Généralités sur la réaction alcali-silice

La réaction alcali-silice a été découverte dans les années 40 aux États-Unis par Stanton [78]. Elle est également présente dans de nombreux pays, dont la France depuis la fin des années 70. Les recommandations françaises pour limiter l’occurrence de la réaction alcali-silice dans les nouveaux ouvrages ont été établies par le LCPC entre 1991 et 1994 [49]. Cette réaction endogène du béton touche une part modeste des ouvrages en béton, mais peut avoir des conséquences importantes pour des ouvrages dont les propriétés mécaniques et les dimensions doivent impérativement être stables dans le temps (barrages, ponts). Les premiers modèles ont été proposés dans les années 50, et la compréhension des mécanismes réactionnels et d’endommagement a progressé avec la qualité des moyens expérimentaux d’observation des bétons affectés. La réaction alcalisilice est aussi appelée alcali réaction. C’est la principale réaction d’un groupe de réactions appelées réactions alcali-granulats ou RAG, qui contient également la réaction alcali-carbonate et la réaction alcali-silicates [35, 90]. On n’étudie ici que l’alcali-réaction, que l’on appellera parfois RAG par extension, et qui est en général appelée alkali silica reaction (ASR) en anglais.

Les recherches sur la réaction alcali-silice ont permis d’accumuler une quantité considérable d’observations expérimentales, qui sont interprétées pour comprendre les mécanismes réactionnels en jeu et proposer des modèles. Cependant, certains points ne font pas consensus. De nombreux aspects de ce phénomène compliquent sa compréhension et sa modélisation, tels que la nature hétérogène du béton, l’immense variété de granulats utilisés et de leur minéralogie, et la multiplicité des réactions chimiques possibles dans un environnement complexe. Dans la première partie, nous présentons ce qui semble être admis par la plupart des chercheurs travaillant sur l’alcali-réaction. Nous ferons ensuite un tour d’horizon des mécanismes proposés historiquement pour l’alcali-réaction, et expliquerons le mécanisme que nous retenons comme fondement de notre réflexion. Nous exposerons ensuite les caractéristiques importantes de cette réaction du point de vue de la modélisation mécanique, comme les propriétés des gels d’alcali-réaction, l’effet de la réaction sur les propriétés mécaniques des bétons attaqués, et enfin les caractéristiques anisotropes des dégradations dues à cette réaction.

Généralités sur la réaction alcali-silice

Trois conditions sont nécessaires pour que la réaction alcali-silice se produise :
– le béton contient des granulats réactifs ;
– le taux d’humidité relative du béton est important, à partir 80-85 %, dû à la présence d’eau de gâchage ou à un apport d’eau externe pendant la durée de vie de l’ouvrage ;
– le béton contient une quantité importante d’ions alcalins, dont l’origine est le ciment utilisé en général, parfois les granulats ou l’eau.

La réaction alcali-silice est visible extérieurement à cause d’un schéma de fissuration assez caractéristique en surface des éléments attaqués, pouvant s’accompagner de produits de réactions coulant hors des fissures. On observe également des gonflements macroscopiques sur les structures attaquées. Pour ce qui est des propriétés mécaniques, la résistance à la traction est diminuée, tandis que la résistance à la compression est peu affectée. Les modules d’élasticité diminuent. À l’échelle microscopique, un réseau de microfissures apparaît autour et dans les granulats réactifs. Des gels amorphes, fabriqués dans les granulats réactifs et dans leur voisinage, gonflent et sont responsables de l’apparition des fissures à l’échelle microscopique. On observe parfois une accumulation de certains produits à la surface des granulats réactifs couramment appelée « reaction rim » et la décohésion des granulats de la pâte de ciment qui les entoure.

Mécanismes réactionnels et de gonflement

On commence par un tour d’horizon des modèles qui ont posé les fondements de la compréhension des mécanismes réactionnels. Ensuite, on détaillera un modèle qui se situe dans la lignée des précédents et semble bien décrire les observations expérimentales, et on expliquera brièvement le phénomène d’effet de taille de granulat.

Le modèle de Powers et Steinour

Dès 1955, Powers et Steinour proposent un mécanisme réactionnel assez élaboré, prenant en compte le rôle supposé des ions calcium, et résument l’état de la recherche sur la réaction alcali-silice [67, 68]. Ils font la remarque que : « The various papers pertaining to the cementaggregate, or alkali-aggregate, reaction that have now been published represent an impressive body of research. In spite of this, the chemistry and physics of the phenomena have by no means been fully worked out ». On peut dire qu’après presque soixante années de recherches sur le sujet, la situation semble assez similaire en ce qui concerne certains points de compréhension de la réaction qui ne sont pas tranchés. Leur explication de la RAG est que les granulats réactifs sont attaqués par les ions hydroxydes alcalins (sodium et potassium) qui, tirant parti des défauts dans la structure du réseau de silice et d’oxygène qui forme les roches siliceuses, arrivent à pénétrer cette structure, ce qui conduit à son affaiblissement et à la dissolution d’une partie de la silice. Le précipité qui devrait se former, à l’équilibre, en présence de silice, d’ions alcalins et d’ions calcium, devrait être un précipité calco-silico-alcalin non gonflant. Cependant, les temps de transport des ions silice et la faible solubilité des ions calcium à pH élevé, entraînent la formation de complexes composés de silice et alcalins seulement, ce qui provoque un gonflement. Le gonflement du gel est selon eux dû à l’absorption d’eau après la fabrication du gel, non au fait que le produit est de volume dépassant celui des réactifs consommés. Wang et Gillott, qui ont proposé un mécanisme réactionnel prenant en compte le rôle du calcium [89], se situent dans la continuité des idées de Powers et Steinour [67, 68].

Mécanisme topo-chimique de Dent-Glasser et Kataoka

Attaque chimique des granulats 

Le mécanisme réactionnel de Dent-Glasser et Kataoka [16] est très souvent cité dans la littérature mais n’apporte pas d’avancées considérables par rapport à celui de Powers et Steinour. Il introduit tout de même l’idée que les ions hydroxydes attaquent les granulats avant les ions alcalins. Les ions hydroxydes brisent les ponts siloxanes, qui sont formés d’un atome d’oxygène faisant le lien entre deux atomes de silice, et sont très importants pour la structure de la roche. Les atomes d’hydrogène forment également des liaisons avec les atomes d’oxygène du réseau ne reliant pas deux atomes de silice, et sont donc en quelque sorte des faiblesses du réseau. La présence des atomes d’hydrogène dans le réseau crée une accumulation de charges négatives qui attire les ions alcalins, chargés positivement. Ce modèle a cependant le défaut de ne pas mentionner les ions calcium, dont l’influence sur l’expansion est attestée expérimentalement. Dent-Glasser et Kataoka ont ensuite proposé un mécanisme réactionnel plus complet [17] où les ions calcium provenant de la portlandite de la pâte de ciment sont considérés. Ils remarquent que des gels de silice plongés dans diverses solutions contenant des alcalins et de la portlandite sont parfois recouverts d’une couche d’un précipité ressemblant à des C-S-H. En l’absence d’agitation, il se forme parfois des excroissances de gel à travers la couche de C-S-H. Ce modèle a ensuite été repris par Poole [66], qui y ajoute des explications sur le rôle du calcium. Les ions calcium sons supposés pénétrer dans le granulat attaqué après les ions alcalins et les remplacer dans la place qu’ils ont prise dans le réseau attaqué, où ils équilibrent localement la charge. La portlandite de la pâte de ciment est la source d’ions calcium, mais également d’ions hydroxydes.

Mécanisme de gonflement

Dans les modèles que l’on vient de présenter, le gonflement du gel est dû à l’absorption d’eau provenant de la solution interstitielle du béton par le gel. Les différences de concentration de certains ions entre l’intérieur du gel et la solution interstitielle engendrent une pression d’imbibition responsable de la migration d’eau vers l’intérieur du gel. Le fait que l’eau se déplace pour équilibrer la présence d’ions dans le gel qui se situe dans les granulats plutôt que l’inverse est expliqué par la formation d’une membrane semi-perméable à la surface du granulat qui freinerait la diffusion des ions, et par les propriétés rhéologiques du gel et son insolubilité dans l’eau, qui l’empêchent de sortir du granulat. La membrane-semi perméable est détruite en cas de fissuration du granulat sous pression du gel qui gonfle à l’intérieur, et permet alors l’écoulement du gel vers l’extérieur du granulat où se trouvent des zones de porosité plus importantes (auréole de transition, ou Interface Transition Zone décrite par exemple par Ollivier [63]) et de l’espace créé par l’avancée de fissures.

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Table des matières

Introduction générale
I La réaction alcali-silice
Introduction
1 Bibliographie sur la RAG
1.1 Introduction
1.2 Généralités sur la réaction alcali-silice
1.3 Mécanismes réactionnels et de gonflement
1.4 Notre vision des mécanismes réactionnels en jeu
1.5 Caractéristiques mécaniques de la RAG
1.6 Conclusion
2 Généralités de modélisation de la RAG
2.1 Introduction
2.2 Modélisation chimie-transport de la RAG
2.3 Modélisation micromécanique de la RAG
2.4 Modélisation mécanique à l’échelle macroscopique
2.5 Conclusion
Conclusion
Bibliographie
II Théorie
Introduction
3 Bibliographie sur l’homogénéisation
3.1 Introduction
3.2 Le volume élémentaire représentatif
3.3 Les tenseurs de localisation
3.4 La démarche de microporomécanique
3.5 Résultats théoriques
3.6 Estimateurs de micromécanique
3.7 Conclusion
4 Comparaison d’estimateurs à des calculs par EF
4.1 Introduction
4.2 Formulation variationnelle en déformations planes
4.3 Détermination des propriétés moyennes
4.4 Microstructures considérées
4.5 Taille de VER par l’approche de Kanit
4.6 Rappel des estimateurs
4.7 Comparaisons simulations-estimateurs
4.8 Conclusion
5 Critère énergétique de fissuration
5.1 Introduction
5.2 Critères de rupture fragile
5.3 Critère de Francfort-Marigo en gonflement libre
5.4 Conclusion
6 Énergie d’un milieu poreux
6.1 Introduction
6.2 Milieu élastique troué
6.3 Matériau poreux homogène équivalent
6.4 Milieu continu poreux hétérogène
6.5 Conclusion
7 Granulométrie et symétrie
7.1 Introduction
7.2 Détail des différents problèmes nécessaires à l’application du critère de rupture
7.3 Critère de Francfort-Marigo en microporomécanique
7.4 Exemples de fissuration
7.5 Conclusion
Conclusion
Bibliographie
III Application à la réaction alcali-silice
Introduction
8 Idées retenues pour le modèle
8.1 Introduction
8.2 Description du béton avant la fissuration
8.3 Description de la fissuration
8.4 Définition des familles de grains
8.5 Conclusion
9 Homogénéisation d’un béton atteint de la RAG
9.1 Introduction
9.2 Application à notre problème de RAG
9.3 Calcul concret des propriétés homogénéisées
9.4 Critères d’interpénétration des surfaces fissurées
9.5 Conclusion
10 Énergie d’un béton atteint de la RAG
10.1 Introduction
10.2 Rappel des expressions de l’énergie potentielle
10.3 Calcul des pressions et énergie
10.4 Élasticité non drainée, précontrainte chimique
10.5 Calcul des contraintes et des déformations macroscopiques pour les différents cas de chargement
10.6 Conclusion
11 Application du modèle de fissuration pour la RAG
11.1 Introduction
11.2 Explication de l’algorithme
11.3 Déformation imposée
11.4 Contrainte imposée
11.5 Étude de l’essai de Multon
11.6 Identification des paramètres sur les essais de Multon
11.7 Discussion sur le fonctionnement de notre modèle
11.8 Conclusion
Conclusion

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