Généralités sur le biocontrôle et l’Antoferine
Les produits de biocontrôle sont des alternatives aux pesticides chimiques dont l’usage est de plus en plus controversé en raison de leur impact sur la santé humaine et animale ainsi que l’environnement (Rani et al., 2021). Les attentes des consommateurs en matière de santé et de respect de l’environnement sont accompagnées d’une suivies par une évolution de la réglementation en Europe et dans le reste du monde afin de réduire l’utilisation des intrants chimiques. Ce mouvement est illustré par la Directive Européenne 2009/128/EC ou encore le Plan Ecophyto 2025 en France qui vise à réduire l’usage de pesticides chimiques de 50% d’ici 2025. Il existe donc bien un besoin pour des nouvelles solutions naturelles pour la protection des végétaux. Les produits de biocontrôle sont définis à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime. Ce sont des agents et des produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Les substances ou produits de biocontrôle peuvent être constitués de macro-organismes, de micro-organismes (Farbo et al., 2018; Ianiri et al., 2017; Pellan et al., 2020), de médiateurs chimiques (X. Wang et al., 2019) ou de substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale (Enyiukwu et al., 2014). En France, la quasi-totalité des entreprises fabriquant des produits de biocontrôle appartiennent à l’Association française des fabricants de produits de biocontrôle (IBMA France). L’un des objectifs du groupe est de tripler la part de marché des produits de biocontrôle en France d’ici 2025 (Villemaine et al., 2021). La société Antofénol (Plestan, France) développe une solution antifongique innovante d’origine naturelle pour protéger les fruits et légumes contre la contamination fongique, l’Antoferine®. A terme, elle souhaite produire et commercialiser à échelle industrielle ce produit de biocontrôle ayant des propriétés antifongiques à appliquer en pré-récolte et post-récolte pour lutter contre les maladies de conservation en alternative à l’imazalil (retrait prévu en 2024). Cet extrait est en cours d’homologation et sera commercialisé sur le marché américain en 2022 et sur le marché européen en 2024. L’efficacité du produit repose sur sa composition unique d’extraits de polyphénols, obtenus par un processus d’éco-extraction sans solvant de synthèse qui les isole à partir de co-produits de la vigne (sarments).
Avec ce projet, l’entreprise Antofénol veut contribuer à réduire les pertes post-récolte qui affectent le secteur alimentaire et tout en respectant l’économie circulaire européenne en favorisant la valorisation d’un déchet agricole abondant. Si les cultures ciblées dans un premier temps sont les bananes, agrumes, pommes, fraises, pêches, cerises, le spectre d’activité de l’Antoferine® pourrait être élargi à d’autres productions végétales, notamment celles qui sont affectées par les moisissures mycotoxinogènes.
Vitis vinifera
L’origine de la vigne se confond avec l’histoire des végétaux. Sa culture a débuté il y a environ 4000 ans à partir des espèces sauvages du proche orient (nord-est de l’Afghanistan jusqu’aux frontières méridionales de la mer Noire et de la mer Caspienne) (Aradhya et al., 2003). La vigne appartient à la famille des Vitaceae, qui est divisée en différents genres (Figure 1). A l’heure actuelle, 19 genres reconnus composent cette famille, dont le genre Vitis (De La Fuente Lloreda, 2018). Ce genre est à son tour divisé en deux sous-genres : Euvitis et Muscadinia. Le sous-genre Muscadinia diffère par des caractères morphologiques, anatomiques et cytologiques de base (Galet, 1979), et comprend trois espèces. La plus connue, V. rotundifolia, est originaire du sud-est des États-Unis et a été domestiquée par les colons européens. Elle sert de portegreffe pour faire face à la grande sensibilité des vignes européennes à la maladie du phylloxéra. Cette section comprend également V. munsoniana J.H.Simpson ex Planch. (Originaire de Floride et des Bahamas) et V. popenoei J.L.Fennell (du Mexique, du Belize et du Guatemala) (Fortes & Pais, 2015). Le sous-genre Euvitis comprend la plupart des espèces viticoles. Vitis vinifera, est la principale espèce de vigne cultivée en Europe et dans le monde (Tkacz et al., 2019), avec une production mondiale de 79 millions tonnes de raisin en 2018 (https://www.oiv.int/). Elle est originaire d’Asie, près de la mer Caspienne, puis a été importée en Europe (Fortes & Pais, 2015). Vitis vinifera représente plus de 90% des baies de raisin sur le marché. Les baies sont consommées sous forme de fruits frais ou d’autres produits transformés, notamment le jus de raisin, la confiture, le vin, les raisins secs, le vinaigre et l’huile de pépins de raisin (Venkitasamy et al., 2019). Le V. vinifera doit être greffé sur le V. rotundifolia ou sur d’autres porte-greffes résistants pour survivre dans les régions où sévit le phylloxéra (Fortes & Pais, 2015).
Morphologiquement, la vigne, comme toute plante, développe un système racinaire qui colonise le sol et le sous-sol tout au long de sa vie et un système aérien (Figure 2), formé d’un tronc qui se divise en bras portant des bois de taille qui peuvent être longs ou courts. Ces bois appelés sarments portent des yeux, ou ensembles de bourgeons qui donneront naissance à des rameaux feuillés, fructifères ou non (Reynier, 2011).
Le cycle annuel de développement de la vigne comprend un certain nombre de phases (Figure 3), en étroite relation avec les conditions climatiques. La période de repos végétatif de la vigne débute au mois de novembre avec la chute des feuilles et s’achève à la fin du mois de février. L’entrée en végétation se produit entre la première et la dernière semaine du mois de mars. Le nombre d’inflorescences qui apparaît après le débourrement constitue la sortie des premières feuilles. La pleine floraison a lieu généralement 2 mois après le débourrement et l’aoûtement, comme son nom l’indique, débute au mois d’août et se poursuit jusqu’en novembre. Il s’accompagne d’une accumulation de réserves en amidon et en lignine dans les sarments, ce qui favorise la résistance des tissus au froid et permettra le début d’un nouveau cycle de développement au printemps suivant (Galet, 2000 ; Carbonneau et al., 2020).
Valorisation des différents organes de la vigne
La production de raisins est l’une des principales activités économiques du secteur agroalimentaire, avec plus de 79 millions de tonnes produites dans le monde en 2018 (https://www.oiv.int/). Parmi celles-ci, environ 47% sont des raisins destinés à l’industrie vinicole ( »The International Organisation of Vine and Wine », 2017), où de grandes quantités de sous-produits sont générées en tant que déchets organiques (marc de raisin, contenant les graines, la pulpe et les peaux, les tiges et les feuilles de raisin), d’émission de gaz (CO2, composés organiques volatils, etc.), et déchets inorganiques (terre de diatomées, bentonite et argile perlite) (Gouvinhas et al., 2019; Soceanu et al., 2021). Généralement, après vinification, les déchets de raisin sont utilisés comme source de production de polyphénols qui sont surtout utilisés dans le domaine médical à cause de leur effet antioxydant. Parmi eux, les anthocyanes sont utilisés comme colorants naturels. En effet, ces pigments sont responsables des couleurs, comme par exemple l’orangé, le rouge, le bleu et le violet (Vatai et al., 2009). Les tiges de raisin, qui correspondent au support des raisins, ont été principalement étudiées comme source polyphénolique ou comme source de monosaccharides pour la production de bioéthanol (Soceanu et al., 2021). L’extrait et l’huile de pépins de raisin ont démontré de nombreuses activités dans la prévention des maladies. Certains constituants présentent des activités antioxydantes et antiinflammatoires remarquables : les acides gras essentiels présents dans l’huile comme l’acide linoléique, la vitamine E et les phytostérols, ainsi que les phénols hydrophiles. D’autres industries non alimentaires peuvent également bénéficier de l’huile de pépins de raisin, notamment les produits pharmaceutiques et les cosmétiques (Martin et al., 2020). Lorsque le vignoble est trop vieux ou que l’arrachage est nécessaire pour une raison quelconque, le bois et les racines de la vigne constituent également une énorme source de déchets à faible valeur ajoutée et à forte teneur en stilbènes. Une étude réalisée par Gabaston et al. (2017) montre que les déchets de la vigne tels que le bois et les racines de Vitis vinifera peuvent être utilisés comme sources bon marché de stilbènes bioactifs pour développer des fongicides naturels car ils contiennent quatre composés parmi les plus actifs (R-viniférine, R2-viniférine, hopeaphénol et iso-hopeaphenol) à des niveaux élevés.
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Table des matières
Introduction
1 Synthèse bibliographique
1.1 Des plantes pour les plantes : La solution contre les mycotoxines serait-elle l’utilisation d’extraits de plantes ? Plants for plants: Would the solution against mycotoxins be the use of plant extracts?
1.2 Antoferine®
1.2.1 Généralités sur le biocontrôle et l’Antoferine®
1.2.2 Vitis vinifera
1.2.3 Valorisation des différents organes de la vigne
1.2.4 Méthodes d’extraction de l’Antoferine® à partir des co-produits de Vitis vinifera
1.2.5 Les composés majeurs de l’Antoferine®
1.2.6 Activités biologiques et antifongiques des extraits de la vigne et de l’Antoferine®
1.3 Huiles essentielles
1.3.1 Généralités
1.3.2 Procédés d’extraction des huiles essentielles
1.3.2.1 L’extraction à froid ou expression mécanique à froid
1.3.2.2 La distillation
L’hydrodistillation ou distillation simple
L’entrainement à la vapeur d’eau
1.3.2.3 L’hydrodiffusion
1.3.2.4 L’extraction par solvant
1.3.2.5 L’enfleurage
1.3.2.6 Extraction par micro-ondes
1.3.2.7 L’extraction au CO2 supercritique
1.3.3 Cymbopogon schoenanthus
1.3.3.1 Présentation de la plante et description botanique
1.3.3.2 Huile essentielle de Cymbopogon schoenanthus
Composition chimique
Activités biologiques des huiles essentielles de Cymbopogon schoenanthus
1.3.4 Cymbopogon nardus (Citronnelle de Ceylan)
1.3.4.1 Présentation de la plante et description botanique
1.3.4.2 Huile essentielle de Cymbopogon nardus
Composition chimique de l’huile essentielle Cymbopogon nardus
Activités biologiques des huiles essentielles de Cymbopogon nardus
1.3.4.3 Présentation de la plante et description botanique
1.3.4.4 Huile essentielle de Eucalyptus camaldulensis
Composition de l’huile essentielle Eucalyptus camaldulensis
Activités biologiques des huiles essentielles d’Eucalyptus camaldulensis
1.4. Les souches fongiques mycotoxinogènes utilisées dans l’étude
Références
2 Résultats expérimentaux
2.1 Activité antifongique et anti-mycotoxinogène de l’Antoferine®
Introduction
Article soumis dans la revue Mycotoxin Research: Antifungal activity of Antoferine®, a commercial biocontrol product against three mycotoxinogenic fungi
Conclusion
Références
2.2 Activité antifongique et anti-mycotoxinogène des huiles essentielles de Cymbopogon nardus, Cymbopogon schoenanthus et Eucalyptus camaldulensis
Introduction
Article soumis dans la revue Archives of Microbiology: Antifungal and antimycotoxic activities of 3 essential oils against 3 mycotoxinogenic fungi
Perspectives
Conclusion