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Le Facteur Rhumatoïde IgA
Du fait de leur hétérogénéité et de leur variété d’actions, les isotypes des facteurs rhumatoïdes ont été depuis longtemps étudiés avec attention, dans la volonté de déterminer le marqueur le plus pertinent pour le diagnostic et le pronostic des patients atteints de PR.
Bien que le facteur rhumatoïde IgM soit le plus fréquemment détecté dans le sérum des patients, l’isotype IgA a été décrit depuis 1987 comme étant un marqueur de mauvais pronostic tant sur l’évolution structurale, que sur l’apparition de manifestations extra articulaires (28).
Le FR-IgA a été découvert dès les années 1960 dans le sérum des patients atteints de PR (29).
Tout comme les FR-IgM, il n’est pas spécifique de la polyarthrite rhumatoïde et on peut le rencontrer dans le lupus ou le syndrome de Gougerot Sjögren.
Intérêt physiopathologique
Des travaux portant sur l’immunité ont démontré qu’il existait une différence structurelle et fonctionnelle entre le système immunitaire local, situé dans les muqueuses, et le système immunitaire systémique. En effet, il existe une différence entre le taux d’IgA sécrété dans le sérum et dans les muqueuses. Celui-ci représente 70% de toutes les Ig produites dans les secrétions chez les mammifères tandis qu’il est en quantité faible dans le sérum (30).
L’immunité des muqueuses respiratoires est largement médiée par les IgA et constitue une barrière de défense contre les micro-organismes en contact directs avec celles-ci, en association avec les cellules cillées bordant l’épithélium bronchique.
Le BALT (bronchus-associated lymphoid tissue) est un tissu lymphoïde associé aux bronches permettant une circulation des lymphocytes présentant un tropisme muqueux appelé « homing ». Ces sites représentent un lieu d’interaction privilégié entre les cellules B et les cellules endothéliales de la lamina propria par l’intermédiaire de molécules d’adhésion cellulaire (mal connues pour le poumon).
Il existe une très large spécificité des IgA polyclonales pour les agents infectieux, avec notamment une « exclusion immune » dans la lumière de la muqueuse via l’inhibition de l’adhésion des bactéries dans l’épithélium. Elle peut également agglutiner les pathogènes et activer les leucocytes qui expriment le récepteur Fc alpha (31).
Bien que l’IgA soit principalement responsable de l’immunité des muqueuses, elle est aussi présente dans la circulation systémique sous forme de complexes immuns et contribue à la destruction de tissus cibles comme les articulations (32) (notamment en activant les neutrophiles via son récepteur FcαRI).
Les pathologies induites par le déficit en IgA sont un reflet de l’importance de son rôle dans l’immunité. Bien que les mécanismes physiopathologiques sous tendant ces observations ne soient pas encore bien connus, l’observation d’une prédisposition à une atopie, à des infections récurrentes digestives, des maladies néoplasiques ou encore auto-immunes, démontrent l’importance de son action.
La surface muqueuse de l’organisme est estimée à 400 m2 dont 100 m2 sont rattachés au tractus respiratoire. L’implication de l’immunité médiée par les IgA et son lien avec l’apparition de pathologies respiratoires prend alors toutes ses dimensions (33). D’autant que de multiples travaux soulèvent l’origine muqueuse de la PR du fait de la production d’anti-CCP IgA mais également de FR IgA (34–37).
Intérêt clinique
Plusieurs études ont noté que les FR-IgA avaient une meilleure valeur prédictive que les FRIgM pour la progression radiologique de l’atteinte articulaire (38–41). Dans le cadre de la cohorte Normande VErA qui a recruté des patients atteints de rhumatismes inflammatoires débutants (PR et rhumatismes inclassés) naïfs de DMARDS, les FR-IgA présents au début de la maladie, constituent un marqueur associé à l’apparition d’érosions osseuses (atteinte structurale) à 2 ans d’évolution du rhumatisme (42). De plus, il est communément admis que les auto-anticorps tels que le facteur rhumatoïde sont présents dans le sérum des patients des années avant la survenue de la maladie. En effet, le FR-IgA apparaît plus précocement que les autres isotypes dans le sérum des patients à la phase pré-clinique de la PR (43). Une autre étude a également retrouvé les FR-IgA bien avant les premières manifestations de la maladie, sans avoir toutefois la spécificité des anti-CCP pour prédire le risque de survenue de la PR (44).
En 1995, Jónsson T et al ont également mis en évidence une association significative entre les manifestations extra-articulaires et la présence d’un titre élevé de FR-IgA (45). A ce titre, Jorgensen et al ont montré qu’il existait une augmentation de la prévalence du syndrome sec chez les patients ayant des FR-IgA dans leur sérum. Cette observation laisse à penser qu’il y a une possible connexion avec le syndrome de Gougerot Sjogren, pathologie très fréquemment associée à la présence des facteurs rhumatoïdes (46). Comme nous l’avons vu, le tabagisme semble avoir un lien étroit avec la production des ACPA; il pourrait également y avoir une corrélation avec l’élévation des titres des facteurs rhumatoïdes et notamment ceux de classe IgA.(47).
Les données de la littérature sont discordantes concernant le lien entre le FR-IgA et son implication dans l’activité de la PR. Il semblerait que son association avec d’autres autoanticorps de la PR soit un argument en faveur d’un mauvais pronostic. À notre connaissance, aucune étude ne s’est attachée à analyser le lien entre la présence et/ou les taux de facteur rhumatoïde IgA et l’atteinte des voies aériennes dans la PR.
Manifestation extra articulaire de la PR : l’atteinte pulmonaire
Les manifestations extra-articulaires sont présentes chez 40 à 50% des patients atteints de PR (6). Elle revêt des caractéristiques variées allant de la vascularite au syndrome de Gougerot Sjögren secondaire.
Cependant, les complications liées à l’atteinte bronchopulmonaire sont à l’origine de 10 à 20% de la mortalité associée à la PR, ce qui en fait donc un facteur important à contrôler et à connaître (48).
Epidémiologie
Le terme d’atteinte pulmonaire dans la polyarthrite rhumatoïde regroupe un ensemble hétérogène qui concerne à la fois les voies aériennes supérieures, le parenchyme, les bronches et bronchioles, mais aussi la plèvre et la vascularisation pulmonaire. Nous nous limiterons dans ce travail au compartiment parenchymateux ainsi qu’aux localisations bronchique et bronchiolaire du fait de leur fréquence et de leur sévérité potentielle.
De ces atteintes découle une morbi-mortalité importante (50). En effet, un travail de 2010 portant sur une cohorte américaine évaluait un risque de décès relatif multiplié par 3 chez les patients présentant une pneumopathie interstitielle, comparativement aux patients indemnes. En effet, la médiane de survie après le diagnostic d’atteinte pulmonaire était de 2,6 ans, ce qui est loin des estimations de survie pour une même population de même âge (51).
De plus, il existe également des atteintes pulmonaires attribuées aux thérapeutiques utilisées comme traitement de fond dans la PR, ou encore liées à des infections opportunistes du fait de l’immunodépression induite, compliquant de ce fait l’identification de ces pathologies et leur prise en charge.
La première description d’une atteinte pulmonaire de la PR remonte à 1948 par Ellman and Ball (52) qui rapportent 2 cas de manifestations typiques de PR associée à des manifestations pulmonaires confirmées par l’autopsie.
Malgré un enjeu diagnostique et thérapeutique croissant, un consensus manque quant au dépistage et à la prise en charge des atteintes interstitielles de la PR, bien qu’il s’agisse de la manifestation extra-articulaire la plus fréquente (53). Des études randomisées et contrôlées sont nécessaires à l’établissement de recommandations, ce qui n’a pas été réalisé jusqu’alors du fait de difficultés méthodologiques.
La prévalence des atteintes pulmonaires a longtemps été sous-estimée du fait du manque de moyens sensibles à notre disposition pour l’évaluer. En effet, la radiographie thoracique ne permet pas d’acquérir une résolution suffisante pour son dépistage. A cet égard, 64% des patients présentant une PID à la tomographie à haute résolution (TDM- HR) n’ont pas d’anomalie visible sur la radiographie standard. Grâce à l’avènement de la TDM-HR, on estime aujourd’hui que 50 à 60% des PR se compliqueraient d’une PID, mais seulement 10% d’entre elles seraient symptomatiques (53). L’exacte prévalence reste tout de même sous-estimée du fait de l’absence d’indication claire à la réalisation d’un TDM thoracique dans le parcours de soins, de l’hétérogénéité des outils de détection utilisés ainsi que des populations étudiées.
Dans la pratique courante, la TDM thoracique est réalisée dans différentes circonstances à savoir lors de l’apparition de symptômes respiratoires, d’anomalies auscultatoires, en cas de doute sur la radiographie pulmonaire ou lors du bilan pré-biothérapie (s’il existe un tabagisme actif ou pour la recherche d’une atteinte tuberculeuse sous-jacente).
Par ailleurs, la quantification et la caractérisation des pneumopathies interstitielles sont complexes et très variables d’un lecteur à l’autre.
Manifestations cliniques
Les manifestations cliniques sont la plupart du temps frustes si bien qu’il existe déjà des dommages lésionnels avant les manifestations cliniques. Les symptômes se traduisent par une dyspnée, une toux sèche, ou des expectorations hémoptoïques dans de rares cas.
Bien que les atteintes extra articulaires tendent à diminuer du fait de l’amélioration de la prise en charge, notamment thérapeutique, l’incidence de l’atteinte pulmonaire tend à stagner.
Connaître les facteurs de risques d’apparition permettrait également d’introduire un arsenal thérapeutique plus précocement dans l’histoire de la maladie et ainsi en limiter son évolution.
Facteurs de risques
Une étude de séquençage de l’exome a montré que les patients présentant une PR-PID avaient en commun des mutations dans les gènes auparavant liés à la pneumopathie interstitielle familiale, notamment TERT, RTEL1, PARN, et SFTPC (54).
Plus récemment, un variant du promoteur MUC5B rs35705950, principal élément de susceptibilité génétique dans la FPI, a été identifié comme étant un facteur de risque de la PRPID et du pattern UIP en général, ce qui pourrait être utilisé afin de détecter une phase préclinique dans les PID. L’ensemble de ces données suggère qu’il existe une voie commune physiopathologique entre la FPI et la PR-PID (55).
Le tabagisme joue un rôle important dans le développement des anti-CCP et dans l’apparition d’une PID. En effet, Makrygiannnakis et al ont mis en évidence, dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire, un taux plus important de protéines citrullinées dans les poumons de patients fumeurs que chez les patients naïfs, indépendamment de la présence d’une PR. Il existait également une expression plus importante de la peptidylarginine deiminase 2 au niveau des bronches (54). La production d’anti-CCP serait donc favorisée par la citrullination induite par le tabagisme actif et une prédisposition génétique. Dans la cohorte de Solomon JJ et al le tabagisme était associé à une fréquence plus élevée du pattern FPI (55).
Certaines études font état également d’une association entre le niveau d’activité de la PR et l’apparition d’une PID. Les PR « séropositives » à la fois pour les anti-CCP mais aussi pour les facteurs rhumatoïdes sont communément associées au risque de développer une PID.
D’autres facteurs de risque ont également été décrits notamment l’âge, le sexe, et la fonction pulmonaire (56). La capacité pulmonaire semble la plus importante au regard du pronostic.
Dans l’étude de Solomon et al (55), l’atteinte de la fonction pulmonaire était fortement associée à une diminution de la survie. Parmi les paramètres physiques étudiés, les altérations de la capacité pulmonaire totale (CPT) et du transfert de l’oxyde de carbone (DLCO) étaient associées à une hausse de la mortalité.
De plus, Zamora-Legoff et al (57) ont démontré dans une analyse multivariée qu’une valeur basse de la DLCO associée à l’âge et à la durée de la PR étaient prédicteurs de la mortalité.
Ceci montre que la physiologie respiratoire a un impact plus important sur la survie que le pattern de la PID en lui-même.
Caractéristiques en imagerie
L’atteinte interstitielle de la PR fait partie du groupe des pneumopathies infiltrantes diffuses soumises à une classification radiologique. Celle -ci a été définie par l’American Thoracic Society (ATS) et l’European Respiratory Society (ERS) en 2002, actualisée en 2013, puis en 2018 dont les conclusions ont été résumées dans la figure 6. Le diagnostic de certitude des PID est le plus souvent histologique (par biopsie pulmonaire), mais l’imagerie scanographique à haute résolution a une place prépondérante dans l’approche diagnostique. La recherche étiologique des PID repose sur un faisceau d’arguments cliniques, anamnestiques, biologiques, anatomopathologiques et d’imagerie. Pris isolément chacun de ces critères ne permettent pas de poser le diagnostic. Ces 5 paramètres sont parfois mis en échec et l’évolution des lésions seules, sur les examens de contrôle, permet de se prononcer.
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Table des matières
I INTRODUCTION
A. Généralités sur la polyarthrite rhumatoïde
B. Mécanismes physiopathologiques
1. Facteurs génétiques
2. Facteurs environnementaux
3. Facteurs hormonaux
4. Auto-immunité
C. Le Facteur Rhumatoïde IgA
1. Intérêt physiopathologique
2. Intérêt clinique
D. Manifestation extra articulaire de la PR : l’atteinte pulmonaire
1. Epidémiologie
2. Manifestations cliniques
3. Facteurs de risques
4. Caractéristiques en imagerie
5. Diagnostic différentiel
II. OBJECTIF DE l’ETUDE
III. MATERIELS ET METHODES
A. Sélection des patients
1. Inclusion
2. Non-inclusion
3. Technique de dosage du FR-IgA
4. Définition de l’atteinte pulmonaire
B. Recueil des données
1. Données démographiques
2. Données rhumatologiques
3. Données pulmonaires
C. Analyse Statistique
IV. RESULTATS
A. Sélection des patients et caractéristiques de la population étudiée
B. Caractéristiques de la population en fonction du statut des FR IgA
C. Caractéristiques des atteintes bronchique et parenchymateuse dans la population étudiée
D. Caractéristiques des patients en fonction de leur atteinte pulmonaire « globale », bronchique ou parenchymateuse.
E. Etude de l’association entre l’atteinte pulmonaire et les différentes populations d’anticorps
selon leur titre ou leur positivité conjointe.
V. DISCUSSION
A. Résultats commentés du critère de jugement principal
B. Lien entre la positivité des FR IgA et les paramètres étudiés dans l’étude.
C. Lien entre l’atteinte pulmonaire et les paramètres étudiés dans l’étude
D. Limites et forces de l’étude
VI. CONCLUSION
VII. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
VIII. RESUME
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