Généralités sur l’aspect cinétique du dégagement gazeux
Le dégagement de bulles d’hydrogène sur une électrode métallique nécessite d’abord la production d’hydrogène moléculaire dans la solution selon un mécanisme réactionnel particulier qui dépend du métal, de l’électrolyte et des conditions opératoires (température, pression, vitesse de rotation de l’électrode…). La concentration en hydrogène dissous dans la solution augmente au cours du temps, l’électrolyte devient sursaturé en hydrogène, et au-delà d’une valeur critique de la concentration, des bulles de gaz germent sur l’électrode sur des sites particuliers, actifs pour des raisons chimiques (inclusions, impuretés…), ou pour des raisons physiques (présence de défauts cristallins ou de microcavités dans lesquelles un noyau de gaz reste en permanence). L’étape de germination d’une bulle est suivie d’une étape de croissance (assurée par l’apport par diffusion ou convection du gaz dissous dans l’électrolyte ou par la coalescence avec des bulles voisines), puis, au delà d’un rayon critique de la bulle, celle-ci se détache lorsque l’équilibre des forces la maintenant attachée sur la surface est rompu, ce moment dépendant fortement, mais pas uniquement, de la tension superficielle et de l’angle de contact de la bulle avec la surface de l’électrode. La formation des bulles constitue une soupape permettant d’évacuer le gaz dissous dans la mesure où la germination, la croissance et le détachement des bulles diminuent de façon cyclique la très forte surconcentration en gaz dissous près de l’électrode. Les études sur l’effet des bulles sur la surtension électrochimique ont été menées principalement par le groupe de Tobias, en particulier par Leistra et Sides qui ont effectué une mesure expérimentale de l’augmentation de surtension moyenne de l’électrode due à son masquage par les bulles en mettant l’électrode en rotation à différentes vitesses pour éliminer les bulles [I-1], et par Dukovic qui a effectué un calcul numérique de la surtension moyenne totale et des ses trois composantes (ohmique, activation, concentration) en maillant l’espace autour de l’électrode de travail et en utilisant les équations classiques de la cinétique électrochimique [I-2].
Dans la cellule électrochimique, la différence de potentiel V entre l’électrode de travail (ET) et l’électrode de référence (ER) s’écrit :
V =VET −VER = E0 + η (I-1)
où E0 est le potentiel d’équilibre de l’ET par rapport à l’ER et η la surtension totale qui est la somme de 3 termes : η = ηo + ηa + ηc (I-2)
Leistra et Sides ont cherché à déterminer théoriquement la contribution de chacun des termes de l’équation I-2 sur la surtension totale [I-3]. Dukovic, par un traitement numérique des équations de la cinétique des réactions sur l’ET et du transport de gaz dissous dans l’électrolyte, a pu calculer la distribution du potentiel et du courant en tout point de la cellule électrochimique [I-2], évidemment dans des conditions restrictives incontournables (configuration donnée de bulles de taille identique, de même angle de contact, figées sur l’ET sur un réseau hexagonal, non prise en compte du transport dû à l’agitation provoquée par le départ des bulles…). Les résultats obtenus sont similaires à ceux obtenus par Leistra et Sides pour les termes de surtension ohmique, d’activation et de concentration.
Analyse du comportement stochastique du dégagement gazeux
Du fait de la croissance et du détachement des bulles sur l’ET, toutes les grandeurs de potentiel fluctuent et si l’on considère que l’ET est polarisée à courant constant I (régime galvanostatique), les fluctuations de chute ohmique peuvent s’écrire :
Δηo = ΔRe I (I-4)
si bien que les fluctuations de tension ΔV ont pour expression, d’après la relation I-3 :
ΔV = Δη = ΔRe I + ΔE (I-5)
où ΔE représente les fluctuations du potentiel électrochimique de l’ET et intègre les fluctuations des surtensions d’activation et de concentration :
ΔE = Δηa + Δηc (I-6)
Depuis les travaux exploratoires de la thèse de F. Job en 1979 à Grenoble [I-5] qui effectua une étude par analyse spectrale des fluctuations de potentiel générées par des bulles se dégageant d’une électrode ou circulant dans un canal, la plupart des études du comportement stochastique des dégagements gazeux ont été réalisées à l’UPR 15. Les premières études, qui remontent au milieu des années 1980 [I-6, I-7], ont porté sur l’étude des luctuations du potentiel de l’ET en régime galvanostatique générées par le dégagement de bulles d’hydrogène ou d’oxygène sur une électrode horizontale, de platine ou de fer, orientée vers le haut dans des milieux acides ou basiques. Le signal de potentiel présente l’allure de dents de scie (comme le signal de résistance d’électrolyte sur la figure I.2A), l’augmentation linéaire de potentiel étant due à la croissance de l’ensemble des bulles sur l’électrode et les chutes brutales correspondant aux départs de bulles. L’amplitude des sauts de potentiel est une grandeur aléatoire car elle dépend de la taille des bulles qui se dégagent.
Les fluctuations de potentiel mesurées ont été modélisées par un processus de Poisson lorsque les instants de départ des bulles sont indépendants, ce qui a permis de calculer la densité spectrale de puissance (DSP) théorique du signal [I-8]. Cette DSP, qui représente la distribution de la puissance du signal en fonction de la fréquence, présente un plateau en basse fréquence suivi d’une décroissance en 1/f 2 en haute fréquence (comme la DSP du signal de résistance d’électrolyte sur la figure I.2B). Pour remonter à la taille moyenne des bulles à partir de la DSP des fluctuations de potentiel, des expériences ont été réalisées consistant à mesurer les variations de l’impédance électrochimique d’une électrode de fer dans une solution d’acide sulfurique 1 M quand une bille de verre de rayon rb simulant une bulle figée est posée au centre d’une électrode à disque horizontale [I-9]. Les mesures ont montré que les variations des résistances d’électrolyte Re, de transfert de charge Rt et de polarisation Rp étaient proportionnelles à rb 2 et donc proportionnelles à la section droite projetée de la bille. La perturbation des lignes de courant par la présence de la bille peut donc être assimilée à une diminution de la surface active de l’électrode (phénomène d’écrantage). Il faut remarquer que cette diminution de la surface active n’est qu’un moyen très simplifié de tenir compte de l’influence de la bille et qu’un développement théorique exact nécessiterait de calculer la distribution des lignes de courant et de potentiel dans la solution en présence de la bille, ce qui est déjà très difficile pour une bille unique et impossible pour un grand nombre de billes de tailles différentes et positionnées aléatoirement sur l’électrode.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : POSITION DU PROBLEME
Introduction
I.1. Revue bibliographique
I.1.1. Généralités sur l’aspect cinétique du dégagement gazeux
I.1.2. Analyse du comportement stochastique du dégagement gazeux
I.2. But du travail de thèse
I.3. Modélisation de la cinétique du dégagement gazeux
I.3.1. Modélisation par circuit équivalent
I.3.2. Modélisation du mécanisme réactionnel
Conclusion
Références
CHAPITRE II : TECHNIQUE DE MESURE DES FLUCTUATIONS DE L’IMPEDANCE D’UN SYSTEME ELECTROCHIMIQUE
Introduction
II.1. Généralités sur la mesure d’impédance électrochimique
II.2. Mesure des fluctuations de la résistance d’électrolyte et du potentiel d’électrode
II.2.1. Principe de la mesure
II.2.2. Réglage de la mesure
II.3. Mesure des fluctuations des parties réelle et imaginaire de l’impédance à une fréquence donnée
II.3.1 Principe de la mesure
II.3.2 Réglage de la mesure
II.3.3 Test sur une résistance et un circuit RC
II.4. Mesure simultanée des fluctuations de la résistance d’électrolyte, du potentiel, des parties réelle et imaginaire de l’impédance à une fréquence donnée
II.4.1 Principe de la mesure
II.4.2 Test avec un seul signal d’excitation
II.4.3 Tests avec deux signaux d’excitation
II.4.4 Modélisation du bruit de fond des voies de mesure de Re(Z) et Im(Z)
Conclusion
Références
Annexe II.A. Acquisition et traitement du signal
CHAPITRE III : INFLUENCE DE L’ANGLE DE CONTACT D’UNE BILLE ISOLANTE SUR LA RESISTANCE D’ELECTROLYTE
Introduction
III.1. Revue bibliographique
III.2. Calcul théorique de la variation de résistance d’électrolyte due à la présence d’une bille par la méthode de la collocation mathématique
III.2.1. Cas d’une bille sphérique non tronquée
III.2.2. Cas d’une bille sphérique tronquée centrée sur l’électrode
III.2.3. Cas d’une bille sphérique tronquée non centrée sur l’électrode
III.3. Dispositif de mesure et conditions expérimentales
III.4. Résultats et discussions
III.4.1. Cas des billes sphériques non tronquées
III.4.2. Cas des billes sphériques tronquées
Conclusion
Références
Annexe III.A. Calcul de la variation de résistance d’électrolyte induite par la présence d’une bille isolante sphérique
CHAPITRE IV : ANALYSE DES FLUCTUATIONS DES PARTIES REELLE ET IMAGINAIRE DE L’IMPEDANCE GENEREES PAR UN DEGAGEMENT GAZEUX
Introduction
IV.1. Conditions expérimentales et méthodologie
IV.1.1. Cellule électrochimique
IV.1.2. Mode opératoire de l’expérience
IV.1.3. Problème de mesure lié à l’impédance de l’électrode de référence
IV.1.4. Validation des mesures
IV.2. Première série de mesures
IV.2.1. Cas A (f2 = 100 kHz)
IV.2.2. Cas B (f2 = 10 kHz)
IV.2.3. Cas C (f2 = 2,5 kHz)
IV.2.4. Cas D (f2 = 500 Hz)
IV.2.5. Cas E (f2 = 100 Hz)
IV.2.6. Synthèse des résultats de la première série de mesures
IV.3. Synthèse des huit séries de mesures
IV.3.1. Séries avec dégagement de petites bulles
IV.3.2. Séries avec dégagement de bulles de taille moyenne
IV.3.3. Séries avec dégagement de grosses bulles
IV.3.4. Synthèse générale
Conclusion
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