Depuis plusieurs années les optiques multicouches deviennent incontournables dans le domaine de l’optique pour le rayonnement X. Les multicouches constituées d’un empilement périodique alternant un élément lourd et un élément léger permettent de réfléchir le rayonnement X. L’utilisation d’un gradient latéral de la période de la multicouche et d’une courbure du substrat permet de réaliser des optiques qui focalisent – ou collimatent – de manière efficace le rayonnement issu d’une source de rayons X. Ainsi, les optiques pour les rayons X à base de multicouches permettent d’augmenter considérablement les potentialités de caractérisation par rayons X des laboratoires. Ces applications ont connu ces dernières années des développements spectaculaires.
Généralités
Les optiques multicouches permettent de réfléchir des ondes électromagnétiques d’énergies allant de quelques keV à plusieurs dizaines de keV. Ces ondes interagissent avec la matière. Cette interaction est à l’origine de tous les phénomènes liés à l’optique géométrique et ondulatoire. Une onde incidente sur une interface entre deux milieux peut être réfléchie, réfractée et/ou absorbée, la réflexion, la réfraction et l’absorption étant trois phénomènes intimement liés. La lumière se propage en ligne droite dans un milieu homogène et isotrope et elle est déviée lors du passage d’un dioptre. Il y a alors à la fois réfraction et réflexion : une partie de la lumière est réfléchie à la surface du dioptre et l’autre partie est réfractée lors de son passage dans l’autre milieu. Le changement de direction au niveau du dioptre est décrit par les lois de SnellDescartes qui fondent l’optique géométrique. Les interactions entre l’onde électromagnétique et la matière sont régies par les équations de Maxwell. Ces équations sont la base de l’optique ondulatoire. Enfin, les équations de propagation des ondes et l’équation de Helmholtz décrivent leurs propagations dans ces différents milieux. L’énergie de l’onde incidente et la nature des matériaux mis en jeu sont déterminantes dans tous ces phénomènes. Une grandeur macroscopique, l’indice complexe de réfraction permet de décrire les propriétés des matériaux. Pour des énergies correspondant à la lumière visible, l’indice de réfraction est supérieur à 1. Ainsi, la réfraction permet d’obtenir des optiques pouvant travailler en transmission (dioptre, lentille…). Pour des énergies correspondant au rayonnement X, la plupart des matériaux ont des indices de réfraction inférieurs et très proches de l’unité qui les rendent très peu réfringents. Il est alors difficile d’utiliser des optiques réfractives (comme pour la lumière visible). Une des solutions est de réaliser des multicouches pour le rayonnement X, augmentant ainsi le taux de réflectivité et permettant alors de réaliser des optiques dédiées fonctionnant pour la plupart en réflexion.
Généralités sur le rayonnement X
Découverts en 1895 par Röntgen, les rayons X sont des ondes électromagnétiques. Leur longueur d’onde est beaucoup plus courte que celle de la lumière visible. Le domaine de leur longueur d’onde s’étend typiquement de 0.01 nm à 10 nm. La longueur d’onde des rayons X étant 50 à 50000 fois plus courte que celle de la lumière visible, le photon X possède une énergie bien plus grande que son équivalent dans le domaine visible. De ce fait, l’interaction des rayons X avec la matière a des propriétés particulières. L’énergie du photon X est comparable à l’énergie de liaison des couches électroniques les plus profondes.
Source de laboratoire
Pour produire les rayons X, il est nécessaire d’utiliser un générateur à rayons X. La plupart des générateurs de rayons X de laboratoire fonctionnent selon le principe suivant : Une haute tension électrique (de l’ordre de 40kV) est établie entre un filament chauffé (40mA) et une électrode. Il se produit alors un courant d’électrons de la cathode vers l’anode cible. Les électrons sont freinés par les atomes de la cible, ce qui provoque un rayonnement continu de freinage (Bremsstrahlung) dont une partie du spectre est dans le domaine des rayons X. Il peut y avoir également éjection d’un électron de cœur et émission X par photoémission radiative. Le spectre d’émission est donc une superposition du Bremsstrahlung et des raies caractéristiques du matériau cible. On utilise typiquement des cibles de cuivre (parfois de molybdène, cobalt ou manganèse). En effet, les caractéristiques thermiques du cuivre permettent une bonne évacuation de la chaleur dégagée par le processus. De plus, la longueur d’onde de la raie Kα1 du cuivre (1,5406 Å soit 8,0477 keV) offre un bon compromis entre la gamme angulaire d’observation du phénomène de diffraction et la gamme de distances interréticulaires observables.
Indice complexe de réfraction
Les rayons X se propagent dans un milieu quelconque avec une vitesse extrêmement voisine de celle de la lumière dans le vide. Ils ne subissent pratiquement aucune déviation due à la réfraction. Pour rendre compte de l’interaction photon-matière, la théorie électromagnétique introduit un paramètre macroscopique : l’indice de réfraction. Pour les fréquences élevées, l’indice de réfraction est très voisin de 1 par valeurs inférieures. Il s’exprime en fonction du facteur de diffusion atomique, et s’écrit sous la forme suivante pour un élément simple [Gui64].
La réflexion totale
Lorsqu’une onde plane, se propageant dans un milieu d’indice n1, rencontre l’interface avec un milieu d’indice n2 inférieur à n1, un phénomène de réflexion totale apparaît lorsque l’angle devient suffisamment rasant. La réflexion totale a été pendant longtemps le seul moyen de réfléchir le rayonnement X. L’angle de réflexion totale limite θc en dessous duquel il y a réflexion totale vient directement des lois de Snell-Descartes :
cos(θc) = n (I.5) avec β<< δ, et où θc est le complémentaire de l’angle d’incidence classiquement utilisé par les opticiens.
Les miroirs interférentiels
Réflexion de Bragg
Les cristaux naturels sont de très bons candidats pour réfléchir les rayons X de grande énergie (supérieure au keV). En effet, leur structure est composée de plans atomiques espacés de quelques Å. Ceux-ci fonctionnent comme des réflecteurs extrêmement minces et périodiquement espacés. Chacun de ces plans va réfléchir un peu d’intensité lumineuse qui, additionnées en phase, va permettre de réfléchir efficacement les rayons X. L’accord de phase est assuré par la loi de Bragg classique :
2d sin(θb) = mλ (I.7)
où θb correspond à l’angle d’incidence ou angle de Bragg, d la distance interréticulaire, m l’ordre de diffraction et λ la longueur d’onde.
La réflexion par les cristaux parfaits est fortement sélective. Si l’on ne considère que la réflexion au premier ordre, pour une distance interréticulaire d fixée, un faisceau incident monochromatique est réfléchi avec une sélectivité angulaire (définie plus bas) très grande. D’autre part, dans le cas d’un faisceau polychromatique .
Plus le nombre de plans diffractants devient important, plus la bande passante sera fine (supposant le cristal parfait et dans la limite d’absorption). A ce titre, les cristaux composés d’un grand nombre de plans atomiques offrent un bon pouvoir de résolution (∆E/E~10⁻⁴). En outre, la période du cristal conditionne la réflexion d’une onde d’énergie donnée. Comme les distances entre les plans atomiques n’excédent pas guère le nanomètre, l’utilisation des cristaux se limite au domaine des X durs, d’énergie supérieure au keV (soit des longueurs d’onde inférieures à 1,24 nm). D’autre part, les cristaux ont une distance interréticulaire fixe ce qui limite leur utilisation optique. Bien qu’il soit possible de les courber mécaniquement pour obtenir des optiques convergentes, leur utilisation en reste limitée.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Généralités
I.1. Généralités sur le rayonnement X
1.1. Source de laboratoire
1.2. Indice complexe de réfraction
1.3. La réflexion totale
I.2. Les miroirs interférentiels
2.1. Réflexion de Bragg
2.2. Miroirs multicouches
2.3. La réflectivité spéculaire : Méthode matricielle
I.3. Caractéristiques des multicouches
3.1. Influence des matériaux : le couple tungstène silicium
3.2. Le nombre de couches
3.3. Le paramètre de division γ
3.4. Rugosités et imperfections
I.4. Technique de fabrication des échantillons
4.1. Description du dispositif de pulvérisation
4.2. Technique de dépôt
4.2.1.Le mode statique
4.2.2.Le mode dynamique
4.3. Epaisseur des couches
4.3.1.Vitesses de dépôt et épaisseur
4.3.2.Paramètre de division γ
I.5. Caractérisation des multicouches
5.1. Réflectomètre à incidence rasante
5.2. Microscope à force atomique
I.6. Conclusion
Chapitre II : Synthèse de multicouches W/Si et analyse de la structure
II.1. Synthèse de multicouches W/Si
1.1. Présentation du système W/Si
1.2. Protocole expérimental
1.2.1.Echantillons réalisés
1.2.2.Croissance de la couche de W
1.2.3.Croissance des bicouches W/Si
II.2. Etude de la structure cristalline des multicouches W/Si par diffraction
2.1. Principes généraux de la diffraction
2.1.1.Diffraction des rayons X
2.1.2.Elargissement des raies de diffraction
2.1.3.Description du diffractomètre
2.2. Spectres θ/ 2θ à ψ = 0 en fonction de l’épaisseur déposée
2.3. Evolution des spectres de diffraction en fonction de ψ
2.3.1.Diffraction aux grands angles en fonction de ψ
2.3.2.Evolution de l’intensité des pics en fonction de ψ
2.4. Analyse de la largeur de raie
2.4.1.Multicouche à forte quantité de W
2.4.2.Evolution de la largeur de raie en fonction de ψ
2.4.3.Domaines diffractants dans les multicouches W/Si
II.3. Conclusion
Chapitre III : Analyse des interfaces
III.1. Principes de l’expérience
1.1. Principes
1.1.1.Création de l’onde stationnaire
1.1.2.Multicouche et guide d’onde
1.2. Seuil d’absorption et Fluorescence
1.2.1.Seuil d’absorption
1.2.2.Fluorescence primaire
1.3. La ligne KMC-2 de Bessy
1.3.1.Dispositif expérimental
1.3.2.Choix du détecteur
III.2. Glancing-incidence X-ray Analysis (GIXA)
2.1. Calcul du spectre de fluorescence
2.1.1.Calcul dynamique du spectre de fluorescence
2.1.2.Spectres de fluorescence simulés
2.1.3.Sensibilité de la fluorescence à la structure interfaciale
2.2. Mesures expérimentales de GIXA et simulations
2.2.1.Interfaces enterrées dans le guide d’onde
2.2.2.Limites du modèle à deux couches
2.2.3.Interfaces enterrées dans les multicouches W/Si
2.2.4.Discussion
III.3. SWEXAFS
3.1. Principes de l’expérience de SWEXAFS
3.1.1.Extended X-Ray Absorption Fine Structure (EXAFS)
3.1.2.Standing Wave EXAFS (SWEXAFS)
3.2. Couches de W dans les systèmes W/Si
3.2.1.Couches de W dans le guide d’onde
3.2.2.Couches de W dans les multicouches
3.3. Discussion
III.4. Conclusion
Conclusion