Les espèces réactives de l’oxygène (ERO) et leur implication probable dans certaines physiopathologies humaines suscitent, depuis ces dernières décennies, un intérêt grandissant dans le domaine de la santé. Cet intérêt a vu le jour il y a une cinquantaine d’années, lorsque Harman (1956) émit l’hypothèse que le vieillissement serait en partie dû à une accumulation de dommages moléculaires et cellulaires provoqués par les ERO. Depuis lors, le stress oxydant, résultant d’un déséquilibre entre les systèmes antioxydants et la production d’oxydants comme les ERO, semble être lié à de nombreuses maladies plurifactorielles au premier rang desquelles figurent les cancers (Kawanishi, 2002), les maladies cardio-vasculaires (Sachidanandame, 2005) et l’inflammation (Bodamyali, 2000). Les mécanismes par lesquels ces pathologies se développent impliquent généralement l’altération oxydative de molécules d’importance physiologique comme les protéines, les lipides et les acides nucléiques, ainsi que la modulation de l’expression des gènes et de la réponse inflammatoire. Au cours de l’évolution, les organismes aérobies dont l’Homme se sont adaptés pour contrer les effets délétères du stress oxydant, notamment par la mise en place de systèmes de défense. Parmi eux, les systèmes enzymatiques, notamment les superoxydes dismutases, les catalases, les glutathion peroxydases ainsi que les systèmes thiorédoxines, sont reconnus comme étant les plus performants dans la détoxification des ERO. Les principaux systèmes antioxydants non enzymatiques présents dans l’organisme humain regroupent, quant à eux, le glutathion, la bilirubine, les hormones sexuelles œstrogéniques, l’acide urique, les formes ubiquinol/ubiquinone, et l’acide dihydrolipoïque. En outre, nombre d’études s’accordent aujourd’hui sur l’importance de la contribution des antioxydants exogènes, apportés notamment par l’alimentation, dans la lutte contre le stress oxydant. Ces antioxydants essentiellement d’origine végétale sont apportés sous la forme de composés phénoliques, de tocophérols, de tocotriènols, d’acide ascorbique et de caroténoïdes.
GÉNÉRALITÉS SUR LES ESPÈCES ACTIVES DE L’OXYGÈNE
Définition
Les espèces réactives de l’oxygène (ERO) sont des radicaux libres ou des molécules. Un radical libre est une espèce chimique, neutre ou chargée, qui a la particularité de porter un électron célibataire (non apparié) sur sa couche externe, ce qui le rend généralement instable et capable de réagir plus ou moins rapidement avec d’autres molécules chimiques environnantes. Les réactions de transfert d’électrons qu’il produit (réactions d’oxydoréduction, redox) conduisent souvent à la formation d’un nouveau radical, ce phénomène pouvant se propager par des réactions en chaîne. En effet, ce radical libre aura toujours tendance à remplir son orbitale en captant un électron pour devenir plus stable (Carrière, 2006). La réactivité chimique des radicaux libres de l’oxygène est variable selon la molécule considérée, mais ce sont pour la plupart de puissants oxydants. Les principaux radicaux libres entrant dans les processus physiopathologiques humains sont les radicaux superoxydes et hydroxyles, mais d’autres dérivés de l’oxygène jouent également un rôle important dans le stress oxydant, en particulier le peroxyde d’hydrogène et le peroxynitrite. C’est pourquoi le terme d’espèces réactives de l’oxygène est préféré à celui de radicaux libres puisque le peroxyde d’hydrogène n’est pas un radical libre. (Goudable & Favier, 1997).
Nature et sources cellulaires des espèces réactives de l’oxygène
Ces ERO sont générées soit par réduction incomplète de l’oxygène au niveau de la mitochondrie ou par différents systèmes enzymatiques et dans ce cas il s’agit d’ERO primaires dont le principal est l’anion superoxyde (Denys & Gobert, 2013).
L’existence de nombreuses sources de production d’ERO dans la cellule ajoute un niveau supplémentaire de complexité. Une production extracellulaire d’ERO par la NADPH oxydase doit avoir des répercussions cellulaires très différentes de celle provenant de la membrane interne de la mitochondrie, ne serait-ce que par la présence de systèmes de détoxification différents (Carrière, 2006). Les origines cellulaires des ERO sont essentiellement enzymatiques et découlent de plusieurs sources. Deux sources majeures sont principalement concernées :
➤ La première résulte d’imperfections de la chaîne respiratoire mitochondriale qui produit par réduction mono électronique des ERO ;
➤ La deuxième source majeure de production des ERO est constituée par la NAD(P) H oxydase, essentiellement localisée au niveau de la membrane plasmique.
À côté de ces deux sources majeures d’ERO, d’autres sources cytosoliques ou présentes dans divers organites cellulaires peuvent jouer un rôle dans la modulation de la signalisation cellulaire, telles que la xanthine oxydase, les enzymes du réticulum endoplasmique lisse (cytochromes P450), les NO synthases et les enzymes de la voie de l’acide arachidonique. L’auto-oxydation des monoamines (dopamine, épinephrine et norépinephrine), des flavines et de l’hémoglobine, en présence de traces de métaux, peut également être à l’origine de la production d’ERO (Souza, 2001).
Les principaux espèces réactives de l’oxygène
L’oxygène est une molécule indispensable au bon fonctionnement de l’organisme. Il est utilisé au niveau des mitochondries pour la production d’énergie. Cependant 2 à 4% de cet oxygène moléculaire subit des réactions d’oxydoréduction pour donner naissance à des espèces réactives appelées ERO.
❖Ion superoxyde O2•-
Le dioxygène subit une réaction monoélectrique c’est-à-dire une addition d’un électron, conduisant à la formation du radical superoxyde O2•- Ce dernier est un dérivé très réactif de l’oxygène, mais relativement stable et peu toxique. Cependant, il est à l’origine d’une cascade de réactions produisant des molécules plus nocives (Gardes-Albert M., 2003)
❖Radical libre hydroxyle •OH
Le radical libre hydroxyle •OH est très réactif. C’est un dérivé de l’ion superoxyde .Ce radical peut réagir avec beaucoup de molécules comme l’ADN, les glucides, les protéines. (Sorg, 2004)
❖Peroxyde d’hydrogène H2O2
Le peroxyde n’est pas une espèce radicalaire de l’oxygène, car tous ses électrons périphériques sont appariés. Il est produit en grande partie à partir du radical superoxyde en présence de superoxyde dismutase qui catalyse la réaction (Goudable, 1997).
Espèces réactives de l’azote (ERN)
Découvert au cours de la dernière décennie, le monoxyde d’azote (NO·) a pris une place considérable en biologie. Malgré son rôle protecteur vis-à-vis du stress oxydant en limitant la lipoperoxydation et ses effets anti-inflammatoires, il est paradoxalement impliqué dans de nombreuses pathologies telles que le diabète, l’athérosclérose, le cancer et les lésions neuronales dégénératives. Caractérisé par sa grande faculté de diffusion dans les membranes cellulaires et sa réactivité moyenne, le monoxyde d’azote radicalaire peut aisément réagir avec la plupart des espèces oxygénées et se transformer en dioxyde d’azote(NO2) (Gueye, 2018).
Rôle biologique des espèces réactives de l’oxygène
Les phénomènes radicalaires de base sont utiles au bon fonctionnement de l’organisme (Belyagoubi, 2011). La production des ERO est une conséquence inévitable du métabolisme aérobie. En effet, l’organisme a besoin d’O2 pour produire de l’énergie, via une réduction tétravalente séquentielle de l’O2 en eau au cours du processus dit de respiration mitochondriale (Sabiha, 2013). Les ERO apparaissent donc comme des molécules produites par divers mécanismes physiologiques. À certaines doses, elles sont utiles à l’organisme, mais leur production peut devenir excessive ou résulter de mécanismes toxiques exogènes à l’organisme (Gueye A. , 2018).
Mécanisme d’action des Espèces Réactives de l’Oxygène
Les ERO ont une durée de vie très courte, agissent à concentration très faible et en très peu de temps. Ceci leur confère un effet local par rapport à leur lieu de production. Dans les conditions physiologiques : Les ERO interviennent dans les lignes de défense contre l’infection par les virus et les bactéries. Leur production est permanente. Ils sont impliqués aussi dans l’élimination des cellules anciennes ou défectueuses que notre organisme remplace en permanence. Dans les conditions pathologiques : en absence de quantité suffisante d’antioxydants endogènes ou exogènes, le stress oxydant augmente et s’accélère. Ce conflit interne affecte toutes les parties du corps. Ce phénomène peut être de faible ampleur ou intense, provoquant une détérioration rapide de la santé (Sokhna, 2010). L’altération des composants cellulaires et des structures tissulaires intervient lorsque la quantité des ERO augmente anormalement et dépasse la quantité d’antioxydants disponible. La conséquence de ce déséquilibre va entraîner une agression appelée « stress oxydatif », qui peut toucher tous les tissus et tous leurs composants: lipides, protéines, glucides et ADN (Belyagoubi, 2011).
Les ERO ont la capacité à « oxyder » bon nombre de molécules biologiques comme les glucides, les acides nucléiques, les protéines et les lipides. Les ERO peuvent oxyder un substrat de différentes manières.
Acide Désoxyribonucléique ou ADN
Les ERO ont des effets toxiques sur l’ADN, ils peuvent induire un dérapage dans l’ADN entrainant des mutations et donc des cancers. L’attaque de l’ADN par ●OH conduit à la formation de plusieurs produits. En effet, ce radical peut interagir aussi bien avec le désoxyribose, que les bases puriques et pyrimidiques. Le radical ●OH peut attaquer la guanine en position 4, 5 ou 8 de la base purique. La réaction du radical ●OH avec la guanine en C8 donne le 8- hydroxyguanine qui est potentiellement inductrice d’un dérapage dans l’ADN provoquant des mutations donc des cancers (Peng., 2000).
Protéines
Les protéines sont également largement impactées par les ERO. Les acides aminés basiques (arginine, histidine, lysine), soufrés (méthionine, cystéine) ou aromatiques (phénylalanine, tryptophane, tyrosine) sont particulièrement sensibles aux oxydations. L’oxydation va conduire à la perte d’acides aminés essentiels, notamment par addition de groupements carbonyles. Ces groupements carbonyles peuvent réagir avec des fonctions amines non oxydées de la lysine pour former des liaisons imines (-HC N-), qui peuvent conduire à l’agrégation des protéines. L’oxydation de deux tyrosines proches peut aussi conduire à la formation de dityrosine, qui lorsqu’elle se forme à partir de deux chaînes peptidiques différentes, représente aussi un facteur d’agrégation des protéines. Le tryptophane peut être oxydé en hydroxytryptophane, dont les métabolites (hydroxyindole et hydroxykinurénine), formés en milieu très oxydant, présentent une activité mutagénique élevée (Durant, 2013).
Lipides membranaires
Les lipides et principalement les acides gras polyinsaturés (AGPI) sont des cibles privilégiées des ERO en raison de leur richesse en hydrogènes bisallyliques facilement oxydables. Plus l’acide gras est riche en doubles liaisons, plus il est peroxydable, c’est-à-dire dégradable par un processus oxydant non enzymatique néfaste pour la cellule. Le cycle d’oxydation des AGPI est bien décrit, il comporte trois phases : l’initiation, la propagation et la terminaison. Les mécanismes de lipoperoxydation sont initiés lorsqu’une ERO arrache un atome d’hydrogène provenant d’un groupement méthylène (-CH2-) porté par un AGPI (LH). Le radical hydroxyle HO● est l’un des initiateurs les plus efficaces :
Initiation → radical alkyle (L●) → radical diène conjugué (ou radical diènyl). Propagation → radical diènyle (L●) + Oxygène → un radical peroxyle (LOO●). Terminaison : ce dernier (LOO●) est capable de réagir avec une molécule lipidique voisine (LH) entraînant la formation d’un hydroperoxyde (LOOH) et d’un nouveau radical alkyle (L●) qui assure la propagation de la réaction (Durand, 2013).
Stress Oxydatif
Définition
Au sein de l’organisme, il existe un équilibre entre production d’ERO et capacité antioxydante intracellulaire conduisant ainsi à une bonne régulation de l’état redox des cellules. Il est question de stress oxydant lorsque la production d ERO dépasse les capacités antioxydantes c’est à dire un déséquilibre de la balance « production d’ERO/capacité antioxydante ». La production d’ERO peut être faible et de courte durée ou bien supérieure à la capacité antioxydante et dans ce cas ce déséquilibre prolongé (ou permanent) conduit à une situation de stress chronique comme c’est le cas dans de nombreuses pathologies (Sorg., 2004).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : GÉNÉRALITÉS SUR LES ESPÈCES ACTIVES DE L’OXYGÈNE
I. Définition
I.1. Nature et sources cellulaires des espèces réactives de l’oxygène
I.2. LES PRINCIPAUX ESPECES REACTIVES DE L’OXYGENE
I.3. Espèces réactives de l’azote (ERN)
I.4. Rôle biologique des espèces réactives de l’oxygène
I.5. Mécanisme d’action des Espèces Réactives de l’Oxygène
I.5.1. Acide Désoxyribonucléique ou ADN
I.5.2.Protéines
I.5.3. Lipides membranaires
II. Stress Oxydatif
II.1. Définition
II.2. Origine du stress oxydant
II.3. Conséquences du stress oxydant
III. Antioxydants
III.1. Definition
III.2. Antioxydants naturels et de synthèse
III.2.1. Antioxydants naturels
III.2.2. Antioxydants de synthèse
III.3. Mécanisme endogène de régulation du stress oxydatif
III.3.1. Systèmes enzymatiques
III.3.1.2. Superoxydes dismutases
III.3.1.3. Glutathion peroxydase
III.3.1.4. Catalase
III.3.2. Système non enzymatique
III.3.2.1. Vitamine C
III.3.2.2. Caroténoïdes
III.3.2.3. Béta-carotène
III.3.2.4. Coenzyme Q10
III.3.2.5. Acide urique
III.3.2.6. Polyphenols
III.3.2.6.1. Flavonoïdes
III.3.2.6.2. Tanins
III.3.2.7. oligo-èléments
III.3.2.7.1. Le sélénium
III.3.2.7.2. Cuivre
III.3.2.7.3. Le zinc
CHAPITRE II : GÉNÉRALITÉS SUR L’HYMENOCALLIS LITTORALLIS
I. Généralités
I.1. Position dans la systématique
I.1.1. Description botanique
CHAPITRE III : MATÉRIEL ET MÉTHODES
I. Cadre d’étude
I.1. Matériel végétal
I.2. Appareillage
I.3. Verrerie
I.4. Réactifs
II. Méthodes d’étude
II.1. Préparation des extraits
II.2. Tests phytochimiques ou screening
II.2.1. Préparation de la solution
II.2.2. Mise en évidence des polyphénols
II.3. Identification par chromatographie sur couche mince (CCM)
II.3.1. Caractérisation des polyphénols
II.3.2. Caractérisation des alcaloïdes
II.4. Détermination de l’activité antioxydante
II.4.1. Méthode spectrophotométrique au DPPH•
II.4.1.1. Mode opératoire
II.4.1.2. Expression des résultats
CHAPITRE IV : RÉSULTATS ET DISCUSSION
I. Résultats
I.1. Extractions
I.2. Screening phytochimique
I.2.1 Caractérisation des polyphénols et des alcaloïdes par CCM
I.2.1.1. Caracterisation des polyphénols
I.2.1.2. Caracterisation des alcaloïdes
I.3. Activité antioxydante
I.3.1. Méthode spectrophotométrique au DPPH•
II. Discussion
CONCLUSION