs ont étudié l’influence du taux de remplacement des granulats naturels par des granulats recyclés sur le comportement aux états frais et durcis du béton recyclé. Belin et al. [21] ont montré qu’un remplacement de 100% du sable naturel par un sable recyclé sec conduit à une perte d’affaissement de 10 cm, pour un affaissement initial de 14 cm. Ces résultats montrent que l’absorption dans les granulats recyclés surtout les sables recyclés n’est pas instantanée contrairement aux granulats naturels. De plus, la résistance en compression chute lorsque le taux de substitution augmente. Cette perte de résistance en compression pourrait être due à la plus faible résistance des GBR par rapport aux granulats naturels en raison de la présence de pâte de ciment adhérente. Cependant, Etxeberria et al. [22] ont montré une augmentation de la résistance en compression avec le taux de substitution. Selon ces auteurs ce comportement serait dû à la rugosité et la capacité d’absorption d’eau de la pâte de ciment adhérente qui produiraient une bonne adhérence entre la nouvelle pâte et les GBR. Dans une autre étude, Kou et al. [23] ont montré que la résistance du béton augmente avec le taux de substitution de 25%, 50% et 75% en maintenant l’affaissement constant par rapport au béton de référence.
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Table des matières
Introduction
Partie 1. Etat de l’art
Chapitre I. Bibliographie et contexte
I.1. Généralités sur les granulats recyclés
I.1.1. Production et traitement des déchets du BTP, un peu de statistiques
I.1.2. Production des granulats recyclés
I.1.3. Taux de recyclage (taux de substitution), normes et études
bibliographiques
I.2. Caractérisation des Granulats de Béton Recyclés (GBR)
I.2.1. Définitions utiles
I.2.1.1. Masses Volumiques
I.2.1.2. Porosités
I.2.2. Absorption d’eau
I.2.3. Teneur en pâte de ciment
I.2.3.1. Détermination de la teneur en pâte de ciment
I.2.3.2. Influence de la teneur en pâte de ciment sur les propriétés des GBR
I.3. Hétérogénéité des GBR et échantillonnage
I.3.1. Variabilité
I.3.2. Echantillonnage
I.4. Formulation des bétons recyclés à base de GBR
I.4.1. Maîtrise de l’eau efficace
I.4.2. Pré-humidification des GBR
I.5. Malaxage des bétons
I.5.1. Etapes physiques du malaxage d’un mélange granulaire humide
I.5.2. Mesure de la puissance consommée : un suivi de l’agglomération humide durant le malaxage du béton
I.5.3. Malaxage de bétons à base de GBR
I.6. Démarche expérimentale adoptée
Partie 2. Hétérogénéité des granulats de béton recyclés, Une variabilité intrinsèque
Chapitre II. Hétérogénéité des granulats de béton recyclés par rapport aux impuretés granulaires
II.1. Introduction
II.2. Matériaux source et caractérisation
II.2.1. Origine des matériaux source
II.2.2. Caractérisation des matériaux source
II.2.2.1. Granulométrie
II.2.2.2. Masse volumique réelle et coefficient d’absorption d’eau
II.2.2.3. Classification des GBC de Gonesse
II.3. Procédure expérimentale
II.3.1. Constitution et homogénéisation du mélange par chargeur (C1) et réhomogénéisation (C2)
II.3.2. Prélèvement des échantillons élémentaires de C1 et de C2
II.3.3. Homogénéisation en malaxeur à béton (C3) et prélèvement des échantillons élémentaires
II.3.4. Echantillon global homogénéisé en laboratoire – L
II.3.5. Caractérisation des échantillons prélevés pour chaque phase (C1, C2, C3 et L)
II.4. Discussion des résultats et analyses
II.4.1. Analyse de l’influence de la manipulation sur la caractérisation des granulats recyclés
II.4.2. Analyse de l’hétérogénéité
II.4.3. Analyse de l’influence de la composition sur la caractérisation des granulats recyclés
II.5. Conclusion
Chapitre III. Caractérisation de l’hétérogénéité des granulats de béton concassé
III.1. Introduction
III.2. Procédure expérimentale
III.2.1. Matériaux
III.2.2. Jig à eau
III.2.3. Procédure de séparation au jig à eau
III.2.4. Caractérisation des GBC séparés par densité
III.2.4.1. Absorption d’eau
III.2.4.2. Vidéogranulomètre VDG
III.2.4.4. Porosimétrie à intrusion de mercure
III.2.4.5. Pycnomètre à hélium
III.2.4.6. Perte de masse entre 75 ° C et 475 ° C
III.3. Résultats
III.3.1. Densités
III.3.2. Distributions granulométriques
III.3.3. Teneur en pâte de ciment et densité réelle séchée des GBC
III.3.4. Capacité d’absorption dans l’eau
III.3.5. Porosité
III.3.6. Efficacité de la séparation par densité dans un jig à eau
III.3.7. Distribution de WA24 dans le lot des GBC Eliane KHOURY, « Maîtrise de l’eau efficace dans les bétons de granulats recyclés », 2018
III.4. Conclusion
Conclusion
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