L’infection par le Virus de l’hépatite B constitue un véritable problème de santé publique. On estime que 257 millions de personnes vivent avec une infection par le virus de l’hépatite B (VHB) de façon chronique (définie comme la positivité pour l’antigène de surface de l’hépatite B de plus de 6 mois) (OMS, 2017). Ces derniers ont un risque majeur d’évoluer vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. En 2015, 887 000 personnes sont décédées des suites d’une infection par l’hépatite B notamment de cirrhose ou de cancer du foie. (OMS, 2017). L’infection est causée par un petit virus à ADN de la famille des Hepadnaviridae, il est 50 à 100 fois plus infectieux que le VIH (GalaxoSmithkline, 2002), il existe plusieurs voies de transmission : la transmission verticale et horizontale (intrafamiliale, transcutanée par un matériel contaminé, sexuelle, et intraveineuse). Le diagnostic est actuellement aisé par la disponibilité des techniques sérologiques et le développement des techniques de biologie moléculaire comme la PCR. Le traitement repose dans la majorité des cas sur les antiviraux et l’interféron alpha. Malgré l’efficacité de ce traitement, la disponibilité et le cout constituent un frein dans les pays en développement (OMS, 2017). L’infection aigue au virus de l’hépatite B peut évoluer vers la chronicité dans 90% des cas chez des enfants infectés à la naissance, 25% chez ceux infectés à l’enfance et 5 à 10% chez les individus qui l’ont contracté à l’âge adulte. Ces individus sont exposés aux complications chroniques de cette affection comme la cirrhose et le cancer primitif du foie. Concernant la prévention, une vaccination efficace existe contre cette maladie et reste le meilleur moyen pour la contrôle voire l’éradication. L’organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé l’implantation de la vaccination contre le VHB dans les programmes élargis de vaccination de tous les pays depuis l’assemblée générale 1997.
Le Sénégal est un pays de haute endémicité pour l’hépatite B qui a été pionnier dans les travaux sur l’épidémiologie de l’hépatite B en Afrique sub-saharienne (Maupas P, et al., 1980). Selon les statistiques officielles, 17 % de sa population générale serait des porteurs chroniques du VHB (PNLH, 2017). Le vaccin contre le VHB a été introduit dans le pays depuis 1999 mais son intégration dans le PEV n’a été effective qu’en 2005. En 2016, la vaccination contre le VHB à la naissance est a été adoptée selon les recommandations de l’OMS.
GENERALITES SUR LE VIRUS DE L’HEPATITE B (VHB)
Historique
Le VHB est un petit virus à ADN circulaire partiellement bicaténaire qui provoque une inflammation du foie (hépatite). Le terme « hépatite virale» doit être réservé aux maladies associées aux virus ayant un véritable tropisme pour le foie avec comme manifestation prédominante une hépatite. En 1843, Karel Rokitansky pathologiste tchèque décrit l’anatomie pathologique des hépatites virales avec la découverte de l’atrophie jaune aiguë du foie de l’hépatite fulminante. En 1885, Lurmann (Lürman A, 1985) rapportait l’existence probable de deux virus responsables du même tableau clinique depuis la première épidémie d’hépatite enregistrée et provoquée par un virus transmis par voie sanguine. En 1947, Mac Callum proposa d’appeler l’hépatite A, l’hépatite épidémique à incubation courte et l’hépatite B l’hépatite B sérique à incubation longue (Mac Cullum F, 1947). Les vrais progrès ont été faits au milieu du XXe siècle avec la ponction biopsie hépatique à l’aiguille de Menghini (1958) qui a permis d’établir la séquence des lésions conduisant de l’hépatite persistante à l’hépatite chronique agressive puis à la cirrhose et au cancer primitif du foie. Le dosage des transaminases, reflet de la cytolyse est apparu à la même époque. En 1963, Baruch Blumberg (Blumberg BS, 1977) découvrit l’Ag Australia appelé maintenant Ag HBs. En 1970, le VHB a été identifié au microscope électronique par Dane dans le sérum de malades porteurs de l’Ag Australia (Dane D et al., 1970). En 1975, l’équipe de Maupas publia les premiers résultats d’une vaccination contre le VHB utilisant comme source vaccinale l’Ag HBs purifié à partir de plasma de porteurs chroniques (Maupas P et al., 1976). Au Sénégal, Maupas et coll. réalisa un programme de recherche médicale nommée « Prévention Hépatite Hépatome» (Maupas P et al., 1980). La première vaccination contre l’hépatite B chez le jeune enfant a eu lieu à Niakhar en 1978.
Caractéristiques du virus
Classification
Le VHB est un petit virus enveloppé à ADN, à capside icosaédrique avec un tropisme hépatique appartenant au groupe VII, à la famille des Hepadnaviridae, au genre Orthohepadnavirus, au groupe des hepadnavirus (Mason WS et al., 2005).
Structure
Le virion infectant, appelé aussi particule de Dane, comprend de l’extérieur vers l’intérieur :
• une enveloppe lipoprotéique qui porte l’antigène de surface (Ag HBs)
• une nucléocapside qui porte l’antigène HBc (Ag HBc). A l’intérieur de celle-ci se trouve l’acide nucléique viral (ADN) et la polymérase (P) (Patient R et al., 2013).
Organisation génomique
L’ADN du VHB est circulaire partiellement double brin d’environ 3,2 kpb (Magnius LO et al., 1995) (Figure 2). Sa conformation est unique dans la mesure où cet ADN est double brin sur la majeure partie de sa longueur, mais le brin court (incomplet) de polarité positive présente un hiatus d’environ 700 nucléotides de long. Le brin long a une encoche près de son extrémité 5’. Il est circulaire de polarité négative (brin L). Il comporte quatre phases de lecture ouvertes, qui se chevauchent dans la même organisation transcriptionnelle (Magnius LO et al., 1995) :
➤ ORF1 : polymérase
➤ ORF2 : protéine S et Ag HBs (antigénicité HBs)
➤ ORF3 : protéine C, Ag HBc
➤ ORF 4 : protéine X
Ce génome contient quatre gènes (Alter MJ et al., 1990 ; Liaw Y-F et al., 2010) :
➤ gène PréS/S codant pour trois protéines de surface (S ou protéine majeure ou petite protéine, PréS2/S ou protéine moyenne et PréS1/PréS2/S ou grande protéine);
➤ gène PréC/C codant pour l’Ag HBe excrété et l’Ag HBc, protéine cytoplasmique non excrétée ;
➤ gène Pol codant pour la polymérase virale ; enzyme permettant la réplication du virus et qui est aussi douée d’une activité transcriptase reverse.
➤ gène X codant pour la protéine X qui joue un rôle de régulation dans la réplication virale, et possède une fonction transactivatrice sur les gènes viraux et des gènes cellulaires, elle est impliquée dans le pouvoir oncogène du VHB.
Les protéines virales
Les protéines d’enveloppe (ou de surface)
L’enveloppe du VHB est constituée de trois types de protéines virales, small HBs (SHBs) ou protéine majoritaire, medium HBs (MHBs) ou protéine moyenne et large HBs (LHBs) ou grande protéine, et de lipides issus de la membrane plasmique de la cellule hôte (Heerman KH et al., 1991). La protéine majoritaire (S) de 226 aa et 24 kDa est constituée exclusivement de la région S, commune aux trois protéines de surface. Elle assure leur ancrage dans la bicouche lipidique de l’enveloppe virale ou dans la membrane du réticulum endoplasmique, là où elles sont synthétisées. La protéine moyenne (M) de 30 kDa possède 55 aa N-terminaux supplémentaires, correspondant à la région Pré-S2. Enfin, la grande protéine (L) de 39 kDa comporte en plus des régions S et Pré-S2, une région Pré-S1 de 108 aa à son extrémité N-terminale.
Elles possèdent toutes un site potentiel de N-glycosylation situé au niveau de leur domaine commun (Seeger C et al., 2007). La petite protéine porte l’antigène (AgHBs) qui induit la sécrétion d’anticorps (Ac) anti-HBs protecteurs. La protéine moyenne provoque la sécrétion d’Ac antipré S2 protecteurs ; elle est incluse dans les vaccins recombinants et la protéine L joue un rôle dans la fixation du virus et la pénétration du virion au niveau de l’hépatocyte in vivo (Maura D et al., 2013).
Les protéines de core et précore
La protéine de core ou antigène HBc (AgHBc) est constituée de 183-185 acides aminés, avec un poids moléculaire de 22 kDa. Elle est synthétisée dans le cytosol des cellules infectées (Chang C. et al., 1994). Elle est portée par la nucléocapside et n’est pas directement détectée dans le sang car non soluble. Elle est composée de deux régions principales :
➤ La région N-terminale (résidu 1 à 149 acides aminés) permet aux protéines de capside d’interagir et de s’assembler en capside icosaédrique. (Belnap DM. et al., 2003).
➤ La région C-terminale (résidu 150 à 183 acides aminés) joue un rôle essentiel lors du cycle de réplication du virus en permettant dans un premier temps l’adressage de la capside vers le noyau médié par un signal de localisation nucléaire (NLS) et dans un second temps l’encapsidation de l’ARN pré génomique et de la polymérase virale dans les capsides néoformées.
La protéine précore ou antigène HBe (Ag HBe) est une protéine non structurale qui est sécrétée dans le sang des patients infectés. Dans un premier temps, la protéine Précore (Ag HBe) est synthétisée en tant que pro-protéine ; ensuite le peptide signal induit le passage de la protéine naissante vers le réticulum endoplasmique et la voie de sécrétion. Pendant la maturation la pro-protéine est clivée à la fois en N-terminal dans le peptide signal et en C-terminal dans la queue basique, ce qui donne naissance à une protéine soluble de 17kDa nommée antigène HBe (Nora M., 2012). La fonction exacte de l’Ag HBe n’a pas encore été déterminée mais elle n’apparaît pas indispensable à la réplication du VHB. Des études ont montré que l’Ag HBe entraîne une déplétion des lymphocytes T helpers, et serait donc à l’origine d’une réponse T cytotoxique peu vigoureuse (Milich D et al., 1998 ; Milich D et al., 1990). Une mutation au niveau du géne préC/C conduit à une forme d’hépatites sans Ag HBe (ou occultes) (Brunetto MR et al., 1993).
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LE VIRUS DE L’HEPATITE B (VHB)
1. Historique
2. Caractéristiques du virus
2.1. Classification
2.2. Structure
2.3. Organisation génomique
2.4. Les protéines virales
2.4.1. Les protéines d’enveloppe (ou de surface)
2.4.2. Les protéines de core et précore
2.4.3. La polymérase virale
2.4.4. La protéine X
2.4.5. L’Hepatitis B Spliced Protein
2.5. Variabilité génomique
2.6. Conséquences de la variabilité génomique
2.6.1. Mutations du gène préS/S
2.6.2. Mutants antigène HBs (–) ou mutants d’échappement à la vaccination
2.6.3. Mutations du gène préC/C et les hépatites sans Ag HBe (ou occultes)
2.6.4. Mutations du gène P et la résistance au traitement
2.6.5. Mutations du gène X et le carcinome hépatocellulaire
2.7. Tropisme cellulaire
2.7.1. Les hépatocytes : cibles de l’infection par le VHB
2.7.2. Réservoirs extra-hépatiques du VHB
3. Multiplication ou cycle de réplication
4. Epidémiologie
4.1. Modes de transmission
4.2. Situation selon la zone géographique
4.2.1. Épidémiologie du VHB à l’échelle mondiale
4.2.2. Épidémiologie du HBV en Afrique
4.2.3. Au Sénégal
5. Physiopathologie de l’infection au VHB
6. Histoire naturelle de l’infection au VHB
7. Manifestations cliniques
7.1. Incubation
7.2. Infection aiguë par le VHB
7.2.1. Forme classique
7.2.2. Forme fulminante
7.3. Infection chronique par le VHB
7.3.1. Hépatite chronique
7.3.2. Hépatite chronique Ag HBe négatif
7.3.3. Portage chronique inactif de l’Ag HBs (Liaw YF, 2003)
8. Complications
8.1. Cirrhose
8.2. Carcinome hépatocellulaire
8.3. Manifestations extra-hépatiques associées à l’hépatite chronique B
9. Co-infection par le virus de l’hépatite D
10. Diagnostic biologique de l’hépatite B
10.1. Diagnostic virologique
10.1.1. Recherche des Ag viraux
10.1.2. Recherche des Ac viraux
10.1.3. Détermination de la charge virale
10.1.4. Détection de l’ADN polymérase
10.2. Evolution des marqueurs
10.2.1. Hépatites aigues
10.2.2. Hépatites chroniques
11. Traitement de l’infection au VHB
11.1. Conditions de prise en charge
11.2. Molécules actives contre le VHB
CHAPITRE II : LA PREVENTION DE L’HEPATITE B
1. Les mesures non vaccinales
2. La vaccination
2.1. Historique de la vaccination
2.2. Mécanisme d’action
2.3. Les indications
2.4. Les contre-indications
2.5. Protocole de vaccination
2.6. La réponse vaccinale
2.7. Mécanisme de non réponse au vaccin
2.7.1. Facteurs génétiques
2.7.2. Facteurs acquis
2.7.3. Facteurs liés au vaccin
CHAPITRE I : JUSTIFICATIF, CADRE, TYPE, PERIODE DE L’ETUDE ET ECHANTILLONNAGE
1. Justificatif de l’étude
2. Type, cadre et période de l’étude
3. Population d’étude
CHAPITRE II : METHODOLOGIE
1. Matériel et réactifs (voir annexes)
2. Méthode
2.1. Variables étudiées
2.2. Méthode diagnostic
2.2.1. Dosage de l’Ag HBs, de l’Ac anti HBs et de l’Ac anti HBc
2.2.1.1. Détection qualitative (Ag HBs et Ac anti HBc)
2.2.1.2. Détection quantitative de l’anticorps anti HBs
2.2.2. Détermination de la charge virale
2.2.1.2.1. Extraction de l’ADN du VHB
2.2.1.2.2. Amplification de l’ADN par PCR en temps réel AmpliX® Virus de l’Hépatite B, GENEPROOF Vinicni 235 – 615 00 Brno – Czech Republic)
2.3. Analyse des données
3. RESULTATS
3.1. Caractéristique de la population d’étude
3.1.1. Durée du recrutement, population d’étude et site de suivi
3.1.2. Répartition de la population selon le site de suivi
3.1.3. Répartition de la population selon l’âge et le sexe
3.2. Résultats de la sérologie hépatique B
3.2.1. Séroprévalence de l’antigène HBs (Ag HBs)
3.2.1.1. Séroprévalence globale de l’antigène HBs
3.2.1.2. Séroprévalence de l’Antigène HBs selon l’âge et le sexe
3.2.2. Séroprévalence des anticorps anti-HBc totaux
3.3. Les anticorps anti HBs
3.3.1. Séroprévalence des anticorps anti HBs
3.3.2. Taux d’anticorps anti HBs
3.3.3. Séroprotection en fonction de l’âge et du sexe
3.4. Quantification de l’ADN du VHB
4. DISCUSSION
CONCLUSION