Le syndrome de Mayer-Rokitansky-Kuster-Hauser (MRKH) ou aplasie mรผllรฉrienne est une affection congรฉnitale rare caractรฉrisรฉe par lโabsence dโutรฉrus et des deux tiers supรฉrieurs du vagin, chez des femmes prรฉsentant des caractรจres sexuels secondaires normalement dรฉveloppรฉes. Cette affection touche environ 1 femme sur 4500 [1]. La dรฉcouverte du syndrome de MRKH se fait presque toujours ร lโadolescence par une amรฉnorrhรฉe primaire non douloureuse chez une jeune fille au dรฉveloppement pubertaire tout ร fait normal [2]. ร lโexamen clinique gynรฉcologique, le diagnostic est rapidement suspectรฉ devant des organes gรฉnitaux externes normaux mais avec prรฉsence dโune cupule vaginale borgne [1]. Lors de la suspicion clinique dโun syndrome de MRKH, celui-ci doit รชtre confirme par un bilan complรฉmentaire comprenant une รฉchographie abdominale et une IRM pelvienne permettant la visualisation prรฉcise des malformations. Le bilan hormonal et le caryotype sont normaux. En cas de doute diagnostique, la cลlioscopie reste lโexamen de rรฉfรฉrence mais avec les progrรจs de lโimagerie, elle ne devrait plus รชtre nรฉcessaire [1]. Principales problรฉmatiques de ce syndrome sont les difficultรฉs psychologiques faisant suite ร lโannonce du diagnostic, les troubles de la sexualitรฉ et la prise en charge chirurgicale et non chirurgicale et la prise en charge de la stรฉrilitรฉ. Peu de travaux concernant la prise en charge de ce syndrome nโont รฉtรฉ rรฉalisรฉs en Afrique et surtout dans le contexte sรฉnรฉgalais, dโoรน il nous a paru opportun de faire le point de cette pathologie.
DEFINITIONย
Le syndrome de Mayer-Rokitansky-Kรผster-Hauser (MRKH) est dรฉfini par une aplasie congรฉnitale de lโutรฉrus et des deux tiers supรฉrieurs du vagin chez des femmes prรฉsentant un dรฉveloppement normal des caractรจres sexuels secondaires et un caryotype normal (46, XX) [3, 4]. Ce syndrome a รฉtรฉ dรฉcrit successivement par Mayer (1829), Rokitansky (1838), Kรผster (1910) et Hauser (1961) [3, 4]. La frรฉquence en est de 1/4 500 naissances fรฉminines environ. Il reprรฉsente 85 % des aplasies vaginales et est la deuxiรจme cause dโamรฉnorrhรฉe primaire aprรจs les dysgรฉnรฉsies gonadique [5, 6].
EPIDEMIOLOGIE
La frรฉquence est dโune femme sur 4500 [7, 8]. La majoritรฉ des cas semblent รชtre sporadiques [9]. Cependant, des cas familiaux ont รฉtรฉ dรฉcrits [8, 10, 11]. Le mode de transmission semble รชtre autosomique dominant ร faible pรฉnรฉtrance et expressivitรฉ variable [8, 12, 13], laissant penser que lโincidence de ce syndrome est probablement sous-estimรฉe. La sรฉquence de Rokitansky (MRKH de type I) semble moins frรฉquente que le MURCS (MRKH de type II) [14] mais aucune รฉtude nโa encore permis dโรฉtablir la frรฉquence relative de ces deux formes.
DEVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE
Embryologie des organes gรฉnitaux internes
Ce syndrome correspond embryologiquement ร une anomalie des canaux de Mรผller et de leurs dรฉrivรฉs (dont le tubercule de Mรผller). Les liens รฉtroits entre lโembryogenรจse gรฉnitale et urinaire expliquent la frรฉquence des malformations urinaires associรฉes aux anomalies gรฉnitales. Lโappareil gรฉnital interne se dรฉveloppe depuis la 6e semaine de gestation ร partir des canaux mรฉsonรฉphrotiques de Wolff et des canaux paramรฉsonรฉphrotiques de Mรผller. Les canaux de Wolff sโรฉtendent du mรฉsonรฉphros jusquโร la face postรฉrieure du cloaque dans le sinus urogรฉnital. Les canaux de Mรผller sont une invagination de lโรฉpithรฉlium cลlomique. ร leur extrรฉmitรฉ supรฉrieure ils sont ouverts dans la cavitรฉ cลlomique. Ils se dรฉveloppent en dehors des canaux de Wolff et parallรจles ร eux, les croisent ventralement et sโaccolent caudalement sur la ligne mรฉdiane, formant un utรฉrus primaire en forme de Y dont lโextrรฉmitรฉ infรฉrieure nโatteint pas le sinus urogรฉnital. Ils restent initialement sรฉparรฉs par un septum mais fusionnent ultรฉrieurement pour ne donner quโune cavitรฉ utรฉrine. Leurs extrรฉmitรฉs libres, qui sโouvrent dans la cavitรฉ cลlomique, donnent les trompes. Le dรฉveloppement des canaux de Mรผller est induit par la prรฉsence des canaux de Wolff (Fig. 1).
Durant la 8e semaine, les bourgeons urรฉtรฉraux naissent de la partie caudale des canaux de Wolff, puis poussent latรฉralement, vers lโavant et le pรดle cรฉphalique en direction du mรฉtanรฉphros. Chez lโembryon fรฉminin, puisquโil y a absence de testostรฉrone, les canaux de Wolff vont involuer, ร lโexception de leur partie caudale qui participe ร la formation du vagin. Lโembryologie du vagin est trรจs controversรฉe, les participations respectives des canaux de Wolff, des canaux de Mรผller et du sinus urogรฉnital varient suivant les diffรฉrentes thรฉories. La thรฉorie la plus gรฉnรฉralement acceptรฉe fait dรฉriver la partie haute du vagin des canaux de Mรผller et la partie infรฉrieure du vagin du sinus urogรฉnital. Aprรจs lโaccolement de la portion caudale des deux canaux de Mรผller ร proximitรฉ de la face postรฉrieure du sinus urogรฉnital, leurs extrรฉmitรฉs infรฉrieures divergent et fusionnent avec la paroi interne des canaux de Wolff. Ensuite, entre lโextrรฉmitรฉ infรฉrieure des canaux de Mรผller et le mur postรฉrieur du sinus urogรฉnital apparaรฎt une accumulation de cellules mรฉsonรฉphrotiques, le tubercule de Mรผller, qui est donc bordรฉ latรฉralement par les canaux de Wolff (ces phรฉnomรจnes sont dรฉcrits de maniรจre lรฉgรจrement diffรฉrente selon les auteurs [15, 16]. ร ce point, des bulbes sinovaginaux se dรฉveloppent ร partir de la face dorsale du sinus urogรฉnital. Ces bulbes seraient la partie caudale rรฉsiduelle des canaux de Wolff, et viendraient envelopper le tubercule de Mรผller [17] . Selon une autre thรฉorie, la plaque vaginale serait formรฉe de la fusion des deux bulbes sinovaginaux et le tubercule de Mรผller viendrait sโy incorporer [18]. Quoi quโil en soit, la plaque va ensuite sโaccroรฎtre de haut en bas, รฉloignant lโรฉbauche utรฉrine du sinus urogรฉnital puis se creuser de bas en haut entre la 11e semaine et la fin du 5e mois (Fig. 2). Au cours de cette cavitation, lโรฉpithรฉlium mรผllerien cuboรฏde viendrait tapisser la cavitรฉ. Le vagin serait secondairement รฉpithรฉlialisรฉ par de lโรฉpithรฉlium pavimenteux venu du sinus urogรฉnital ร moins quโil ne sโagisse dโun phรฉnomรจne de mรฉtaplasie de lโรฉpithรฉlium mรผllerien en รฉpithรฉlium squameux pluristratifiรฉ.
Description anatomique de la malformation
La forme typique du MRKH (Fig. 3) se caractรฉrise anatomiquement par une aplasie vaginale, un utรฉrus rรฉduit ร deux cornes rudimentaires, pleines, reliรฉes par un repli pรฉritonรฉal et amarrรฉes ร la paroi pelvienne par deux ligaments ronds normaux, et deux ovaires et trompes normaux. Cette forme est rรฉfรฉrencรฉe sous le code OMIM [19] 277000 [20]. Lโaplasie utรฉrine peut รชtre plus ou moins complรจte et/ou asymรฉtrique :
– lโaplasie est plus marquรฉe : les cornes utรฉrines sont absentes et il nโexiste que des pavillons tubaires.
– lโaplasie est incomplรจte : les cornes utรฉrines sont plus volumineuses et creusรฉes dโune cavitรฉ tapissรฉe dโun endomรจtre normal et fonctionnel.
– lโaplasie est asymรฉtrique : dโun cรดtรฉ la corne est rudimentaire non canaliculรฉe et lโannexe normale, et de lโautre cรดtรฉ lโaplasie est, soit plus, soit moins marquรฉe. Dans ces formes asymรฉtriques, les malformations urinaires sont plus frรฉquentes et siรจgent gรฉnรฉralement du cรดtรฉ oรน lโaplasie est la plus marquรฉe.
– Lโaplasie vaginale est le plus souvent complรจte avec une cupule de 0 ร 2 cm. Plus rarement lโaplasie est incomplรจte, le vagin mesurant 4 ร 5 cm.
CLASSIFICATIONย
Nous pouvons dรฉcrire deux types.
โค MRKH type I : (ou sรฉquence de Rokitansky) nommรฉ aussi type A ou forme typique: correspond ร une agรฉnรฉsie utรฉrovaginale isolรฉe, avec prรฉsence de deux cornes utรฉrines rudimentaires reliรฉes par un repli pรฉritonรฉal, et deux trompes utรฉrines normales [1].
โค MRKH de type II : (ou mรผllerian duct aplasia, renal dysplasia, and cervical somite anomalies [MURCS]) [1] ou type B ou forme atypique [1, 21] : est caractรฉrisรฉ par une hypoplasie utรฉrine qui peut รชtre symรฉtrique ou asymรฉtrique, avec une aplasie dโune ou des deux cornes ou une diffรฉrence de taille entre les deux cornes rudimentaires, associรฉes ร des anomalies tubaires telles une hypoplasie ou une aplasie dโune ou des deux trompes. Ce type II est associรฉ ร dโautres malformations congรฉnitales atteignant les reins, le rachis, et plus rarement la sphรจre otologique, le cลur et les extrรฉmitรฉs.
ETIOLOGIES
โข Le syndrome MRKH fut initialement considรฉrรฉ comme sporadique, mettant alors en cause des facteurs exogรจnes [22] tels que le diabรจte gestationnel ou lโexposition ร des tรฉratogรจnes comme le thalidomide [23-26].
โข Lโassociation MRKH avec la galactosรฉmie, la mucoviscidose ou le diabรจte de type Mody a รฉtรฉ รฉtudiรฉe. Il nโa pas รฉtรฉ mis en รฉvidence de mutation ou de dรฉlรฉtion des gรจnes responsables de ces trois pathologies dans le MRKH, que ce soit le gรจne galactose-1-phosphate uridyl transfรฉrase (GALT, responsable de la galactosรฉmie) [27]
โข Lโimplication des gรจnes du dรฉveloppement embryonnaire prรฉcoce, tels que WT1 [28], PAX2 [29] , HOX-A7, -A9, – A10, -A11, -A13 [30, 31] et PBX1[30], a รฉgalement รฉtรฉ รฉvoquรฉe.
โข Le gรจne WNT4, autre gรจne du dรฉveloppement, a rรฉcemment รฉtรฉ invoquรฉ comme รฉtant lโun des facteurs responsables du MRKH lorsquโil รฉtait inactivรฉ. Ce gรจne appartient ร la famille des gรจnes WNT qui rรฉgulent la croissance et la diffรฉrenciation cellulaire au cours de lโembryogenรจse [32].
โข Lโhypothรจse dโune expression aberrante de lโhormone antimรผllรฉrienne et/ou de son rรฉcepteur, tous deux impliquรฉs dans la rรฉgression des canaux de Mรผller chez lโembryon mรขle[33] , a รฉtรฉ รฉtudiรฉe comme une cause du syndrome MRKH.
โข Actuellement, lโรฉtiologie du syndrome MRKH nโa pas encore รฉtรฉ cernรฉe [30, 34]. Les anomalies observรฉes suggรจrent toutefois une atteinte initiale au niveau du mรฉsoderme intermรฉdiaire ร partir duquel se formeront, vers la fin de la quatriรจme semaine, les blastรจmes des somites cervico-thoraciques ainsi que les รฉbauches du tractus urogรฉnital.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: GENERALITES SUR LE SYNDROME DE MRKH
1. DEFINITION
2. EPIDEMIOLOGIE
3. DEVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE
3.1. Embryologie des organes gรฉnitaux internes
3.2. Description anatomique de la malformation
4. CLASSIFICATION
5. ETIOLOGIES
6. DIAGNOSTIC
6.1. Signes cliniques
6.2. Anomalies associรฉes
6.3. Examens complรฉmentaires
7. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
7.1. Atrรฉsie vaginale isolรฉe
7.2. Syndrome WNT4
7.3. Syndrome dโinsensibilitรฉ aux androgรจnes
7.4. Aplasie des dรฉrivรฉs mรผllรฉriens
8. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
8.1. Mรฉthodes non chirurgicales
8.1.1. Technique non chirurgicale ou mรฉthode de Frank
8.1.2. Autres techniques non chirurgicales
8.2. Mรฉthodes chirurgicales
8.2.1. Mรฉthode de Abbe Mac Indoe
8.2.2. Technique de reconstruction vaginale par sigmoรฏdo-plastie
8.2.3. Mรฉthode de Davydov
8.2.4. Mรฉthode de Vecchietti
8.2.5. Mรฉthode de Dupuytren
8.3. Prise en charge psychologique
DEUXIEME PARTIE: NOS OBSERVATIONS
1. METHODOLOGIE
1.1. Type et pรฉriode dโรฉtude
1.2. Cadre dโรฉtude
1.3. Recrutement des patientes et confirmation du diagnostic
2. NOS OBSERVATIONS
Observation nยฐ1
Observation nยฐ 2
Observation nยฐ 3
Observation nยฐ 4
3. DISCUSSION
3.1. Aspects cliniques
3.2. Aspects thรฉrapeutiques
3.3. Psychothรฉrapie
3.4. Problรจme de la stรฉrilitรฉ
CONCLUSION
REFERENCES