Généralités sur la récolte de microalgues

Généralités sur la récolte de microalgues

De nombreuses revues ont été publiées sur la récolte de microalgues (Shelef et al., 1984; Molina Grima et al., 2003; Uduman et al., 2010; Ghernaout et al., 2010; Pragya et al., 2013; Pahl et al., 2013). De nouvelles études sortent régulièrement sur ce sujet, mais il est parfois oublié de rappeler certaines généralités sur cette étape de la filière microalgale. Ceci peut mener à quelques incompréhensions ou mauvaises interprétations des travaux. Cette section permettra à chacun de s’approprier le vocabulaire et les notions utilisés dans cette étude.

Dans la chaine globale de production de métabolites d’origine algale, la récolte se situe entre l’étape de culture et celle d’extraction/fractionnement . Il faut noter que certains procédés permettent de s’affranchir de l’étape de récolte. Le « milking » permet par exemple de grouper les phases de récolte et d’extraction lors de la production de certaines molécules d’intérêt (Hejazi et al., 2004; Malcata, 2011). Ce dernier n’est pas étudié dans ce manuscrit, mais le lecteur peut se référer aux études citées pour plus d’informations. Pour simplifier le propos, le terme « récolte » désigne dans ce manuscrit l’action de concentrer la matière algale par séparation de phases et conservation de la phase la plus concentrée en algues. Il s’agit de concentrer une suspension d’algues diluées (0.01% à 0.40% de matière sèche selon le système de culture) pour obtenir une pâte algale contenant de 5% à 25% de matière sèche. Selon les algues, les procédés de récolte utilisés et le taux de matière sèche de la pâte souhaité, la récolte nécessite une ou plusieurs étapes de séparation .

Dans le cas d’une récolte à plusieurs étapes, on parle selon les auteurs d’étape de préconcentration ou de récolte ou d’épaississement après laquelle on obtient une boue algale encore liquide (2 à 7% de matière sèche), suivie d’une étape de déshydratation qui permet d’obtenir une pâte algale humide (15 à 25% de MS). Selon les besoins, il est ensuite possible de sécher la pâte algale pour obtenir un solide sec et éviter notamment la dégradation de certains métabolites. Actuellement, plus le taux de matière sèche obtenu est grand, plus les coûts d’extraction, de purification et autres procédés avals seront réduits. Il est nécessaire d’obtenir des concentrations d’au moins 20 g/L de matière sèche pour l’application des techniques actuelles d’extraction, alors que les cultures ne dépassent rarement des concentrations en matières sèches de 2 g/L quel que soit le réacteur utilisé (Sing et al., 2013).

Les chercheurs s’accordent à dire que la récolte représente aujourd’hui, selon les techniques utilisées, de 20 à 40% du bilan énergétique et économique de la filière de production de biomasse algale. Les coûts d’investissement sur les équipements de récolte sont généralement élevés notamment lorsque les algues sont cultivées en solutions salines (Pahl et al., 2013).

Pour permettre aux algues d’investir le secteur énergétique notamment, le poste récolte doit être fortement réduit. Cette étape clé, dépendante des étapes de culture (type de réacteurs, concentration en algues), conditionne fortement l’étape d’extraction de par la concentration en matière sèche obtenue dans la phase concentrée (DOE, 2010). Du fait de l’impact stratégique de cette étape, les procédés de récolte sont pour la plupart tenus secrets par les entreprises du secteur. Les faibles concentrations avant récolte, le potentiel zêta, la mobilité et la taille des algues sont autant de paramètres compliquant les opérations de récolte et justifiant les coûts afférents (Ghernaout et al., 2010). L’ordre de grandeur des microalgues (2 à 50 µm), leur différence de densité avec le milieu (faible dans le cas d’algues chargées en huile comme Dunaliella salina) et parfois leur mobilité ne permettent pas par exemple, d’atteindre des vitesses de décantation suffisantes. Leur potentiel zêta généralement négatif, −10 à −35 mV selon Henderson et al. (2008), entraîne le développement de forces de répulsions intracellulaires qui stabilisent la suspension (Shelef et al., 1984).

Les diversités morphologiques, dimensionnelles et physiologiques en fonction des espèces de microalgues ou des conditions de culture et de l’âge de la culture d’une même espèce n’ont pas permis la standardisation d’un procédé de récolte. Golueke & Oswald (1965) avaient anticipé que chaque cas serait pratiquement unique. Les critères de choix permettant la validation du type de procédé utilisé sont divers : coûts, valeur ajoutée des produits, physionomie de l’algue, débit à traiter, conservation des propriétés de la biomasse, siccité finale visée, régulation du procédé, caractéristiques du milieu de récolte (Brennan & Owende, 2010). On peut classer les procédés de récolte en deux grandes catégories, ceux où la séparation s’appuie sur une différence de masse volumique (sédimentation § 2.4, centrifugation § 2.5, flottation § 2.6), et ceux qui pratiquent la séparation par exclusion (filtration § 2.7, adsorption § 2.8). Avant certaines séparations, il peut être nécessaire de déstabiliser la suspension algale. Cette déstabilisation peut être le fruit d’une pré oxydation de la suspension (§ 2.2), d’une floculation assistée (Coagulation-floculation chimique § 2.3.2, Électrocoagulation § 2.3.4, Électrofloculation § 2.3.5) ou d’une floculation naturelle (Biofloculation – Autofloculation § 2.3.3). Tous ces procédés sont plus ou moins énergivores et conduisent à des taux de matière sèche différents. Il n’est pas présenté dans ce manuscrit de données comparatives, car il est compliqué de recenser des études réalisées selon les mêmes critères. Une interprétation trop rapide de ces comparaisons peut mener à des conclusions erronées. Le lecteur peut s’il le souhaite se référer à l’article de Pahl et al. (2013) qui propose ce type de comparaison.

Pré-oxydation des algues

La pré-oxydation (à l’ozone par exemple) n’est pas un procédé de récolte en soit, c’est un facilitateur de récolte. Elle déstabilise la suspension algale (Ghernaout et al., 2010; Chen et al., 2009), ce qui est nécessaire notamment avant floculation (Hogg, 2000). En traitement des eaux, la séparation des algues est souvent précédée d’une étape de préozonation pour améliorer les taux de séparation (Dowbiggin & Singer, 1989; Edwards & Benjamin, 1992; Edzwald & Paralkar, 1992; Henderson et al., 2008). Cette pré-oxydation permet d’agir sur l’architecture externe des algues, elle peut endommager les flagelles et ainsi réduire le mouvement naturel des algues (Petrusevski et al., 1996). Elle peut aussi provoquer la sécrétion chez certaines algues d’exsudat coagulant comme la chitine. Cette pré-oxydation peut être couplée avec une flottation (Betzer et al., 1980). Une étude d’épuration des eaux a montré que la non immobilisation par pré-oxydation des algues pouvait réduire fortement le taux de récupération par flottation (Markham et al., 1997). Cette étude portait sur Volvox qui est de taille apparente bien plus importante que Dunaliella salina (même ordre de grandeur pour les cellules, mais pour Volvox ces dernières évoluent en colonies qui peuvent atteindre 2 mm). La pré-ozonation peut aussi être bénéfique lors d’une filtration directe (Ferguson et al., 1995). Il faut noter que dans tous les cas, un surdosage d’oxydant peut entrainer la lyse des cellules et ainsi ne pas faciliter l’opération de récolte (Chen et al., 2009). Liu & Bourne (1999) montrent qu’après une destruction de flagelles, Dunaliella salina régénère rapidement ces derniers et commence à retrouver sa mobilité après environ 90 min (Figure 2.2). La récolte doit donc s’effectuer dans un délai très court après l’oxydation.

Coagulation-floculation

La coagulation consiste en l’ajout d’un composé chimique, baptisé pour l’occasion « coagulant », dans l’optique de conditionner les matières en suspension, les colloïdes ou certaines matières dissoutes pour d’autres opérations unitaires telle que la floculation par exemple. La floculation consiste en l’agrégation des composés déstabilisés pour former des structures de taille apparente plus importante, baptisées « flocs ». Dans le cas de l’ajout ou de la formation de coagulants ou de floculants, il est nécessaire que ces derniers ne perturbent pas les étapes avales (extraction, raffinage,…) du procédé, qu’ils soient bon marché, non toxiques et efficaces à faible concentration. La coagulation-floculation s’intègre dans des procédés de récoltes en plusieurs étapes. Elle peut être utilisée en préliminaire d’une étape de sédimentation, de centrifugation, de flottation ou de filtration. Pour obtenir des vitesses de sédimentation satisfaisantes par exemple, la taille apparente des flocs algaux doit excéder 100 µm (Edzwald, 1993), d’où la nécessité d’intégrer une phase de coagulation-floculation.

La coagulation-floculation de microalgues peut être initiée de différentes manières. Pour certaines algues et sous certaines conditions de culture, la floculation peut survenir de manière naturelle, on parle alors de biofloculation (§ 2.3.3.1) ou d’autofloculation (§ 2.3.3.2). Mais la plupart du temps elle nécessite une intervention humaine avec l’ajout de coagulants-floculants inorganiques ou organiques (§ 2.3.2), ou par électrocoagulation (§ 2.3.4) et électrofloculation (§ 2.3.5).

Avant de décrire plus précisément chacune des méthodes précédemment citées il est nécessaire de bien appréhender les mécanismes mis en jeu lors de la déstabilisation d’une suspension.

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Table des matières

Introduction générale
1 Contexte de l’étude
1.1 La filière microalgale
1.2 Dunaliella salina, une matière première à fort potentiel
1.3 Objectifs généraux et démarche scientifique de l’étude
2 État de l’art sur la récolte des microalgues
2.1 Généralités sur la récolte de microalgues
2.2 Pré-oxydation des algues
2.3 Coagulation-floculation
2.4 Sédimentation gravitaire
2.5 Centrifugation
2.6 Flottation
2.7 Filtration
2.8 Adsorption
2.9 Autres techniques de récolte
2.10 Séchage
2.11 Procédés brevetés de récolte de microalgues
2.12 Choix des procédés de récolte étudiés dans la présente étude
3 Mise au point de la plateforme analytique
3.1 Évaluation de la salinité
3.2 Comptage cellulaire
3.3 Spectrophotométrie
3.4 Caractérisation du ratio caroténoïdes/chlorophylles
3.5 Évaluation de la matière sèche
3.6 Caractérisation du pH dans les solutions hypersalines
3.7 Chromatographie ionique – Dionex
3.8 Évaluation du caractère hydrophobe des microalgues
3.9 Macrophotographie .
3.10 Conservation des échantillons avant analyse
4 Culture de Dunaliella salina
4.1 Souches de Dunaliella salina
4.2 Milieux de culture
4.3 Milieu nutritif de Conway
4.4 Mise en place de la plateforme de culture en laboratoire
4.5 Procédure de suivi des cultures en laboratoire
4.6 Maturation des cultures
4.7 Culture extérieure de D. salina sur le site de Gruissan
5 Récolte de D. salina sans déstabilisation assistée de la suspension
5.1 Évaluation des performances de récolte
5.2 Centrifugation de Dunaliella salina
5.3 Sédimentation gravitaire
5.4 Flottation naturelle et flottation assistée sans déstabilisation
5.5 Conclusions sur la récolte sans déstabilisation
6 Déstabilisation assistée de la suspension algale
6.1 Coagulants-floculants organiques – cas du chitosane
6.2 Propriétés hydrophobes de D. salina à très hautes salinités
6.3 Floculation induite par modification assistée du pH
6.4 Conclusion
7 High-pH-induced flocculation-flotation of D. salina
7.1 Introduction
7.2 Background on pH-induced flocculation
7.3 Materials and methods
7.4 Results and discussion
7.5 Conclusions
7.6 Reprise des conclusions et perspectives
8 Caractérisation de la récolte de D. salina par autofloculation-flottation
8.1 Modélisation des équilibres ioniques en milieux hypersalins
8.2 Influence de la quantité de base et mécanisme d’autofloculation-flottation
8.3 Influence des conditions d’injection de la base
8.4 Influence de la base utilisée pour déstabiliser la suspension algale
8.5 Influence de la concentration en calcium des eaux de culture
8.6 Influence de la salinité des eaux de culture
8.7 Influence de la préparation des eaux de culture
8.8 Influence de la souche de D. salina récoltée
8.9 Influence de l’état de carence en azote sur la récolte
8.10 Conclusions sur la récolte par autofloculation-flottation
9 Récolte semi-industrielle de D. salina par autofloculation-flottation
9.1 Pilote de flottation
9.2 Plateforme de récolte sur le site de démonstration semi-industriel
9.3 Récolte semi-industrielle de Dunaliella salina
9.4 Conclusions et perspectives sur la récolte semi-industrielle
Conclusion

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