Généralités sur l’énurésie
Histoire de l’énurésie
Afin de comprendre la prise en charge actuelle de l’énurésie, intéressons-nous pour commencer à l’histoire de cette maladie. A travers les civilisations, les connaissances ont évolué et diverses thérapeutiques ont été expérimentées. C’est sur le papyrus Ebers, datant de 3500 ans, qu’est décrit pour la première fois l’énurésie. Il y est inscrit que cette pathologie touche toutes les classes sociales et a une incidence familiale. Deux remèdes sont préconisés : le premier consiste à administrer à l’enfant et à sa nourrice de la moelle de roseau, le second, non identifié, est d’origine minérale. 1 2 3 Puis, Aristote (384 à 322 avant Jésus Christ) s’interroge sur les causes de l’énurésie nocturne et remarque que « les jeunes urinent le plus souvent dans le sommeil profond ». Pline l’Ancien (23 à 79 après Jésus Christ) émet l’hypothèse que certaines plantes médicinales décrites dans Naturalis Historia pourraient avoir un effet bénéfique pour les enfants atteints d’énurésie. Paul d’Egine (620 à 680 après Jésus Christ) explore l’hypothèse d’une faiblesse du col vésical pour expliquer l’énurésie. Il conseille alors d’administrer per os des toniques (vin chaud et huile). En 1544, Thomas Phaer, père de la pédiatrie anglaise, propose plusieurs remèdes contre l’énurésie : « prenez la trachée d’un coq, desséchez la et réduisez la en poudre, administrez la deux à trois fois par jour. Itou pour la mâchoire d’une chèvre, administrée sous forme de poudre liquide ou consommée avec un potage ». En 1642, Nicolaus Fontanus d’Amsterdam recommande également une thérapie d’origine animale. En effet, il propose d’administrer de la vessie de cabri, d’agneau ou de jeune porc avec un vin astringent. Quelques années plus tard, en 1659, James Primerose propose d’administrer « le cerveau d’un lièvre, enfermé dans une vessie de porc puis rôtie ».
Rappels sur la physiologie de la vessie
Avant d’aller plus loin et d’aborder les différentes causes possibles de l’énurésie, intéressons nous à l’anatomie de la vessie. Il s’agit d’un organe creux, composé de couches musculaires lisses : muscle trigone et détrusor. Le détrusor constitue l’essentiel de la paroi vésicale et s’organise en trois couches musculaires lisses. Le muscle trigone est considéré comme le sphincter lisse interne.13 La vessie a un rôle de réservoir et stocke l’urine acheminée depuis les reins par deux conduits, les uretères. L’urine est éliminée de la vessie par l’urètre lors de la miction. L’urètre vésical possède deux sphincters, le sphincter musculaire lisse ou trigone (interne, de contraction involontaire) et le sphincter musculaire strié (externe, de contraction volontaire). Le fonctionnement de l’appareil vésico-sphinctérien est régi par le système nerveux central et périphérique.13 Les terminaisons nerveuses parasympathiques sont très présentes au niveau du détrusor et un peu au niveau urétral.
Lors de la stimulation du système parasympathique, on observe une contraction du détrusor et une faible inhibition des fibres musculaires lisses urétrales. Les terminaisons nerveuses sympathiques sont surtout situées au niveau urétral (récepteurs alpha) mais aussi au niveau du dôme vésical (récepteurs béta). Leurs stimulations entrainent une contraction des fibres musculaires lisses urétrales et un relâchement du détrusor. Pendant la phase de remplissage de la vessie, le système parasympathique est inhibé (le détrusor est relâché) et le système sympathique est activé (le sphincter lisse est contracté). Lorsque la vessie est pleine, la miction est induite par stimulation du système parasympathique (contraction du détrusor) et inhibition du système sympathique (relâchement du sphincter lisse, involontaire et relâchement du sphincter strié, volontaire).
Immaturité du contrôle vésical
Le contrôle des mictions n’est pas un caractère inné, il s’agit d’un apprentissage que les jeunes enfants doivent effectuer. En moyenne, cette période d’acquisition de la propreté dure entre trois et six mois et a lieu lorsque l’enfant a entre deux et quatre ans. Chez le nouveau-né, la miction est automatique et non volontaire : les récepteurs de distension pariétale induisent une contraction du détrusor entrainant une vidange de la vessie, à un volume de remplissage très bas. Entre un et deux ans, l’enfant prend conscience du besoin d’uriner et de sa capacité à retenir l’urine par contraction du sphincter urétral. Cependant, il existe une hyperactivité vésicale (impériosité, pollakiurie, nycturie) par absence d’inhibition centrale corticale de l’envie d’uriner. Progressivement, la vessie devient mature : augmentation de la capacité vésicale et diminution de l’hyperactivité vésicale par inhibition centrale. Ainsi, l’enfant commence à contrôler ses mictions le jour, puis la nuit vers l’âge de quatre ans généralement.17 18 On peut observer chez des enfants énurétiques, une immaturité du contrôle vésical : la persistance d’une vessie de type automatique, bien que l’enfant cherche à retenir son urine. Par conséquent, les besoins mictionnels sont fréquents et impérieux dans la journée et l’urine n’est pas du tout retenue lorsque l’enfant dort. Chaque année, environ 15% des énurésies primaires se résolvent spontanément. Cela peut s’expliquer par la mise en place progressive du contrôle vésical.
Facteur hormonal
L’hormone antidiurétique (ADH) est une hormone produite par l’hypothalamus et stockée dans la post-hypophyse. Sa sécrétion est régulée par l’osmolarité plasmatique et la volémie. Elle a une action vasopressive et antidiurétique (par réabsorption de l’eau au niveau rénal). Durant la nuit, un pic de sécrétion de l’ADH est observé : la production d’urine est nettement inférieure la nuit que le jour.22 Chez certains énurétiques, la sécrétion de l’ADH est perturbée : absence de pic de sécrétion de l’ADH ou diminution de l’amplitude du rythme circadien de sécrétion de l’ADH. Ainsi, l’enfant produit autant d’urine la nuit que le jour, ayant pour conséquence une nycturie ou une énurésie.23 24 Pour autant, ce facteur hormonal ne suffit pas à entrainer une énurésie. Effectivement, certains épisodes énurétiques ont lieu seulement quelques minutes après le coucher de l’enfant et il n’y a pas plus d’énurétiques chez les personnes atteintes de diabète insipide que dans le reste de la population.25 De plus, la résistance pharmacologique à la desmopressine (mimant l’activité de l’hormone antidiurétique naturelle) de certains enfants dans le traitement de l’énurésie nous incite à penser que le facteur hormonal n’est pas le seul mécanisme en jeu dans cette pathologie.26 On peut le considérer comme un facteur aggravant.
Stratégie thérapeutique actuelle
La stratégie thérapeutique de l’énurésie présentée dans ce travail s’appuie sur la synthèse des recommandations thérapeutiques des instances de santé : ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), HAS (Haute Autorité de Santé) et des sociétés savantes françaises et internationales. L’arbre décisionnel de prise en charge est consultable en annexe 1.54 Les recommandations actuelles de la prise en charge de l’énurésie primaire isolée sont les suivantes : Dans un premier temps, un conditionnement de l’enfant doit être effectué. Cela consiste à expliquer la pathologie à l’enfant et sa famille, le rassurer et mettre en place des mesures éducatives comportementales et des règles hygiéno-diététiques. Ces mesures seront détaillées ultérieurement (partie 3 : conseils du pharmacien et autres thérapeutiques). Après un à trois mois de conditionnement, l’enfant doit être revu en consultation.
En cas d’échec, la mise en place d’un traitement peut être envisagée. En première intention, le système d’alarme ou la desmopressine sont proposés, en fonction de l’orientation clinique (petite capacité vésicale ou polyurie) et de la motivation de l’enfant et de sa famille. Deux mois plus tard, en cas d’amélioration supérieure à 50%, le même traitement est poursuivi pour une durée totale de six mois. En cas d’amélioration inférieure à 50%, l’association de la desmopressine et du système d’alarme est recommandée pour une durée de trois mois. La prescription d’antidépresseur tricyclique peut être envisagée en dernière intention, c’est-à-dire en cas d’échec à l’association desmopressine et système d’alarme et après avis d’un spécialiste. Pour finir, après six mois de prise en charge, soit le succès est complet et le traitement est arrêté progressivement. Soit l’amélioration est inférieure à 50% : le traitement est arrêté pendant six mois et l’enfant doit consulter un spécialiste.
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Table des matières
Table des abréviations
Liste des figures
Introduction
Partie 1 : Généralités sur l’énurésie
1.Histoire de l’énurésie
2.Définitions de l’énurésie
2.1. Définition littéraire
2.2. Définition selon l’International Children’s Continence Society
2.3. Points clés des définitions
3.Les différents types d’énurésie
4.Rappels sur la physiologie de la vessie
5.Causes possibles à l’énurésie
5.1. Immaturité du contrôle vésical
5.2. Facteur hormonal
5.3. Facteur génétique
5.4. Constipation chronique
5.5. Encoprésie
5.6. Facteurs psychologiques
5.7. Déficit de l’attention
5.8. Diminution de la capacité d’éveil
5.9. Facteur organique
6.Epidémiologie
7.Le diagnostic
8.Le retentissement
Partie 2 : Les traitements allopathiques
1.Stratégie thérapeutique actuelle
2.Traitements actuellement utilisés
2.1. Desmopressine
2.1.1) Mécanisme d’action
2.1.2) Voies d’administration et indication
2.1.3) Pharmacocinétique
2.1.4) Effets indésirables
2.1.5) Contre indications
2.1.6) Interactions médicamenteuses
2.1.7) Conseils de prise
2.1.8) Résultats
2.2. Oxybutynine
2.2.1) Indication
2.2.2) Mécanisme d’action
2.2.3) Pharmacocinétique
2.2.4) Effets indésirables
2.2.5) Contre indications
2.2.6) Interactions médicamenteuses
2.2.7) Conseils de prise
2.2.8) Résultats
2.3. Antidépresseurs tricycliques
Partie 3 : Les conseils du pharmacien et autres thérapeutiques
1.Les conseils hygiéno-diététiques
1.1. Restriction hydrique
1.2. Lutte contre la constipation
2.Les conseils pour le quotidien
2.1. Rituel du coucher
2.2. Faciliter l’accès aux toilettes la nuit
2.3. Changement des draps
2.4. Pour ou contre le port de couches ?
2.5. Dialoguer avec l’enfant
2.6. Tenue d’un calendrier
2.7. Récompenser les nuits sèches ?
3.Les systèmes d’alarme
3.1. Le conditionnement pavlovien
3.2. L’idée du docteur Nye
3.3. Le docteur Pfaundler
3.4. Le « pipi-stop® » et autres alarmes
3.4.1) Objectif
3.4.2) Indication
3.4.3) Utilisation de l’appareil
3.4.4) Efficacité du système d’alarme
3.4.5) Facteurs de risque d’échec du traitement par alarme
3.4.6) Avantages et inconvénients
4.Les traitements en homéopathie
4.1. Principe de l’homéopathie
4.2. Souches indiquées dans le traitement de l’énurésie
4.3. Conseils pharmaceutiques
5.Les traitements en phytothérapie
5.1. L’avis du Comité des Médicaments à base de Plantes de l’Agence Européenne du Médicament
5.2. A propos d’Eschscholtzia californica
5.2.1) Présentation de la drogue
5.2.2) Propriétés thérapeutiques
5.2.3) Spécialités à base d’Eschscholtzia californica (liste non exhaustive)
5.2.4) Avis pharmaceutique
6.Les traitements en aromathérapie
7.Psychothérapie
8.Les cures thermales
Partie 4 : Enquête réalisée
1.Méthode de travail
1.1. Présentation du questionnaire
1.2. Biais et limites de cette étude
1.3. L’analyse des résultats
2.Résultats de l’enquête
2.1. Première question
2.2. Deuxième question
2.3. Troisième question
2.4. Quatrième question
2.5. Cinquième question
2.6. Sixième et septième question
2.7. Huitième question
Conclusion
Liste des annexes
Bibliographie
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