Généralités sur le virus de l’hépatite E (VHE)

Généralités sur le virus de l’hépatite E (VHE)

Historique de la découverte du VHE

C’est lors d’une épidémie d’hépatite à transmission entérique en 1978 au Cachemire non lié au virus de l’hépatite A qu’un autre virus hépatotrope a transmission entérique a été envisagé. En effet, lors de cette épidémie aucun marqueurs sérologiques des hépatites A et B n’étaient présents, des formes cliniques très sévères étaient  observés chez les femmes enceintes. Puis en 1983, suite à une autre épidémie d’hépatites dans un camp militaire soviétique en Afghanistan, le chercheur Balayan s’est porté cobaye et a développé une hépatite aiguë après avoir ingèré un pool d’extrait de selles de patients immunés contre l’hépatite A mais présentant une hépatite. Il a ensuite observé des particules virales sphériques par microscopie  dans ses propres selles. Ces particules agglutinaient avec les sérums de patients ayant eu une hépatite non A non B mais n’agglutinaient pas avec les sérums de patients ayant eu une hépatite A ou B [1]. C’est seulement en 1990 que le génome viral a pu être partiellement séquencé et en 1992 que le génome complet de souches Asiatiques et Mexicaines a été séquencé et que l’agent des hépatites non-A non-B à transmission entérique a été nommé Virus de l’Hépatite E (VHE) [2] [3]. C’est en 1997 que des souches de VHE porcins ont été découvertes. La même année la description du premier cas autochtone associé à cette souche a soulevé la question du risque zoonotique dans les pays développés. La répartition planétaire de l’hépatite E est maintenant reconnue et largement documentée.

Caractéristiques du VHE

Morphologie

Le VHE est classé dans la famille des Hepeviridae, genre hepevirus dont il est actuellement le seul représentant. Il s’agit d’un virus sphérique, non enveloppé de 27 à 33 nm de diamètre. Le génome est un ARN monocaténaire à polarité positive d’une longueur approximative de 7,2 kb. La capside est icosaédrique. Il existe un seul sérotype et 4 génotypes majeurs infectant l’homme avec de nombreux sous-types. La réplication virale se situe principalement dans le cytoplasme des hépatocytes. Le virus est présent également dans des localisations extra-hépatiques (tube intestinal et tissus lymphatiques). Le VHE existe au sein d’un même hôte sous la forme d’un mélange complexe en équilibre de variants étroitement apparentés définissant une quasi-espèce. Cette caractéristique permet au virus la sélection des variants les mieux adaptés aux conditions environnementales [4]. Le VHE a été considéré comme non enveloppé depuis sa découverte. Cependant des études récentes ont montré que les virions circulants dans le sang sont enveloppés dans une membrane cellulaire de l’hôte [5]. On parle alors de virions quasi enveloppés (eVHE). Cette membrane dérivée de l’hôte ne porte pas de protéines virales à sa surface. L’intérêt pour le virus est de tenter d’échapper à la reconnaissance immunitaire. De plus, à la différence des virus non enveloppés qui provoquent une lyse de la cellule (effet cytopathique) lors de leur libération induisant des effets immunostimulateur, ces eVHE ne provoquent pas de lyse (pas d’effet cytopathique).

Résistance aux procédés physico-chimiques

Le VHE est un virus entérique avec une forme non enveloppée, il est donc résistant dans le milieu extérieur et aux procédés physico-chimiques classiques.

Température
Les études de l’impact de la température sur le VHE ont été faites dans le cadre de travaux en vue de recommandations de cuissons des viandes notamment. Les conclusions des études sont que le VHE reste viable après un chauffage à 56°C pendant 1 h et il reste même infectieux jusqu’à 60°C. Par exemple, une étude française de 2014 de Barnaud et al [6] a étudié la stabilité et l’infectivité du VHE à la chaleur. Trois températures utilisées en pratique par l’industrie sont étudiées (62°C, 68°C et 71°C) pendant trois temps (5, 10 et 20 minutes). Les auteurs observent que la plus faible réduction de charge virale est obtenue avec la combinaison (62°C, 5min) alors que la plus forte réduction de charge virale est obtenue avec la combinaison (71°C, 20min). Puis les auteurs ont inoculé des produits inactivés pendant 20min à 71°C à des porcs et aucune infection par le VHE n’a été observée. Colson et al [7] reprend les mêmes recommandations sur la cuisson du figatelli en particulier, il faut que le produit atteigne une température interne de 71°C pendant au moins 5 minutes ou qu’il soit bouilli dans de l’eau pendant au moins 5 minutes.

Résistance aux procédés physico-chimiques spécifiques de la préparation des produits sanguins labiles (PSL)
Le VHE est résistant à la fois aux mécanismes de traitement par solvant-détergent et de viroatténuation par l’amotosalen [8].

Résistance aux procédés physico-chimiques dans le cadre de la fabrication de médicaments dérivés du sang (MDS)
Une étude Australienne de 2016 de Farcet et al. [9] a testé les différentes techniques d’inactivation du VHE dans le processus de fabrication de différents MDS. Cependant, afin de s’affranchir des particules virales quasi-enveloppées (eVHE) les virus subissent dans un premier temps une étape de traitement de type solvant/détergent.

Génomique et classification du VHE

Le génome du VHE et les protéines codées

Organisation du génome
La description du génome du virus de l’hépatite E a été réalisée en 1990 [2], [3]. C’est une molécule d’ARN simple brin de polarité positive. La taille du génome du genre Orthohepevirus qui contient les génotypes humains (1, 2, 3 et 4) et du genre Piscihepevirus (genre infectant la truite) est environ 7,2 kb. Mais la taille du génome du genre Avihepevirus (infectant les oiseaux) est d’environ 6,7 kb. Le génome du VHE contient trois cadres de lectures ouverts : ORF (Open Reading Frame) : ORF1, ORF2, ORF3 dont deux se chevauchent (ORF2 et ORF3).

Selon Khuroo et al [11] le génome contient :
– Une structure coiffante (7mG-Cap : 7-méthylguanosine cap) à l’extrémité 5ʹ (Cap)
– Une courte région non codante en 5ʹ (NCR : noncoding region) de 27 nucléotides,
– Le cadre de lecture ouvert ORF1 codant pour les protéines non structurales,
– Une zone de jonction (JR : junction region) dont la structure est une « tige-boucle » (SL : stem– loop structure) et contenant un élément cis-régulateur (CRE : cis-reactive element),
– Les cadres de lecture ouverts chevauchants : ORF2 codant pour la protéine de capside et ORF3 codant pour une protéine multifonctionnelle dont le rôle biologique n’est pas encore clairement élucidé,
– Une courte région non codante en 3ʹ (NCR) contenant un deuxième élément cis-régulateur (CRE),
– Une queue polyA à l’extrémité 3’.

La polyprotéine non structurelle ORF1 est directement traduit à partir de l’ARN de polarité positive dans le cytoplasme. Alors que les protéines codées par ORF2 et ORF3 sont produites par un ARNm subgénomique (SG) bicistronique (Subgenomic RNA) de 2.0 kb.

Les protéines et leurs fonctions

Il est à noter que les positions des acides nucléiques que l’on énoncera se réfèrent à une souche VHE de génotype 1 (Burmese strain) [11].

pORF1 : protéines non structurales
L’ORF1 comprenant 5079 nucléotides code pour des protéines non structurales dès la fin de la région non codante en 5’. Le polypeptide qui en résulte est donc composé de 1693 acides aminés. Ce dernier est impliqué dans la réplication virale et contient plusieurs domaines fonctionnels à activités enzymatiques différents [12], [13].

Méthyltransférase (MeT) :
La méthyltransférase est nécessaire au coiffage en 5’ de l’ARN génomique et subgénomique par une 7-méthylguanosine (7mG-Cap) [13]. Cette activité catalytique a été confirmée in vitro [14]. Cette coiffe est indispensable à l’infectivité du VHE [15]. Les études démontrent que seul un ARN coiffé montre une infectivité. Alors qu’un ARN non coiffé est dénué d’infectivité [16].

Domaine Y (Y)
Aucune fonction n’est actuellement connue de façon certaine pour le domaine Y.

Cystéine protéase similaire à la papaïne (PCP)
La cystéine protéase similaire à la papaïne (PCP) a initialement été proposée comme intervenant dans le clivage de la polyprotéine virale codée par ORF1 [17]. Jusqu’en 2014, on ne savait pas si la protéine codée par ORF1 fonctionnait comme une protéine unique ou si elle était clivée pour que de petites protéines soient fonctionnelles de façon indépendante. Certains auteurs affirmaient qu’elle n’était pas clivée à l’issue de sa traduction [18]. Cette absence de clivage était alors inhabituelle pour les virus à ARN+ infectant les animaux. Sa fonction de clivage a été démontrée par l’étude de Paliwal D et al [19] en 2014. La PCP cliverait la protéine codée par ORF1. Cependant, on ne sait pas si les produits du clivage doivent subir une modification pour pouvoir exercer leur fonction.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : GENERALITES SUR LE VIRUS DE L’HEPATITE E (VHE)
1. HISTORIQUE DE LA DECOUVERTE DU VHE
2. CARACTERISTIQUES DU VHE
2.1. Morphologie
2.2. Résistance aux procédés physico-chimiques
2.2.1. Température
2.2.2. Résistance aux procédés physico-chimiques spécifiques de la préparation des produits sanguins labiles (PSL)
2.2.3. Résistance aux procédés physico-chimiques dans le cadre de la fabrication de médicaments dérivés du sang (MDS)
PARTIE 2 : GENOMIQUE ET CLASSIFICATION DU VHE
1. LE GENOME DU VHE ET LES PROTEINES CODEES
1.1. Organisation du génome
1.2. Les protéines et leurs fonctions
1.2.1. pORF1 : protéines non structurales
1.2.1.1. Méthyltransférase (MeT)
1.2.1.2. Domaine Y (Y)
1.2.1.3. Cystéine protéase similaire à la papaïne (PCP)
1.2.1.4. Région hypervariable riche en proline (V)
1.2.1.5. Domaine X (X)
1.2.1.6. Hélicase (Hel)
1.2.1.7. L’ARN polymérase dépendante de l’ARN (RdRp)
1.2.2. pORF2 : protéine de capside
1.2.3. pORF3 : protéine multifonctionnelle associée au cytosquelette
2. CLASSIFICATION DU VHE
2.1. Historique
2.2. Classification actuelle
2.2.1. Genres
2.2.2. Espèces
2.2.3. Génotypes et sous-types
2.2.3.1. Les génotypes du VHE
2.2.3.2. Les sous-types du VHE
2.2.3.3. Souches infectants les humains
2.2.3.4. Répartition géographique des génotypes du VHE
a. Dans le monde
b. En France
PARTIE 3 : TRANSMISSION DU VIRUS DE L’HEPATITE E (VHE)
3. TRANSMISSION ENTERIQUE
3.1. Transmission oro-fécale
3.2. Transmission zoonotique
3.2.1. Espèces animales infectées par le VHE
3.2.1.1. Les réservoirs avérés
a. Les porcins
b. Les cerfs et chevreuils
3.2.1.2. Les réservoirs potentiels
a. Le lapin
b. Les chameaux
c. Les chevaux
d. Les oiseaux
e. Les chauve-souris
f. Les rongeurs
3.2.1.3. Les carnivores
3.2.1.4. Les herbacés : les élans
3.2.1.5. Les poissons (la truite fardée)
3.2.2. Etude des séroprévalences dans les populations animales
3.2.2.1. Les ruminants (bovins, ovins et caprins)
3.2.2.2. Les animaux de compagnie (chiens et chats)
3.2.2.3. Les chevaux
3.2.3. Les différentes voies de contamination zoonotique
3.2.3.1. Contamination par consommation de viande
a. Les preuves de la contamination
b. Les recommandations de préparations des viandes
3.2.3.2. Contamination par consommation de lait de vache
3.2.3.3. Contact direct avec l’animal
4. TRANSMISSION INTERHUMAINE
4.1. Transmission de la mère à l’enfant
4.1.1. Transmission materno-foetale
4.1.2. Transmission par le lait maternel
4.2. Transmission de personne à personne
4.3. Transmission nosocomiale
4.4. Transmission sexuelle
4.5. Transmission par des produits d’origine humaine utilisés en thérapeutique
4.5.1. Transmission par transplantation d’organes
4.5.2. Transmission par les produits sanguins labiles (PSL)
PARTIE 4 : PHYSIOPATHOLOGIE DU VHE
1. FIXATION ET ENTREE DU VIRUS DANS LA CELLULE CIBLE
1.1. Les différentes cellules cibles
1.2. Fixation du VHE sur la cellules cible
1.3. Entrée du VHE dans la cellules cible
2. MULTIPLICATION INTRACELLULAIRE DU VHE
2.1. Réplication virale
2.2. Synthèse de l’enveloppe du eVHE « quasi-enveloppé »
3. SORTIE DES VIRIONS
CONCLUSION

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