Généralités sur la Peste
Définition
La peste est une maladie infectieuse des rongeurs qui peut être transmise à l’homme par la piqûre de puces infectées. Elle est due à une entérobactérie très virulente: Yersinia pestis.(Mollaret 1999) Le bacille de la peste est à l’origine d’une infection sérieuse et à évolution rapide et mortelle en l’absence de traitement antibiotique précoce (Stenseth et al. 2006). La bactérie Yersinia pestis a été décrite en détail pour la première fois par Alexandre Yersin en 1894, comme un «bacille court, trapu, à bouts arrondis, assez faciles à colorer par les couleurs d’aniline, et ne se teignant pas par la méthode Gram. Les extrémités de ce bacille se colorent plus fortement que le centre, de sorte qu’il présente souvent un espace clair en son milieu. Quelquefois, les bacilles paraissent entourés d’une capsule » (Yersin 1894). Elle appartient à la famille des Enterobacteriaceae, et le genre Yersinia regroupe deux autres espèces pathogènes pour l’homme, à savoir, Y. pseudotuberculosis et Y. enterocolitica (Duchemin 2007). La croissance de la bactérie de la peste est possible de 4 à 40°C mais la température optimale se situe entre 28 et 30°C (Chanteau 2006). Du point de vue génétique, le génome de Y. pestis consiste en un chromosome et trois plasmides: pYV (ou pCD), pFra (ou pMTI) et pPla (ou pCPI) (Duchemin 2007). Ces trois plasmides interviennent dans la virulence de la bactérie: pYV est retrouvé chez tous les Yersinia pathogènes et les deux derniers seulement chez Y. pestis, soupçonnés d’être impliqués dans la transmission par les puces.
Historique et distribution géographique
La peste sur le plan mondial
La peste est restée dans la mémoire collective comme un fléau dévastateur qui a fait des centaines de millions de victimes. L’histoire de la peste est retracée succinctement par trois pandémies majeures. La première pandémie, nommée peste de Justinien, a ravagé l’Asie, l’Afrique et l’Europe, entre les années 542 à 546. La maladie aurait infligé 100 millions de victime. La deuxième pandémie, dite « peste noire », apparut entre 1347et 1350 et fut suivie de nombreuses autres épidémies du XIVe au XVIIIe siècle en Europe, en Asie et en Afrique. Elle a décimé un tiers de la population européenne et serait responsable de 50 millions de morts (Carniel 2002). La troisième pandémie a débuté dans la province chinoise du Yunnan en 1855 et atteignit Canton puis Hong-Kong en 1894, et Bombay en 1898 (Guis 2003). L’Inde est le pays le plus sévèrement touché depuis l’épidémie de 1898, mais beaucoup de nouveaux foyers sont apparus dans les villes portuaires du monde entier grâce au développement du traffic et transit maritimes. C’est au début de cette pandémie que furent découverts l’agent étiologique, les modes de transmission et les moyens de contrôle. En effet, l’agent étiologique de la peste fut découvert grâce aux travaux d’Alexandre Yersin en 1894, à Hong- Kong. En 1898, Paul-Louis Simond met en évidence en Inde le rôle des puces des rats dans la transmission de la peste (Mollaret 1999) Cette découverte fut capitale dans la compréhension de l’épidémiologie et elle permit d’instaurer un programme de lutte plus efficace.
Actuellement, la troisième pandémie sévit encore. Si les progrès concernant les traitements antibiotiques et surtout l’assainissement des conditions de vie en général ont fait régresser la maladie (Tikhomirov 1999), plusieurs pays sont encore concernés par des épidémies de peste . Chaque année, de nombreux foyers naturels de la maladie provoquent chez l’homme des cas sporadiques et des épidémies. Les périodes dites silencieuses, au cours desquelles peu ou pas de cas sont enregistrés chez l’homme, peuvent faire croire que la peste a été éradiquée jusqu’à ce qu’une nouvelle épidémie survienne. Sur le continent américain, les USA, le Brésil, la Bolivie, l’Equateur et le Pérou sont touchés mais dans des proportions très différentes. En Asie, le Kazakhstan, la Mongolie, la Chine et l’Inde déclarent régulièrement des cas de peste. Le continent africain reste le plus grand foyer mondial. Plus de 90% de tous les cas y sont notifiés. Les pays africains qui notifient le plus de cas annuellement sont Madagascar, la République Démocratique du Congo, le Mozambique, l’Ouganda, et la Tanzanie. Madagascar est le pays où l’endémie est la plus forte (WHO 2006).
La peste est une des trois maladies de quarantaine à déclaration obligatoire, avec le choléra et la fièvre jaune. Elle est soumise au Règlement Sanitaire International et les cas humains doivent être notifiés à l’OMS (WHO 2006).
La Peste à Madagascar
Historique et origine de la peste à Madagascar
Actuellement, on admet que la peste a été introduite à Madagascar au cours de la troisième pandémie mondiale. Même si une origine ancienne, autochtone et indépendante de la pandémie mondiale a été discuté (Brygoo 1966). Des travaux de phylogéographie et phylogénie de Y. pestis ont confirmé l’hypothèse première d’une peste importée. Les souches de bactérie isolées à Madagascar sont du même «biovar» ou souche Orientalis qui a circulé pendant la troisième pandémie, débutant à Hong-Kong (Guiyoule et al. 1997; Duplantier et al. 2005). La peste a été décrite pour la première fois à Antananarivo en 1921 provenant du foyer de la côte Est (Brygoo 1966; Blanchy 1995). La peste a circulé dans plusieurs villes côtières dont Toamasina, ville portuaire, où le premier cas fut signalé en 1898. D’autres ports répartis dans toute l’île ont été touchés entre 1849 et 1947 mais les cas les plus importants ont été signalés dans le port d’Antseranana en 1899-1927 et Mahajanga entre 1901 et 1907 (Brygoo 1966). Depuis la capitale, la maladie s’est rapidement propagée sur l’ensemble des Hautes Terres Centrales . Elle est déclarée dans la région de Fianarantsoa à partir de 1932 et s’est propagé dans les principaux foyers endémiques actuels vers le Nord et le Sud (Brygoo 1966). De 1932 à 1935, la peste tuait, chaque année sur les Hauts-Plateaux plus de 3000 personnes (Andrianaivo 1982; Blanchy 1995).
Les efforts d’assainissement de l’environnement, le traitement antibiotique des malades et de leurs proches, les campagnes de vaccination et de lutte insecticide contre les puces ont permis de réduire considérablement l’incidence de la peste dans les zones touchées (Brygoo 1966; Blanchy 1995) .
Répartition géographique actuelle de la peste à Madagascar
Excepté le foyer historique du port de Mahajanga, la limite altitudinale supérieure à 800m des zones d’endémies pesteuses des Hautes Terres est encore admise. Cependant, de récents cas ont été signalés dans des zones inférieures à cette limite (Migliani et al. 2001; Ratsitorahina et al. 2002; Institut de Veille Sanitaire 2011). La répartition des zones d’endémie comprend un grand triangle central englobant Antananarivo et Fianarantsoa et ayant comme angles le lac Alaotra au nord, le lac Itasy à l’ouest, et Ambalavao au sud et un losange au nord, dans le massif du Tsaratanana (Guis 2003).
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Table des matières
I. INTRODUCTION
A. Introduction générale
B. Généralités
1. Généralités sur la Peste
1.1. Définition
1.2. Historique et distribution géographique
1.2.1. La peste sur le plan mondial
1.2.2. La Peste à Madagascar
1.3. Le cycle de transmission de la peste
1.3.1. La peste zoonotique
1.3.2. La peste humaine
1.4. L’écologie et les foyers naturels de peste
2. Généralités sur les puces
2.1. Biologie
2.2. Systématique
2.3. Morphologie générale
2.4. Les puces vectrices ou potentiellement vectrices de la peste
2.4.1. Rôle de la puce dans la transmission de la peste
2.4.2. Diversité des puces vectrices impliquées
II. MATERIELS ET METHODES
1. Collecte des puces sur le terrain
1.2. Présentation des sites d’études
1.3. Piégeage des hôtes micromammifères
1.4. Epouillage des micromammifères
2. Elevage des puces en insectarium
3. Les techniques d’extraction d’ADN
3.1. Technique d’extraction d’ADN avec broyage
3.1.1. 3.1.1. Réactifs
3.1.2. 3.2.2. Mode opératoire
3.2. Mise au point de la technique d’extraction non destructive
3.2.1. Principe
3.2.2. Comparaison des méthodes d’extraction
4. Travaux moléculaires
4.1. La technique de la Polymerase Chain Reaction (PCR)
4.1.1. Principe
4.1.2. Le mélange réactionnel ou «mix»
4.1.3. Les cycles de température
4.2. Mise au point de la PCR avec COI pour valider les méthodes d’extractions
4.2.1. Les «mix» des réactions PCR avec les amorces COI
4.2.2. Mises au point des conditions PCR
4.3. Mise au point de la PCR avec ITS2 pour l’amplification de l’ADN des puces de forêts
4.3.1. Composition de la réaction PCR
4.3.2. Mises au point des conditions PCR
4.4. Electrophorèse sur gel d’agarose
5. Gorgement artificiel
5.1. Mise point d’un dispositif de gorgement artificiel
5.2. Description des dispositifs essayés
5.3. Les conditions et paramètres des expériences de gorgement artificiel
6. Infection artificielle de puces avec des bactéries (Yersinia pestis) inactivées
6.1. Mise en place de l’infection artificielle
6.2. Détection par PCR de l’ADN de la bactérie Y. pestis
6.2.1. Extraction d’ADN non destructive et détection de l’ADN de la bactérie Y. pestis dans les puces gorgées
6.2.2. Mélange réactionnel et conditions PCR pour la détection de l’ADN de la bactérie Y. pestis
6.2.3. Extraction et détection d’ADN de la bactérie Y. pestis dans le sang
6.3. Vérification de la présence d’ADN dans les extraits
7. Détermination morphologique
III. RESULTATS
1. Résultats des captures sur micromammifères
2. Résultat de l’amplification par PCR des ADN extraits par la méthode non destructive avec les amorces COI
2.1. Résultats de la mise au point de l’extraction non destructive avec les puces d’élevage
2.2. Résultats de l’amplification des ADN de puces de forêt avec les amorces COI
3. Résultats des amplifications avec les amorces ITS2 chez les puces de forêts
4. Résultats des mises au point des gorgements artificiels
5. Résultats de l’infection expérimentale des puces avec Y pestis inactivée
5.1. Résultats des détections par PCR de l’ADN de Y. pestis
5.1.1. Détection de l’ADN de Y. Pestis dans le sang et dans l’aliquot de bactérie inactivée
5.1.2. Détection d’ADN de la bactérie Y. Pestis dans les puces gorgées
5.2. Vérification de la présence d’ADN dans les extraits par amplification avec les amorces CO1
IV. DISCUSSION
V. CONCLUSION