Depuis les années 2000, on assiste à une forte croissance du marché des composants de puissance du fait du développement de nouvelles technologies nécessitant des convertisseurs électriques à haut rendement. Dans ce contexte favorable à la recherche et au développement, de nouveaux matériaux semiconducteurs pour la puissance ont émergé, notamment des semiconducteurs à large bande interdite tels que le nitrure de gallium (GaN) et le carbure de silicium (SiC). Ces derniers ont l’avantage d’avoir des caractéristiques physiques (champ de claquage, mobilité, conductivité thermique) supérieures au silicium qui était jusqu’ici majoritairement utilisé dans toute la gamme des composants de puissance (MOSFET, IGBT, Thyristors). L’émergence de ces matériaux permet d’augmenter la densité de puissance des convertisseurs. Elle permet aussi une augmentation des rendements grâce à des pertes en conduction et en commutation plus faibles. Les applications utilisant des tensions inférieures à 650 V sont pour l’instant le marché principal pour les composants de puissance (notamment autour de la tension domestique 230 V) et le GaN est justement un matériau particulièrement adapté pour ces gammes de tension et de moyenne puissance.
D’abord développé et utilisé pour des applications en optoélectronique (les premières LED bleues ont été réalisées grâce à l’utilisation de GaN) puis pour des applications haute fréquence (RF)avec les transistors à haute mobilité électronique (HEMTs), il est devenu plus récemment un matériau incontournable pour la fabrication de transistors de puissance et de diodes à barrière Schottky haute tension (SBDs). Le développement des technologies à base de GaN demande beaucoup d’effort de développement du fait de plusieurs spécificités liées à ce matériau. Notamment, l’utilisation d’hétéroépitaxies sur substrats tels que le Si et le SiC entraîne de fortes contraintes sur leur fabrication. Des contraintes qui s’accentuent si l’on veut rendre la fabrication des composants à base de GaN compatible avec l’industrie CMOS. Par ailleurs, un aspect non anticipé freine le développement des HEMTs et SBDs à base de GaN pour des applications commerciales, le phénomène de « current collapse » ou « effondrement de courant », qui est le sujet traité dans ce manuscrit. Le « current collapse » concerne des effets de piégeage et de dégradations réversibles qui touchent les composants GaN après un passage à l’état OFF haute tension. Ces effets sont conséquents, ils augmentent les pertes en conduction et en commutation, diminuant ainsi l’avantage d’utiliser des technologies à base de GaN. L’aspect réversible de cet effet et sa forte dépendance avec les conditions de test entraînent une grande diversité de résultats et de types de caractérisations électriques dans la littérature. Dans ce contexte, les travaux présentés dans ce manuscrit visent à étudier ce phénomène avec des techniques présentes dans la littérature mais aussi via des caractérisations électriques innovantes. Ces études visent à aboutir à une meilleure compréhension des mécanismes qui mènent à ces dégradations pour ensuite pouvoir proposer des pistes pour les réduire et les supprimer
Généralités sur les composants de puissance à base de GaN
Le composant de puissance
L’électronique de puissance
La production d’électricité dans un pays comme le France est majoritairement effectuée dans des centrales nucléaires (58 réacteurs répartis dans 19 centrales [1]) disposées sur le territoire mais aussi dans les installations hydroélectriques et enfin en moindre proportions par des énergies renouvelables. Il faut ensuite acheminer l’électricité de ses points de production aux points de consommation par un réseau haute tension complexe . L’électricité produite dans les centrales est issue d’alternateurs entrainés par vapeur d’eau, qui sont des convertisseurs d’énergie mécanique vers l’énergie électrique. De par leur fonctionnement, ces alternateurs produisent un courant alternatif. L’électricité est ensuite transportée sous haute tension à travers le territoire pour limiter les pertes par effet joule durant le transport, l’abaissement de tension s’effectue par des transformateurs proches des lieux de consommation. Néanmoins, de nombreuses machines et autres consommateurs d’électricité utilisent du courant continu ou du courant alternatif mais sur d’autres plages de tension et de fréquence que celle fournie par le réseau. De même, l’électricité produite par les énergies renouvelables doit être convertie pour être transmise dans le réseau. La conversion d’électricité est alors nécessaire pour de nombreuses applications . et c’est alors le domaine de l’électronique de puissance. Elle permet de convertir l’énergie électrique du réseau de distribution sous une forme utilisable par les différents consommateurs d’électricité. De façon plus exhaustive, l’électronique de puissance désigne les circuits et composants permettant d’effectuer les fonctions de type redresseur, onduleur, hacheur, alimentation à découpage dans des gammes de fréquence et de puissance variables.
Plus récemment, l’électronique de puissance est en croissance dans le marché plus global de l’électronique avec le développement des énergies renouvelables mais aussi de nouvelles demandes telles que les chargeurs ultra rapides, le chargement sans fil et le développement des voitures électriques. Le marché des composants de puissance augmente donc aussi de façon considérable avec une taille qui devrait atteindre 35 milliards de dollars en 2022 notamment avec une demande croissante sur les circuits intégrés de puissance . À l’intérieur de ce marché, ce sont les composants de puissance basse tension (inférieure à 900 V) qui constitue le sous-marché le plus important en 2017 et c’est une tendance qui va s’accentuer au vu des nouveaux marchés énumérés précédemment .
Pour effectuer les différentes fonctions de conversion de l’électricité, on utilise des circuits composés de composants actifs (transistors, diodes) qui sont utilisés en commutation. un onduleur triphasé qui effectue la conversion DC/AC, il permet à partir d’une tension continue d’une batterie de fournir un courant alternatif triphasé pour le réseau électrique. On peut voir que le circuit est composé de 6 transistors de puissance et de 6 diodes. En effectuant les commutations appropriées de ces composants, on peut théoriquement convertir l’électricité d’une forme à une autre sans perte (dans le cas d’interrupteurs parfaits). Ces composants, de par les tensions et courants utilisés, sont conçus spécifiquement pour ces applications et ont un cahier des charges à remplir bien différent des composants utilisés pour le numérique. Nous allons donc montrer les caractéristiques attendues des composants de puissance et les conditions que doivent remplir ces derniers pour être utilisés dans un circuit d’électronique de puissance.
|
Table des matières
Introduction générale
1 Généralités sur les composants de puissance à base de GaN
1.1 Le composant de puissance
1.1.1 L’électronique de puissance
1.1.2 Caractéristiques des composants de puissance
1.1.3 Pertes associées à la conversion de puissance
1.1.4 Les composants classiques à base de silicium
1.2 Le nitrure de gallium : un nouveau matériau pour la puissance
1.2.1 Marché et prospectives pour le GaN
1.2.2 Positionnement du GaN par rapport aux autres matériaux de puissance
1.2.3 Le compromis RON/VBR
1.2.4 La compatibilité CMOS : contrainte sur les composants GaN
1.3 L’hétérojonction AlGaN/GaN
1.3.1 Structure cristalline du GaN et polarisation associée
1.3.2 La formation du 2DEG
1.3.3 Mobilité et résistance
1.3.4 La double hétérojonction AlGaN/AlN/GaN
1.3.5 Vitesse de saturation et fréquence de fonctionnement
1.4 L’épitaxie du GaN sur silicium pour la puissance
1.4.1 Choix du substrat
1.4.2 La couche de nucléation d’AlN
1.4.3 Les couches de relaxation de contraintes
1.4.4 Le GaN et le dopage non intentionnel
1.4.5 Le dopage carbone dans le GaN
1.4.6 Le GaN canal et la barrière AlGaN
1.4.7 La couche de passivation
1.4.8 Le dopage de type p dans le GaN : le magnésium
1.4.9 Le dopage de type n dans le GaN
1.5 Les architectures de composants GaN « normally-off »
1.5.1 Intérêt d’un fonctionnement « normally-off »
1.5.2 La fabrication d’un HEMT
1.5.3 L’intégration en « Gate first » ou « Gate last » : problématique du contact ohmique
1.5.4 Le montage cascode
1.5.5 Le HEMT à grille pGaN ou GIT (« Gate injection transistor »)
1.5.6 Le MIS-HEMT et le MOSC-HEMT
1.6 Les diodes AlGaN/GaN
1.6.1 Les diodes Schottky latérales
1.6.2 Les diodes GaN verticales
1.7 Conclusion du chapitre
1.8 Références
2 Caractérisation électrique des dégradations dynamiques dans les composants GaN
2.1 Le piégeage dans les semiconducteurs
2.1.1 Les différents types de défauts
2.1.2 Calcul du taux d’occupation des pièges
2.1.3 La loi d’Arrhenius
2.2 Le phénomène de « current collapse »
2.2.1 Dégradation de l’état « ON » après un stress haute tension à l’état « OFF »
2.2.2 Le piégeage de surface et la passivation
2.2.3 Le piégeage dans l’épitaxie
2.3 La caractérisation électrique du RON dynamique
2.3.1 Les méthodes existantes de caractérisation électrique du « current collapse » : le double pulse synchrone (PIV)
2.3.2 Les méthodes existantes de caractérisation électrique du current collapse : la mesure de relaxation du RON dynamique
2.3.3 Présentation de la mesure de RON sur transistor GaN avec le module commercial N1267A
2.3.4 Présentation de la mesure de relaxation du RON dynamique sur diodes GaN avec le module N1267A
2.3.5 Limitations des mesures de relaxation avec le module N1267A
2.4 Réalisation d’un montage spécifique de caractérisation du RON dynamique pour diodes GaN
2.4.1 Présentation de la carte et principe de fonctionnement
2.4.2 Principe de la commutation : état « OFF » et état « ON »
2.4.3 Principe de la mesure du RON
2.4.4 Acquisition des données : échantillonnage linéaire et logarithmique
2.4.5 Évaluation du temps de commutation minimum expérimental
2.5 Mesures sur structures de test TLM avec polarisation en face arrière
2.5.1 Présentation de la structure de test
2.5.2 Principe de la mesure
2.5.3 Analyse des courbes de conductance en fonction de la tension en face arrière
2.6 Conclusion du chapitre
2.7 Références
3 Influence des plaques de champ sur le RON dynamique des diodes GaN
3.1 Présentation des diodes testées et de la configuration des plaques de champ
3.1.1 Les diodes à barrière Schottky AlGaN/GaN au CEA-LETI
3.1.2 Les plaques de champ dans les composants AlGaN/GaN
3.1.3 Configuration des plaques de champ dans les diodes du LETI
3.1.4 Côté cathode
3.1.5 Côté anode
3.2 Relation entre LFPC et le RON dynamique des diodes GaN
3.2.1 La longueur du FPC : variable critique pour le RON dynamique
3.2.2 Mesures à 150◦C : aggravation de la dégradation avec la température
3.2.3 Capacité de la diode sous stress : mise en évidence de la tension de déplétion sous la plaque de champ de cathode
3.3 Méthodes et structures de tests utilisées pour étudier le RON dynamique lié aux plaques de champ
3.3.1 Les structures de tests « Gated Van der Pauw » (GVDP) pour différencier les zones de piégeage
3.3.2 Mesures de capacité après stress : mise en évidence de deux contributions au piégeage
3.3.3 Relaxation du Vpo
3.4 Mesures de relaxation de courant dans les structures GVDP
3.4.1 Mesures de relaxation pour le stress TD : différenciation du type de piégeage avec la tension
3.4.2 Mesures de relaxation pour le stress de grille GS : caractérisation des pièges d’oxyde
3.4.3 Mesures de relaxation après un stress GF : piégeage dans l’épitaxie
3.4.4 Bilan des mesures sur GVDP avec les trois configurations électriques
3.5 Identification de la nature des défauts via des mesures de RON dynamique en température sur diodes
3.5.1 Allure des transitoires de RON dynamique en fonction de la tension
3.6 Extraction des énergies de pièges avec des mesures en température
3.6.1 Allure des transitoires en fonction de la température
3.6.2 Diagramme d’arrhénius : bilan des différentes énergies de piège
3.7 Influence de l’empilement diélectrique sur le RON dynamique des diodes
3.7.1 Comparaison des performances RON dynamique avec et sans couche SiO2 TEOS à 25◦C
3.7.2 Comparaison des performances de RON dynamique avec et sans couche SiO2 TEOS à 150◦C
3.7.3 Allure des transitoires de relaxation : même signature mais amplitude plus faible avec le SiO2 TEOS
3.7.4 Hypothèses sur l’effet de la couche de SiO2 TEOS
3.7.5 La diode optimisée du LETI
3.8 Conclusion du chapitre
3.9 Références
Conclusion générale