Généralités sur les chaussées et les matériaux bitumineux
Une chaussée est une superposition des couches de différentes épaisseurs qui réagissent ensemble afin de supporter les chargements extérieurs appliqués. Parmi les sollicitations appliquées on peut distinguer celles dues au trafic (chargement vertical et horizontal) et celles dues aux conditions climatiques comme le gel, et la pluie.
Cette structure est composée de trois parties principales (Figure I-1), les couches de surface, les couches d’assise et le sol support. Chaque partie est constituée d’une ou de plusieurs couches de matériaux de différents types. Les couches de surface sont les couches responsables de la transmission des chargements extérieurs (du trafic et du climat) dans la structure de la chaussée. Les couches d’assise transfèrent ces chargements par la suite vers le sol support. Ces couches possèdent différentes fonctions, elles sont conçues de manière à résister aux chargements tout en assurant les qualités suivantes :
● Mécaniques : performance liée aux propriétés mécaniques;
● Budgétaires : durée de vie et le coût de construction et de réparation;
● Sécurité et confort des usagers.
Les différents types des structures routières et les modes de dégradations
Suivant le mode de fonctionnement de ces structures multicouches, la composition et la nature des matériaux utilisés dans les différentes couches, on peut regrouper les chaussées dans six catégories :
● Chaussée souple
● Chaussée bitumineuse épaisse
● Chaussée mixte
● Chaussée semi-rigide
● Chaussée à structure inverse
● Chaussée béton .
Parmi ces types, les chaussées souples, les chaussées avec assise en couches bitumeuses et les chaussées mixtes constituent la majorité du réseau des routes sur le territoire français.
En général, les fissures longitudinales et de faïençage (des fissures plus ou moins rapprochées en forme du maillage) sont dues au phénomène de fatigue. Ce phénomène est causé par l’application d’un chargement cyclique répété et dont le nombre cumulé des cycles dépasse une certaine valeurlimite admissible. Parmi les premiers travaux qui penchent sur l’étude de la dégradation des chaussées par fatigue figurent les travaux de August Wöhler (1860 et 1870). Il a introduit la notion du nombre de cycles et la notion de la résistance à la fatigue. L’autre phénomène de fissuration est dû principalement à la variation de la température. Ce type de fissuration thermique joue un rôle très important pour les climats extrêmes.
D’autres types de dégradations peuvent également apparaitre dans une chaussée, comme par exemple le phénomène d’orniérage et la formation de nids de poule. Le premier est dû principalement à l’application d’un chargement mécanique sur une chaussée à température élevée, tandis que le deuxième phénomène – détecté pour la première fois en France pendant la période d’hiver de l’année 2001/2002 – est dû principalement à des cycles répétés de gel et de dégel (Van 2017). En plus des sollicitations mécaniques et thermiques, on peut également citer les sollicitations hydriques et chimiques. Les sollicitations hydriques sont liées principalement à la pénétration et le mouvement de l’eau dans les couches d’une route (Pinzón and Such 2004) (Raab, Partl, and Abd El Halim 2012). Les sollicitations chimiques sont dues par exemple à l’utilisation du chlorure de sodium comme un fondant routier pendant les périodes hivernales dans certains pays (SETRA 2011). Ces deux types de sollicitations, et surtout la sollicitation hydrique, peuvent affecter l’état d’une chaussée et contribuer à sa dégradation.
Les enrobés bitumineux et leurs composants
Les couches bitumineuses d’une structure routière sont constituées d’un mélange de minéraux (granulats et fines) représentant environ 95% de la masse, et de liant hydrocarboné (le bitume), ce mélange s’appelle l’enrobé bitumineux. Les granulats sont constitués par de gravillons et de pierres concassées. Ce dernier type de granulats est largement utilisé en France puisqu’il améliore la stabilité mécanique du mélange dû à la formation des arêtes vives qui permettent de bloquer le squelette (De La Roche 1996). En revanche, les fines sont les fractions minérales de diamètre inférieure à 80 ??.
Le liant hydrocarboné (le bitume) est obtenu principalement par distillation en raffinerie des pétroles bruts lourds. Ces bitumes sont regroupés en deux grandes familles selon leurs compositions chimiques, à savoir les asphaltènes (mélange hydrogène et carbone) et les maltènes (résines et huiles saturées). Le mélange bitume et fines s’appelle le mastic bitumineux. Lorsque par la suite on voudra parler indifféremment de mastic ou d’enrobés, on utilisera le terme « mélange bitumineux ». Le comportement mécanique du bitume est très sensible à la température et à la durée d’application du chargement, on parle donc d’une susceptibilité thermique et cinétique.
Ce mélange des granulats et de bitume confère un comportement viscoélastique et une dépendance à la température. La teneur en bitume est donc un paramètre très important lors de la fabrication du mélange bitumineux. Il affecte directement le comportement de celui-ci. Le comportement des EB peut être classifié selon le nombre de cycles de chargement et l’amplitude de déformation |?|. L’effet de ces deux paramètres est classifié par Di Benedetto selon 4 grands classes de comportement (Di Benedetto 1990) (Olard et al. 2003):
● Le comportement viscoélastique linéaire est observé pour un nombre faible de cycles de chargement (< 300) et un niveau de déformation qualifié comme faible (< 10⁻⁴ ) (voire la section I.3).
● Le comportement non linéaire caractérisé par une déformation de quelques pour cent. Il est observé pour un nombre de cycles très faible.
● Le phénomène de fatigue est observé pour une faible déformation mais pour un nombre de cycles de chargement de l’ordre de 10⁴.
● La quatrième classe de comportement est définie par l’apparition des déformations permanentes qui se cumulent jusqu’à l’apparition du phénomène de l’orniérage (Larsen and Ullidtz 1997)(Heck 2001)(Piau and Hornych 2002)(Habiballah 2005).
Dans la section suivante, on abordera le comportement viscoélastique linéaire des enrobés bitumineux (1er classe de comportement). Les principaux essais de laboratoire qui permettent de caractériser ce comportement sont également présentés.
Comportement viscoélastique linéaire des enrobés bitumineux
Le comportement des matériaux viscoélastiques est supposé linéaire si le principe de superposition de Boltzmann (Boltzmann 1878) est vérifié. Dans ce cas la fonction de fluage ou de relaxation (cf. I.3.3.1) est suffisante pour décrire le comportement de ce matériau (Salençon 1983). Ce principe de superposition stipule que la réponse finale d’un matériau soumis à des échelons de sollicitations élémentaires est égale à la somme des réponses à chaque échelon de chargement .
Par définition un matériau viscoélastique est dit non vieillissant si l’effacement du chargement appliqué conduit à un effacement total de la contrainte dans le matériau (?∞ → 0). On peut également qualifier un matériau comme non vieillissant si l’absence des sollicitations mécaniques ne conduit pas à une évolution de ses propriétés mécaniques dans le temps. Ce comportement implique l’invariance du comportement du matériau par translation sur l’axe de temps.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Synthèse bibliographique
I.1 Contenu et démarche
I.2 Généralités sur les chaussées et les matériaux bitumineux
I.3 Comportement viscoélastique linéaire des enrobés bitumineux
I.4 Modèles Rhéologiques
I.5 Essais de caractérisation du comportement à la fissuration des Matériaux Bitumineux
I.6 Mécanique de l’endommagement et de la rupture
I.7 Bilan
Chapitre II : Développement d’un modèle d’endommagement local 1D basé sur le modèle de Poynting-Thomson
II.1 Contenu et démarche
II.2 Viscoélasticité, endommagement, et principes de la thermodynamique
II.3 Modèle de Poynting-Thomson endommageable et inégalité de Clausius Duhem
II.4 Etude de deux critères d’endommagement
II.5 Loi d’évolution d’endommagement associée au critère ? − ?? ≤ 0
II.6 Loi d’évolution d’endommagement avec adoucissement ? − ?(?)?? ≤ 0
II.7 Autres formes possibles de la surface seuil d’endommagement
II.8 Bilan
Chapitre III : Étude structurelle 1D de la réponse d’une barre à comportement viscoélastique chargée en traction dans le cadre de l’approche TLS
III.1 Contenu et démarche
III.2 Formulation 1D non locale du critère d’endommagement du modèle PTE suivant l’approche TLS
III.3 Problème de barre à comportement PTE en traction
III.4 Extension du comportement matériel de la barre à un modèle viscoélastique de KelvinVoigt généralisé endommageable
III.5 Application numérique : Modélisation de l’essai de traction directe
III.6 Bilan
Chapitre IV : Généralisation 3D du modèle PTE+TLS et implémentation dans le code de calcul eXlibris
IV.1 Contenu et démarche
IV.2 Généralisation de la loi de comportement endommageable PTE en 3D
IV.3 Équation d’équilibre d’un solide PTE en régime quasi-statique
IV.4 Équation d’évolution non locale de l’endommagement
IV.5 Équation d’évolution de la variable interne ?(??)
IV.6 Discrétisation spatiale
IV.7 Discrétisation temporelle
IV.8 Algorithmes de résolution du problème discrétisé
IV.9 Validation numérique des algorithmes proposés à partir de l’essai de traction directe 1D
IV.10 Bilan
Conclusion générale