Epidémiologie du paludisme
Agents pathogènes
Classification
Le parasite est un protozoaire appartenant à l’embranchement des Apicomplexa, à la classe des Sporozoa, à l’ordre des Haemosporidae, à la famille des Plasmodiidae et au genre Plasmodium. Cet embranchement est caractérisé morphologiquement par la présence d’un complexe apical constitué d’un ensemble d’organites qui interviennent dans la mobilité et les processus d’invasion du parasite (6). Cinq espèces de Plasmodium sont retrouvées en pathologie humaine : Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae et Plasmodium knowlesi. P. falciparum et P. vivax sont les plus prévalents ; cependant P. falciparum reste l’espèce la plus redoutable. P. knowlesi est une espèce zoonotique qui peut infecter aussi bien l’Homme que le singe (1).
Caractères morphologiques des principales espèces pathogènes
La morphologie du Plasmodium varie selon l’espèce et le stade de développement. Les tableaux Ia et Ib suivants donnent une description des aspects évolutifs des principales espèces pathogènes.
Cycle biologique du parasite
Le cycle de développement des plasmodies fait intervenir 2 hôtes (dixène) avec une phase asexuée qui se déroule chez l’Homme qui est l’hôte intermédiaire et une phase sexuée qui se déroule chez l’anophèle qui est l’hôte définitif (Figure 2).
Chez l’homme
La phase asexuée fait intervenir 2 stades : le stade pré-érythrocytaire (phase intra-hépatique) et le stade érythrocytaire.
• Stade pré-érythrocytaire
Lors d’un repas sanguin chez l’Homme, l’anophèle femelle infestée inocule des sporozoïtes dans le sang. A travers les vaisseaux, ils sont acheminés vers le foie où ils envahissent les hépatocytes. Une fois à l’intérieur de l’hépatocyte, le parasite se multiplie par schizogonie et donne des schizontes hépatiques (30-40). La rupture de schizontes mûres conduit à la libération de mérozoïtes qui passent dans la circulation sanguine et infectent les hématies. Cette étape asymptomatique dite phase d’incubation, dure sept à quinze jours (9).
Pour les espèces P. vivax et P. ovale, certains parasites peuvent rester dans le foie sous une forme quiescente appelée « hypnozoïte » durant des semaines voire des mois ou des années. Ces formes hypnozoïtes pourront être responsables d’accès de reviviscence (10).
• Stade érythrocytaire
Les mérozoïtes hépatiques ainsi libérés passent dans le sang et envahissent les érythrocytes. Une fois dans l’hématie, le mérozoïte se transforme en trophozoïte qui à maturité forme un schizonte endoérythrocytaire ; le schizonte mature se lyse et libère de nouveaux mérozoïtes qui vont infecter d’autres hématies : c’est le cycle endoérythrocytaire. Il dure 48h chez P. falciparum, P. vivax et P. ovale et 72h chez P. malariae. La libération des mérozoïtes suite à l’éclatement des hématies est à l’origine des manifestations cliniques de la maladie (11). Au cours de ces cycles successifs d’invasion de nouveaux érythrocytes et de libération de mérozoïtes, certains parasites se différencient en gamétocytes mâles ou femelles. L’engagement vers la différenciation sexuelle semble être déclenché par le surpeuplement parasitaire, un stress métabolique ou par traitement antipaludique (9).
Chez l’anophèle
Lors d’un repas sanguin sur un sujet infecté, l’anophèle femelle ingère du sang contenant des gamétocytes mâle et femelle et s’infeste à son tour. La fécondation se fait dans le tractus digestif et donne un ookinète qui se transforme dans la paroi de l’estomac en oocyste puis en sporocyste. Le sporocyste éclate, libère des sporozoïtes qui migrent jusqu’aux glandes salivaires du moustique et seront injectés à un nouvel individu lors d’une prochaine piqûre (12).
Le vecteur
Le vecteur du paludisme est un moustique femelle appartenant au genre Anopheles. Les anophèles appartiennent à l’embranchement des Arthropodes, à la classe des Insectes, à l’ordre des Diptères, à la famille des Culicidae et à la sous-famille des Anophélinae. Plus de 400 espèces d’anophèles sont à ce jour décrites, environ une soixantaine sont des vecteurs du paludisme et une vingtaine sont responsables de la plupart des cas (14). Au Sénégal, An. gambiae est présente dans tout le pays avec une prédominance dans les zones humides du Sud tandis que l’espèce An. Arabiensis également représentée dans toutes les régions est prédominante dans les zones sèches, du Centre et du Nord. An. melas est localisée sur le Littoral dans la mangrove et le long de certains cours d’eau. An. pharoensis est surtout abondante dans la basse vallée du fleuve Sénégal au Nord (5).
Le cycle biologique de l’anophèle comprend deux (2) phases:
✓ Une phase aquatique pour les stades immatures : œuf, larves (4 stades larvaires entrecoupés chacun d’une mue) et nymphe.
✓ Une phase aérienne pour le stade adulte avec des mâles et des femelles. Le mâle se nourrit exclusivement de jus sucrés tandis que la femelle est essentiellement hématophage.
Les anophèles piquent habituellement la nuit, du crépuscule au lever du soleil et se reproduisent dans des nappes d’eau douce peu profondes et stagnantes comme les flaques d’eau, les marigots, les rizières (12).
Transmission du paludisme
Modes de transmission
Le paludisme peut être transmis à l’Homme de différentes manières, la plus répandue est l’inoculation des parasites par l’anophèle femelle infestée au cours de son repas sanguin. Le parasite peut également être transmis par voie congénitale de la mère au fœtus à travers le sang placentaire chez une femme enceinte porteuse du parasite ou par transfusion sanguine à partir d’un donneur plus ou moins anciennement infesté.
Facteurs favorisants
Plusieurs facteurs contribuent à la transmission du paludisme : la présence du vecteur, l’écosystème : la température optimale pour le cycle de développement du vecteur se situe entre 18ºC et 35ºC, l’abondance des précipitations favorisent la création de gites larvaires, l’humidité et le couvert végétal propices à la survie de l’anophèle (15).
Epidémiologie du paludisme au Sénégal
Le Sénégal est un pays situé sur la pointe extrême Occidentale du continent africain entre 12,5° et 16,5° de Latitude Nord et 12° et 17° de Longitude Ouest. Il abrite un grand nombre d’écosystèmes différents et la transmission du paludisme est depuis de nombreuses années étroitement liée au rythme des pluies. Cette période correspond à celle de forte densité des populations vectorielles. De façon générale les pluies commencent entre juin et juillet, plus tôt au Sud qu’au Nord et se poursuivent jusqu’en octobre. Le pic de transmission se trouve entre les mois d’octobre et novembre (5).
Espèces responsables du paludisme
L’espèce P. falciparum est la plus répandue, pratiquement partout en Afrique. Elle est à l’origine de près de 98 % des cas de paludisme au Sénégal. P. falciparum est la seule espèce responsable des formes graves susceptibles d’entrainer des décès. D’autres espèces existent au Sénégal, il s’agit de P. malariae et P. ovale wallikeri qui représentent environ 2% des cas. P. vivax et P. knowlesi n’ont pas encore été formellement identifiées au Sénégal (16 ; 17).
Morbidité et mortalité du paludisme
Avec l’implémentation progressive et l’intensification des interventions à haut impact (figure 5), une baisse régulière de la morbidité et de la mortalité palustres a été enregistrée au Sénégal. Ainsi, la morbidité proportionnelle palustre est passée de 4,86% en 2015 à 3,03% en 2019 soit une réduction de 37,6% et la mortalité proportionnelle palustre est passée de 3,52% en 2015 à 1,66% en 2019 soit une réduction de 52,7% (4).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : GÉNÉRALITÉS SUR LE PALUDISME ET LA RÉSISTANCE AUX MÉDICAMENTS ANTIPALUDIQUES
SOUS-CHAPITRE I : GÉNÉRALITÉS SUR LE PALUDISME
I. Epidémiologie du paludisme
I. 1. Agents pathogènes
I. 1. 1. Classification
I.1.2. Caractères morphologiques des principales espèces pathogènes
I.1. 3. Cycle biologique du parasite
I. 1. 3.1. Chez l’homme
I. 1. 3. 2. Chez l’anophèle
I. 2. Le vecteur
I.3. Transmission du paludisme
I.3.1. Modes de transmission
I.3.2. Facteurs favorisants
I.4. Répartition géographique du paludisme dans le monde
I.5. Epidémiologie du paludisme au Sénégal
I.5.1. Espèces responsables du paludisme
I.5.2. Morbidité et mortalité du paludisme
II. Manifestations cliniques du paludisme
II.2. Paludisme grave
II.3. Paludisme et grossesse
III. Immunité anti-palustre
IV. Diagnostic du paludisme
IV.1. Diagnostic clinique
IV.2. Diagnostic biologique
V. Traitement du paludisme
V.1. Classification des médicaments antipaludiques
V.2. Principe des combinaisons thérapeutiques antipaludiques
VI. Prophylaxie du paludisme
VI.1. Lutte antivectorielle
VI.2. La chimioprévention
VI.2.1. Le traitement préventif intermittent (TPI) chez la femme enceinte
VI.2.2. Chimioprophylaxie du paludisme saisonnier
VI.2.3. Chimioprophylaxie du voyageur
VII. Vaccination
SOUS-CHAPITRE II : GÉNÉRALITES SUR LA RÉSISTANCE AUX MÉDICAMENTS ANTIPALUDIQUES
I. Définition
II. Facteurs favorisants
III. Mécanismes de la chimiorésistance
III.1. Mécanisme de résistance aux antimétabolites : la SulfadoxinePyriméthamine
III.1.1. La pyriméthamine
III.1.2. La Sulfadoxine
III.2. Mécanisme de résistance aux autres antipaludiques : les lysosomotropes
III.2.1. La Chloroquine
III.2.2. L’Amodiaquine
III.2.3. La Luméfantrine
III.2.4. Les dérivés de l’Artémisinine
IV. Méthodes de surveillance de l’efficacité des antipaludiques
IV.1. Tests in vivo
IV.2. Tests in vitro
IV.3. Etude des marqueurs moléculaires de résistance
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
I. Cadre d’étude
I.1. Région médicale de Kédougou
I.2. Région médicale de Kolda
I.3. Région Médicale de Sédhiou
I.4. Région médicale de Tambacounda
II. Population d’étude
II.1. Critères d’inclusion
Les patients inclus dans notre étude ont été sélectionnés selon les critères suivants
II. 2. Critères de non-inclusion
II.3. Considération éthique
III. Méthodologie
III.1. Extraction de l’ADN parasitaire
III.2. Génotypage par High Resolution Melting (HRM)
III.2.1. Principe
III.2.2. Mode opératoire
III.2.3. Analyse et interprétation des résultats
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
I. Résultats
I.1 Caractéristiques de la population d’étude
I.2. Prévalence des mutations au niveau des marqueurs moléculaires spécifiques
I.2.1. Prévalence des mutations au niveau des codons 437, 540, 581 du gène Pfdhps
I.2.1.1. Au niveau du codon 437
I.2.1.2. Au niveau du codon 581
I.2.1.3. Au niveau du codon 540
I.2.2. Prévalence des mutations au niveau des codons 108, 51, 59 et 164 du gène Pfdhfr
I.2.2.1. Au niveau du codon 108
I.2.2.2. Au niveau du codon 51
I.2.2.3. Au niveau du codon 59
I.2.2.4. Au niveau du codon 164
I.3. Prévalence des mutations combinées dans les régions de Kolda, Kédougou, Sédhiou et Tambacounda
II. Discussion
CONCLUSION