GÉNÉRALITÉS SUR LES AÉROSOLS ATMOSPHÉRIQUES
En sciences de l’atmosphère, le terme « aérosol » fait référence à un ensemble de particules solides et/ou liquides, en suspension dans l’air ou tout autre milieu gazeux de diamètres compris entre 10⁻⁴ et 100 μm et présentant une vitesse de chute négligeable par rapport aux vitesses du milieu (Schmauss, 1920 ; Finlayson-Pitts et Pitts Jr, 1986 ; Ahmad, 2017). Les aérosols sont des éléments majeurs en étude de l’atmosphère autant que les polluants gazeux. Ils sont très hétérogènes et peuvent être émis directement (aérosols primaires) ou résulter de processus de conversion gaz/particules (aérosols secondaires) (Seinfeld et Pandis, 2016). Les aérosols sont aussi classés en fonction de leurs tailles, des processus qui les ont formé et de leur composition chimique (Xiong et Friedlander 2001; Okada et Heintzenberg, 2003; De Carlo et al., 2004; Salameh, 2015 ; Adon, 2020). Cette diversité de caractéristiques d’identification fait de l’aérosol l’un des constituants les plus complexes de l’atmosphère.
Classifications des aérosols atmosphériques
Classification selon leur origine
Selon leurs sources, les aérosols peuvent être classés en deux catégories :
✓ Les aérosols naturels : L’aérosol naturel est essentiellement issu de l’érosion des sols (aérosol crustal ou terrigène), des embruns marins (aérosol marin), des poussières volcaniques ou des feux de biomasse (Dye, Rhead et al., 2000 ; Xiong et Friedlander, 2001; Okada et Heintzenberg 2003; De Carlo et al., 2004; Carabali et al., 2012; Boucher, 2015 ; Adon, 2020)
✓ Les aérosols anthropiques: Parmi les sources anthropiques on distingue principalement les rejets industriels (fumées, poussières,…), les trafics routier et aérien, l’incinération des ordures, les activités des chantiers de construction ou le chauffage domestique (Renoux et Boulaud 1998; Grieshop et al., 2009; Lauraguais et al., 2012; Calvo et al., 2013; Lauraguais et al., 2014. Salameh, 2015 ; Adon, 2020).
Classification selon la taille
La définition de la taille de l’aérosol est fondamentale pour analyser ses interactions avec l’atmosphère ainsi que ses impacts. La taille d’une particule peut être définie à travers son diamètre aérodynamique (Seinfeld et Pandis, 2016). Du fait de leur diversité morphologique, les particules sont généralement considérées comme sphériques afin de simplifier leur caractérisation. Ainsi, à partir d’un aérosol de forme quelconque, les diamètres, dont le diamètre aérodynamique, sont définis comme suit:
✓ Le diamètre équivalent : il fait référence au diamètre d’une sphère ayant le même volume et la même masse volumique que la particule considérée,
✓ Le diamètre de Stokes : c’est le diamètre d’une sphère ayant la même vitesse de sédimentation et la même masse volumique que la particule.
✓ Le diamètre aérodynamique : il est considéré comme le diamètre d’une sphère ayant la même vitesse de sédimentation que la particule et la masse volumique de l’eau ?0=1000 ??.?−3.
Mode granulométrique et mécanismes de formation
Les particules sont généralement classées selon des gammes de taille appelées mode. Les principaux modes granulométriques de l’aérosol (selon le nombre et le volume) sont illustrés sur la figure 1. Globalement ces modes se partagent en mode grossier et mode fin. Plus finement, Whitby (1978) définit trois modes granulométriques associés à leurs mécanismes de formation: le mode de nucléation, le mode d’accumulation et le mode des grosses particules.
• le mode de nucléation concerne les particules ultrafines de diamètre inférieur à 0,1 ??. Dans l’atmosphère, ces particules sont formées essentiellement par des processus de condensation de vapeurs chaudes et/ou par nucléation lors de leur refroidissement. Elles peuvent ensuite grossir par coagulation entre elles ou encore avec de plus grosses particules (Boulaud et Renoux, 1998). Ce changement de taille vers des diamètres supérieurs, constitue leur principale mode d’élimination dans l’atmosphère. (Finlayson-Pitts et Pitts, 2000 ; Seinfeld et Pandis, 2016)
• le mode d’accumulation concerne les particules fines de diamètre compris entre 0,1 ?? et 2,5 ??. Ces particules résultent de la coagulation de particules en mode de nucléation et de la condensation de vapeurs sur les particules déjà existantes. Ce mode contribue de façon majeure à la surface et la masse totale des aérosols dans l’atmosphère. Les particules du mode d’accumulation sont celles qui résident le plus durablement dans l’atmosphère allant de quelques jours à plusieurs semaines (Boulaud et Renoux, 1998). Elles peuvent parcourir des milliers de kilomètres avant de se déposer par dépôts sec et humide, qui sont les principaux processus par lesquels ces particules sont éliminées de l’atmosphère (Jaenicke, 1988 ; Finlayson Pitts et Pitts, 2000 ; Percot, 2012 ; Seinfeld et Pandis, 2016).
• Le mode grossier, appelé également mode de sédimentation, concerne les particules grossières de diamètres compris entre 2,5 ?? et 100 ?? (Finlayson-Pitts et Pitts, 2000 ;Tulet et al., 2005, 2006). Celles-ci sont principalement générées mécaniquement par des actions telles que l’érosion éolienne ou encore les opérations en industrie comme le broyage. Du fait de leur taille, la durée de vie de ces particules dans l’atmosphère reste faible (de quelques heures à quelques jours).
Terminologie réglementaire des particules selon la taille
Les aérosols ont des tailles diverses allant du nanomètre à plusieurs micromètres. Il existe différentes terminologies pour classer les aérosols atmosphériques en fonction de leur taille. De façon réglementaire on utilise principalement le terme PMx (Querol et al., 2009; Putaud et al., 2010; Fuzzi et al., 2015; Allemand et al., 2020). L’abréviation « PMx » définit un ensemble de particules de taille inférieure à une taille limite X (en micromètre).
On distingue principalement :
• Les PM10 : particules dont le diamètre aérodynamique est inférieur ou égal à 10 μm.
• Les PM2,5 : particules dont le diamètre aérodynamique est inférieur ou égal à 2,5 μm.
• Les PM1 : particules dont le diamètre aérodynamique est inférieur ou égal à 1 μm.
L’abréviation TSP (Total Suspended Particles en anglais ou Particules totales en suspension) regroupe la totalité des particules en suspension dans l’air, quel que soit leur diamètre. Enfin, toutes les particules dont le diamètre est inférieur à 0,1 μm appartiennent à la famille des particules ultra fines (Allemand et al., 2020).
Après une classification des particules selon leurs tailles et leurs sources, nous décrivons dans la partie suivante, les différents mécanismes par lesquels ces particules vont se déposer dans les systèmes qu’elles vont rencontrer. Notons que, pour des raisons d’homogénéité et de brièveté, dans la suite du document, le terme « particule » sera gardé pour évoquer l’aérosol, à moins qu’une distinction particulièrement ne soit nécessaire.
Dépôts de particules atmosphériques
Les particules en suspension dans l’air sont éliminées de l’atmosphère par dépôt sur les surfaces de milieux naturels et/ou anthropisés. On distingue deux mécanismes importants : le dépôt humide et le dépôt sec. Les deux mécanismes contribuent plus ou moins au dépôt total en fonction des conditions météorologiques (Percot, 2012; Nevenick, 2014).
Dépôt humide
Le dépôt humide se compose de plusieurs processus :
➢ d’une part, on a le dépôt par lavage (in-cloud scavenging ou rainout) associé à la captation des particules par les gouttes d’eau lors de la formation des nuages. Ici, les particules jouent un rôle de noyaux de condensation à la vapeur d’eau ambiante. Les polluants présents dans ces particules sont ainsi captés par les gouttes (Slinn, 1982; Ishikawaet al., 1995).
➢ d’autre part, les précipitations vont lessiver une part des particules présentes entre la surface terrestre et la base du nuage. Autrement dit, il s’agit du rabattement par les précipitations (pluie, neige, grêle) des particules présentes entre le nuage et le sol. On parle alors de dépôt humide par lessivage (below-cloud scavenging ou washout) (Nevenick, 2014).
Dépôt sec
A l’inverse du dépôt humide, le dépôt sec est issu de processus qui ont lieux en absence de précipitations. Par temps sec, les particules atmosphériques peuvent se déposer sur les différentes surfaces rencontrées telles que les bâtis, la végétation, les sols et les eaux de surface (Percot, 2012). Ces dépôts sont commandés par les conditions atmosphériques (turbulence de l’écoulement, flux thermiques, flux d’évaporation, etc…), les caractéristiques des surfaces réceptrices (forêts, eaux, prairies, zones urbaines, etc…) ainsi que par la taille et la nature des particules. Les mécanismes fondamentaux qui mènent à ces dépôts sont la diffusion brownienne, l’impaction, l’interception et la sédimentation. Selon leurs tailles et leurs masses volumiques, les particules proches d’une surface vont se déposer sous l’action conjuguée de ces différents mécanismes (Sportisse, 2007 ; Petroff et al, 2008 ; Damay, 2010). La diffusion brownienne concerne les particules très fines (inférieures au dixième de micromètre). Il s’agit d’une diffusion des particules vers la surface de l’obstacle du fait de l’agitation thermique. L’interception intervient lorsque, à proximité d’un obstacle, la particule est retenue à cause de sa faible inertie mécanique (El Hijri, 2008). Par contre, lorsque son inertie est trop grande, la particule transportée dans un écoulement peut ne pas suivre les changements de direction à proximité de l’obstacle et ainsi l’impacter sur celui-ci : on parle d’impaction. Enfin La sédimentation est une chute libre de la particule soumise à la gravité et à la force de traînée. Lorsque l’équilibre de ces forces est atteint, la vitesse limite de la particule est nommée vitesse terminale de chute ou vitesse de sédimentation (VTS en m.s-1 ).
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Chapitre 1 : Etat des connaissances sur les particules atmosphériques et la remise en suspension
1.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES AÉROSOLS ATMOSPHÉRIQUES
1.1.1. Classifications des aérosols atmosphériques
1.1.1.1 Classification selon leur origine
1.1.1.2 Classification selon la taille
1.1.1.3 Mode granulométrique et mécanismes de formation
1.1.1.4 Terminologie réglementaire des particules selon la taille
1.1.2 Dépôts de particules atmosphériques
1.1.2.1 Dépôt humide
1.1.2.2 Dépôt sec
1.1.3 Enjeux sanitaires et environnementaux de la pollution particulaire
1.1.3.1 Enjeux sanitaires
1.1.3.2 Enjeux environnementaux
1.1.4 Eléments métalliques atmosphériques
1.1.4.1 Definiition et constat
1.1.4.2 Caractérisation et quantification des ETM par ICP-MS (quadripolaire)
1.1.5 Caractérisation des particules atmosphériques par MEB-EDX
1.1.5.1 Principe
1.1.5.2 Intérêt
1.2 NOTIONS SUR LA REMISE EN SUSPENSION (RES) DE PARTICULES
1.2.1 Définition et notions
1.2.1.1 Facteur de remise en suspension
1.2.1.2 Le taux de remise en suspension
1.2.2 Interactions particules-surfaces
1.2.2.1 Forces de Van der Waals
1.2.2.2 Forces cohésives
1.2.2.3 Forces d’adhérence
1.2.2.4 Forces électrostatiques
1.2.2.5 Forces de capillarité
1.2.3 Facteurs influant la remise en suspension
1.2.3.1 Action du vent
1.2.3.2 Humidié relative et température de l’air
1.2.3.3 Structure du dépôt
1.2.3.4 Influence de la surface de dépôt
1.3 LE MILIEU URBAIN
1.3.1 Structure du milieu urbain et écoulement du vent
a) Canopée urbaine
b) Ecoulement du vent autour d’un bâti
c) Répartition des surfaces en milieu urbain
1.3.2 Pollution métallique en milieu urbain
1.3.3 Milieu urbain: observation et tentative de discrimination de particules remises en suspension
a) Notion de facteur d’émission : trafic routier
b) Discrimination par microscopie: Trafic routier
1.4 Approches expérimentales de quantification de la RES
1.4.1 Méthodes de mesure de flux de dépôts secs
a) Mesure par accumulation
b) Techniques de mesure de flux micro-métrologiques
c) Limites des méthodes de mesure de dépôts secs pour estimer la RES en milieu urbain:
1.4.2 Quantification expérimentales de fractions remises en suspension
1.4.3 Diversités des objectifs et des contextes expérimentaux
1.4.4 Etat de l’art sur les chambres de dépôts et d’ensemencement
1.4.4.1 Turbulence au sein de la chambre: système de ventilation
1.4.4.2 Evaluation des proportions de dépôt selon l’orientation des surfaces dans la chambre
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2: METHODOLOGIE
2.1 ETUDE DE L’ENSEMENCEMENT DE PARTICULES
2.1.1 Description de la chambre
2.1.2 Nébuliseur Collison: Aérosolisation de particules
2.1.2.1 Principe de fonctionnement
2.1.2.2 Nombre total de gouttelettes produites pour une pression donnée
2.1.3 Conditions de l’ensemencement
2.1.3.1 Surfaces urbaines de l’étude
2.1.3.2 Caractérisation de la rugosité de surface des éprouvettes
2.1.3.3 Observation des surface au MEB-EDX
2.1.3.4 Particules d’essais : sélection des particules d’essais
2.1.3.5 Solution de nébulisation pour les essais d’ensemencement
2.1.4 Vérification de la chambre, de l’ensemencement et des particules
2.1.4.1 Humidité relative, température et pression
2.1.4.2 Nettoyage de la chambre
2.1.4.3 Observations au microscope électronique à balayage des particules ensemencées
2.2 MISE AU POINT ANALYTIQUE
2.2.1 Efficacité des méthodes de mise en solution associées aux particules sélectionnées
2.2.1.1 Mise en solution sur la fraction totale : Préparation des fractions dissoute et particulaire des échantillons de solutions mères
2.2.1.2 Mise en solution sur la fraction dite extractible des échantillons de solutions mères
2.2.2 Validation des particules de l’étude
2.2.2.1 Rendements de la mise en solution des particules de tungstène
2.2.2.2 Rendements de la mise en solution des particules d’argent
2.2.2.3 Rendements de la mise en solution des particules d’or
2.2.3 Protocole de récupération des particules après ensemencement
2.2.3.1 Protocole
2.2.3.2 Optimisation de la méthode de récupération
2.2.4 Essai de validation de l’homogénéité des concentrations de particules d’or ensemencées sur le sol de la chambre
2.3 EXPÉRIMENTATIONS DE REMISE EN SUSPENSION
2.3.1 Site de l’étude
2.3.2 Dispositif de remise en suspension
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3 : Résultats et discussions
3.1 ENSEMENCEMENTS PAR TYPE DE SURFACES URBAINES
3.1.1 Caractérisation de l’homogénéité d’ensemencement : Test sur des feuilles d’aluminium
3.1.2 Vérification de l’homogénéité de l’ensemencement par type d’éprouvette de surface urbaine
3.1.2.1 Conditions dans la chambre
3.1.2.2 Concentrations moyennes de particules par type de surface
3.1.3 Concentrations ensemencées pour les campagnes expérimentales
3.1.3.1 Conditions dans la chambre
3.1.3.2 Concentrations mesurées après l’exposition des éprouvettes
3.2 EXPÉRIMENTATIONS DE REMISE EN SUSPENSION
3.2.1 Conditions météorologiques
3.2.2 Fractions de remise en suspension calculées
3.2.3 Incertitudes de mesures
3.2.3.1 Incertitudes sur les essais de vérification de l’homogénéité d’ensemencements
3.2.3.2 Incertitudes sur les mesures avant et après remise en suspension
3.3 CARACTÉRISATION DE L’ETAT DE SURFACE DES EPROUVETTES
3.3.1 Caractérisation de la rugosité des surfaces par interférométrie
3.3.1.1 Eprouvettes de verre
3.3.1.2 Eprouvettes de tuile et d’ardoise
3.3.1.3 Eprouvettes d’enduit de façade
3.3.2 Caractérisation MEB des surfaces
3.4 ANALYSE DES DONNEES
3.4.1 Données météorologiques et données de rugosité
3.4.2 Ajout de la durée des expérimentations
3.4.3 Retrait des paramètres de rugosité
3.4.4 Retrait des données de remise en suspension
3.4.5 Retrait des données de l’enduit de façade
3.4.6 Analyse en composantes principales par type de surface
3.4.6.1 Cas de l’ardoise
3.4.6.2 Cas de l’enduit de façade
3.4.6.3 Cas de la tuile
3.4.6.4 Cas du verre
3.4.6.5 Point sur l’analyse en composantes principales par type de surface
Conclusion du Chapitre 3
CONCLUSION GENERALE