L’eczéma allergique de contact (ou dermite ou dermatite de contact) est une dermatose très fréquente. Elle résulte d’une sensibilisation à des substances en contact avec le revêtement cutané, suivie d’une réaction immunitaire qui fait intervenir l’hypersensibilité retardée ou de type IV.
Les présentations cliniques de l’eczéma de contact sont extrêmement polymorphes et trompeuses. Ce sont les tests épicutanés, guidés par un interrogatoire préalable détaillé, qui permettent de faire le diagnostic en démontrant qu’un allergène suspecté est en cause. Le diagnostic différentiel principal est la dermite d’irritation de contact qui ne fait pas intervenir l’immunité lymphocytaire T spécifique. Le seul moyen d’obtenir une guérison complète est l’éviction de l’allergène causal. Malheureusement, certains allergènes sont pratiquement impossibles à éliminer de la vie quotidienne. De ce fait, les patients tendent à présenter des lésions chroniques plusieurs années après le début des troubles.
GÉNÉRALITÉS SUR LES ECZÉMAS
LA PEAU NORMALE
Quelle que soit la topographie de la peau, son architecture est toujours la même. Elle se compose d’une couche stratifiée superficielle, l’épiderme, qui repose sur un tissu de soutien, le derme. La couche profonde ou hypoderme est aussi appelée tissu sous-cutané. Cette organisation en trois étages résulte de l’embryologie de la peau. Les trois grands étages de la peau sont le siège des annexes cutanées: les follicules pilo-sébacés, les glandes sudorales et les ongles. On distingue deux types de peau : la peau glabre, totalement dépourvue de follicules pilo-sébacés, qui constitue le revêtement des paumes et des plantes, du gland, du clitoris et de la lèvre vermillon, et le reste des téguments où l’on trouve des follicules de nombre et de taille extrêmement variables.[27]
L’épiderme
C’est la couche la plus superficielle de la peau. Il est décrit comme un épithélium malpighien pluristratifié kératinisant. Il est constitué de différents types de cellules: la grande majorité est constituée par les kératinocytes à divers stades de leur maturation associés à des cellules dendritiques résidentes de l’épiderme, et de façon plus occasionnelle des cellules d’origine sanguine. L’épiderme est à son tour organisé en couches, de l’intérieur vers l’extérieur :
*le stratum basale ou couche basale
*le stratum spinosum anciennement appelé corps muqueux de Malpighi
*le stratum granulosum ou couche granuleuse
*le stratum lucidum
*le stratum corneum ou couche cornée.
Le derme
C’est un tissu conjonctif fait de collagène et de fibres élastiques entourés d’une substance fondamentale dite « amorphe ». A ce niveau on trouve surtout des fibroblastes qui donnent naissance aux fibres de collagène et d’élastine ainsi qu’à la substance fondamentale, ainsi que les macrophages, et enfin les mastocytes qui font partie des cellules normales du derme.
L’hypoderme
Il est constitué de trois composants : le tissu graisseux formé d’adipocytes groupés en lobules, les septums interlobulaires qui sont des tractus conjonctifs qui séparent les lobules graisseux, et enfin les vaisseaux et les nerfs.
LES ECZEMAS
Définition
L’eczéma est la plus fréquente des maladies de la peau. Elle représente l’un des plus fréquents motifs de consultations en dermatologie. Il s’agit d’une affection souvent invalidante, dont la définition a longtemps été discutée. [10] Le terme « ECZEMA » est très ancien, il dérive d’un verbe grec qui signifie « faire ébullition en dehors ». DIOSCORIDE, médecin du premier siècle de notre ère, utilise le mot « eczéma » pour désigner une éruption cutanée. Ce terme reste très vague jusqu’au XIXe siècle, où les auteurs viennois et français essaient d’apporter une définition plus précise par des critères morphologiques et étiologiques. [31] Le terme est apparu pour la première fois dans un livre médical du XIXe siècle. C’est Robert WILLAN (1757 1812) qui l’utilise pour spécifier « d’après le type vésiculeux de ses lésions élémentaires, une maladie cutanée jusque là non individualisée ». En 1813 Thomas BATEMAN donne dans son traité publié à Londres la définition suivante: « Apyrétique et non contagieux, l’eczéma est caractérisé par l’éruption sur différents points de la peau de vésicules petites ordinairement groupées ou très rapprochées: cet eczéma est l’effet d’une irritation soit interne soit externe. Et chez les sujets dont le tégument est constitutionnellement irritable, il trouve des causes occasionnelles dans les agents irritants les plus variés ». [34] Actuellement, l’eczéma est défini comme une dermatose inflammatoire érythémato-vésiculeuse prurigineuse, en nappe ou en placard, très récidivante et dont la lésion histologique prédominante est la spongiose du corps muqueux de Malpighi.
L’eczéma est défini par des lésions microscopiques histologiques au niveau de la peau. Ces lésions sont au niveau de l’épiderme la spongiose et l’exocytose (afflux de cellules inflammatoires dans l’épiderme). [31] La spongiose est une dissociation du corps muqueux par de l’œdème inter-cellulaire. Les cellules de Malpighi sont écartées les unes des autres par de la sérosité. Entre les cellules, on voit en même temps que la sérosité des cellules inflammatoires en migration : lymphocytes et histiocytes. Il existe des vésicules qui sont des cavités renfermant de la sérosité, des lymphocytes et des cellules malpighiennes L' »hyperacanthose » se traduit par une augmentation d’épaisseur du corps muqueux. La « parakératose » se caractérise par la disparition de la granuleuse et la persistance de noyaux dans les cellules de la couche cornée. Des lésions dermiques sont associées. La peau devient érythémateuse et vésiculeuse. L’affection est très prurigineuse.
Classification
L’eczéma est un terme ancien, que l’on utilisait pour un très grand nombre de dermatoses alors que l’on n’avait pas encore précisé leurs différences et leur spécificité ; pour une meilleure compréhension, il devrait actuellement être suivi d’un qualitatif. Deux grandes entités se dégagent :
*les eczémas de contact
*l’eczéma constitutionnel ou dermatite atopique .
L’eczéma est représenté presque exclusivement par l’eczéma de contact. Sa physiopathologie est maintenant bien connue ; elle correspond à une réaction de type IV dans la classification de GELL et COOMBS.
Dans les pays Anglo-Saxons la classification des eczémas est plus complexe. On distingue l’eczéma de cause endogène et l’eczéma de contact ou exogène.
L’eczéma de cause endogène
Il comporte :
L’eczéma atopique ou constitutionnel
Il concerne surtout l’enfant et le nourrisson. Il est localisé essentiellement au visage et aux plis cutanés. Il débute pendant l’enfance chez les individus présentant une prédisposition héréditaire avec anomalies de l’immunité humorale et cellulaire.
L’eczéma séborrhéique ou eczématide
C’est une éruption cutanée proche de l’eczéma mais ne comportant pas de vésicules siégeant sur le tronc et les membres.
L’eczéma nummulaire
Il est caractérisé par des lésions papulo-vésiculeuses prurigineuses, groupées en petits placards arrondis ayant parfois un aspect herpétoïde ou trichophytoïde.
L’érythrodermie
C’est une dermatose généralisée caractérisée par un érythème marqué, aiguë ou chronique en général suivi de desquamation. L’érythrodermie peut compliquer une dermatose préexistante (en particulier un eczéma) ou être la conséquence d’une intoxication médicamenteuse, d’une infection ou d’une hémopathie.
L’eczéma de contact ou exogène
Il se traduit par une irritation directe photo-toxique ou non photodépendante, ou par une allergie photo-dépendante ou non. Le terme d’eczéma est souvent réservé aujourd’hui à l’eczéma allergique de contact, les autres affections étant appelées indifféremment dermites ou dermatites. Cet usage n’est cependant pas généralisé. [65 ; 91] Notre étude portera spécifiquement sur l’eczéma de contact et sur ce qui le différencie des autres eczémas et en particulier la dermatite atopique et la dermite irritative.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : . GÉNÉRALITÉS SUR LES ECZÉMAS
1. LA PEAU NORMALE
1.1. L’épiderme
1.2. Le derme
1.3. L’hypoderme
2. LES ECZEMAS
2.1. Définition
2.2. Classification
2.2.1. L’eczéma de cause endogène
2.2.1.1. L’eczéma atopique ou constitutionnel
2.2.1.2. L’eczéma séborrhéique ou eczématide
2.2.1.3. L’eczéma nummulaire
2.2.1.4. La dermite chronique des pieds et des mains
2.2.1.5. L’érythrodermie
2.2.1.6. L’eczéma de stase
2.2.1.7. La nevrodermite
2.2.1.8. Le prurit anal ou vulvaire
2.2.1.9. Les éruptions médicamenteuses
2.2.2. L’eczéma de contact ou exogène
2.3. Principales lésions histologiques au cours de l’eczéma
2.3.1. Lésions épidermiques
2.3.1.1. La spongiose
2.3.1.2. L’exocytose
2.3.1. Altérations dermo-épidermiques
2.4. Corrélation anatomoclinique dans l’eczéma
CHAPITRE II : L’ECZEMA ALLERGIQUE DE CONTACT
1. DEFINITION
2. PHYSIOPATHOLOGIE
2.1. Pénétration de la substance
2.2. Caractéristiques de l’allergène
2.3. Phase de sensibilisation
2.3.1. Formation de l’antigène
2.3.2. Prise en charge de l’antigène par les cellules dendritiques
2.3.3. Formation de LT à mémoire et tropisme cutané
2.4. Phase de révélation
2.4.1. Réaction inflammatoire non spécifique
2.4.2. Réaction inflammatoire «spécifique»
2.4.3. Amplification de la réaction inflammatoire
2.5. Phase de régulation
3. DIAGNOSTIC
3.1. Diagnostic positif
3.1.1. Le syndrome Eczéma
3.1.1.1. Examen clinique
a. Aspect classique
**Phase érythémateuse
**Phase vésiculeuse
**Phase suintante
**Phase croûteuse et desquamative
b. Aspects évolutifs
**L’eczéma chronique
**L’eczéma lichénifié
**L’eczéma surinfecté
c. Aspects morphologiques des lésions
d. Aspects topographiques
3.1.1.2. Examen histologique
*En cas d’eczéma aiguë
*Dans les eczémas chroniques
3.1.2. L’eczéma de contact
3.1.2.1. L’interrogatoire
3.1.2.2. Les tests épicutanés
a. But, indications, contre-indications
b. Technique, matériel, méthode
c. Allergènes
d. Lecture des tests
e. Complications des tests épicutanés
f. Interprétation des résultats
*Les faux négatifs
*Les faux positifs
*Pertinence des résultats
3.1.2.3. Les photo patch-tests
3.1.2.4. Les tests ouverts de provocation itérative
3.2. Diagnostic différentiel
3.2.1. La dermite irritative
3.2.2. La dermatite atopique
4. ETIOLOGIE
4.1. Les métaux
4.1.1. Le Nickel
4.1.2. Le Chrome et les sels de chrome
4.1.3. Le Cobalt
4.2. Les produits cosmétiques
4.3. Les médicaments
4.3.1. Eczémas de contact aux topiques imidazolés
4.3.2. Eczémas de contact aux AINS
4.3.2.1. Eczémas de contact aux acides arylacanoïques
4.3.2.2. Allergies et photo-allergies de contact au kétoprofène
4.3.3. Eczémas de contact aux corticoïdes locaux
4.3.4. Eczémas de contact aux topiques antibiotiques
4.3.5. Eczémas de contact aux anesthésiques locaux
4.3.6. Eczémas de contact au Paracétamol
4.3.7. Eczéma de contact au baume du Pérou
4.4. Les vêtements
4.5. Les plantes et les aliments
4.6. Eczéma de contact au latex
4.7. Contacts photo-allergiques
4.8. Contacts aéroportés
4.9. Contacts d’origine professionnelle
4.10. Eczémas « hématogènes » ou « systémiques »
4.11. Autres allergènes de la batterie standard
4.11.1. Le ParaPhénylèneDiamine ou PPD
4.11.2. Les résines d’époxy
4.11.3. Le caoutchouc
4.11.4. Les parfums
5. COMPLICATIONS
5.1. La surinfection
5.2. L’érythrodermie
5.3. Le retentissement socioprofessionnel
6. TOPOGRAPHIE DE L’ECZEMA DE CONTACT
6.1. Visage et parties découvertes
6.2. Mains
6.3. Membres
6.4. Pieds
7. TRAITEMENT
7.1. Traitement symptomatique
7.1.1. Corticothérapie locale
7.1.2. Antihistaminiques
7.1.3. Antiseptiques locaux
7.1.4. Antibiothérapie générale
7.2. Traitement étiologique
7.2.1. Éviction de l’allergène de contact
7.2.2. Immunothérapie spécifique
7.3. La prévention
CONCLUSION