Généralités sur les fibres naturelles
Classification des fibres naturelles
Les fibres naturelles sont généralement classées en trois grandes catégories : les fibres animales, les fibres végétales et les fibres minérales . Les fibres végétales sont extraites de diverses parties des plantes . Elles étaient déjà abondamment utilisées dans bien des domaines, notamment le textile, avant l’augmentation de la demande en matériaux biosourcés. Les fibres animales quant à elles proviennent soit de la laine ou du poil de certains animaux, soit des sécrétions des arthropodes ou des vers à soie. Même si elles sont biodégradables et possèdent d’excellentes propriétés à rupture, il est difficile d’en assurer une production suffisante pour satisfaire les besoins d’un marché mondial en plein essor. Enfin, les fibres minérales sont considérées naturelles lorsqu’elles sont directement issues des roches (amiante). Les fibres minérales synthétiques produites à partir de minéraux, comme la fibre de verre, ne peuvent pas être considérées comme naturelles. Dans les années 1980-1990, l’amiante a été beaucoup utilisée, mais depuis cette période son utilisation est fortement interdite dans de nombreux pays à cause de ses effets cancérigènes.
Intérêt de l’utilisation des fibres végétales
Ces dernières années, les enjeux climatiques ont conduit les gouvernements à adopter des résolutions pour orienter l’économie mondiale vers une économie plus écologique. Des moyens de production plus respectueux de la nature et allant dans le sens d’un développement durable sont fortement recommandés par divers protocoles (Kyoto, 1997) et accords internationaux (Paris, 2015). En effet, actuellement, les fibres synthétiques occupent la majeure partie des fibres utilisées dans l’industrie. Par exemple, 87 % des composites mis sur le marché sont renforcés par des fibres de verre [224, 187]. Or, la production de ces fibres est hautement énergivore et demande l’utilisation de produits polluants (solvants et autres produits chimiques). La fabrication des fibres synthétiques à partir de ressources non renouvelables, et souvent pétrochimiques, est également responsable de la génération de déchets et de la pollution de l’air et de l’atmosphère. Toutes ces raisons militent en faveur de l’utilisation de matériaux biosourcés afin de diminuer l’impact environnemental des processus industriels dans la fabrication des composites. Les fibres végétales se révèlent alors être une alternative sérieuse aux fibres synthétiques. En effet, les fibres végétales sont biodégradables, renouvelables et possèdent une plus faible densité. De plus, elles possèdent des rigidités spécifiques au moins équivalentes à celles des fibres de verre [145]. À cela, il faut ajouter que comme leur culture dépend essentiellement du climat, ces fibres végétales sont naturellement abondantes et peuvent être produites localement si possible. C’est le contraire pour les fibres synthétiques, dont la chaîne de production implique le transport des matières premières et des produits finis sur de longues distances. Par ailleurs, par rapport aux fibres synthétiques, l’utilisation des fibres végétales peut occasionner un gain économique conséquent, puisque leur production nécessite une faible consommation d’énergie. À titre de comparaison, il a été révélé que les fibres de verre (densité de 2,6) coûtent environ 2,0 $ par kilogramme alors que les fibres de lin plus légères (densité de 1,5) coûtent entre 0,5 et 1,5 $ par kilogramme [175].
Ainsi, la compatibilité écologique, le faible coût de production et des propriétés spécifiques compétitives font des fibres naturelles une alternative crédible à l’utilisation des fibres d’origine synthétique pour certaines applications. Toutefois, ces fibres ne possèdent pas que des avantages. Elles présentent aussi des inconvénients qui limitent pour l’instant leur utilisation massive dans les domaines autres que le textile. La principale difficulté rencontrée est la grande variabilité de leurs propriétés mécaniques par rapport aux fibres synthétiques. En effet, la croissance de ces plantes implique une grande variabilité de leurs propriétés mécaniques selon les conditions météorologiques et la qualité des sols, alors que les fibres synthétiques possèdent des propriétés qui peuvent être maîtrisées par leur production industrielle. Outre les influences phénotypiques, les propriétés mécaniques des fibres végétales dépendent aussi bien sûr de leur composition biochimique, de leur morphologie ou de leur organisation ultrastructurale. En plus de cette variabilité des propriétés mécaniques, d’autres inconvénients peuvent être cités :
– par rapport aux fibres de verre, la durée de vie des fibres végétales est impactée par la vulnérabilité due à leur biodégradabilité,
– l’apparition d’endommagements éventuels lors des récoltes et traitements mécanisés postrécoltes,
– les propriétés mécaniques des fibres végétales sont dépendantes de l’hygrométrie.
Parmi les fibres végétales, celles extraites des tiges, notamment le lin, présentent les meilleures propriétés mécaniques. D’un point de vue évolutif, ceci est dû au fait que ces fibres jouent un rôle de soutien de la plante lors de sa croissance et adaptent leur morphologie afin de mieux résister aux agressions extérieures [44]. Elles acquièrent ainsi une rigidité élevée. Le comportement mécanique de ces fibres suscite donc un intérêt particulier de la part des scientifiques et des industriels du domaine.
Historique, production et domaine d’application des fibres naturelles
Historiquement, la production et l’utilisation des fibres naturelles ne datent pas d’aujourd’hui. Elles sont utilisées depuis l’Antiquité. C’est notamment le cas de la paille que les Anciens Égyptiens utilisaient pour renforcer les constructions argileuses [1, 201]. Le lin, comme d’autres fibres végétales, a toujours servi à fabriquer des objets usuels comme les vêtements ou des objets plus techniques comme les cordes et les cordages [170]. Il a même été retrouvé du lin vieux de 30000 ans [141]. C’est avec l’avènement de l’ère industrielle que les fibres synthétiques ont progressivement remplacé les fibres naturelles. Dans le textile, surtout aux lendemains de la guerre de 1939-1945, les polymères comme le nylon se sont progressivement substitués aux fibres naturelles pour la production des vêtements. Aussi, on a assisté à partir de 1940 à une utilisation grandissante des composites polymères renforcés par des fibres de verre ou par des fibres de carbone dans le secteur automobile [35, 253]. Cependant, dans les années 1990, l’utilisation des fibres naturelles dans les processus industriels a pris un nouvel essor. Depuis, les fibres végétales bénéficient d’une émulation des communautés scientifiques et industrielles pour des applications techniques.
À l’échelle mondiale, la production mondiale de fibres végétales hors coton (produit essentiellement pour l’industrie du textile) et bois (produit essentiellement pour l’industrie du papier et du carton) est dominée par la production de fibres de jute . Les fibres de bambou et de coco suivent respectivement. Géographiquement, l’Europe cultive essentiellement le lin et le chanvre, l’Afrique et l’Amérique le sisal et l’Asie cultive le jute, le bambou et la fibre de coco. Concernant le lin en particulier, la France en est le premier producteur mondial . Les domaines les plus avancés dans l’utilisation de ces fibres sont l’automobile, le transport [247], les sports et le loisir. Dans le transport et le bâtiment, la faible densité des fibres végétales est un avantage pour la construction de structures légères. Elles y sont aussi très prisées pour leur excellente capacité de résistance thermique et d’absorption phonique. Dans d’autres secteurs comme l’emballage, c’est plutôt leur biodégradabilité qui suscite l’intérêt.
|
Table des matières
Introduction générale
1 Étude Bibliographique
1.1 Généralités sur les fibres naturelles
1.1.1 Classification des fibres naturelles
1.1.2 Intérêt de l’utilisation des fibres végétales
1.1.3 Historique, production et domaine d’application des fibres naturelles
1.2 Architecture des fibres de lin
1.2.1 Structure multi-échelle de la fibre de lin
1.2.2 Structure des fibres unitaires de lin
1.2.3 Composition biochimique de la fibre unitaire de lin
1.2.4 Interaction et rôle des constituants de la fibre
1.3 Dimensions et morphologie des faisceaux de fibres de lin
1.3.1 Morphologie des faisceaux de fibres et arrangement des fibres unitaires
1.3.2 Mesure des dimensions de la section transversale des faisceaux de fibres
1.4 Comportement et propriétés mécaniques des fibres de lin
1.4.1 Comportement mécanique des faisceaux de fibres et des fibres unitaires
1.4.2 Propriétés mécaniques des faisceaux de fibres de lin
1.4.3 Comportement mécanique et dimensions de la lamelle mitoyenne
1.5 Caractérisation de l’ultrastructure des fibres par DRX
1.5.1 Mesure de l’angle d’inclinaison des microfibrilles par diffraction des rayons X
1.5.2 Obtention des autres propriétés de la cellulose par diffraction des rayons X
1.6 Conclusion
2 Analyse morphologique des faisceaux de fibres
2.1 Introduction .
2.2 Matériau et méthode
2.2.1 Matériau
2.2.2 Méthode
2.3 Résultat de l’analyse morphologique
2.3.1 Axes des faisceaux de fibres de lin
2.3.2 Section transversale des faisceaux de fibres de lin
2.3.3 Ellipticité de la section transversale des faisceaux de fibres
2.3.4 Corrélation entre la dimension des axes et la section elliptique moyenne
2.3.5 Comparaison entre la section elliptique moyenne et la section circulaire moyenne
2.3.6 Rotation de la section transversale le long du faisceau de fibres
2.3.7 Reconstruction 3D du contour extérieur des faisceaux de fibres
2.3.8 Calcul de la section équivalente des faisceaux de fibres de lin
2.4 Conclusion
3 Comportement mécanique des faisceaux de fibres
3.1 Introduction
3.2 Comportement statique en traction
3.2.1 Méthode et matériel
3.2.2 Types de comportement observés
3.2.3 Comportement in situ des faisceaux de fibres de lin du début de l’essai jusqu’à rupture
3.2.4 Propriétés mécaniques des faisceaux de fibres de lin
3.2.5 Analyse de la rupture des faisceaux de fibres par le formalisme de Weibull
3.3 Comportement viscoélastique en relaxation
3.3.1 Méthode et matériel
3.3.2 Évolution de la contrainte de relaxation en fonction du temps
3.3.3 Calcul du taux de relaxation et du temps de stabilisation de l’ultrastructure
3.3.4 Vérification d’une contrainte limite de stabilisation à l’infini
3.3.5 Modélisation de la relaxation des faisceaux de fibres de lin
3.4 Conclusion
4 Analyse de l’ultrastructure des fibres par DRX
4.1 Introduction
4.2 Matériel et méthodes
4.2.1 Principe de la diffraction des rayons X
4.2.2 Matériel utilisé
4.2.3 Analyse combinée texture/structure/microstructure
4.2.4 Méthode de Rietveld
4.2.5 Calibration de l’instrument de mesure
4.3 Résultats des mesures
4.3.1 Résultats des mesures de diffraction de la Série 1
4.3.2 Conversion des images de diffraction en diffractogramme (2θ,I(2θ))
4.3.3 Présence d’un anneau de Debye sur les images de diffraction de la Série 1
4.3.4 Résultats des mesures de diffraction de la Série 2
4.4 Ultrastructure des échantillons non déformés
4.4.1 Diffractogrammes expérimentaux et simulés
4.4.2 Structure, microstructure et texture des échantillons non déformés
4.4.3 Angle d’inclinaison des microfibrilles de cellulose
4.5 Ultrastructure des échantillons sous traction
4.5.1 Évolution de la texture des faisceaux de fibres de lin
4.5.2 Évolution de la microstructure des faisceaux de fibres de lin
4.5.3 Évolution de la cristallinité des faisceaux de fibres de lin
4.6 Conclusion
5 Réflexions sur le comportement non-linéaire
5.1 Introduction
5.2 Principaux résultats sur l’évolution de l’ultrastructure
5.3 Proposition d’un scénario pour expliquer le comportement
5.4 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
Annexe