Généralités sur le virus de la grippe
Les virus influenza appartiennent à la famille des Orthomyxoviridae. Cette famille est constituée de virus enveloppés dont le génome est constitué de brins d’ARN segmentés à polarité négative. Les virus influenza sont classés selon 4 types : A, B, C et D (Hause et al., 2014). Les virus de type A et B contiennent 8 segments d’ARN viral simple brin (ARNv) codant pour 17 protéines virales. Les virus de type C et D contiennent 7 segments d’ARNv (McGeoch et al., 1976).
Structure du virus Influenza A
Sur le plan morphologique, le virus de la grippe est une sphère possédant un diamètre d’environ 100 nm (Badham and Rossman, 2016). Le virus possède une bicouche lipidique dont la composition dépend des lipides présents à la surface des cellules infectées (Harris et al., 2006). Trois protéines de surface sont ancrées au niveau de la bicouche lipidique : l’hémagglutinine (HA), protéine majeure de l’enveloppe virale, la neuraminidase (NA) et la protéine de matrice 2 (M2) (Gamblin and Skehel, 2010). L’enveloppe virale est soutenue par la protéine de matrice 1 (M1) qui assure la rigidité. Elle intervient également dans l’assemblage et le bourgeonnement de la particule virale (Harris et al., 2006) (Figure 1).
L’HA et la NA jouent un rôle essentiel puisqu’elles assurent l’entrée du virus dans les cellules et la libération des virions nouvellement formés et initialement attachés à la surface de la cellule infectée (Gamblin and Skehel, 2010). Ces deux glycoprotéines permettent la classification des virus de la grippe en différents sous-types puisqu’elles constituent les déterminants antigéniques majeurs du virus. A ce jour, 16 sous-types de l’HA (H1-16) et 9 de la NA (N1-9) ont été découverts dans des IAV isolés d’oiseaux aquatiques (Yoon et al., 2014). Deux sous-types supplémentaires pour l’HA (H17 et H18) et la NA (N10 et N11) ont récemment été identifiés chez les chauves-souris (Tong et al., 2013). La protéine M2 est un canal ionique enchâssé dans l’enveloppe, permettant de réguler le pH interne du virus par le transport d’ions H+. Cette protéine participe activement à la réplication virale en jouant un rôle important dans (i) la libération des ARNv au sein de la cellule infectée (Stauffer et al., 2014), (ii) l’assemblage (Iwatsuki-Horimoto et al., 2006) et (iii) le bourgeonnement du virus (Chen et al., 2008; McCown and Pekosz, 2006).
L’enveloppe virale comporte huit segments d’ARNv. Ces derniers sont encapsidés par plusieurs copies de la nucléoprotéine (NP) et un complexe de la polymérase virale qui se fixe aux deux extrémités des molécules d’ARN, formant une molécule d’ARN circulaire non covalente. La polymérase virale est composée de trois protéines : la protéine acide (PA) et les deux protéines basiques (PB1 et PB2). Elles interviennent dans le contrôle de la transcription et la réplication de l’ARN viral (Arranz et al., 2012). L’ensemble forme une particule ribonucléoprotéique virale (vRNP) (Figure 1). Au cours de la réplication du virus, deux autres protéines sont exprimées mais ne sont pas incorporées dans le virion mature. La protéine non structurelle 1 (NS1) est une protéine multifonctionnelle jouant un rôle majeur dans l’évasion du système immunitaire de l’hôte. NS2 (ou NEP) assure le transport des vRNP nouvellement formées du noyau vers le cytoplasme.
Cycle de réplication du virus
La réplication du virus de la grippe se réalise au sein d’une cellule de l’hôte. La fixation du virus à la cellule hôte se fait via la reconnaissance, par l’HA, d’un récepteur spécifique: l’acide α-sialique (N-acétyl-neuraminique) (Figure 2, étape i). L’une des deux sous-unités de l’HA (HA1) interagit avec l’acide α-sialique présent sur la partie terminale des glycoprotéines ou des glycolipides (Gamblin and Skehel, 2010; Weis et al., 1988). La conformation de la liaison entre l’acide sialique et le galactose joue un rôle essentiel dans la reconnaissance du récepteur par l’HA. En effet, l’HA des IAV humains reconnait préférentiellement les acides sialiques reliés au galactose en α-2,6 (Gambaryan et al., 1997) alors que l’HA des IAV aviaires reconnait préférentiellement la liaison en α-2,3 (Nobusawa et al., 1991). Cette préférence a une incidence sur l’infection grippale puisque les liaisons α-2,6 se trouvent sur les cellules épithéliales bronchiques des voies respiratoires supérieures et les liaisons α-2,3 sur celles des voies respiratoires inférieures (Russell et al., 2008). L’association HA-acide sialique induit une endocytose de la particule virale (Figure 2, étape ii). Cette endocytose peut être dépendante de la clathrine (Roy et al., 2000; Rust et al., 2004) ou s’effectuer par macropinocytose (Sieczkarski and Whittaker, 2002; de Vries et al., 2011). Une fois internalisé, le virus est acheminé vers l’endosome où le pH (<5) active le canal ionique M2 (Pinto and Lamb, 2006) (Figure 2, étape iii). L’acidification de la particule virale a plusieurs conséquences, notamment en provoquant un changement de configuration de l’HA (Bullough et al., 1994) et en séparant le vRNP de la protéine M1 (Bui et al., 1996). La sous-unité HA2 de l’HA forme une structure amphiphile dans la membrane de l’endosome favorisant la fusion des membranes de l’endosome et de la particule virale, permettant la libération des vRNP dans le cytosol (Figure 2, étape iv).
Les vRNP sont ensuite acheminées vers le noyau cellulaire; ce transport dépend fortement de la machinerie de la cellule hôte. Il est médié par le complexe de transport importine α – importine β (Martin and Helenius, 1991) (Figure 2, étape v). Il a été démontré qu’une heure est suffisante au virus pour entrer dans la cellule et délivrer son matériel génétique au niveau du noyau. L’entrée et la fusion se produisant assez rapidement (~ 10 min), c’est l’importation nucléaire qui nécessite la majeure partie du temps (Dou et al., 2017). Les étapes de transcription et de réplication ont lieu dans le noyau. Le virus de la grippe est le seul virus ARN, avec les Bornavirus, dont les étapes de transcription et de réplication sont nucléaires. En effet, les virus à ARN sont connus pour effectuer ces étapes dans le cytoplasme. Contrairement aux virus à ADN, qui les effectuent dans le noyau. Au sein du noyau, les ARNv associés à leur polymérase servent de matrice pour la formation d’un ARN complémentaire (ARNc) à polarité positive (Figure 2, étape vi) ou sont transcrits en ARN messagers (ARNm) grâce à l’association de la polymérase virale et de l’ARN polymérase II de l’hôte (Figure 2, étape vii). Les ARNm sont exportés dans le cytoplasme afin d’induire la traduction en protéine grâce à la machinerie de la cellule hôte (York and Fodor, 2013) (Figure 2, étape viii). Les protéines nouvellement synthétisées par les ribosomes cytoplasmiques reviennent dans le noyau et aident à la transcription et à la réplication de l’ARNv. En effet, les différentes sous-unités de la polymérase virale (PB1, PB2, PA) et la NP se fixent sur l’ARNc permettant ainsi la synthèse d‘un ARN à polarité négative (Figure 2, étape ix et x). Ce dernier s’associe à un nouveau complexe de la polymérase virale. Les vRNP néoformés s’associent aux protéines virales M1 et NS2 afin de faciliter le recrutement de CRM1 (Chromosomal Maintenance 1 ou Exportin 1) (Huang et al., 2013) (Figure 2, étape xi). Cette dernière est la principale protéine d’exportation chez les mammifères facilitant le transport des ARNv à travers la membrane nucléaire jusqu’au cytoplasme (Nguyen et al., 2012) (Figure 2, étape xi). Les vRNP, une fois dans le cytoplasme, sont acheminés vers la surface de la cellule hôte. Pour cela, la protéine PB2 s’associe à Rab11 (Ras-related protein 11) (Amorim et al., 2011) (Figure 2, étape xiii). Cette dernière est un régulateur clé du trafic membranaire intracellulaire. Une fois les protéines virales et les vRNP synthétisées, ceux-ci se retrouvent au niveau de la membrane plasmique de la cellule hôte afin de pouvoir induire le bourgeonnement et la libération des virions (Figure 2, étape xiv). Pour cela, les protéines virales de l’enveloppe (NA, HA et M2) s’insèrent dans la membrane induisant un remaniement lipidique de cette dernière. Ceci explique pourquoi l’enveloppe virale contient également des protéines membranaires de l’hôte (Hutchinson et al., 2014). Sur la face interne de la membrane cytoplasmique, la protéine M1 vient former la matrice du futur virus (Noton et al., 2007). L’expression de HA et NA suffit pour induire le bourgeonnement mais l’efficacité et l’uniformité du bourgeonnement dépendent de la présence de M1 (Chen et al., 2007). Pour favoriser la formation de bourgeons, le virus doit d’abord induire une courbure significative de la membrane, puis resserrer les deux membranes opposées de l’enveloppe virale afin de faciliter la scission de la membrane. Une fois le bourgeonnement terminé, la nouvelle particule virale est liée à la cellule par la liaison entre HA et l’acide sialique (Figure 2, étape xv). Leur libération dépend fortement de l’activité sialidase de la NA. En effet, NA facilite la libération virale en catalysant l’hydrolyse de la liaison glycosidique qui lie la HA à l’acide sialique. Ceci facilite la libération du virus pendant le bourgeonnement (Webster and Laver, 1967) (Figure 2, étape xvi).
Mécanismes d’évolution du virus de la grippe
Le virus de la grippe est capable d’évoluer constamment afin d’échapper à la pression du système immunitaire de l’hôte. Cette évolution se fait majoritairement sur les deux antigènes de surface (HA et NA) par deux procédés : la dérive antigénique ou la cassure antigénique (Shao et al., 2017). Ces deux types de mutation ont des conséquences plus ou moins importantes sur la virulence de la nouvelle souche formée.
Dérive antigénique
Afin d’échapper aux d’anticorps neutralisants produits en réponse aux épidémies annuelles, de nouvelles souches apparaissent résultant d’une mutation ponctuelle aussi appelée « dérive antigénique » (Carrat and Flahault, 2007). Ces mutations sont principalement dues à des erreurs dans la copie du génome par la polymérase virale au niveau des séquences codants pour les épitopes de l’HA ou de la NA (Wilson and Cox, 1990). Ces virus mutés sont alors sélectionnés et permettent une réinfection de l’hôte (Bedford et al., 2014). En résumé, les virus issus de ce type de mutation sont responsables des épidémies de grippe annuelles. Cette capacité de mutation est prise en compte dans la formulation des vaccins contre la grippe, dont la composition est renouvelée tous les ans.
Cassure antigénique
La cassure antigénique est plus complexe puisqu’elle nécessite la présence de deux souches virales différentes au sein d’une même cellule infectée. Elle se fait le plus souvent entre un IAV humain et un IAV aviaire chez le porc. Ce dernier possède les récepteurs à la fois pour les IAV aviaires et les IAV humains. Il est alors considéré comme un hôte intermédiaire. Cette cassure antigénique est due à un échange d’ARNv entrainant un remplacement complet d’un ou plusieurs gènes d’une souche virale par un gène équivalent de l’autre souche virale (Lowen, 2017). Il y a alors génération d’une nouvelle souche d’IAV qui peut potentiellement être à l’origine de pandémies grippales (Vergara-Alert et al., 2014). Ce réassortiment entre deux virus est dû à la segmentation du génome permettant plus facilement l’échange des séquences codantes. En effet, à partir d’une co-infection avec deux IAV, portant chacun huit segments, 256 (2 8 ) génotypes différents peuvent être crées. Ainsi, l’échange de gènes par réassortiment génère une diversité virale importante. Cette diversité facilite l’évolution rapide du virus et son échappement vis-à-vis de la réponse immunitaire de l’hôte et l’acquisition de résistances aux médicaments antiviraux (Steel and Lowen, 2014). Les trois pandémies majeures du XXème siècle (1918, 1957 et 1968) et celle de 2009 sont dues à un réassortiment entre un virus aviaire et un virus humain (Dawood et al., 2009; Worobey et al., 2014).
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 : Le virus Influenza A
I/ Généralités sur le virus de la grippe.
1 – Structure du virus Influenza A
2 – Cycle de réplication du virus
3 – Mécanismes d’évolution du virus de la grippe
a – Dérive antigénique
b – Cassure antigénique
II/ Généralité sur l’infection grippale
1 – Symptômes
2 – Populations à risque
3 – Epidémiologie
a – Epidémies grippales
b – Pandémies grippales
4 – Vaccination et traitements
III/ La réponse immunitaire contre le virus de la grippe
1 – Reconnaissance du virus de l’influenza par le système immunitaire
a – Reconnaissance par les Toll-Like Receptors
a/1 – TLR3 (iwasaki et pillai 2014)
a/2 – TLR7 (iwasaki et pillai 2014)
b – Reconnaissance par les Retinoic acid Induced Gene-1
c – Reconnaissance par les Nod-Like Receptors
d – Le complexe cGAS/STING
2 – Réponse des IFN-stimulated genes lors de l’infection virale
3 – La réponse immunitaire innée
a – Les cellules épithéliales respiratoires
b – Les macrophages alvéolaires
c – Les cellules dendritiques
d – Les neutrophiles
e – Les cellules Natural Killer (NK)
f – Les cellules T Natural Killer invariantes
4 – La réponse immunitaire adaptative spécifique
a – La réponse lymphocytes T spécifiques
b – La réponse lymphocytes B spécifiques
Chapitre 2 : Streptococcus pneumoniae
I/ Généralité sur Streptococcus pneumoniae
1 – Epidémiologie
2 – Les traitements
II/ Structure et facteurs de virulence du pneumocoque
1 – La capsule polysaccharidique
2- La paroi bactérienne
3 – Les protéines bactériennes
a – La pneumolysine
b – La protéine de surface PspA
c – L’adhésine CbpA ou PspC
d – Les neuraminidases
e – L’autolysine LytA
III/ La réponse immunitaire contre S. pneumoniae
1 – Reconnaissance de S. pneumoniae par le système immunitaire
a – Reconnaissance par les Toll-Like Receptors
a/1 – TLR2
a/2 TLR4
b – Reconnaissance par les Nod-Like Receptors
c- Reconnaissance par les Récepteurs C-type lectin
d – Le rôle du complément
2 – La réponse immunitaire innée
a – Cellules épithéliales pulmonaires
b – Macrophages alvéolaires
c – Neutrophiles
3 – La réponse immunitaire adaptative spécifique
a – La réponse lymphocytes T spécifiques
b – La réponse lymphocytes B spécifiques
IV/ Les surinfections bactériennes post-grippales par S. pneumoniae
1 – Altération de l’épithélium respiratoire
2 – Altération de la réponse immunitaire antibactérienne
a – Macrophages alvéolaires
b – Neutrophiles
c – Altération de la réponse cytokinique
Chapitre 3 – Le microbiote intestinal
I/ Généralité sur le microbiote intestinal
1 – Mise en place et variation du microbiote intestinal au cours de la vie
2 – Facteurs influençant le microbiote intestinal
3 – Méthodes d’étude du microbiote
II/ Les acides gras à chaine courte
1 – Généralité
2 – La production des acides gras à chaine courte
3 – Les récepteurs et transporteurs des acides gras à chaine courte
a – Les récepteurs
a/1 – Structure et activation du récepteur
a/2 – Voie de signalisation pro et anti-inflammatoire des GPR
B – Les transporteurs
3 – Modulation de l’acétylation des histones
III/ Les différents rôles du microbiote intestinal et des acides gras à chaine courte
1 – Impact du microbiote sur l’intégrité intestinale
a – Les AGCC : sources énergétiques des cellules épithéliales
b – Les AGCC : renforcement de la perméabilité intestinale
2 – Impact du microbiote intestinal sur l’immunité intestinale
a – Education et induction de l’immunité intestinale
a/1 – Stimulation des récepteurs
a/2 – Les lymphocytes T régulateurs
b – Contrôle de la charge bactérienne intestinale
b/1 – Synthèse d’immunoglobulines A
b/2 – Synthèse de peptides antimicrobiens
b/3 – Sécrétion de mucus
c – Effet du microbiote intestinal sur les cellules de l’immunité innée
c/1 : Les neutrophiles
c/2 – Les macrophages
c/3 – Les cellules dendritiques
IV/ L’axe poumon-intestin et les maladies respiratoires
1 – Microbiote pulmonaire
2 – Impact des pathologies respiratoires sur l’intégrité intestinale
3 – Effet du microbiote intestinal sur l’immunité pulmonaire
a – Asthme et maladies allergiques des voies respiratoires
b – Les infections respiratoires bactériennes
c – Les infections respiratoires virales – cas du virus de la grippe
c/1 – Impact du virus de la grippe sur le microbiote intestinal
c/2 – Impact du microbiote intestinal sur l’infection grippale
OBJECTIFS DE L’ETUDE
RESULTATS
La perturbation du microbiote intestinal au cours de la grippe contribue aux surinfections par pneumocoque via l’altération de la production des acides gras à chaine courte
Résumé
Introduction
Résultats
Matériels et méthodes
Figures supplémentaires
Tableau
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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