Les dermatophytes sont des champignons filamenteux microscopiques qui se caractérisent principalement par leur affinité particulière pour la kératine. Ce sont des eumycètes appartenant à la classe des Ascomycètes ; leur reproduction asexuée, observée sur les cultures au laboratoire, permet de décrire trois genres : Epidermophyton, Microsporum et Trichophyton. Ils sont à l’origine, chez l’homme et l’animal, de lésions superficielles touchant la peau glabre (épidermophyties), les ongles (onychomycoses), les poils (folliculites) ou les cheveux (teignes).
La teigne du cuir chevelu en particulier nécessite un traitement spécifique[3,4]. Gräser et al, ont cité plusieurs raisons pour lesquelles l’identification des dermatophytes jusqu’au niveau de l’espèce est importante [5]. Premièrement, ils ont donné les circonstances épidémiologiques favorisant la réinfection. En effet, Microsporum canis indique généralement une source animale, tandis que Nannizzia gypsea (ex M. gypseum), causant des lésions similaires, indique un contact avec un sol contaminé. Cette identification de la source de l’infection est importante pour une meilleure prise en charge. Deuxièmement, ils ont invoqué les schémas thérapeutiques spécifiques qui peuvent différer selon les espèces de dermatophytes; par exemple, Trichophyton tonsurans agent de teigne du cuir chevelu a tendance à nécessiter des temps de traitement plus courts que M. canis qui, dans une certaine mesure, évite l’exposition au médicament en formant des arthroconidies à l’extérieur de la tige du cheveu. Troisièmement, la distinction des dermatophytes des pseudo dermatophytes qui ne répondent pas au traitement anti-dermatophytique et provoquant des pseudermatophytoses, a été soulignée en particulier dans l’onychomycose. L’exemple classique est une pseudermatophytose à Neoscytalidium dimidiatum. De même, les dermatophytes doivent être distingués des champignons non pathogènes ressemblant aux dermatophytes, tels que T. terrestre, Aphanoascus fulvescens et Myriodontium keratinophilum, se développant régulièrement à partir de lésions dermatophytiques.
Récemment, la résistance à la terbinafine des isolats cliniques de Trichophyton est de plus en plus signalée en Asie, en particulier en Inde [6]. D’où encore l’importance de l’identification des dermatophytes jusqu’au niveau de l’espèce.
Les isolats de dermatophytes peuvent être identifiés jusqu’au genre et/ou à l’espèce par des méthodes phénotypiques, basées sur l’étude de leurs aspects macroscopiques et microscopiques ainsi que des tests biochimiques tels que le test à l’uréase de Christiansen’s [3]. Ces méthodes phénotypiques peuvent être précises lorsqu’elles sont effectuées par des techniciens qualifiés, en utilisant des référentiels normalisés pour reconnaître et identifier les caractéristiques exactes de l’espèce [7]. Toutefois, cette identification morphologique des espèces de dermatophytes en culture peut être parfois difficile ou incertaine car il existe des variations d’un isolat à l’autre et des caractères qui se chevauchent entre les espèces [4]. C’est pourquoi il est nécessaire de développer des méthodes plus fiables d’identification des dermatophytes.
De plus en plus, des techniques de biologie moléculaire sont adaptées à l’identification des dermatophytes et sont plus efficaces que les tests classiques [8]. Plusieurs techniques d’analyse du génome des dermatophytes ont été proposées, et la stratégie basée sur le séquençage de fragments génomiques standardisés (Barcoding ou code-barres ADN) est très utile pour une identification précise. Elles s’intègrent progressivement aux cotés des méthodes mycologiques classiques, tendant à se généraliser dans les laboratoires spécialisés dans le diagnostic et le suivi des infections fongiques. Le polymorphisme des espaceurs internes transcrits (ITS1 et ITS2) flanquant la séquence d’ADN codant pour l’ADNr 5.8S est très sensible et fiable pour distinguer les différentes espèces de dermatophytes [4, 8]. C’est dans ce contexte que nous nous sommes proposés de réaliser cette étude avec comme objectif principal de comparer les résultats de l’identification phénotypique et celle moléculaire par une analyse des séquences nucléotidiques de la région des espaceurs internes transcrits (ITS) d’une collection des souches cliniques de dermatophytes isolées au laboratoire de Parasitologie et Mycologie (LPM) de l’hôpital Aristide Le Dantec (HALD) de Dakar, Sénégal en 2017. Les objectifs secondaires seront de :
– répartir les souches de dermatophytes selon leur site d’isolement ;
– spécifier les concordances et discordances d’identification entre les méthodes phénotypique et moléculaire.
GENERALITES SUR LES DERMATOPHYTES ET LES DERMATOPHYTOSES
Les dermatophytes sont des champignons filamenteux, au mycélium cloisonné produisant des spores (macroconidies, microconidies et chlamydospores). Ils appartiennent aux genres Microsporum, Trichophyton et Epidermophyton. Par leur reproduction sexuée, ils sont affiliés aux Ascomycètes, au genre Arthroderma et à l’ordre des Onygénales [2,9]. Cosmopolites, ils sont bien adaptés à la vie parasitaire en assimilant la kératine humaine et animale. Les dermatophytes ont trois origines : tellurique, animale et humaine. Des études phylogéniques ont montré que les espèces pathogènes rencontrées chez l’homme descendent d’espèces issues du sol. Le passage du sol à l’animal, puis de l’animal à l’homme semble être l’évolution phylogénique naturelle de ces champignons [10]. Les dermatophytes sont à l’origine de lésions chez l’homme appelées dermatophytoses. Ce sont les mycoses superficielles les plus fréquentes [2]. Elles touchent la peau (épiderme) et les phanères (cheveux, poils, ongles) et très exceptionnellement les muqueuses, les plis, les tissus sous-cutanés (granulomes, mycétomes) ou les viscères (maladie dermatophytique). Les dermatophytoses évoluent chez l’homme selon un mode chronique et volontiers récidivant, elles prennent des aspects cliniques très variés, d’où l’importance du prélèvement mycologique et du diagnostic qui doit être systématique avant la mise en œuvre du traitement spécifique.
Les dermatophytes
Taxonomie et Classification
Les dermatophytes sont des Eumycètes appartenant à la classe des Ascomycètes ; leur reproduction asexuée, observée sur les cultures du laboratoire, permet de décrire trois genres [10] :
– le genre Epidermophyton qui ne comprend qu’une seule espèce, E. floccosum qui n’attaque jamais les cheveux, les poils ou les ongles ;
– le genre Microsporum qui regroupe une dizaine d’espèces dont cinq en pratique peuvent être retrouvées chez l’homme. Elles parasitent la peau et les cheveux mais attaquent rarement les ongles ;
– le genre Trichophyton est le genre dont est issu la majorité des dermatophytes (plus d’une vingtaine d’espèces répertoriées). En pratique, plus d’une dizaine seulement peuvent parasiter la peau et les phanères de l’homme [2,9].
Cependant, selon la taxonomie actuelle proposée et basée sur des données phylogénétiques [11], le genre Trichophyton contient 16 espèces, le genre Epidermophyton une espèce E. floccosum, le genre Nannizzia en contient neuf, le genre Microsporum contient trois espèces, Lophophyton une espèce, Arthroderma vingt et une espèces et Ctenomyces une espèce [11,12], mais des études plus détaillées restent nécessaires pour établir les limites des espèces. Chaque espèce a maintenant un seul nom valide. Deux nouveaux genres sont introduits : Guarromyces et Paraphyton.
Morphologie
Les trois genres de dermatophytes sont définis d’après les caractères morphologiques des éléments de reproduction asexués (macroconidies, microconidies et chlamydospores) rencontrés en culture [2,9]. Le genre Epidermophyton est caractérisé par des macroconidies en massue à parois et cloisons minces et par l’absence de microconidies. Une seule espèce, Epidermophyton floccosum intéresse la mycologie médicale (Figure 1).
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Table des matières
Introduction
Première PARTIE : Rappels bibliographiques
1. GENERALITES SUR LES DERMATOPHYTES ET LES DERMATOPHYTOSES
1.1. Les dermatophytes
1.1.1 Taxonomie et Classification
1.1.2 Morphologie
1.1.3 Origine et mode de contamination
1.1.4 Répartition géographique
1.2. Les dermatophytoses
1.2.1 Facteurs facorisants
1.2.2 Aspects cliniques
1.2.2.1 Les teignes du cuir chevelu ou tinea capitis
1.2.2.2 Les épidermophyties ou tinea corporis
1.2.2.3 Les onychomycoses ou tinea unguium
1.2.2.4 Les autres atteintes dermatophytiques
1.3. Diagnostic biologique des dermatophytoses
1.3.1 Le prélèvement
1.3.2 Examen direct
1.3.3 Cultures
1.3.4 Identification des dermatophytes
1.3.4.1 Examen macroscopique des cultures
1.3.4.2 Examen microscopique des cultures
2. APPORT DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE A L’IDENTIFICATION DES DERMATOPHYTES
2.1. Etude du polymorphisme de la longueur des fragments de restriction (RFLP)
2.2. La technique d’amplification aléatoire du fragment d’ADN polymorphe (RAPD)
2.3. Le séquençage du gène codant pour une enzyme impliquée dans la synthèse de la chitine (la chitine synthase)
2.4. Le séquençage de la région ITS
Deuxième PARTIE : Travail Expérimental
1. CADRE D’ETUDE
1.1. Le CHU Aristide Le Dantec
1.2. Le laboratoire de Parasitologie-Mycologie du CHU Aristide Le Dantec
1.3. L’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection
2. PERIODE ET TYPE D’ÉTUDE
3. POPULATION D’ÉTUDE
3.1. Critères d’inclusion
3.2. Critères de non inclusion
4. MATERIELS ET MÉTHODES
4.1. Matériel pour l’isolement, l’identification et la conservation des souches au laboratoire
4.2. Matériel pour l’étude moléculaire
4.3. Méthodes de l’étude
4.3.1 Méthodes d’isolement et d’identification des dermatophytes
4.3.1.1 Interrogatoire
4.3.1.2 Prélèvement
4.3.1.3 L’examen direct
4.3.1.4 Culture
4.3.1.5 Identification des dermatophytes
4.3.2 Identification moléculaire des dermatophytes (Séquençage)
4.3.2.1 Réisolement des souches de dermatophytes
4.3.2.2 Extraction de l’ADN
4.3.2.3 PCR d’amplification
4.3.2.4 Purification des produits PCR
4.3.2.5 PCR de séquençage
4.3.2.6 Purification des produits de séquençage et lancement du séquenceur
4.3.2.7 Comparaison des séquences aux banques de données
4.3.3 Analyse statistique
RESULTATS ET DISCUSSION
5. RÉSULTATS
5.1. Caractéristique de la population d’étude
5.2. Répartition des souches de dermatophytes selon le type de lésion
5.3. Résultats de l’identification des souches selon la méthode phénotypique
5.4. Résultats de l’identification des souches selon la méthode moléculaire
5.5. Résultats comparatifs entre les méthodes phénotypique et moléculaire
6. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES