Parmi les caractères fondamentaux du sous-développement, les maladies de masse et notamment les maladies transmissibles sont à l’origine d’une mortalité particulièrement lourde, estimée à 17 millions de décès par an. De très nombreuses maladies transmissibles présentes dans les pays tropicaux en développement sont à l’origine de cette mortalité : les unes, cosmopolites, existent également dans les pays industrialisés tempérés, alors que d’autres sont strictement limitées à des zones géographiques déterminées.
Certaines de ces pathologies regroupées sous le titre de grandes endémies, constituent un handicap majeur au développement et imposent des mesures de lutte systématique par suite de leur existence constante et importante, de leur évolution sur un mode endémo-épidémique et de leurs conséquences socio-économiques (1). Le paludisme a été de tous temps considéré comme la première endémie parasitaire mondiale. Redoutable pendant les deux premières années d’impaludation, et tout particulièrement chez l’enfant de moins de cinq ans, le paludisme serait toujours responsable de un à deux millions de morts annuelles dans le monde.
A Madagascar, l’émergence et le développement du paludisme à Plasmodium facliparum résistant à la chloroquine a conduit au changement de politique de traitement du paludisme depuis décembre 2005. Mais la mise en œuvre d’une politique de lutte contre une maladie classée parmi les trois premières mortalités dans un pays n’est pas une entreprise facile.
RAPPEL EPIDEMIO-CLINIQUE
Epidémiologie
Le paludisme est une parasitose secondaire à la multiplication asymptomatique dans le foie, puis symptomatique dans le sang, de protozoaires, transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique femelle du genre anophèle. Les quatre espèces plasmodiales parasites de l’homme sont : P. falciparum, P. vivax, P. ovale et P. malariae. Ce sont des protozoaires dont la multiplication est asexuée (ou schizogonique) chez l’homme et sexué (ou sporogonique) chez le moustique vecteur.
Le cycle des plasmodies
• Chez l’homme s’effectue la multiplication asexuée ou schizogonique des plasmodies. Les parasites injectés à l’homme par l’anophèle infesté ne restent dans la circulation sanguine qu’une demi-heure. Ils gagnent rapidement le foie où s’effectue le cycle éxo-érythrocytaire primaire ou cycle pré-érythrocytaire, schizogonie tissulaire primaire : les sporozoïtes pénètrent dans les hépatocytes, grossissent, leur noyau se divise et en une semaine est constitué un schizonte mature ou corps bleu. L’éclatement du corps bleu libère de nombreux mérozoïtes qui passent dans la circulation, amorçant les premières schizogonies sanguines.
Dans le sang s’effectue le cycle asexué érythrocytaire (schizogonie érythrocytaire). Chaque mérozoïte pénètre dans une hématie et s’y transforme en trophozoïte. Celui-ci grossit, son noyau se divise pour donner un schizonte mûr ou corps en rosace. L’éclatement du corps en rosace libère des mérozoïtes qui vont parasiter des hématies vierges et effectuer de nouveaux cycles schizogoniques érythrocytaires. Après plusieurs cycles schizogoniques apparaissent dans les hématies des éléments à potentiel sexuel, les gamétocytes mâles et femelles.
• Chez l’anophèle s’effectue le cycle sexué ou sporogonique. En prenant son repas sanguin sur un paludéen, l’anophèle femelle absorbe des gamétocytes.
Dans l’estomac du moustique, le gamétocyte mâle se transforme en gamète par exflagellation, le gamétocyte femelle par expulsion de corpuscules chromatiniens. La fécondation du gamète femelle donne un œuf mobile, l’ookinète qui forme au niveau de l’estomac, l’oocyste donnant naissance aux sporozoïtes. Ces derniers gagnent ensuite les glandes salivaires de l’anophèle.
Le vecteur : l’anophèle femelle
Les femelles de certaines espèces d’anophèles chez lesquelles s’effectue le cycle sexué des plasmodies assurent seules la transmission du paludisme d’homme à homme par leur piqûre. Ce sont des moustiques culicidés de la sous-famille des anophélinés. Les anophèles femelles se reconnaissent à leur position de repos oblique par rapport au support sur lequel ils sont posés, et à leurs appendices céphaliques : palpes aussi longs que la trompe, celle-ci étant faite de différentes pièces buccales permettant de perforer la peau et d’aspirer le sang des mammifères .
Symptomatologie
Symptomatologie commune
Certains tableaux cliniques sont communs à toutes les espèces plasmodiales : ce sont les accès simples qui comprennent la primo-invasion, et les accès palustres à fièvres périodiques, le paludisme viscéral évolutif.
Accès de primo-invasion
Par définition, il apparaît chez un sujet neuf, non immun, c’est-à-dire chez l’enfant de 4 mois à 4 ans, autochtone d’une zone d’endémie, mais aussi à tout âge pour les sujets récemment transplantés d’une région exempte de paludisme vers une zone d’endémie. L’incubation est cliniquement muette et dure généralement 7 à 21 jours. L’invasion est marquée par une fièvre progressivement croissante qui devient continue, en plateau ou à grandes oscillations irrégulières.
Accès palustres à fièvre périodique
Encore appelé accès intermittent, il correspond à un accès de reviviscence schizogonique. Chaque accès se déroule d’une manière stéréotypée se caractérisant par la succession de trois stades : frissons, chaleurs, sueurs et leur répétition selon un rythme régulier. Le rythme des accès est variable selon l’espèce plasmodiale. Les accès surviennent tous les deux jours lorsque la schizogonie est de 48 heures et réalise alors une fièvre tierce (P. vivax, P. ovale, P. falciparum) . Les accès surviennent tous les 3 jours pour une schizogonie de 72 heures et détermine une fièvre quarte (P. malariae) , avec accès les 1er, 4e , 7e jours.
Paludisme Viscéral Evolutif (PVE)
Il survient en zone d’endémie chez les sujets soumis à des infestations palustres massives et répétées, ne se soumettant pas à une prophylaxie ou à un traitement efficace. La symptomatologie est subaiguë ou chronique : elle associe une anémie avec pâleur, asthénie, anorexie, parfois dyspnée, oedèmes des membres inférieurs, souffle systolique anorganique au cœur.
Particularités symptomatiques du paludisme à P. falciparum
Le paludisme à P. falciparum est le seul à pouvoir être la cause directe de la mort par accès pernicieux. Son aptitude à déterminer des parasitémies élevées et à encombrer la circulation sanguine dans les capillaires viscéraux confère au paludisme dû à cette espèce une gravité particulière.
Accès simples
Les accès simples ne comportent pas de signes de malignité, mais ils peuvent à tout moment évoluer vers l’accès pernicieux. L’incubation est la plus courte que l’on puisse observer dans le paludisme : 10 à 15 jours en moyenne. Lors de l’invasion, la fièvre est toujours élevée, les céphalées frontales ou occipitales, les troubles digestifs et les courbatures sont particulièrement intenses.
L’accès pernicieux
Pour les spécialistes francophones, l’accès pernicieux est défini par l’existence de signes neurologiques aigus au cours d’un paludisme à P. falciparum : c’est un neuropaludisme réalisant une encéphalopathie aiguë fébrile. Pour les experts de l’OMS, l’élargissement de cette définition à d’autres manifestations de défaillance viscérale parait utile pour mieux cerner la gravité du pronostic, et poser l’indication d’un traitement d’urgence par voie intraveineuse. L’accès pernicieux débute soit progressivement, soit brutalement. La phase d’état associe fièvre, troubles neurologiques et d’autres manifestations de défaillance viscérale grave. Les signes neurologiques les plus fréquents sont les troubles de la conscience, de l’obnubilation, au coma profond. Les convulsions constituent le deuxième signe neurologique fréquent, surtout chez l’enfant. L’anémie est toujours présente. Les signes de défaillance hépatique et la splénomégalie sont parfois présents. L’insuffisance rénale prend deux aspects : le plus souvent, elle est fonctionnelle avec oligurie et cède sous réhydratation. Plus rarement, il s’agit d’une défaillance rénale aiguë organique avec oligoanurie et élévation de la créatinine. L’œdème pulmonaire, le collapsus circulatoire et les signes d’hémorragie diffuse sont rares. L’hypoglycémie est en revanche beaucoup plus fréquente.
Fièvre bilieuse hémoglobinurique
Elle frappe les Européens expatriés depuis plusieurs mois ou années en zone tropicale, ayant des antécédents d’accès à P. falciparum et prenant irrégulièrement une prophylaxie et/ou des traitements par la quinine. Le début est brutal avec lombalgies, pâleur et fièvre. Rapidement apparaissent un ictère, une chute tensionnelle, une oligurie. En revanche, la charge parasitaire est nulle ou modérée.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LE CHANGEMENT DE LA POLITIQUE DE TRAITEMENT DU PALUDISME
1. RAPPEL EPIDEMIO-CLINIQUE
1.1. Epidémiologie
1.1.1. Le cycle des plasmodies
1.1.2. Le vecteur : l’anophèle femelle
1.2. Symptomatologie
1.2.1. Symptomatologie commune
1.2.2. Particularités symptomatiques du paludisme à P. falciparum
1.3. Diagnostic biologique
1.3.1. Arguments directs
1.3.2. Arguments indirects
1.4. Traitement et antipaludiques
1.4.1. Les antipaludiques
1.4.2. Résistance
2. CHANGEMENT DE POLITIQUE DE TRAITEMENT DU PALUDISME
2.1. Recommandations de l’OMS
2.2. Nouvelle politique de traitement du paludisme à Madagascar
2.2.1. Objectifs
2.2.2. Stratégies de lutte
2.2.3. Directives techniques
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EPIDEMIO-ANALYTIQUE DES PROBLEMES DUS AU CHANGEMENT DE POLITIQUE DE TRAITEMENT DU PALUDISME A BRICKAVILLE
1. CADRE D’ETUDE
1.1. Le CHD1 de Brickaville
1.1.1. Organisation des services
1.1.2. Personnel du CHD1
1.1.3. Capacité en lits
1.2. Le secteur médical
1.2.1. La situation géographique
1.2.2. Les formations sanitaires du secteur médical de Brickaville
1.3. Démographie, économie et moyens d’information publique
1.3.1. Economie communautaire
1.3.2. Moyens d’information
1.3.3. Démographie
2. METHODOLOGIE
2.1. Type d’étude
2.2. Période d’étude
2.3. Durée d’étude
2.4. Population d’étude
2.4.1. Critères d’inclusion
2.4.2. Critères d’exclusion
2.4.3. Taille de l’échantillon
2.5. Recueil des données
2.6. Saisie et traitement
2.7. Limite de l’étude et éthique
2.8. Variables de l’étude
3. RESULTATS
3.1. Nombre de cas de paludisme
3.2. Variations saisonnières
3.3. Répartition des cas
3.3.1. Selon les tranches d’âge
3.3.2. Le genre
3.3.3. La profession
3.3.4. Provenance ou domicile des patients
3.3.5. Domicile des patients ou formations sanitaires de provenance
3.3.6. Etat des personnels des CSB
3.3.7. Motifs d’hospitalisation
3.3.8. Traitement reçu avant hospitalisation
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
1.1. Cas de paludisme hospitalisés et variations saisonnières
1.2. Répartition des cas
1.2.1. L’âge et le sexe
1.2.1. La profession et le domicile ou provenance des patients
1.3. Etat des personnels responsables des CSB
1.4. Traitement reçu avant l’hospitalisation
1.5. Motifs d’hospitalisation
2. SUGGESTIONS
2.1. Une meilleure information des communautés sur le changement de traitement
2.1.1. Objectif
2.1.2. Stratégies proposées
2.2. Une large disponibilité des antipaludiques
2.2.1. Objectif
2.2.2. Stratégies proposées
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE