Généralités sur la réglementation européenne des produits cosmétiques
Cadre légal en Europe
Evolution de la réglementation et référentiels actuels
Depuis plus de 40 ans, les scandales sanitaires survenus en France ont permis de créer ou renforcer les cadres réglementaires relatifs aux produits de santé et notamment celui des produits cosmétiques. En la matière, la France fut l’un des pays pionniers en Europe, notamment avec la loi de 1975 instaurée par Simone Veil. Cela étant, le terme est à modérer sachant que les Etats-Unis et le Japon avaient déjà instauré des systèmes de régulation pour les produits cosmétiques avant les années 1950. Bien que l’affaire du talc Morhange soit la plus célèbre, la première à avoir éclaté fut celle du talc Baumol au début des années 1950. Provoquant le décès d’un peu plus de soixante-dix nourrissons, le talc tarda à être incriminé et l’on découvrit finalement que certains lots fabriqués avaient été accidentellement contaminés par de l’anhydride arsénieux (AS2O3). Appliqué sur les muqueuses, l’anhydride arsénieux est responsable d’une action irritante directe pouvant entraîner érythèmes, brûlures modérées à sévères, dermatoses ou réactions eczémateuses. Dans les cas les plus graves, il peut provoquer des intoxications subaigües dont les principaux signes sont d’ordre neurologique et peuvent conduire au décès comme ce fut le cas pour les victimes de cette affaire. Malgré l’incrimination de Jacques Cazenave, le pharmacien responsable de la fabrication de ce talc, ce scandale ne joua aucun rôle dans l’évolution de la réglementation des produits cosmétiques en France. C’est un peu plus tard, en 1972, lorsque l’affaire du talc Morhange éclate, qu’il va y avoir une certaine prise de conscience de l’importance de la sécurité des produits cosmétiques. L’affaire présente des similitudes avec la précédente, mais c’est cette fois l’hexachlorophène qui est en cause. Formulé dans le talc comme agent bactéricide, il fut accidentellement surdosé dans un lot de six cents kilogrammes de talc et ses propriétés neurotoxiques entraînèrent le décès de trente-six nourrissons. Simone Veil, à l’époque ministre de la Santé, instaura alors les fondements de la réglementation des produits cosmétiques avec la première loi française : la loi n°75 604 du 10 juillet 1975 communément appelée « loi de 1975 ». Celle-ci sera le point de départ des évolutions de la réglementation, tant au niveau national qu’européen, pour aboutir au Règlement Cosmétique Européen (RCP) tel que nous le connaissons aujourd’hui. La première définition de cette loi distingue les produits cosmétiques et produits d’hygiène corporelle des médicaments. La loi prévoit également l’établissement d’un dossier contenant toutes les informations relatives au produit : nature, usage et mode d’emploi, formule intégrale, conditions de fabrication et de contrôle, tests de toxicité transcutanée et de tolérance cutanée ou muqueuse. C’est donc à l’époque les prémices du dossier d’information produit (DIP) utilisé aujourd’hui.
S’inspirant de la loi française de 1975, la Communauté Européenne adopta en 1976 la première Directive Cosmétique 76/768/CEE, qui, bien que ne présentant pas de nouveautés majeures, avait pour principal objectif de rapprocher les différentes législations régissant les produits cosmétiques des Etats Membres. C’est le sixième amendement de cette directive (Directive 93/35/CEE) qui apportera en 1993 un vrai changement, à savoir l’obligation de déclaration du fabricant et l’obligation de mettre à disposition des autorités les informations contenues dans le dossier produit. Au premier janvier 1998, une première initiative concernant l’interdiction des tests sur les animaux est lancée mais elle sera reportée plusieurs fois pour finalement aboutir en 2003 dans le septième amendement de la directive. Celui-ci interdit le recours à l’expérimentation animale sur les ingrédients ou combinaisons d’ingrédients cosmétiques même en l’absence de méthodes alternatives. Autre nouveauté du septième amendement, l’établissement d’une liste de vingt-six substances parfumantes allergènes dont l’étiquetage devient obligatoire.(2) Cette directive européenne servit de modèle dans différentes parties du monde : Asie du SudEst (ASEAN), Chine, Amérique du Sud…
Depuis le 11 Juillet 2013, les produits cosmétiques mis sur le marché européen sont réglementés par le règlement (CE) n°1223/2009 du parlement européen et du conseil du 30 Novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques (dénommé Règlement Cosmétique) et par le Code de la Santé Publique (CSP). Ce règlement a donc remplacé la première Directive Cosmétique 76/768/CEE de 1976.
S’agissant d’un règlement et non d’une directive, il est applicable dans les vingt-huit pays de l’Union Européenne sans transposition en droit national permettant ainsi d’harmoniser la législation des produits cosmétiques au sein de l’Union Européenne et de favoriser la libre circulation des produits dans le marché communautaire. L’ajout de précisions et contraintes supplémentaires pour les industriels garantit également une meilleure sécurité d’utilisation de ces produits par l’utilisateur final. L’objectif du Règlement Cosmétique Européen est donc double : favoriser la concurrence sur le marché communautaire et améliorer la sécurité des produits pour les consommateurs européens.
Un autre des piliers de ce règlement repose sur l’interdiction stricte d’effectuer des tests sur les animaux, qu’il s’agisse de tests sur ingrédients ou sur produit fini. Les tests des produits finis sur l’animal avaient déjà été réglementés en 2004. Le Règlement Cosmétique Européen renforce donc cette initiative en interdisant tout test sur l’animal. Le RCP précise néanmoins que les données issues des tests sur les animaux obtenues avant sa mise en application pourront encore être utilisées pour l’évaluation de sécurité du produit. En ce qui concerne les ingrédients testés sur des animaux après sa mise en application, ils pourront être autorisés dans des cas spécifiques :
1. si les tests ont été réalisés pour répondre à des obligations autres que celles relatives à la législation cosmétique ;
2. s’ils sont effectués pour répondre à des obligations de mise sur le marché extraeuropéennes (Chine par exemple). Les données issues de ces tests ne pourront néanmoins pas être utilisées pour évaluer la sécurité d’un produit cosmétique contenant ces ingrédients en Europe.
Définition d’un produit cosmétique selon le RCP
Dans l’article 2 du Règlement Cosmétique et l’article L.5131-1 du Code de la Santé Publique, un produit cosmétique est défini comme « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles ».
Toutefois, certains produits peuvent revendiquer une action sur la peau, les dents, la muqueuse buccale, les ongles et les cheveux sans pour autant être des produits cosmétiques. C’est le cas des produits destinés à être ingérés, inhalés, injectés ou implantés dans l’organisme, bien qu’un certain degré de pénétration cutanée, d’inhalation ou d’ingestion accidentelle soit reconnu et accepté pour les produits cosmétiques. D’après la définition des produits cosmétiques, il existe une multitude de produits que l’on peut notamment différencier par leur fonction ou par leur utilisation. L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) les classe en quatre catégories distinctes :
– Les produits pour la peau ;
– Les produits d’hygiène ;
– Les produits capillaires ;
– Les autres produits.
Les produits pour la peau
Dans cette catégorie, on retrouve :
– les crèmes, émulsions, lotions, gels et huiles ;
– les masques de beauté ;
– les fonds de teint quelle que soit leur forme (liquide, pâte ou poudre) ;
– les poudres, qu’elles soient destinées au maquillage, à l’hygiène corporelle ou à la sortie de bain ;
– les produits de préparation de bain et de douche (sels, mousses, huiles, gels) ;
– les produits de protection solaire et les produits dits « auto-bronzants » ;
– les produits de blanchiment de la peau ;
– les produits dits « anti-rides » ;
– les produits de rasage (savons, mousses, lotions) ;
– les produits de maquillage et produits démaquillants ;
– les produits pour les lèvres ;
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Généralités sur la réglementation européenne des produits cosmétiques
1. Cadre légal en Europe
1.1. Evolution de la réglementation et référentiels actuels
1.2. Définition d’un produit cosmétique selon le RCP
1.2.1. Les produits pour la peau
1.2.2. Les produits d’hygiène
1.2.3. Les produits capillaires
1.2.4. Autres produits
1.3. Produits « frontières »
1.3.1. Produits « frontières » avec les médicaments
1.3.2. Produits « frontières » avec les dispositifs médicaux
1.3.3. Cas des produits cosmétiques ayant une action biocide
1.3.4. Cas des produits véhiculant des substances ou mélanges
1.3.5. Cas des pastilles et chewing-gums pour l’haleine
1.3.6. Cas des jouets ayant une fonction cosmétique
1.3.7. Autres cas de produits « frontières »
2. Dossier d’information produit
2.1. Définition et contenu
2.1.1. Description du produit cosmétique
2.1.2. Rapport sur la sécurité du produit
2.1.2.1. Partie A
2.1.2.2. Partie B
2.1.3. Description de la méthode de fabrication et de conditionnement
2.1.4. Preuves des effets revendiqués par le produit cosmétique
2.1.5. Données relatives aux expérimentations animales
2.2. Conservation et inspections
3. Personne responsable
3.1. Le fabricant
3.2. L’importateur
3.3. Le distributeur
4. Notification
4.1. Notification par la Personne Responsable
4.2. Notification par le distributeur d’un produit déjà mis sur le marché d’un autre État Membre après le 13 juillet 2013
4.3. Notification par le distributeur d’un produit déjà mis sur le marché d’un autre État Membre avant le 13 juillet 2013
II. Réglementation des allégations cosmétiques en Europe
1. Cadre légal des allégations cosmétiques en Europe
1.1. Définition d’une allégation en cosmétique
1.2. Intérêts et objectifs
2. Les critères communs
2.1. Objectifs
2.2. Les 6 critères communs
2.2.1. Conformité avec la législation
2.2.2. Véracité
2.2.3. Éléments probants
2.2.4. Sincérité
2.2.5. Équité
2.2.6. Choix en connaissance de cause
3. Les allégations en pratique
3.1. Allégations des produits de soin
3.1.1. Produits hydratants
3.1.2. Produits anti-âge
3.1.3. Produits destinés aux peaux à tendance acnéique
3.1.4. Produits destinés aux peaux sensibles
3.1.5. Produits hypoallergéniques et testés sous contrôle dermatologique
3.1.6. Produits amincissants et « anticellulite »
3.1.7. Produits capillaires « antichute »
3.1.8. Produits de soin et d’hygiène bucco-dentaire
3.2. Allégations des produits de protection solaire
3.3. Allégations des produits naturels et biologiques
3.4. Cas des allégations « sans »
3.4.1. Conformité aux critères communs
3.4.2. Cas des « sans parabènes »
3.4.3. Cas des « sans conservateur »
3.5. Autres allégations particulières
3.5.1. Allégation « nouveau »
3.5.2. Allégations environnementales
3.5.3. Allégations faisant référence à des actes médicaux ou chirurgicaux
3.5.4. Allégations faisant référence à des mécanismes d’action
4. Soutien des allégations
4.1. Les méthodes principales de tests
4.1.1. Evaluation sur des volontaires
4.1.2. Evaluation ex-vivo et in-vitro
4.2. Principes généraux des tests
4.3. Principes méthodologiques des tests
4.3.1. Premier principe
4.3.2. Second principe
4.3.3. Troisième principe
4.3.4. Quatrième principe
4.4. Communication des résultats
III. Réglementation des produits cosmétiques et des allégations dans le monde
1. Réglementation américaine
1.1. Définitions et généralités
1.2. Réglementation des allégations
2. Règlementation canadienne
2.1. Définitions et généralités
2.2. Réglementation des allégations
3. Réglementation japonaise
3.1. Définitions et généralités
3.2. Réglementation des allégations
IV. Conclusion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE