GÉNÉRALITÉS SUR LES FRELONS
Classification taxonomique
Les frelons sont des insectes de l’ordre des Hyménoptères et de la super-famille des Vespoidea, comportant elle-même 12 familles dont 9 se rencontrent en Europe. Elle comprend des espèces solitaires et des espèces sociales. Les Hyménoptères sont des insectes holométaboles, c’est-à-dire des insectes chez qui le passage de l’état larvaire à l’état adulte se fait par l’intermédiaire d’un stade nymphal. Les larves et les adultes de ces insectes ont, en général, une morphologie et des modes de vie très variés. Les Hyménoptères constituent après les Coléoptères, l’ordre d’insectes le plus diversifié. On évalue actuellement leur nombre à plus de 120 000 espèces. Ils sont pourvus de quatre ailes membraneuses couplées par paire par des crochets appelés « hamules » présents sur la nervure antérieure des ailes postérieures. Le mouvement de la paire d’ailes postérieures dépend du mouvement initié par les muscles mésothoraciques qui actionnent la première paire d’ailes antérieures dont le bord postérieur est enroulé en forme de gouttière. La paire d’ailes postérieures possède une vingtaine de petits crochets appelés hamules recourbés et coulissant dans la gouttière formée par l’aile antérieure, formant ainsi une charnière souple. La figure 1 ci-dessous représente les ailes antérieures et postérieures de l’insecte hyménoptère Bembix et montre le système de couplage des ailes. La figure 2 ci-dessous montre le détail du système d’accrochage avec les hamules en microscopie électronique à balayage.
Morphologie du frelon adulte
Le frelon adulte possède les caractéristiques morphologiques typiques d’un hyménoptère adulte : un corps en trois parties avec une tête possédant des antennes et un appareil buccal de type broyeur-lécheur (Figure 4), un thorax avec deux paires d’ailes membraneuses et trois paires de pattes, et un abdomen dépourvu d’appendices. La tête porte les pièces buccales, les antennes, les yeux composés, et dorsalement trois ocelles disposées en triangle. Les antennes sont formées d’un nombre d’articles variable selon les taxons et même parfois selon les sexes d’une même espèce. Chez la plupart des Vespoidea et des Apoidea, les antennes des mâles ont 13 articles et celles des femelles 12. L’article le plus basal est appelé scape, le suivant pédicelle, et les autres constituent le flagelle. Le thorax est composé de trois segments fusionnés entre eux : le prothorax, le mésothorax et le métathorax, auxquels est soudé, chez les Apocrites, le premier segment de l’abdomen ou propodéum. La plupart des Apocrites présentent un étranglement plus ou moins marqué ou « taille de guêpe » entre le propodéum et le reste de l’abdomen appelé gastre. Celui-ci diffère selon les sous-familles : chez les Vespinae, le gastre est tronqué droit à l’avant, tandis que chez les Polistinae il n’est pas tronqué mais plus ou moins étroit (Figure 5).
Description des nids
Au début du printemps, le nid des frelons est construit à partir de particules de bois malaxées avec de la salive par un seul individu, la reine, mère de toute la colonie à venir. Le relais est ensuite pris par les ouvrières pour la suite de la construction. Vespa crabro utilise des sources de bois mort et friable (souches, arbres morts) ce qui donne le « carton blond » à dominante ocre, marron avec des lignes blanches, beiges, brunes ou rouges. Les couches de cellules superposées, construites par la reine, sont enveloppées par une écorce plus ou moins sphérique faite de plusieurs couches de papier brun et fragile. En effet, l’enveloppe du nid est très cassante et ne résiste pas aux intempéries ou aux manipulations, tout comme les nids aériens des genres Dolichovespula, Polistes ou l’espèce Vespula germanica, qui sont construits en hauteur dans des arbres.
Le nid du frelon européen mesure en moyenne 30 cm de diamètre et 60 cm de haut et sa colonie renferme en général moins d’un millier d’ouvrières. Il a une forme cylindrique et possède une large ouverture basale (Rome et Villemant, 2006), comme de nombreux Vespidés tels Vespula ou Dolichovespula. La figure 20 ci-dessous montre un nid de frelon européen Vespa crabro avec son ouverture basale. Lorsque l’on ouvre l’enveloppe externe d’un nid de frelons, les rayons sont empilés horizontalement les uns sur les autres avec un espace entre chacun permettant la circulation des ouvrières. De même, un espace entre le bord des rayons et l’enveloppe permet aux ouvrières de changer d’étage. Les rayons sont composés de cellules hexagonales afin d’interdire toute perte de place et maximiser le rendement des ouvrières. La structure abrite ainsi une très grande population, tout en étant très compacte. Les rayons sont soudés entre eux par de petites colonnes de papier faisant office de piliers de soutien (Figure 21).
Origine et mode d’introduction en Europe
Le frelon asiatique Vespa velutina a été introduit accidentellement en France probablement en 2004, importé de Chine via le commerce horticole international dans le Lot-et-Garonne. Des informations recueillies localement laissent penser que des femelles fondatrices ont pu être importées avec des poteries dans lesquelles elles hivernaient, provenant de la région du Zhejiang en Chine (Villemant et al., 2006a). La caractérisation génétique des populations invasives et des populations de la zone d’origine de Vespa velutina a permis de reconstruire l’histoire de l’introduction du frelon à pattes jaunes et d’identifier des facteurs biologiques susceptibles d’expliquer le succès de son invasion (Arca et al., 2011). Pour identifier les sources probables de populations introduites en France, l’ensemble des populations, natives et invasives, a été caractérisé pour la diversité au gène mitochondrial cytochrome oxydase 1 (CO1) et aux 22 loci microsatellites.
Les résultats de ces analyses montrent que Vespa velutina a connu un important goulot d’étranglement au cours de son introduction en France qui a significativement réduit sa diversité génétique. Ces analyses ont permis de montrer que les deux populations invasives en France et en Corée, provenaient de deux événements d’introduction indépendants depuis l’Asie. Par ailleurs, la population source la plus probable est la même pour les deux invasions : elle a été identifiée dans une zone géographique comprise entre les provinces chinoises du Zhejiang et du Jiangsu (Arca, 2012). Ces résultats confirment l’hypothèse d’une importation du frelon via les échanges commerciaux entre ces différentes régions. Par ailleurs, l’estimation de l’effectif efficace de la population introduite suggère que la population française résulterait de l’introduction d’une seule femelle, fécondée par plusieurs mâles. La date de la première introduction a été estimée entre 2001 et 2004 (Arca, 2012). Néanmoins, la perte apparente de diversité génétique chez Vespa velutina lors de son introduction en France n’a visiblement pas contraint le succès de son invasion puisqu’il a connu une expansion très rapide en France et en Europe.
L’invasion en France entre 2004 et 2012
Le recensement des nids à partir des signalements enregistrés sur la base de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) a permis de cartographier la distribution du frelon asiatique en France et de suivre depuis 2004 la progression annuelle de son invasion. Selon l’INPN, un département dit « envahis » ou « colonisé » est un département dans lequel au moins un nid de frelon asiatique a été identifié et répertorié. La multiplication et l’expansion du frelon à pattes jaunes dans le sud-ouest de la France ont été très rapides. Puis l’invasion a très rapidement progressée vers le nord et l’est de la France (Rome et al., 2009; Villemant et al., 2006b). De 2004 à 2009, Vespa velutina a colonisé 32 départements (190 000 km²) d’un grand tiers sud-ouest de la France (Villemant et al., 2011b). Le front d’invasion a atteint en 2009 le Maine-et-Loire et l’Indre-et-Loire.
Des nids isolés ont par ailleurs été signalés en Ille-et-Vilaine en 2008, en Côte d’Or de 2007 à 2009, et au Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis en 2009. Entre 2007 et 2009, le niveau de population du frelon est demeuré bas dans l’Aveyron, la Côted’Or, le Gers, les Hautes-Pyrénées, l’Hérault, le Tarn et le Tarn-et-Garonne, avec moins de 20 nids de frelon asiatique signalés par an. Par ailleurs, aucun nouveau nid n’a été recensé dans le Cantal et la Creuse entre 2007 et 2009 depuis les premiers signalements en 2007. Par contre, le nombre de nids recensés a nettement augmenté en passant de quelques uns à plus d’une soixantaine en Corrèze, en Haute-Garonne, dans les Landes, mais surtout dans les Pyrénées-Atlantiques, où l’on est passé d’un seul nid en 2007 à 247 en 2009. La Gironde demeure en 2009 le département le plus infesté avec 440 nids recensés en 2009 (dont 329 dans la seule commune de Bordeaux) (Villemant, 2010 ; Villemant et al., 2011). La figure 26 ci-dessous représente la carte des départements français envahis par Vespa velutina de 2004 à 2010.
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Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Liste des sigles et abréviations
PREMIÈRE PARTIE : GÉNÉRALITÉS SUR LES FRELONS
1) Classification taxonomique
1.1) Les frelons, Insectes Hyménoptères Vespoidea du genre Vespa
1.1.1) Classification
1.1.2) Morphologie du frelon adulte
1.2) Identification : diagnose d’espèces
1.2.1) Le frelon européen
1.2.2) Le frelon asiatique
1.2.3) Le frelon oriental
1.2.4) Les espèces fréquemment confondues avec les frelons
1.2.4.1) Les guêpes
1.2.4.2) La scolie des jardins
1.2.4.3) Le sirex géant
1.2.4.4) Les abeilles
1.2.4.5) Les mouches
2) Répartition géographique des différentes espèces de frelons
2.1) Vespa crabro : le frelon européen
2.1.1) Répartition mondiale actuelle
2.1.2) Répartition européenne actuelle
2.2) Vespa velutina : le frelon asiatique
2.2.1) Aire d’origine
2.2.2) Répartition mondiale en 2012
2.2.3) Répartition européenne en 2012
2.3) Vespa orientalis : le frelon oriental
3) Biologie générale des frelons
3.1) Habitat
3.1.1) Description des nids
3.1.2) Emplacement des nids
3.1.3) Comparaison avec d’autres hyménoptères
3.2) Cycle biologique
3.2.1) Les fondatrices
3.2.2) Construction du nid et ponte
3.2.3) Reproduction
3.2.4) Hivernage
3.3) Régime alimentaire
DEUXIÈME PARTIE : LE FRELON ASIATIQUE : UN DANGER POUR L’ABEILLE DOMESTIQUE EN FRANCE ?
1) Le frelon asiatique
1.1) Origine et mode d’introduction en Europe
1.1.1) Introduction en France
1.1.2) L’invasion en France entre 2004 et 2012
1.1.3) Expansion en Europe
1.1.4) Potentialités d’expansions futures
1.2) Habitat
1.2.1) Description des nids
1.2.2) Emplacement des nids
1.3) Cycle biologique
1.3.1) Construction du nid et ponte
1.3.2) Reproduction et fécondation des futures fondatrices
1.3.3) Hivernage
1.3.4) Les prédateurs naturels
1.4) Régime alimentaire
1.4.1) En région urbanisée
1.4.2) En région agricole
1.4.3) En région forestière
1.5) Similitudes et différences avec le frelon européen
2) Comportement de défense des colonies d’abeilles
2.1) L’abeille domestique
2.1.1) Apis mellifera
2.1.2) Organisation d’une colonie d’abeille
2.1.3) Productions apicoles
2.2) Adaptation du comportement des abeilles face aux frelons dans le monde
2.3) Comportement en France de l’abeille domestique Apis mellifera face aux frelons
2.3.1) Cohabitation abeille domestique / frelon européen
2.3.2) Interaction abeille domestique / frelon asiatique
2.3.2.1) Prédation
2.3.2.2) Le devenir de l’abeille capturée
2.3.2.3) Le pillage de la ruche
TROISIÈME PARTIE : CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET ÉCOLOGIQUES ; PERSPECTIVES DE LUTTE CONTRE LE FRELON ASIATIQUE EN FRANCE
1) Moyens de lutte contre le frelon asiatique
1.1) Eradication
1.2) Protection des ruchers
1.3) Piégeage des fondatrices
1.4) Piégeage des ouvrières
1.5) Destruction des nids
1.5.1) Perche télescopique et insecticide
1.5.2) Congélation du nid
1.5.3) Destruction au fusil
2) Conséquences économiques et écologiques de la présence de Vespa velutina en France
2.1) Impact sur l’apiculture
2.1.1) L’importance de l’apiculture en France
2.1.2) Diminution des productions apicoles
2.1.3) Impact indirect sur la biodiversité végétale et les productions agricoles
2.1.4) Participation à l’effondrement des colonies d’abeilles
2.2) Conséquence du piégeage du frelon asiatique sur la faune
2.2.1) Sur les insectes
2.2.2) Sur les prédateurs du frelon asiatique
2.3) Actions des pouvoirs publics en France
2.4) Programme « Etude de la biologie, du comportement et de l’impact de Vespa velutina sur les abeilles en vue d’un contrôle spécifique »
3) Risques pour l’Homme
3.1) Agressivité du frelon asiatique
3.2) Caractéristiques du venin
3.3) Piqûres de frelon asiatique
3.3.1) Symptômes chez l’Homme
3.3.2) Evolution du nombre de piqûres d’hyménoptères en France
3.4) Projection de venin
3.5) Quelques cas d’envenimation liés au frelon asiatique
3.5.1) Cas supposés
3.5.2) Cas avérés
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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