Depuis longtemps dans les hôpitaux, la gestion des risques est restée centrée sur le patient et le soignant. Par contre, la gestion des risques qui se développe aujourd’hui part d’une approche beaucoup plus globale visant à identifier, localiser et mesurer les risques en vue d’une action préventive, proactive permettant de les réduire. Les incidents qui se produisent sont très rarement imputables à une faute individuelle. Dans le domaine des dispositifs médicaux, cette gestion des risques existe mais n’est pas bien mise en œuvre dans plusieurs pays. Au Sénégal, un centre de toxicovigilance existe et devrait à terme prendre en charge cette gestion des risques. La déclaration immédiate d’un événement indésirable ou d’un risque de survenue d’événement indésirable revêt un caractère obligatoire lorsqu’il est susceptible d’engendrer une dégradation grave de la santé du patient. Ont été définis comme incidents graves les événements suivants : décès du patient ou menace du pronostic vital, invalidité ou incapacité permanente ou importante, nécessité d’hospitalisation ou prolongation d’hospitalisation, toute circonstance nécessitant une intervention médicale ou chirurgicale et survenue d’une anomalie ou malformation congénitale. Ne pas déclarer ce type d’accident est considéré comme une faute professionnelle et peut induire une sanction allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en Europe [38]. C’est dans ce cadre que s’inscrit notre travail qui a pour objectif de contribuer à une meilleure connaissance de la matériovigilance.
Généralités sur la matériovigilance
Historique
En 1992, le couple de mots « sécurité sanitaire » a fait son apparition en France. Il a été forgé au ministère du ministre de la santé lors de l’élaboration de la réforme du système de transfusion sanguine que le drame du sang contaminé avait imposée [51]. Il a tout de suite été adopté. À l’issue de la discussion au Parlement, un journal du soir a titré : « Une loi de sécurité sanitaire ». La réforme était baptisée, le concept de sécurité sanitaire retenu par le débat public. Il devait connaître un succès remarqué puisque, inconnu avant cette date, il était l’une des trois priorités de la politique de santé proposée par la conférence nationale de santé trois ans plus tard. La sécurité sanitaire a été définie, en 1994, comme la protection contre les risques liés au fonctionnement du système de santé. Dès la fin des années 1990, la notion de sécurité sanitaire incluait également la protection contre les risques sanitaires dans les domaines de l’alimentation et de l’environnement [50]. Le « primum non nocere » des médecins a ainsi été érigé en principe général applicable aux professionnels de santé mais aussi aux gestionnaires, aux industriels et aux autorités sanitaires. Au-delà de la terminologie, la notion de sécurité sanitaire a marqué, et symbolise encore aujourd’hui, une rupture profonde dans l’évolution du système et des politiques de santé. Elle révèle une triple métamorphose, dans l’approche des risques sanitaires (I), dans l’organisation institutionnelle (II) et dans la conception des politiques de santé (III).
Définitions
La matériovigilance est définie par l’article R.665-48 [37] du code santé publique. Elle a pour objectif, la surveillance des incidents ou risques d’incident liés à l’utilisation des dispositifs médicaux (DM) tels qu’ils sont eux-mêmes définis par l’article L.5211-1. Ainsi « Tout instrument, appareil, équipement, matière ou autre article y compris le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins de diagnostic ou de traitement et dont l’action principale dans ou sur le corps n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques » est considéré comme un dispositif médical. La matériovigilance intéresse donc tous les dispositifs médicaux après leur mise sur le marché, qu’ils soient ou non marqués CE. Elle comporte quatre volets principaux qui sont :
– Le signalement des incidents et risques d’incidents :
– L’enregistrement, l’évaluation et l’exploitation de ces données dans un but préventif,
– La réalisation d’études concernant la sécurité d’utilisation des dispositifs médicaux,
– La réalisation et le suivi d’actions correctives demandées.
Organisation de la matériovigilance
Dans le cadre de l’organisation de la matériovigilance, la circulaire n°95-2498 précise les différents échelons et instances responsables de la mise en œuvre de cette matériovigilance. Ainsi, il revient « aux fournisseurs, utilisateurs et tiers ayant connaissance d’un incident ou risque d’incident mettant en cause un dispositif médical ayant entraîné ou susceptible d’entraîner la mort ou la dégradation grave de l’état de santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’un tiers, de le signaler sans délai à l’autorité administrative » [41]. Il existe un échelon national et un échelon local avec le correspondant local de matériovigilance entouré d’une équipe pluridisciplinaire appelée cellule de matériovigilance [41]. Ainsi, toute déclaration de matériovigilance est transmise au correspondant local de matériovigilance, qui entouré de la cellule de matériovigilance décidera ou non de la transmettre au niveau national en fonction de la gravité de l’incident. Par ailleurs, dans l’article R5212-3 du Code de la Santé Publique concernant la matériovigilance, il est indiqué que celle-ci peut impliquer notamment « l’accès aux informations relatives à la conception, à la fabrication, au stockage, à la distribution, à la mise à disposition, à l’utilisation et au suivi, autrement dit à la traçabilité du dispositif médical » [14]. Ainsi dans le cadre d’une production de dispositifs médicaux stériles comme c’est le cas en Stérilisation Centrale, l’accès aux informations concernant tout le processus de production et l’utilisation du dispositif doit être permis et implique un enregistrement de toutes les étapes.
Classification des dispositifs médicaux
Les dispositifs médicaux peuvent d’une part être répartis en catégories en fonction de leur finalité :
o Les dispositifs médicaux implantables actifs :
Le Code de la Santé Publique les définit comme dépendants d’une source d’énergie électrique ou toute autres source d’énergie que celle générée par le corps humain ou la pesanteur. Ils sont conçus pour être implantés dans le corps ou dans un orifice naturel et y rester après l’intervention. On peut citer en exemple de dispositifs médicaux implantables actifs les pacemakers et les implants cochléaire.
o Les dispositifs médicaux diagnostic in-vitro :
Ils constituent une catégorie à part car ils ne sont pas destinés à être utilisés directement chez l’homme, mais pour les examens d’échantillons provenant d’un corps humain. Cette catégorie regroupe les réactifs, matériaux d’étalonnage, instruments, appareils destinés à être utilisés spécifiquement dans des examens in vitro. Leur finalité est de fournir des informations sur un état physiologique ou pathologique, détecter des anomalies congénitales, contrôler des mesures thérapeutiques ou encore analyser la compatibilité d’un greffon avec son receveur. Ces dispositifs médicaux sont en grande partie destinés à être utilisés par les biologistes, mais également par le patient lui-même : c’est le cas des lecteurs de glycémie utilisés pour l’auto surveillance du diabète [48].
o Les dispositifs médicaux fabriqués sur mesure :
Ils ne sont pas fabriqués en série, mais pour un patient en particulier. Les fabricants de dispositifs médicaux sur mesure doivent obligatoirement être déclarés à l’ANSM pour mettre leurs produits sur le marché. L’ANSM met à disposition la liste de ces fabricants déclarés afin de permettre aux prescripteurs de vérifier si les fabricants avec lesquels ils sont en relation remplissent leurs obligations réglementaires. A titre d’exemple, les semelles orthopédiques, les prothèses dentaires ou les manchons de contention sont des dispositifs médicaux sur mesure. D’autre part, les dispositifs médicaux sont habituellement classés en fonction de leur niveau de risque pour le patient : risque infectieux, risque opératoire et chirurgical, hémocompatibilité. Cette classification, précisée à l’article 9 de la directive 93/42/CEE, différencie quatre classes de dispositifs médicaux.
Cependant, il n’est pas toujours simple de déterminer à quelle classe appartient tel ou tel dispositif médical. C’est pourquoi en cas de litige, le Code de la Santé Publique missionne l’ANSM de trancher et de fixer la classe dont relève le dispositif en cause (Code de la Santé Publique, 2012). Les critères utilisés pour déterminer de quelle classe relève un dispositif médical sont exposés dans la directive européenne 93/42/CEE, transposée en droit français dans les articles R. 665-1 à R. 665-47 du Code de la Santé Publique. Il existe 19 règles de classement des dispositifs médicaux détaillées dans l’annexe IX de cette directive, qui s’appliquent différemment suivant la destination des dispositifs [36]. Le premier critère utilisé est le caractère invasif ou non du dispositif médical : les règles 1 à 4 s’appliquent aux dispositifs non invasifs, les règles 5 à 8 s’appliquent aux dispositifs invasifs et les règles 9 à 19 sont des mesures particulières qui ne s’appliquent qu’à certains dispositifs médicaux précis. Ainsi, dans l’ensemble des dispositifs non invasifs, on distingue :
– tous les dispositifs non invasifs font partie de la classe I,
– tous les dispositifs non invasifs destinés à conduire ou à stocker du sang, des liquides ou tissus corporels et ceux pouvant être raccordés à des dispositifs médicaux actifs appartiennent à la classe IIa,
– tous les dispositifs non invasifs visant à modifier la composition biologique ou chimique du sang, d’autres liquides corporels ou d’autres liquides destinés à être perfusés dans le corps appartiennent à la classe IIb. Dans le cas des dispositifs invasifs, un autre critère doit être pris en compte : la durée d’utilisation. Trois cas de figure sont possibles : l’usage temporaire (moins de 60 minutes dans le corps), l’usage à court terme (moins de 30 jours) et l’usage à long terme (plus de 30 jours) [23]. Ils sont donc classés de la manière suivante :
– tous les dispositifs destinés à un usage temporaire sont de classe I,
– tous les dispositifs destinés à un usage à court terme sont de classe IIa, sauf s’ils sont utilisés dans la cavité buccale jusqu’au pharynx, dans le conduit auditif externe jusqu’au tympan, ou dans les cavités nasales (ils relèvent alors de la classe I),
– tous les dispositifs destinés à un usage à long terme sont de classe IIb, sauf s’ils sont utilisés dans la cavité buccale jusqu’au pharynx, dans le conduit auditif externe jusqu’au tympan ou dans les cavités nasales (ils relèvent alors de la classe IIa),
– tous les dispositifs destinés à surveiller ou corriger une défaillance du cœur ou du système circulatoire central, à être en contact avec le système nerveux central ou à subir une transformation chimique dans le corps sont de classe III. La directive 93/42/CEE a établi une hiérarchie dans ces règles de classification : si un dispositif relève de plusieurs règles, c’est la plus stricte qui s’applique [31].
Aspect réglementaire
La mise sur le marché de dispositifs médicaux est rigoureusement réglementée a un niveau européen [2-32] : comme l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le cas des médicaments, la sécurité d’emploi et l’efficacité du dispositif sont garanties à l’utilisateur par le marquage CE. Cette certification est délivrée au fabricant après que celui-ci ait prouvé que le dispositif médical répond aux exigences essentielles de sécurité et de santé fixées par voie réglementaire. Les exigences réglementaires sont déterminées en fonction de la catégorie du dispositif médical. Une classification, sans valeur juridique, est proposée par la commission européenne ; elle permet au fabricant de cibler au plus tôt l’ensemble des procédures à suivre en fonction de l’utilisation envisagée et d’éviter ainsi de soumettre l’ensemble des produits répondant à la définition du dispositif médical aux contrôles les plus rigoureux. La directive 93/42/CEE aborde l’aspect des exigences réglementaires. L’aspect technique de ces exigences est retrouvé à deux niveaux : Les matières premières font l’objet de notes techniques Pro Pharmacopée puis de monographies au niveau de la Pharmacopée Européenne, qui se substitue lentement à la Pharmacopée Française. Ces textes décrivent les exigences en termes de composition et de pureté de la matière première. On peut citer par exemple les monographies européennes des polyoléfines, des additifs pour plastique ou des fils de polyamide. Les produits finis doivent répondre à des normes techniques définies par le Comité Européen deNormalisation (Normes EN). Ces exigences peuvent être relatives aux dispositifs médicaux en tant que tels (ex : EN 1782 « tubes trachéaux et raccords »), à la biocompatibilité (ex : NF EN 10993 «évaluation biologique des dispositifs médicaux») ou aux traitements auxquels les dispositifs sont soumis (ex : séries NF EN 1174 et EN 550 à EN 55 6 «stérilisation des dispositifs médicaux»).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I- Généralités sur la matériovigilance
I.1- Historique
I.2-Définitions
I.3-Organisation de la matériovigilance
I.4- Classification des dispositifs médicaux
I.5-Aspect réglementaire
I.6- Le marquage CE
II -Structure d’un bloc opératoire
II.1- Conception du bloc opératoire
II.2-Bloc opératoire pluridisciplinaire
II.3- Salles polyvalentes
II.4-Concept de ‘’salle vide’’
II.5- Taille de la salle
II.6- Locaux annexes
II.7-Salle de surveillance (SSPI)
III – Equipements du bloc opératoire
III.1-Equipements médicaux fixes
III.2-Equipements médicaux mobiles
III.3-Dispositifs médicaux à usages uniques
III.4-Dispositifs médicaux stérilisables
IV– Le personnel du bloc opératoire
IV.1- Chef de service
IV.2-Le personnel médical
IV.3-Le personnel administratif
V-Organisation d’une intervention
V.1- Intervention en urgence
V.2-Interventions programmés
VI-Nettoyage et élimination des déchets
VI.1-Entretien de la salle
VI. 3-Elimination du matériel à usage unique
VI.4-Elimination des déchets biologiques
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I-Objectif général
II-Objectifs spécifiques
III-Matériel et méthode
IV-Résultats
IV.1- Répartition de survenue des événements indésirables
IV.2- Types de dispositifs notifiés en fonction de la structure de santé
IV.3- Grade des personnes ayant notifié
IV.4- Circonstance de survenue des incidents notifiés
IV.5- Notifications liées à la matériovigilance
IV.6- Cas notifiés non liés à la matériovigilance
IV.7- Contenu de notifications liées aux dispositifs médicaux
IV.8- Présentation des dispositifs
IV.8.1- Lampe scialytique
IV.8.2- Poupinel
IV.8.3- Fauteuil dentaire
IV.8.4- Sparadrap
IV.8.5- Poire à lavement auriculaire
IV.8.6- Nébulisateur
IV.8.7- Respirateur
IV.8.8- Allergies aux gants d’examen
IV.8.9- Bouteille d’oxygène
V- Discussion
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE