L’augmentation de la durée de vie d’un ouvrage tout en diminuant son temps et son budget de maintenance constitue une nouvelle approche dans le cadre de la politique du développement durable. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’ouvrage est de grande ampleur, comme c’est le cas de certaines structures en béton précontraint. La technique de la précontrainte a été inventée et mise en place pour la première fois par Eugène Freyssinet, en 1928. L’intérêt de ce procédé est qu’il permet d’utiliser un matériau économique et bien connu, le béton, tout en compensant son principal défaut, sa faible résistance à la traction. Pour cela, des armatures, en acier à hautes caractéristiques mécaniques, sont tendues à l’intérieur même du béton de manière à lui assurer un état de compression constant. Ainsi, de par cette conception, la durée de vie des ouvrages en béton précontraint est conditionnée par le comportement, dans le temps, et dans les conditions d’évolution de la structure (charges dues au trafic, environnement,…), des deux matériaux utilisés pour sa construction : le béton et l’acier.
Parmi les différentes pathologies, inhérentes au béton ou aux aciers utilisés, la corrosion des armatures est généralement la plus préoccupante [1]. Elle se manifeste par deux phénomènes : (i) la corrosion sous contrainte induite par les chlorures (CSC), (ii) la fragilisation par hydrogène (FpH.). Bien qu’impliquant des mécanismes différents, ces deux formes de corrosion ont la même conséquence, la fissuration des armatures puis leur rupture lorsque la perte de section est trop importante par rapport à la charge subie. Pour y faire face, plusieurs solutions peuvent être envisagées dès l’étape de conception ou après la construction de l’ouvrage. Ainsi, des techniques de contrôle non destructif (CND), comme l’émission acoustique [1], ont été développées pour surveiller « l’état de santé structural » des ouvrages. Dans le cas où le béton est dégradé, certaines techniques électrochimiques comme la déchloruration ou la réalcanisation [2, 3], permettent de « restaurer » la protection de armatures. Cependant, ces techniques nécessitent l’installation de matériel (capteurs, électrodes) directement au contact des armatures. Leur emploi peut donc être rendu délicat par la configuration de la zone d’étude [4]. De plus, dans le cas du suivi par CND, l’exploitation des signaux nécessite une banque de données spécifique à la configuration du site étudié [5] ; ce qui rend difficile son extension directe à d’autres structures.
Généralités sur les aciers inoxydables
Microstructure et propriétés mécaniques
Il existe de nombreuses nuances d’aciers inoxydables, possédant chacune leur propres caractéristiques mécaniques et de résistance à la corrosion. On peut ainsi distinguer quatre grandes familles correspondant chacune à une structure cristallographique particulière :
(i) les austénitiques de structure cubique à face centrée (fer γ), (ii) les ferritiques de structure cubique centrée (fer α), (iii) les austéno-ferritiques (ou duplex) présentant à la fois une phase ferritique et une phase austénitique, (iv) les martensitiques de structure cubique centrée. Pour obtenir la nuance voulue, deux éléments clés entrent en jeux : la composition chimique élémentaire de l’acier et le traitement thermique qui lui est appliqué.
En terme de composition, les aciers inoxydables restent avant tout des aciers, c’est àdire qu’ils contiennent les éléments fer et carbone. C’est l’ajout d’autres éléments d’alliage qui conditionnera la structure finale de la nuance. Parmi les éléments d’alliage ajoutés, on distinguera les éléments γ-gènes (Ni, N, C, Mn,…), favorisant la formation d’austénite et les éléments α-gènes (Cr, Mo, Si, …) favorisant la formation de ferrite. Pour prendre en compte l’effet des différents éléments sur la structure finale de la nuance, des formules proposent une teneur totale équivalente en éléments α-gènes (Creq) et γ-gènes (Nieq). Le report des valeurs trouvées sur le diagramme de Pryce et Andrews permet alors d’avoir un ordre de grandeur des phases en présence (Figure 1.1).
Cr équivalent = %Cr + 3(%Si) + %Mo (1.1)
Ni équivalent = %N i + 0, 5(%Mn) + 21(%C) + 11, 5(%N) (1.2)
Pour qu’un acier soit considéré comme inoxydable, le pourcentage massique de chrome doit être supérieur à 11-12%. C’est en effet à partir de ce taux que l’on aura formation spontanée à l’air ou en milieu aqueux peu agressif d’oxyde et d’hydroxydes stables à la surface de l’acier comme l’oxyde de chrome Cr2O3 . L’oxyde formé constitue la couche passive de l’acier et le protège du milieu environnant. Son épaisseur est généralement comprise entre 5 et 10nm.
Les nuances austénitiques contiennent en général une quantité importante de nickel (on parle alors d’alliage FeCrNi). A titre d’exemple, les nuances 1.4301 et 1.4401 contiennent respectivement 8 et 10% en masse de Ni. Cette microstructure est obtenue par trempe à partir d’un maintien à haute température dans le domaine austénitique (1050 1100◦C). Le maintien en température a pour but de mettre en solution les carbures ou nitrures formés lors des étapes précédentes et qui sont néfastes pour la résistance à la corrosion de la nuance. La trempe doit ensuite être suffisamment rapide dans le domaine 600-700◦C pour que le carbone et l’azote restent en solution [7]. On parle alors d’hypertrempe. Les aciers inoxydables austénitiques présentent des ductilités (Figure 1.2) et résiliences élevées. Leur grande résistance à la corrosion (figure 1.3) fait que cette famille de nuances représente 70% de la production annuelle d’aciers inoxydables [8]. Les aciers inoxydables austénitiques sont utilisés dans de nombreuses industries comme la pétrochimie, l’alimentaire et de plus en plus dans le génie civil (armatures de béton armé).
Les aciers ferritiques contiennent peu de nickel. Contrairement aux aciers inoxydables austénitiques, la microstructure cubique centrée confère aux aciers inoxydables ferritiques des propriétés magnétiques [10]. Ils peuvent ainsi être utilisés pour des pièces d’électrovannes, d’électro-injection. Ils présentent une limite à rupture plus faible que celle des aciers inoxydables austénitiques et un domaine de plasticité moins étendu. Leur limite d’élasticité est cependant plus importante. La résistance vis à vis de la corrosion des nuances ferritiques à faible teneur en chrome (13% en masse) est en général plus faible que celle des nuances austénitiques, ce qui exclue leur utilisation en milieu sévère (chloruré ou acide). Ce point peut toutefois être amélioré par une augmentation de la teneur en chrome à des valeurs proches de celles rencontrées sur les austénitiques (%Cr>17%). Les coefficients de diffusion élevés des espèces comme le carbone et l’azote dans la ferrite engendrent la formation systématique de nitrure ou carbure de chrome, même après une trempe rapide. Un recuit à 800◦C (1 à 2 minutes par millimètre d’épaisseur) permet alors d’homogénéiser la teneur en chrome et de restaurer les propriétés initiales de la nuance vis-à-vis de la corrosion [7].
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Table des matières
Introduction générale
1 Etude bibliographique
1.1 Généralités sur les aciers inoxydables
1.1.1 Microstructure et propriétés mécaniques
1.1.2 La corrosion par piqûre des aciers inoxydables
1.2 La corrosion sous contrainte et la fragilisation par hydrogène des aciers inoxydables austénitiques et duplex
1.2.1 Introduction
1.2.2 Les principaux mécanismes de corrosion sous contrainte
1.2.3 Cas des aciers inoxydables duplex et austénitiques
1.2.4 Effet de l’écrouissage
1.3 Application des aciers inoxydables dans le domaine de la précontrainte
1.3.1 Introduction
1.3.2 Les différents types d’ouvrages et procédés de précontrainte
1.3.3 Matériaux utilisés et pathologies rencontrées
1.3.4 Utilisation des aciers inoxydables dans le génie civil
1.4 Conclusion
2 Matériaux et techniques expérimentales
2.1 Introduction
2.2 Présentation des nuances d’aciers inoxydables étudiées
2.2.1 Composition et microstructure
2.2.2 Mise en forme des aciers
2.3 Méthodes et conditions expérimentales
2.3.1 Présentation du milieu d’étude
2.3.2 Domaines de potentiels électrochimiques étudiés
2.3.3 Essais de corrosion par piqûres (σ=0)
2.3.4 Mise en évidence du phénomène de CSC : essai de traction lente
2.3.5 Etude de la fragilisation par hydrogène
2.4 Techniques d’observations et d’analyses
2.4.1 Préparation des échantillons
2.4.2 Microscopie optique
2.4.3 Microscopie électronique
2.4.4 Analyse XPS
3 Evolution de la microstructure et des caractéristiques mécaniques des fils lors des étapes de mise en forme
3.1 Introduction
3.2 Mise en forme par tréfilage
3.2.1 Evolution des caractéristiques mécaniques
3.2.2 Formation de la martensite d’écrouissage
3.2.3 Caractérisation de la microstructure des fils tréfilés
3.3 Détensionnement thermo-mécanique
3.3.1 Evolution des caractéristiques mécaniques
3.3.2 Oxydes formés en surface
3.4 Conclusion
Conclusion générale