Généralités sur les Fabacées

L’agriculture mondiale a connu une forte intensification pendant plusieurs décennies afin de répondre aux besoins d’une population en pleine croissance. L’augmentation de la production agricole s’est faite d’une part avec une expansion des surfaces agricoles et d’autres part avec une industrialisation et une mécanisation des pratiques agricoles, ainsi qu’une forte utilisation de produits chimiques (Matson et al., 1997; Horrigan Leo et al., 2002; Rudel et al., 2009). En effet, la rentabilité de la production agricole à partir de la révolution verte a été marquée par une forte utilisation de fertilisants azotés et un usage non rentable de ces fertilisants par les cultures (Trenkel, 1997). Cette intensification de l’activité agricole et l’utilisation d’engrais chimiques ont conduit à des modifications environnementales importantes, à la pollution et des perturbations biologiques (Matson et al., 1997; Howden et al., 2007; Burney et al., 2010; Emmerson et al., 2016). Cinq menaces majeures liées à la perte de l’azote dans l’environnent pour la société ont été identifiées: (i) altération de la qualité de l’air impactant lasanté humaine (ii) modification de la qualité de l’eau avec notamment l’eutrophisation (iii) l’augmentation de l’effet de serre (iv) perturbation des écosystèmes et de la biodiversité (v) modification de la qualité des sols par surfertilisation et acidification (Sutton et al., 2011).

Généralités sur les Fabacées

Les Fabacées constituent une très grande famille de plantes avec près de 20000 espèces référencées dans le monde. Elles constituent ainsi la troisième plus grande famille de plante après les Astéracées et les Orchidées (Talukdar, 2013). Plantes à fleurs, elles peuvent être herbacées ou arborées, sont présentes dans plusieurs régions du monde (Vertes et al., 2010; Altobelli et al., 2016). Deux grands types de Fabacées sont cultivées en agriculture : les Fabacées protéagineuses à graines et les Fabacées fourragères (Cholez et Magrini, 2014; Uijttewaal et al., 2016). Les cultures de Fabacées sont sources de matières premières riches en énergie principalement utilisées pour l’alimentation humaine et animale avec des applications industrielles (Voisin et al., 2013; Schneider et Huyghe, 2015). Ces plantes sont essentiellement caractérisées par leur aptitude à former au niveau de leurs racines une association symbiotique avec des bactéries (Rhizobium sp.) capable de transformer le N2 atmosphérique en N utilisable par la plante (Mylona et al., 1995; Hartwig, 1998; Masson-Boivin et al., 2009). Dans les systèmes agricoles en France, les principaux modes d’exploitation des Fabacées sont : (i) en monoculture en vue d’une valorisation en alimentation humaine et animale ; (ii) cultivées seules ou en association avec d’autres plantes en vue de leur services écosystémiques (couverture du sol, engrais vert, services de régulation des bio agresseurs…) ; (Jeuffroy et al., 2015).

Au niveau mondial les principales Fabacées à graines produites sont le soja, le pois, la féverole et le lupin. Le soja est la Fabacées la plus produite dans le monde avec une forte production sur le continent américain . En 2020, le Brésil [133 millions de tonnes (Mt)] les Etats-unis (113 Mt) et l’Argentine (53 Mt) ont été les premiers producteurs. Dans l’union européenne, la production de soja est beaucoup plus faible mais a connu une forte augmentation depuis 2008 (Labalette et Guiavarc’h, 2016) et l’Italie reste le principal producteur avec 1,016 Mt en 2020 devant la France 0,421 Mt et la Roumanie en égalité avec la Croatie 0,257 Mt . En France le pois est la Fabacées à graine la plus produite avec 0,578 Mt en 2020 devant le soja et la féverole (0,154 Mt). Au niveau des débouchés en France, sur près de 1.2 Mt de Fabacées à graines (pois, féverole, lupin, soja) 75% sont destinées à l’alimentation animale et 25% à l’alimentation humaine (France AGRIMER, Terres Univia). D’autres cultures de Fabacées à graines secs (haricots, pois chiches, lentilles) sont destinées à l’alimentation humaines.

Fixation symbiotique et flux d’azote d’une culture de Fabacée

La fixation biologique du N2 est un processus métabolique qui peut être réalisé par des microorganismes libres dans le sol ou dans l’eau (Azotobacter, Beijerinckia, Clostridium, Bacillus, Klebsiella, Chromatium, Rhodospirillum…). Cette fonction est également présente chez des bactéries capables de former des associations symbiotiques avec des plantes (Garg et Geetanjali, 2009; Shamseldin et al., 2017). Les bactéries du genre Frankia peuvent par exemple former cette symbiose avec les plantes actinorhiziennes (Pujic et Normand, 2009). L’association la mieux caractérisée est celle formée entre les rhizobiacées (Rhizobium, Bradyrhizobium, Sinorhizobium, Azorhizobium) et les Fabacées.

Mise en place de la symbiose

La majeure partie des Fabacées cultivées trouve dans le sol l’inoculum de Rhizobia qui leur est spécifique, malgré quelques exceptions la spécificité de la symbiose est large (Wang et al., 2012; Voisin et Gastal, 2015). La mise en place de la symbiose nécessite un mécanisme de reconnaissances en plusieurs étapes entre la bactérie et sa plante hôte, sous forme d’échange de signaux (Dénarié et Cullimore, 1993; D’haeze et Holsters, 2002). Cet échange est initié par l’exsudation de différents types de composés par les racines. Les flavonoïdes en particulier jouent un rôle clé dans l’initiation du dialogue moléculaire et agissent par chimiotactisme sur les Rhizobia (Cooper, 2004; Ferguson et al., 2010). Ces composés sont perçus par les Rhizobia qui en réponse synthétisent des lipo-chito oligosaccharides (LCO) appelés facteur Nod. Ces composés sont perçus par les Fabacées pour induire l’infection  et la mise place d’un nouvel organe appelé nodule. Cet organe sera le point de fixation et de conversion du N2 mais aussi joue le rôle de zone d’échange entre la plante et la bactérie. En plus des facteurs Nod connus pour être indispensables à la mise en place de la symbiose légumineuse-rhizobium, il y a une deuxième voie d’infection par les Rhizobia indépendantes des facteurs Nod. En effet l’infection d’une Fabacée par un Rhizobium peut se faire par pénétration directe dans les cellules via une blessure, certaines souches de Bradyrhizobium sont capables d’utiliser cette voie alternative pour initier une symbiose avec certaines espèces d’Aeschynomene (Bonaldi et al., 2011; Gully et al., 2018). Pendant l’infection par la fissure, la bactérie synthétise dans la zone d’infection des composés de type cytokinine permettant de contourner une partie de la voie de signalisation par les facteurs Nod (Downie, 2007; Masson-Boivin et al., 2009).

Pendant la fixation symbiotique, la plante fournit des glucides photosynthétiques et des acides aminés (Lodwig et al., 2003) à la bactérie qui en échange alimente la plante en N2 réduit sous forme ammoniacale (NH3) et d’asparagine ou d’uréides selon les espèces. La réduction du N2 (N2 + 3H2 + Energie → 2NH3) se fait grâce à l’activité enzymatique de la nitrogénase (Kim et Rees, 1994). La leghémoglobine (LegHb) produite par les Fabacées (une métalloprotéine proche de l’hémoglobine) permet de fixer l’O2 afin de former un milieu anaérobique favorable la fixation du N2 (Wilson et Reisenauer, 1963; Ott et al., 2005; Raza et al., 2020). Comme tout autre organe, les nodules ont une durée de vie limitée et finissent par entrer dans un processus de sénescence caractérisé par un déclin de la fixation du N2 et la mort coordonnée des bactéries et des cellules végétales. Cette senescence peut se faire par un passage des nodules de l’état puit de carbone à source de nutriment via un simple vieillissement ou déclenché prématurément par des conditions environnementales défavorables (Kazmierczak et al., 2020).

Bilan énergétique de la fixation symbiotique 

La structure moléculaire du N2 est chimiquement difficile à réduire et consomme de l’énergie, lors de la fixation symbiotique l’énergie utilisé provient de l’ATP (Adenosine Triphosphate : issu de l’oxydation des substrats carbonés de la photosynthèse). La réduction d’une mole de d’N2 donne 2 moles d’ammonium avec consommation d’énergie de 16 moles d’ATP (plus une production d’électrons et de protons). La Fabacée peut se retrouver dans des situations où la fixation symbiotique est couteuse plus particulièrement lorsque le nombre de nodules est excessif ou lorsque les bactéries n’arrive pas fixer suffisamment de N2 (Sachs et al., 2010; Regus et al., 2015). La fixation symbiotique représente ainsi un coût en C pour la plante. Pendant une période active de fixation, ce coût est estimé entre 5 et 10 g de C g -1 N [avec unemoyenne de 6,5 g de C g -1 N (Minchin et Witty, 2005)].

Les composés carbonés issus de la photosynthèse sont utilisés par les nodules aux dépens des autres organes, principalement les racines. Chez les Fabacées, les racines utilisant le N2 symbiotique sont moins développées que les racines sans nodules (Voisin et al., 2002). La relation symbiotique peut ainsi être problématique pour la plante hôte, le cout carboné de la fixation du N2 augmente proportionnellement avec le nombre de nodules . Le bénéfice net de la fixation pour une légumineuse peut être estimé par la différence entre l’N fixé et le coût carboné associé, ce bénéfice reste positif jusqu’à un nombre optimal de nodule pour devenir négatif avec un nombre plus important de nodules. Lorsque trop peu de nodules sont formés ou la capacité de fixation n’est pas optimale, la plante hôte n’acquière pas de bénéfice (Sachs et al., 2018).

Nutrition azotée des Fabacées, de la source pédosphérique à la source atmosphérique

En raison du coût en C, une culture de légumineuse prélève dans premier temps l’azote minéral disponible dans le sol via son système racinaire comme toutes les espèces. Le nitrate (NO3- ) disponible dans le sol est prélevé par les racines, ce NO3- peut être réduit en ammonium (NH4+ ) puis transformé en acides aminées (AA). Ces AA sont ensuite exportés vers les parties aériennes (Schrader et al., 1972; Xu et al., 2012). L’épuisement progressif du N minéral du sol entraine une initiation de la mise en place des nodules et le basculement de la nutrition N vers la source atmosphérique N2 (Voisin et Gastal, 2015). En cas de nouvelle disponibilité en N dans le sol, il y a une diminution de la nodulation et du taux de fixation du N2 (Bergersen et al., 1992). La plante aura encore la possibilité de rebasculer sur la fixation symbiotique selon le stade de développement. Chez les Fabacées à graines, la mise en place de la fixation symbiotique ne peut plus se faire à partir du début de remplissage des graines, même en cas d’épuisement de l’N du sol. Chez les Fabacées fourragères la mise en place de la nodulation est souvent plus lente car elles présentent une croissance plus lente en début de culture, la quantité d’N du sol peut être élevée par rapport aux besoins de la plante (Heichel et Henjum, 1991). Leur mode d’exploitation par défoliation provoque également un ralentissement important de la fixation symbiotique laissant place à la dépendance au N du sol et des organes de réserve (Kim et al., 1993; Justes et al., 2002).

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Table des matières

Chapitre I : Introduction générale
Chapitre II : Synthèse bibliographique
I. Généralités sur les Fabacées
1. Fixation symbiotique et flux d’azote d’une culture de Fabacée
1.1. Mise en place de la symbiose
1.2. Bilan énergétique de la fixation symbiotique
1.3. Nutrition azotée des Fabacées, de la source pédosphérique à la source atmosphérique
1.4. Intégration des Fabacées dans les systèmes de culture
II. Le sol : une base d’interactions biologiques
1. L’écologie du sol
2. Les microorganismes : moteurs des fonctions du sol
2.1. Les microorganismes et les Cycles C N P
2.1.1. Cycle du Carbone (C)
2.1.2. Cycle de l’azote (N)
2.1.3. Cycle du phosphore (P)
3. Les Activités enzymatiques du sol
3.1. Régulation des activités enzymatiques dans le sol
3.2. Stœchiométrie des éléments et activités enzymatiques dans le sol
3.3. Les principales enzymes mesurées dans les sols
3.3.1. β-Glucosidase (Cycle C)
3.3.2. Arylamidase (Cycle N)
3.3.3. Chitinases (Cycle C, N)
3.3.4. Phosphatases (Cycle P)
4. Les interactions sol – plante
III. Processus de rhizodéposition : moyen d’échange entre la plante et le sol
1. Composantes de la rhizodéposition
2. Rhizodéposition du Carbone
3. Rhizodéposition de l’Azote
4. Facteurs de variation de la rhizodéposition
5. Méthodologies d’étude de la rhizodéposition
5.1. Analyses quantitatives de la rhizodéposition du C
5.2. Analyses quantitatives de la rhizodéposition de l’N
5.3. Quantification de la rhizodéposition chez les Fabacées
5.4. Méthodes de calcul
5.5. Analyses qualitatives
6. Rhizodéposition et médiation des processus rhizosphérique
6.1. Interactions biologiques dans le sol et dynamiques des nutriments
6.2. Activités et structure des communautés microbiennes
6.3. Etude de la diversité des communautés microbiennes
Chapitre III : Hypothèses et démarche scientifique
I. Enjeux globaux
II. Objectifs de la thèse et hypothèses de travail
III. Démarche expérimentale
1. Choix des espèces végétales
2. Quantification de la rhizodéposition du C et de l’N par double marquage 13C/15N et évaluation des facteurs de déterminismes de cette rhizodéposition
3. Etude de l’exsudation du C et des acides organiques en relation avec l’architecture racinaire et la disponibilité du P dans le sol
4. Rhizodéposition du C, activités enzymatiques et dynamique des éléments nutritifs dans le sol
5. Evaluation de la diversité du microbiome rhizosphérique et racinaire
Chapitre IV : Résultats
IV A : Approches méthodologiques pour l’estimation de l’azote du sol provenant de la rhizodéposition chez différente espèce de Fabacées
IV B : Evaluation of C and N rhizodeposition by four legume crops and relationships with plant functional traits
IV C : Relations entre la morphologie racinaire, l’exsudation du C et les pools d’acides organiques et de composés phosphorés du le sol
IV D : Soil enzyme activity and stoichiometry : linking soil microorganisms resource requirement and legumes’ carbon rhizodeposition
IV E : Linking plant exudation to rhizospheric microbiome : Characterization of bacterial and fungal communities directly influenced by root exudates of three plant species
Chapitre V : Discussion générale
1. Estimation de la rhizodéposition du C et N : étude des flux d’origine atmosphérique et analyse des facteurs de déterminisme
1.1. Détermination d’une méthode d’estimation adaptée
1.2. Évaluation conjointe du C et N alloués à la rhizodéposition
1.3. Performance des plantes : détermination de la rhizodéposition spécifique
1.4. Déterminisme de la rhizodéposition du C et N
2. Impact de la rhizodéposition sur les activités enzymatiques et la diversité des communautés microbiennes du sol
2.1. Effet de la rhizodéposition du carbone sur les activités enzymatiques du sol
2.2. Effet de la rhizodéposition du carbone sur la structure des communautés microbiennes
Chapitre VI : Conclusion

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