Les programmes de recherche menés sur les plantes forestières tentent de donner des nouvelles connaissances permettant de faire des choix sur les opérations de gestion durable des ressources pour que ces dernières puissent satisfaire les besoins écologiques et socio-économiques des communautés. Pour cela, les orientations à suivre doivent être accordées aux lignes directrices des politiques sectorielles nationales dont la politique forestière et la politique environnementale.
La politique forestière (Décret n°97.1200 du 02 octobre 1997) renouvelée d ans un processus très participatif en 1995 a été promulguée en 1997 et s’articule autour de quatre grandes orientations supportées chacune par un certain nombre d’objectifs. La première orientation porte sur la lutte contre la dégradation forestière et prévoit dans un de ses objectifs de « préserver le patrimoine forestier et les grands équilibres écologiques ». Les plantes forestières tenant une place importante dans ce patrimoine demandent donc à être protégées. La seconde orientation de la Politique forestière va en complément de la première étant donné qu’elle parle d’une amélioration visant des objectifs de planification et de valorisation rationnelle des ressources forestières y comprises les plantes. La troisième orientation de la politique forestière consiste à améliorer le potentiel forestier sur base des objectifs de renforcement des conditions et opérations de reboisement. De telles opérations nécessitent des intrants dont notamment les matériels de reproduction (graines et plants forestiers) dont les qualités sont garantes des réussites des plantations qui devraient jouer leurs fonctions économique, écologique et sociale. Enfin, la dernière orientation de la politique forestière porte sur l’accroissement de la performance économique du secteur.
La politique environnementale est définie par la Charte de l’Environnement promulguée vers la fin de l’année 1990 (Loi n° 90-0 33 du 21 décembre 1990). Cette politique vise à rétablir un équilibre durable et harmonieux entre les besoins de développement de l’Homme et les ressources écologiques. Elle s’efforcera donc de situer le développement par rapport à la conservation, d’en définir les interactions dont les conséquences se répercuteront immanquablement sur l’Homme et sur son environnement. La politique est traduite sur le plan opérationnel par le Plan d’Action Environnemental. Il a comme principe de base la participation et l’approche intégrée des problèmes environnementaux. Bien que le domaine de l’Environnement englobe une multitude d’éléments et de composantes, les notions de diversité biologique tiennent une place particulièrement très importante. Par ailleurs, la flore malgache est une des plus riches au monde. La gestion des plantes forestières incluses dans cette richesse floristique est donc d’une nécessité dans la mise en œuvre de la Politique environnementale à Madagascar. En effet, les plantes forestières jouent divers rôles dans la satisfaction des besoins vitaux de l’Homme.
GENERALITES SUR LES ESPECES FORESTIERES
Particularités par rapport aux autres espèces végétales
Par rapport aux autres, les espèces forestières ligneuses sont plus dimensionnées en taille et en diamètre. La partie supérieure ou «le houppier » peut être large à très large et occupe de vastes espaces par individus. Ces aspects font que sur une même superficie, des pieds d’arbres seront toujours moins nombreux que ceux d’autres cultures. Les espèces forestières sont qualifiées de plantes pérennes comme elles sont dotées d’une importante longévité pouvant aller jusqu’à plusieurs siècles. Cette longue durée n’est pas qu’un atout car elle rend l’étude biologique et physiologique plus compliquée que pour les autres plantes. Concernant le système de reproduction, les arbres forestiers sont, pour la plupart, des plantes allogames. Cela implique une grande variabilité au niveau individuel. Il y a aussi bien d’espèces hermaphrodites (les 2 sexes sur une fleur), d’espèces monoïques (fleurs unisexuées mais mâles et femelles sur un pied), que d’espèces dioïques (mâles et femelles sur des pieds séparés). Les principaux agents de pollinisation sont le vent et les insectes. L’âge de maturité sexuelle est très variable selon les espèces et selon la région. Plusieurs agents de dissémination naturelle des semences sont connus pour les espèces forestières, ce qui fait qu’elles occupent une place importante dans les écosystèmes. Ces agents sont soit le vent, soit la gravité, soit la faune (notamment les oiseaux et les mammifères). En matière de structure génétique, les caractères quantitatifs ayant trait à la productivité sont polygéniques c’est-à-dire régis par plusieurs gènes. Ceci constitue un facteur d’augmentation de la variabilité induite également par l’allogamie. Les ressources phytogénétiques forestières sont donc relativement riches. D’où la nécessité de les préserver.
Importance des espèces forestières à Madagascar
Eu égard à la superficie importante de l’île et à la variation écologique qu’elle présente, Madagascar héberge une multitude d’espèces forestières dont l’importance peut être mesurée à travers les différentes catégories d’usage dont elles font l’objet. Des espèces forestières sont utilisées dans l’Agriculture et l’Alimentation comme par exemple les caféiers sauvages, les tubercules poussant dans les forêts. Certaines espèces produisent du bois dont l’usage est multiple selon leurs caractéristiques et propriétés (bois d’énergie, bois de construction, bois d’oeuvre …). Beaucoup d’espèces à fibres comme le Raphia sont d’origine forestière. Les feuilles et/ ou les écorces de nombreuses espèces forestières sont utilisables dans le domaine de l’herboristerie (usage aromatique et médicinal) à différentes fins et très exploités à différents niveaux (local, national, régional et international). La vie animale sauvage dépend en grande partie de la végétation forestière car elle leur sert à la fois d’habitat et de source de nutrition. De nombreuses espèces forestières sont utilisées dans l’ornementation et dans la décoration. Certains travaux d’artisanat utilisent des matières premières issues de plantes forestières (extraction de tanins, de colorants, …). A part le travail du bois, de nouveaux produits issus d’espèces forestières sont de plus en plus recherchés dans l’industrie pour ne citer que la production de biocarburant. Enfin, ce qui n’est pas moindre, des plantes forestières jouent un rôle important dans le renforcement des connaissances scientifiques et historiques.
PROBLEMATIQUE GENERALE ET METHODOLOGIE GLOBALE
Etant donné que nous visons dans cette synthèse à mettre en évidence la complémentarité entre trois domaines des sciences forestières, la formulation de notre problématique et le montage méthodologique sont rédigés dans une vision intégrée de l’amélioration génétique, de la technologie des semences forestières et de la conservation des ressources génétiques.
Problématique
Les domaines de la recherche en Foresterie sont vastes et compliqués étant donné que les écosystèmes forestiers abritent une multitude d’êtres vivants au dépend de conditions physiques très variables. La recherche sur les espèces forestières n’est donc pas dissociable de tout ce qui les entourent notamment la faune sauvage, les facteurs édaphiques et topographiques, le régime hydrique et le climat. Par ailleurs, les rôles socio-économiques et écologiques des espèces forestières sont loin d’être exhaustivement étudiés eu égard à la grande diversité floristique qu’elles présentent. D’un côté, l’identification de ces rôles par l’approche écosystème où l’on tente d’étudier la vie de toutes les composantes du milieu et de leur interdépendance s’avère être irréaliste. De l’autre côté, l’approche espèce rencontre beaucoup de difficultés car l’on est obligé de passer par plusieurs niveaux à savoir les populations, les provenances, les individus et les génotypes. Ces différents niveaux offrent une immense variabilité qui s’accompagne d’une grande diversité de caractéristiques et de propriétés au sein d’une même espèce.
Les plantations forestières, forme de création artificielle d’un écosystème forestier dans lequel l’on utilise généralement une espèce pour atteindre un objectif déterminé tel que production (ligneuse ou non ligneuse), protection et restauration de sol ou de source hydrique, récréation, ornementation, … sont confrontées à des problèmes d’inadéquation des produits offerts aux besoins socio-économiques et écologiques de la population. En effet, la résistance et l’adaptation aux facteurs physiques des espèces utilisées en plantation ne sont pas gagnées d’avance étant donné qu’elles sont mises en place en dehors de leur aire naturelle. Par ailleurs, elles se trouvent en présence inévitable de nouveaux éléments biotiques avec les quelles elles n’étaient pas habituées. D’où, il s’en suit une faible productivité et un manque de qualité par rapport aux attentes des reboiseurs. Pourtant la mise en place des plantations forestières ou des reboisements constitue l’alternative par excellence pour réduire les pressions dans les forêts naturelles.
Pour ces dernières, l’état de dégradation est souvent déploré car les problèmes ont plusieurs causes. Mis à part les cataclysmes naturels qui ne sont pas maîtrisables, les opérations d’exploitation forestière ciblée sur le prélèvement des meilleurs individus (écrémage), avec une quantité dépassant largement la potentialité de pérennisation des espèces entraînent des dégâts sur l’ensemble de l’habitat ou de l’écosystème. Si les bons géniteurs disparaissent, alors la reproduction (si elle a lieu) est laissée au soin des mauvais individus et compromet gravement la qualité des générations futures. Face à la perte d’individus matures, la procréation a de moins en moins de chance de réussir, ce qui est une menace grave à la disparition des espèces. Le problème se résume à l’érosion génétique qui constitue un phénomène irréversible si des mesures adéquates et efficaces ne sont pas appliquées. D’ailleurs, une des causes des menaces entraînant la disparition des espèces vient de l’existence de certaines lacunes en matière de réglementation, de mise en œuvre des politiques et des stratégies nationales ainsi que de contrôle des exploitations. Une autre cause expliquant les menaces, malgré l’existence d’une réelle volonté à préserver les ressources est le manque de connaissance. En effet, le rôle attribué à la recherche pour compléter le savoir et pour apporter des solutions aux problèmes est souvent négligé. La dégradation des écosystèmes forestiers naturels et leur appauvrissement en espèces suivent donc un rythme continu et s’accompagnent d’une fragmentation des populations originelles et d’une disparité des individus d’une espèce. Ceci constitue un handicap majeur à la conservation de ses ressources génétiques. La question « que conserver ? » reste donc quasiment entière car les reliquats ne sont pas suffisamment connus et peuvent ne plus être assez représentatifs du patrimoine génétique de chaque espèce.
Ces reliquats étant pauvres, conserver sans multiplier une espèce forestière est devenu impossible et le recours à la reproduction artificielle intégrant le processus de conservation ex-situ est obligatoire. Cette option est d’autant plus justifiée par le caractère aléatoire du développement des régénérations naturelles. Cependant, la disponibilité en matériels de reproduction tels que les graines n’est pas toujours acquise car les forêts hébergeant les espèces ciblées sont localisées dans des endroits de plus en plus reculés, difficilement accessibles. Aussi, la phénologie des espèces se trouve être fortement influencée par les saisons climatiques qui changent continuellement. La période exacte de maturation des graines reste donc inconnue. Par ailleurs, formes de matériels génétiques vivants, les graines continuent à vivre au-delà des plantes – mères. Certaines sont par contre, de viabilité courte à très courte et d’autres très sensibles à la variation de l’humidité et de la température (graines récalcitrantes). Ce type de graines serait difficile voire impossible à stocker qu’à très court terme donc ne pourrait pas faire l’objet de conservation de ressources génétiques. Ainsi, le recours à la multiplication artificielle est devenu obligatoire. Elle commence par la germination des graines, première phase de développement de nouveaux plants qui est un phénomène conditionné par plusieurs facteurs dont leur propre qualité physiologique et les conditions du milieu de reproduction. Ce qui fait qu’il ne s’agit pas d’une simple mise en place des semences forestières sur un support physique et nutritif. En outre, l’adaptation sur le terrain en dehors de l’aire naturelle des plants issus de la multiplication artificielle pourrait également poser des problèmes car bien que considérées comme rustiques, certaines espèces forestières sont exigeantes notamment sur les facteurs atmosphériques et édaphiques.
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Table des matières
I – INTRODUCTION GENERALE
II – GENERALITES SUR LES ESPECES FORESTIERES
II – 1 – PARTICULARITES PAR RAPPORT AUX AUTRES ESPECES VEGETALES
II – 2 – IMPORTANCE DES ESPECES FORESTIERES A MADAGASCAR
III – PROBLEMATIQUE GENERALE ET METHODOLOGIE GLOBALE
III-1- PROBLEMATIQUE
III-2- METHODOLOGIE DE RECHERCHE
IV- SYNTHESE DES TRAVAUX DE RECHERCHE
IV.1. – AMELIORATION GENETIQUE
IV.1.1.- Eucalyptus robusta
IV.1.2.- Eucalyptus grandis
IV.2. – TECHNOLOGIE DES SEMENCES FORESTIERES
IV.2.1. – Etude morphologique et anatomique de graines
IV.2.1.1.- Caractéristiques morphologiques et anatomiques des graines forestières
IV.2.1.2.- Etude de cas sur des espèces autochtones en provenance d’Ankeniheny (Forêt dense humide de moyenne altitude)
IV.2.2. Tests de germination
IV.2.2.1.- Généralités sur la germination
IV.2.2.2. – Etudes de cas sur la germination de graines
IV.2.2.2.1.- Genre Adansonia
IV.2.2.2.2.- Genre Diospyros
IV.2.2.2.3.- Genre Dalbergia
IV.3.- CONSERVATION DE RESSOURCES PHYTOGENETIQUES FORESTIERES
IV.3.1.- Conservation de graines
IV.3.1.1.- Etudes de cas sur la conservation de graines
IV.3.1.1.1.- Khaya madagascariensis et Khaya senegalensis
IV.3.1.1.2.- Espèce Ocotea cymosa
IV.3.2.- Exploration des ressources, multiplication et plantation conservatoire
IV.3.2.1.- Etude de cas sur quelques espèces autochtones
IV.3.2.1.1.- Dalbergia baronii
IV.3.2.1.2.- Dalbergia greveana
IV.3.2.1.3- Dalbergia monticola
IV.3.2.1.4.- Diospyros perrieri
IV.3.2.1.5.- Conclusions
IV.3.2.2.- Etude de cas sur la mise en place de parcelle conservatoire de provenances de Khaya madagascariensis
V – ANALYSE DE LA COMPLEMENTARITE DES APPROCHES
VI– APPLICATIONS DE LA RECHERCHE
VI-1.- ACTIVITES AU SILO NATIONAL DES GRAINES FORESTIERES
VI-2.- APPUIS A L’ADMINISTRATION
VI-3.- ENSEIGNEMENTS
VII. – PERSPECTIVES DE PROJET DE RECHERCHE
VIII– CONCLUSIONS GENERALES
IX.- BIBLIOGRAPHIE