Les aérosols atmosphériques
Les aérosols atmosphériques sont des particules solides ou liquides en suspension dans un gaz qui est l’atmosphère et ayant une taille qui varie de 1 nm à plusieurs dizaines de micromètres. Cette définition ne considère pas les hydrométéores comme les flocons de neige, les gouttes de pluie et les cristaux de glace dans les nuages. D’une manière générale, on parle plus d’une population d’aérosols que des aérosols individuels. Ces particules peuvent présenter des propriétés diverses qui varient avec le temps et l’espace, selon l’origine et le mode de formation et d’évolution de ces particules. Ces aérosols peuvent être classés selon plusieurs critères. Le plus répandu est celui qui est lié au mode de formation : on parle alors d’aérosols primaires et secondaires. Les aérosols primaires sont les particules qui sont directement émises dans l’atmosphère. C’est le cas, par exemple, des poussières produites par un effet d’arrachement du sol ou encore des sels marins. La cendre volcanique et les aérosols émis lors d’une combustion incomplète sont considérés aussi comme des aérosols primaires. Les aérosols secondaires sont, au contraire, des particules qui ont subi des processus de conversion chimiques à partir des gaz atmosphériques.
On distingue d’une manière générale les aérosols naturels d’origine marine, terrigène et volcanique et les aérosols anthropiques formés par les processus de combustion de combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel, tourbe et charbon), de biocarburants (bois et déchets d’animaux) ou bien de feux de végétation induits par l’homme. Il existe aussi d’autres sources anthropiques comme les activités de transport, le chauffage et les autres activités industrielles (extraction minières et cimenteries).
Les aérosols peuvent être classés selon leur composition chimique. On parle dans ce cas d’aérosols inorganiques ou organiques. Les aérosols organiques sont les particules carbonées contenant au moins un atome de carbone et issues de la combustion des énergies fossiles et de feux de biomasses, alors que les aérosols inorganiques sont essentiellement constitués de sulfates ou de nitrate d’ammonium.
Les aérosols sulfatés
Les aérosols sulfatés sont des particules issues de l’oxydation de certains gaz précurseurs en acide sulfurique (H2SO4). L’acide sulfurique, ainsi formé, peut se combiner ensuite avec des molécules d’eau pour former des gouttelettes d’acide sulfurique. Les aérosols sulfatés peuvent être lessivés par les précipitations et forment des pluies acides. L’origine de ces particules est double : naturelle ou anthropique. Les aérosols d’origine naturelle sont ceux formés après une éruption volcanique ou bien par dégazage passif mais aussi à partir des émissions océaniques, alors que ceux d’origine anthropique proviennent des activités industrielles. Ces derniers sont généralement secondaires. Les volcans à caractères effusifs peuvent émettre des aérosols sulfatés primaires sans qu’ils y aient de réaction d’oxydation dans l’atmosphère (Allen et al., 2002; Mather et al., 2003).
La présence de gouttelettes d’acide sulfurique au sein de la stratosphère en absence d’activité volcanique, a été observée pour la première fois par Christian Junge et Coworkers (Junge and Manson, 1961). D’où, le nom de couche de Junge. Cette couche permanente et globale est située selon les mesures entre 15 et 25 km. Les premières observations montrent que ces particules ont un diamètre relativement petit (r≥ 0.15 µm) et contiennent typiquement un rapport de mélange de 75 % de H2SO4 et de 25% H2O (SPARC, 2006).
Processus de formation des aérosols sulfatés
Gaz précurseurs
Les principaux gas précurseurs qui participent à la formation des aérosols sulfatés sont :
Diméthylsulfure (CH3SCH3)
Le diméthylsulfure, abrégé en DMS et produit par l’activité phytoplanctonique, représente la source de soufre naturelle dominante émise par les océans. Il a été mesuré à la surface des océans par (Lovelock et al., 1972). Le bilan de soufre global ne peut pas être calculé sans l’apport du flux de soufre produit par les océans (Boucher, 2015). Les concentrations les plus importantes de DMS ont été enregistrées aux mois de Janvier dans l’Hémisphère Sud et de Juillet dans l’Hémisphère Nord qui correspondent à la production maximale des phytoplanctons. Le DMS est oxydé en général par l’hydroxyle (OH) et le nitrate (NO3) en diméthylsulfoxyde (DMSO) puis en SO2 qui s’oxyde, à son tour, en H2SO4, formant des particules d’aérosols sulfatés par nucléation. La durée de vie du DMS dans l’atmosphère marine est de quelques jours (Boucher, 2015). L’oxydation par OH se produit essentiellement aux niveaux des basses latitudes pendant la journée et par NO3 dans les zones froides et sombres (Seinfeld and Pandis, 2006).
Oxysulfure de carbone (OCS)
L’oxysulfure de carbone (OCS) ou le carbonyl sulfide en anglais est émis par les surfaces anoxiques, les océans et les volcans. Il est également formé à partir de l’oxydation dans l’atmosphère du disulfure de carbone (CS2) et du DMS qui sont principalement dégazés depuis l’océan. Sa faible solubilité et sa longue durée vie dans la troposphère lui permettent d’être transporté jusqu’à la stratosphère, où il est facilement photodissocié en SO2 qui s’oxyde à son tour en H2SO4. Il est donc responsable du maintien de la couche d’aérosols sulfatés stratosphérique en période de repos volcanique. La durée de vie globale des OCS est estimée à environ 6 ans (Chin and Davis, 1995). Ces deux auteurs ont estimé une quantité totale émise du OCS dans l’atmosphère de l’ordre de 5.2 Tg dont 4.63 Tg dans la troposphère et 0.57 Tg dans la stratosphère. Quant aux volcans, ils émettent une quantité annuelle d’OCS entre 0.006 et 0.1 Tg/an .
Disulfure de carbone (CS2)
Le disulfure de carbone (CS2) est produit par l’industrie textile, les volcans et les zones marécageuses. Ce précurseur est caractérisé par une durée de vie courte dans la troposp hère vu qu’il réagit rapidement avec le OH. Le taux de conversion du CS2 en OCS mesuré en laboratoire est égal à 0.83 ± 0.08 (Stickel et al., 1993). Le CS2 est donc responsable de la durée de vie longue des OCS dans la troposphère (Kremser et al., 2016). La masse de CS2 émise par les volcans varie entre 1 et 2.8 Tg/an .
Processus chimiques et microphysiques de formation des aérosols sulfatés volcaniques
Processus chimiques
L’acide sulfurique est formé à partir de l’oxydation du SO2 selon deux processus de conversion chimique en phase gazeuse ou aqueuse qui dépendent des paramètres physiques du milieu.
Pour une éruption volcanique assez forte dont les émissions atteignent la stratosphère, la majorité des réactions se produisent en phase gazeuse par réaction avec les radicaux hydroxyles (Stockwell and Calvert, 1983). Ces derniers ont un rôle très important dans l’oxydation de la majorité des espèces chimiques de l’atmosphère. Les réactions d’oxydation en phase gazeuse s’écrivent ainsi (Seinfeld and Pandis, 2006) :
SO2 + OH + M HSO3 + M,
HSO3 + O2 SO3 + HO2,
SO3 + H2O + M H2SO4 + M.
Les deux dernières réactions sont très rapides et le trioxyde de soufre (SO3) en présence de la vapeur d’eau se convertit rapidement en H2SO4. Quant au produit M, il représente une espèce inerte qui peut être le diazote (N2) ou dioxygène (O2) nécessaire pour absorber l’excès de l’énergie cinétique des réactifs.
Dans la stratosphère, le taux de formation des sulfates volcaniques « S » peut être calculé ainsi :
S = kc[SO2][OH] (1.1)
Où :
— kc est la constante de conversion (exprimé en cm3 molécules−1 s−1 )
— Concentrations respectives de [SO2] et [OH] exprimée en molécules cm−3.
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Table des matières
Introduction Générale
1 Généralités sur les aérosols sulfatés et les méthodes d’observations
1.1 Les aérosols atmosphériques
1.2 Processus de formation des aérosols sulfatés
1.2.1 Gaz précurseurs
1.2.2 Processus chimiques et microphysiques de formation des aérosols sulfatés volcaniques
1.2.2.1 Processus chimiques
1.2.2.2 Processus microphysiques
1.3 Propriétés microphysiques et optiques des aérosols : cas particulier des aérosols sulfatés
1.3.1 Propriétes microphysiques
1.3.1.1 Distribution de taille
1.3.1.2 Forme des particules
1.3.1.3 Composition chimique
1.3.2 Propriétés optiques
1.3.2.1 Absorption et diffusion
1.3.2.2 Fonction de phase
1.3.2.3 Facteur d’asymétrie g
1.3.2.4 Section efficace et coefficent d’extinction
1.3.2.5 Albédo de diffusion simple
1.3.2.6 Epaisseur optique et coefficient d’Ångström
1.4 Transport des aérosols sulfatés dans la stratosphère
1.5 Impact des aérosols sulfatés sur le climat
1.6 Méthodes d’observation des aérosols sulfatés volcaniques
1.6.1 Prélèvement in situ
1.6.2 Télédétection au sol
1.6.3 Télédétection spatiale
1.6.3.1 Ultraviolet
1.6.3.2 Visible
1.6.3.3 Infrarouge
1.6.3.4 Micro-ondes
2 Transfert radiatif et méthodes d’inversion dans l’infrarouge thermique
2.1 Transfert Radiatif
2.1.1 Emission de rayonnement
2.1.2 Equation de transfert radiatif
2.2 Base de données spectroscopiques
2.3 Modèles de transfert radiatifs et étude comparative
2.3.1 4AOP
2.3.2 RTTOV
2.3.3 KOPRA
2.3.4 Etude comparative
2.4 Méthodes d’inversion du transfert radiatif
2.4.1 L’estimation optimale
2.4.2 La régularisation de Tikhonov Phillips
3 Etudes de sensibilité : Cas des aérosols sulfatés stratosphériques
3.1 Résumé
3.2 Article : Assessment of the Combined Sensitivity of Nadir TIR Satellite Observations to Volcanic SO2 and Sulphate aerosols after a Moderate Stratospheric Eruption
4 Co-restitution SO2/aérosols sulfatés : Application pour les aérosols troposphériques
4.1 Résumé
4.2 Article : Unified observation co-existing volcanic sulphur dioxide and sulphate aerosols using ground-based Fourier transform infrared spectroscopy
5 Observations des aérosols sulfatés avec IASI : Algorithme AEROIASISulphates
5.1 Introduction
5.2 Importance des éruptions de l’Etna pour l’étude des aérosols sulfatés
5.2.1 Eruption volcanique de l’Etna du 18 Mars 2012
5.3 Description de l’algorithme AEROIASI-Sulphates
5.4 Produits utilisés pour la comparaison et la validation
5.5 Article : Sulphur mass balance and radiative forcing estimation for a moderate volcanic eruption using new sulphate aerosols retrievals based on IASI observations
5.6 Conclusion
Conclusion Générale
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