Généralités sur les énamides
Les énamides sont des outils chimiques intéressants qui connaissent actuellement un gain d’intérêt important puisqu’ils permettent d’introduire des fonctions moléculaires azotées diversement substituées par le biais de stratégies de synthèse variées. Bien qu’ils aient été délaissés pendant longtemps au profit des énamines, plus riches en électrons et plus réactives, leur stabilité chimique ainsi que leurs propriétés électroniques ont permis le développement de nombreuses méthodologies de synthèse notamment grâce à la catalyse métallique. De plus, la présence de cette fonction chimique dans certains produits naturels et composés actifs justifie l’utilité des énamides en tant que point de départ ou intermédiaire dans la synthèse de composés d’intérêt thérapeutique.
Un énamide est constitué d’une double liaison carbone-carbone enrichie en électrons grâce à la propriété π-donneur de l’azote. La réactivité des énamides s’explique par la délocalisation des électrons du doublet non liant de l’azote générant à la fois un centre déficient en électrons soit plutôt électrophile en position α (C2) et un centre riche en électrons soit plutôt nucléophile en position β (C3). La nature secondaire ou tertiaire de l’énamide impacte directement sur les propriétés électroniques de la double liaison et permet, selon les conditions utilisées, de différencier leur réactivité. Récemment cette différence de réactivité entre les énamides secondaires et tertiaires a été mise à profit grâce à leur propriété nucléophile et/ou électrophile.
Les énamides secondaires
Bien qu’elle soit nettement moins exploitée, la réactivité des énamides secondaires se rapproche de celle des énamines correspondantes. A température ambiante, les énamines secondaires sont en équilibre avec la forme imine correspondante. Pour les énamides et les ènecarbamates secondaires, lorsque l’on utilise des conditions acides de type acide de Brönsted (i.e. acide triflique) ou acide de Lewis, ces derniers peuvent s’isomériser respectivement sous la forme d’imine N-acylée ou Nalkoxycarbonylée .
La réactivité des énamides ou des ènecarbamates secondaires a fait l’objet de nombreux travaux depuis plus de 30 ans, c’est pourquoi dans ce manuscrit nous nous attacherons spécifiquement à ne décrire que les avancées récentes dans ce domaine en nous focalisant sur l’aspect stéréosélectif de ces réactions.
En tant que nucléophile
L’équipe de Kobayashi a été la première à mettre à profit les propriétés nucléophiles des énamides dans le cadre de réactions énantiosélectives. Leurs travaux ont d’abord porté sur la réaction de ces dernierssur des imines ainsi que sur des aldéhydes via une catalyse au cuivre en présence d’un ligand diazoté possédant une symétrie C2 .
Par la suite, des travaux de recherche complémentaires ont pu démontrer qu’il était également possible de faire réagir ces énamides de façon énantiosélective sur divers composés électrophiles tels que par exemple des azidocarboxylates, des accepteurs de Michael, ou des imines N-acylées.
En tant qu’électrophile
Par ailleurs, les équipes de Terada et Zhou ont mis en évidence que l’utilisation d’acides de Brönsted chiraux sur des énamides entraînait la formation d’ions iminiums chiraux, pouvant alors participer à des réactions de Friedel-Crafts avec une bonne énantiosélectivité .
Difonctionnalisation d’énamides secondaires
Au vu de ces résultats, de nouvelles méthodologies élégantes se sont développées en utilisant à la fois le caractère nucléophile de la position C3 et électrophile de la position C2 dans des réactions de difonctionnalisation monotopes. L’équipe de Terada a ainsi décrit la synthèse de pipéridines énantioenrichies via une double addition de type aza-ene d’ènecarbamatessecondaires sur des imines N-Boc suivie d’une cyclisation en tandem .
Fluoroalkylation d’énamides catalysée par le Fe(II)
Il n’est plus à démontrer qu’actuellement l’insertion de fonctions fluorées sur des composés azotés d’intérêts est un secteur de recherche en pleine expansion, ceci étant dû au fait qu’elle est devenue une étape de routine dans les processus de pharmacomodulation. Aujourd’hui 20 à 25 % des médicaments et 40% des composés utilisés en agrochimie possèdent au moins un atome de fluor et un composé sur cinq approuvé par la FDA contient au moins un groupement trifluorométhyle .
Récemment, l’attention de nombreux chercheurs s’est focalisée sur le développement de nouvelles méthodologies de transfert de groupe CF3 ou CF2R sur différentes plateformes moléculaires d’intérêt en chimie médicinale et en agrochimie. En effet, afin de modifier et d’optimiser les propriétés physico-chimiques d’un composé, certaines fonctions chimiques peuvent être substituées par des bioisostères fluorés. Ainsi, le groupe CF3 ou CF2H est utilisable en remplacement des groupes méthyle, éthyle, iso-propyle ou ter-butyle car il ne souffre pas d’oxydation métabolique in vivo. De plus, l’incorporation de fluor permet de jouer sur la lipophilie d’une molécule, et donc sur sa capacité à traverser les membranes cellulaires. Le groupe CF2H, aux propriétés lipophiles, agit quant à lui également comme donneur de liaison hydrogène et peut être utilisé comme bioisostère d’alcools et de thiols.
Le besoin de nouveaux outils permettant la construction ou l’incorporation de ces groupes fluorés conduit de nombreuses équipes vers la recherche de nouvelles méthodes de fluoration et de fait vers des squelettes moléculaires fluorés innovants. Les méthodes décrites jusqu’alors dans la littérature pour l’introduction de fonctions fluorées sur divers substrats notamment les hétéroaryles sont souvent peu sélectives ou peu éco-compatibles. De plus, les réactions de fluoration utilisées actuellement au niveau industriel sont souvent menées sur des substrats simples utilisés ensuite comme bloc moléculaire pour accéder à des composés plus complexes. Dans de nombreuses applications, cependant, il est nécessaire d’effectuer l’introduction de fluor sur des intermédiaires avancés qui portent déjà des fonctionnalités complexes. Au regard des méthodologies existantes, l’introduction de substituants fluoroalkyles sur des hétérocycles azotés, structures omniprésentes dans les molécules biologiquement actives, suivant des conditions douces, et non toxiques constitue toujours un challenge important en chimie. Cette thématique est devenue un domaine extrêmement concurrentiel au niveau national mais également au niveau international.
Afin de répondre à cette problématique et forts de nos travaux antérieurs, nous avons porté notre attention sur l’étude de la fluoroalkylation d’énamides, oléfines riches en électrons, qui sont des précurseurs clés pour accéder à différents hétérocycles azotés aromatiques ou non aromatiques variés .
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Table des matières
Introduction générale
1.1-Généralités sur les énamides
1.2-Les énamides secondaires
1.2.1-En tant que nucléophile
1.2.2-En tant qu’électrophile
1.2.3-Difonctionnalisation d’énamides secondaires
1.3-Les énamides tertiaires
1.3.1-En tant que nucléophile
1.3.2-Difonctionnalisation d’énamides tertiaires
1.4-Fonctionnalisation métallo-catalysée de liaison C-H d’énamide
1.4.1-Fonctionnalisation intramoléculaire en position 2 de liaison Csp2-H
1.4.2-Fonctionnalisation intermoléculaire en position 2 de liaison Csp2-H
1.4.3-Fonctionnalisation intramoléculaire en position 3 de liaison Csp2-H
1.4.4-Fonctionnalisation intermoléculaire en position 3 de liaison Csp2-H
1.5-Résumé des objectifs
Fluoroalkylation d’énamides catalysée par le Fe(II)
2.1-Introduction
2.2-Formation de liaison Csp2-CF3 à partir de liaison C-H d’oléfines activées
2.2.1-Fluoroalkylation via un mécanisme radicalaire
2.2.2.-Fluoroalkylation via une réaction de couplage métallo-catalysée
2.2.3-Fluoroalkylation en présence d’iode hypervalent
2.3-Fluoroalkylation d’énamides catalysée par le Fe(II)
2.3.1-Objectif
2.3.2-Résultats
2.3.2.1-Optimisation de la réaction
2.3.2.2-Champ d’application
2.3.2.3-Etude mécanistique
2.4-Conclusion et perspectives
Azidation d’énamides catalysée par le Fe(II)/Fe(III)
3.1-Azidation d’oléfines via difonctionnalisation
3.1.1-Via l’utilisation d’iode hypervalent en absence de métaux
3.1.2-Via l’utilisation d’un catalyseur métallique
3.1.3-Via l’utilisation d’un catalyseur métallique et d’iode hypervalent
3.1.4-Objectifs généraux
3.2-Azidation métallo-catalysée en position 2 d’énamide en présence de fe(II)
3.2.1-Objectifs
3.2.2-Résultats
3.2.2.1-Mise en place et champ d’application
3.2.2.2-Etude du mécanisme
3.2.2.3-Post-fonctionnalisations diverses
3.3-Azidation métallo-assistée en position 3 d’énamide en présence de fe(III)
3.3.1-Introduction
3.3.2-Résultats
3.3.2.1-Mise au point de la réaction
3.3.2.2-Champ d’application
3.3.2.3-Etude mécanistique
3.3.2.4-Réactivité des hémiaminals et post-fonctionnalisations
3.3-Conclusion et perspectives
Fonctionnalisation de liaison C-H d’énamide par transfert catalytique de nitrène
4.1-Rappel bibliographique sur les nitrènes
4.1.1-Introduction
4.1.2-Les précurseurs de nitrène
4.2-Fonctionnalisation par transfert catalytiques de nitrènes
4.2.1-Via une approche intramoléculaire
4.2.2-Via une approche intermoléculaire
4.2.3-Résultats antérieurs sur l’étude de la réaction d’oxyamidation appliquée aux énamides
4.2.4-Compétition entre la C-H amination et la formation d’aziridine à partir d’alcènes
4.2.4.1-Via un processus intramoléculaire
4.2.4.2-Via un processus intermoléculaire
4.3-Notre projet de recherche
4.3.1-Objectifs
4.3.2-La réaction d’oxyamidation appliquée aux énamides
4.3.2.1-Mise en place et application
4.3.2.2-Application à des réactions énantiosélectives
4.3.2.3-Réactivité de la fonction hémiaminal
4.3.2.3-Etudes mécanistiques
4.3.3- C-H amination d’énamide par transfert de nitrène
4.3.3.1-Mise au point de la réaction
4.3.3.2-Synthèse d’énamides de départs
4.3.3.3-Champ d’application
4.4-Conclusion
Conclusion générale