Depuis qu’il a été créé, l’Homme a toujours compté sur les ressources de son environnement pour sa survie. Les plantes, les animaux et les minéraux constituent les principales ressources naturelles utilisées par l’Homme pour la promotion, la prévention, le traitement et la réadaptation dans le domaine de la santé c’est à dire se soigner et lutter contre les maladies. En Afrique, comme sur les autres continents ces ressources ont été utilisées depuis des siècles et même des millénaires pour soulager les douleurs, panser les blessures et guérir les maux (OUA, 2001). En dépit des avancées scientifiques faites par la médecine moderne, l’Organisation Mondiale de la Santé estime que 80% de la population africaine a au moins eu une fois recours à la médecine traditionnelle en matière de soins de santé primaires (OMS, 2001). Cela peut s’expliquer par les réalités socioéconomiques et culturelles. En effet, l’utilisation des plantes depuis les ancêtres fait qu’elles entrent dans la culture des Hommes. Le faible revenu des populations pose un problème d’accessibilité aux structures de santé, aux spécialistes mais aussi aux spécialités pharmaceutiques. A cela s’ajoute le fait que certaines maladies ne peuvent être prises en charge par la médecine conventionnelle. Au Sénégal nous avons nos savoirs endogènes, nos traditions, nos cultures et parmi tout cela la médecine traditionnelle. Elle a soigné des générations avant nous et continuera ainsi. Elle constitue, dans certaines zones, la principale source de soins et représente l’ultime recours en cas d’échec de la médecine conventionnelle. C’est dans ce contexte que notre travail s’inscrit, il a pour but de permettre une meilleure connaissance de la médecine traditionnelle dans le département de Rufisque.
Définitions
Santé
L’OMS définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (OMS, 1946).
Maladie
La maladie est une altération de la santé, des fonctions des êtres vivants animaux et végétaux, en particulier quand la cause est connue (Larousse, 2017). C’est une altération de l’état de santé se manifestant par un ensemble de signes et de symptômes perceptibles directement ou non, correspondant à des troubles généraux ou localisés, fonctionnels ou lésionnels, dus à des causes internes ou externes et comportant une évolution (CNRTL, 2017).
Médecine
Ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordres mis en œuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités (Larousse, 2017). La médecine peut être définie comme la science et la pratique qui étudie l’organisation du corps humain (anatomie) et son fonctionnement normal (physiologie), et qui cherche à maintenir ou à restaurer la santé par la prévention (prophylaxie) et par le traitement (thérapie) de différentes pathologies (SIEP, 2017).
Tradition
La tradition désigne la transmission continue des légendes, de faits, de doctrines, de coutumes, d’usages, etc., sur un long espace de temps. C’est aussi une manière d’agir ou de penser transmise depuis des générations à l’intérieur d’un groupe (Larousse, 2017).
Médecine traditionnelle
C’est la somme de toutes les connaissances, compétences et pratiques reposant rationnellement ou non, sur les théories, croyances et expériences propres à différentes cultures et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physique et mentales (OMS, 2013).
Médecine traditionnelle dans le monde
L’usage de la médecine traditionnelle est très répandu et revêt une grande importance au niveau sanitaire et économique, en Afrique, en Asie, et en Amérique latine. Différents pays font appel à la médecine traditionnelle pour répondre à certains de leurs besoins au niveau des soins de santé primaires. En Afrique, jusqu’à 80% de la population a, au moins une fois, eu recours à la médecine traditionnelle (OMS, 2013). La médecine traditionnelle est ainsi très répandue dans toutes les régions du monde (OMS, 2013). En Australie, 750 000 personnes interrogées pour l’enquête sanitaire nationale en 2004/2005 avaient consulté un de ces spécialistes au cour des semaines précédentes. D’après une enquête réalisée en Chine, le nombre de consultations en médecine traditionnelle chinoise était de 907 millions en 2009, ce qui représente 18% de l’ensemble des consultations médicales dans les établissements interrogés ; le nombre de patient hospitalisés en MTC s’établissait à 13,6 millions, soit 16% du total sur l’ensemble des hôpitaux soumis à l’enquête. En république démocratique populaire du Laos, dans des zones rurales, qui totalisent 9113 villages, chaque village compte un ou deux tradipraticiens. Au total 18226 tradipraticiens délivrent une grande partie des services de santé à 80% de la population. D’après l’OMS le recours au long des siècles a un grand nombre de pratiques préconisées par la médecine traditionnelle et l’expérience transmise de génération en génération sont la preuve de l’innocuité et de l’efficacité de cette médecine. Cependant, il est nécessaire de procéder à des recherches scientifiques pour étayer ces constatations (OMS, 2013). C’est en 2002 que l’organisation mondiale de la santé a mis en place sa première stratégie globale de médecine traditionnelle, cette dernière avait pour but de décrire la situation de l’utilisation de la médecine traditionnelle dans le monde, en intégrant la médecine traditionnelle au système de soins de santé, de manière appropriée, en développant et en mettant en œuvre des politiques et programmes, en améliorant la sécurité, l’efficacité et la qualité de la médecine traditionnelle, en étendant la base de connaissances sur la médecine traditionnelle et en proposant des conseils sur la réglementation et les normes de qualité, et aussi en augmentant la disponibilité et l’accessibilité financière de la médecine, de manière appropriée, en faisant porter l’accent sur les populations pauvres. Depuis la publication de cette stratégie en 2002, l’OMS estime que beaucoup d’avancées ont été réalisées. Les pays sont de plus en plus nombreux à accepter progressivement la contribution que la médecine traditionnelle ou non conventionnelle peut apporter à la santé et au bien-être des individus ainsi qu’à la complétude de leur système de santé. Les pouvoirs publics et les consommateurs ne s’intéressent pas uniquement aux médicaments à base de plantes, ils commencent à se pencher sur certains aspects des pratiques de la médecine traditionnelle et à s’intéresser à certains praticiens et se demander s’ils ne devaient pas être intégrés à l’offre de services de santé. L’OMS a élaboré un nouveau document concernant sa stratégie pour la médecine traditionnelle pour 2014-2023, visant à consolider la base de connaissances de la médecine traditionnelle, formuler des politiques nationales et renforcer la sécurité, la qualité et l’efficacité par la réglementation et aussi promouvoir une couverture sanitaire universelle en intégrant les services de la médecine traditionnelle et l’auto prise en charge dans les systèmes de santé nationaux (OMS, 2013).
Médecine traditionnelle en Afrique
Raison du recours
Après avoir été longtemps réprimées, la médecine et la pharmacopée traditionnelle reviennent dans la conscience des autorités sanitaires des différents pays en faveur de l’avènement du système de soins de santé primaires. L’utilisation de la médecine traditionnelle est donc une pratique aussi vieille que l’histoire de l’humanité. La place de la médecine traditionnelle en Afrique est très importante dans les systèmes de santé. Le recours à la médecine traditionnelle fait partie de la vie quotidienne. Le malade fait confiance à cette médecine à travers laquelle il peut trouver ses propres représentations, il commence par se rapprocher de ce qu’il connait, de ce en quoi il croit. L’OMS estime que la médecine traditionnelle assure 80 à 90% des soins de santé en Afrique (OMS, 2002). Ce recours très répandu aux soins traditionnels s’explique par un certain nombre d’arguments. La médecine traditionnelle est insérée dans l’environnement socioculturel local, la personne qui l’exerce est appelée tradipraticienne. L’ONU a défini ce terme de tradipraticien pour réunir l’ensemble des appellations de ces acteurs de la santé en Afrique. Ce terme englobe à la fois des guérisseurs, des herboristes, des sorciers (OMS, 2013). Ce sont des personnes issues du peuple, parlant le même langage et vivant dans les mêmes conditions. Les soins se donnent la plupart du temps à domicile comme c’est le cas pour les accouchements et aussi la faiblesse des couts de ses soins et le déficit en infrastructures sanitaires dans les zones rurales font que la médecine traditionnelle, a une place primordiale dans le système de santé africain.
Acquisition du savoir traditionnel
L’acquisition et la transmission du savoir est un trait de caractère qui semble faire la particularité de la médecine traditionnelle vis-à-vis de la médecine moderne. Le savoir est avant tout un don de Dieu a un membre de la famille qui doit assurer sa perpétuation dans la famille. La médecine traditionnelle est un ensemble de savoirs et de savoir-faire, acquis par l’observation et l’expérience pratique, transmis de génération en génération par voie orale, rarement par écrit. En pratique, il faut considérer l’art traditionnel de soins, comme un ensemble de connaissances empiriques, acquises par l’une des voies suivantes (Konan, 2012):
➤ par la famille : père à fils, mère à fille
➤ par la relation d’alliance : belle-mère, beau-père, belle-sœur, mari coépouse, etc.
➤ par apprentissage de plusieurs années auprès de guérisseurs compétents en dehors du cercle familial.
➤ par achat de recette jugée efficace.
➤ Par la promotion de personnes prédisposées dans des écoles de tradipraticiens de santé.
➤ Par le pouvoir inné, dans ce cas la transmission se fait par les esprits : initiation mystique.
➤ par révélation, après un rêve ;
➤ par auto apprentissage dans des livres, par des recherches personnelles. Certains ont acquis leur savoir au terme d’un long périple a la recherche d’un remède contre une affection dont ils ont eux-mêmes souffert pendant plusieurs années .
Diagnostic en médecine traditionnelle
La recherche du sens est fondamentale dans la prise en charge de la maladie en médecine traditionnelle africaine. C’est elle qui détermine le diagnostic, la prise en charge et le pronostic de chaque patient. L’interrogatoire est primordial puisque la recherche du sens est centrée sur la personnalité de l’individu, mais aussi sur son histoire et celle de sa famille ; un élément perturbateur est extérieur à l’individu, il ne fait pas partie de lui. Cette recherche va le conduire vers des causes non naturelles, d’autant plus si la maladie est inhabituelle, persiste, n’a pas d’amélioration attendue malgré un traitement, ou s’aggrave plus que prévu ; en effet, la médecine traditionnelle guérit. Compte tenu donc de l’importance de la médecine traditionnelle l’organisation de l’unité africaine a exprimé son intérêt réel pour sa promotion et sa valorisation lors du premier symposium sur les plantes médicinales et la pharmacopée africaine tenu à Dakar SENEGAL en 1968 (Konan, 2012).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : GÉNÉRALITÉS SUR LA MÉDECINE TRADITIONNELLE
I Définitions
I.1 Santé
I.2 Maladie
I.3 Médecine
I.4 Tradition
I.5 Médecine traditionnelle
II Médecine traditionnelle dans le monde
II.1 Médecine traditionnelle en Afrique
II.1.1 Raison du recours
II.1.2 Acquisition du savoir traditionnel
II.1.3 Diagnostic en médecine traditionnelle
II.2 Cas particulier du Sénégal
III Acteurs de la médecine traditionnelle
III.1 Phytothérapeutes
III.2 Herboristes
III.3 Spiritualistes
III.4 Accoucheuses traditionnelles
III.5 Rebouteux
III.6 Guérisseurs
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL ENQUÊTE DE TERRAIN
I Objectifs
I.1 Objectif général
I.2 Objectifs spécifiques
II Cadre de l’étude
II.1 Caractéristiques physiques
II.1.1 Géomorphologie
II.1.2 Climat
II.1.3 Faune et flore
II.1.3.1 Faune
II.1.3.2 Flore
II.1.4 Hydrographie
II Caractéristiques sociodémographiques
III Type et population d’étude
IV Matériel et méthodes
IV.1 Matériel
IV.2 Méthodes
V Résultats
V.1 Tradipraticiens
V.1.1 Caractères sociodémographiques
V.1.2 Activité des TP
V.1.3 Méthodes thérapeutiques des tradipraticiens
V.1.3.1 Médication utilisant les plantes
V.1.3.2 Autres types d’outils thérapeutiques
V.1.4 Critères de guérison chez les TP
V.2 Population générale
V.2.1 Caractères sociodémographiques
V.2.2 Recours des populations à la MT
V.2.3 Relation des populations à la MT
VI Discussion
VI.1 Tradipraticiens
VI.2 Population générale
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXES