Selon la définition de l’OMS, la malnutrition se caractérise par un état pathologique résultant de la carence ou de l’excès, relatif ou absolu, d’un ou de plusieurs nutriments essentiels, qui se manifeste cliniquement ou ne soit décelable que par des analyses biochimiques, anthropométriques ou physiologiques. [74] L’un des objectifs majeurs, dans le cadre des « objectifs pour le développement durable » universel à l’horizon 2030 adopté par tous les chefs d’État et de gouvernement, est d’éliminer la faim et de mettre fin à toutes les formes de malnutrition y compris l’achèvement en 2025 de la cible internationalement approuvée sur le retard de croissance (réduction de 40 % des enfants affectés par le rachitisme) et l’émaciation des enfants de moins de cinq ans (réduction de la prévalence de l’émaciation des enfants à moins de 5%).
De son côté, l’état sénégalais s’est alors engagé à travers son document de politique économique et social (2011-2015), son plan de développement sanitaire 2009-2018 et le plan « Sénégal émergent », dans la lutte pour l’amélioration de l’état nutritionnel des enfants et des femmes en âge de procréer. [5]. Ainsi, selon les estimations de l’OMS, 19 millions d’enfants d’âge préscolaire souffrent d’émaciation sévère, une grande partie d’entre eux vit en Afrique et en Asie du Sud-est. Sur les 7,6 millions de décès qui surviennent presque chaque année chez les enfants âgés de moins de 5ans, environ 35% sont dus à des facteurs liés à la nutrition, et il a été démontré que 4,4% des décès sont attribuables spécifiquement à l’émaciation sévère. [62] La malnutrition aigüe sévère est un problème de santé mondial majeur qui contribue à la mortalité et à la morbidité des enfants portant atteinte à leur développement intellectuel.
GENERALITES SUR LA MALNUTRITION ET LA CAVITE BUCCALE
LA MALNUTRITION
DEFINITION
La malnutrition regroupe les carences, les excès ou les déséquilibres dans l’apport énergétique et/ou nutritionnel d’une personne. Ce terme couvre 2 grands groupes d’affections. Le premier est la dénutrition, qui comprend le retard de croissance (faible rapport taille/âge), l’émaciation (faible rapport poids/taille), l’insuffisance pondérale (faible rapport poids/âge) et les carences ou les déficiences en micronutriments (manque de vitamines et de minéraux essentiels). Le second comprend le surpoids, l’obésité et les maladies non transmissibles liées à l’alimentation (par exemple les cardiopathies, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète et le cancer). [66] C’est une notion très complexe. En effet, il existe trois types de malnutrition : la malnutrition par excès ou surnutrition répandue dans les pays riches, la malnutrition par manque encore appelée sous-alimentation ou dénutrition, principalement dans les pays pauvres et la malnutrition protéinoénergétique caractérisée par un régime alimentaire déséquilibré, qui ne tient pas à la quantité, mais plutôt à la qualité de l’alimentation.
La malnutrition est le résultat obtenu en raison :
• d’un apport insuffisant ou une assimilation anormale des calories libérées dans la circulation du métabolisme, comme le résultat d’une alimentation mal exécutée par l’organisme.
• de la consommation excessive d’énergie
• d’une altération du métabolisme associé à des maladies génétiques intrinsèques.
ETIOLOGIES
Si la malnutrition a pour cause majeure une insuffisance d’apport alimentaire au plan quantitatif et qualitatif, d’autres facteurs interdépendants contribuent à sa survenue. Ces facteurs sont favorisants, déclenchants ou précipitants. C’est ainsi que l’UNICEF a proposé un schéma conceptuel (figure 1) mettant en évidence les différentes causes de malnutrition. Toutefois la malnutrition protéino-énergétique reste la résultante de plusieurs facteurs socio-économiques, culturels, sanitaires voire psychologiques. Le cadre conceptuel élaboré par l’UNICEF permet d’identifier les causes immédiates, les causes sous-jacentes et les causes fondamentales.
• Causes immédiates :
L’enfant malnutri est sensible aux infections. Par ailleurs les infections constituent des circonstances de dégradation de l’état nutritionnel des enfants. C’est ainsi que dans la physiopathologie du kwashiorkor les infections occupent une place privilégiée. Il existe donc un cercle vicieux entre malnutrition et infection.
• Causes sous-jacentes :
Elles relèvent du foyer ou de la communauté. La malnutrition résulte alors d’une insuffisance d’accès aux aliments, de l’absence de soins adéquats donnés aux mères et aux enfants, et de l’insuffisance des services de santé, d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable mais aussi de l’analphabétisme de la mère en général.
• Causes fondamentales :
Ce sont les causes relevant de la société. Il s’agit de facteurs politiques, juridiques et culturels ; ce sont par exemple le système politique et économique qui détermine la distribution du revenu et des avoirs, les idéologies et politiques qui gouvernent les secteurs sociaux, le degré auquel les droits des femmes et les jeunes filles sont protégées par la législation et la coutume.
FORMES CLINIQUES
L’Unicef définit la malnutrition sous deux grandes formes : la malnutrition aiguë et la malnutrition chronique.
MALNUTRITION AIGÜE
La malnutrition aigüe se définit par une maigreur. Elle se développe rapidement, en lien avec une situation ponctuelle de manque ou de manques répétés (épidémie sévère, période de soudure, changement soudain ou répété dans le régime alimentaire, conflit, …). La prévalence la plus importante notée se situe entre 0 et 24 mois. Selon HERBERG et JOFFRE, il existe deux types de malnutrition aiguë: aiguë modérée et aiguë sévère. [45] et [47] Elle se détecte lorsqu’on évalue le rapport Poids / Taille. 20 millions d’enfants sont atteints par cette forme de malnutrition dans le monde.
MALNUTRITION AIGÜE MODEREE
La malnutrition aiguë modérée se caractérise par une perte de poids modérée. Dans ce cas, l’hospitalisation n’est pas nécessaire.
MALNUTRITION AIGÜE SEVERE
La malnutrition aiguë sévère se caractérise par une perte de poids très importante. Un enfant dont la circonférence du bras est inférieure à 111 mm (mesuré grâce au bracelet brachial) a de fortes chances d’être atteint de malnutrition aiguë sévère. Elle est responsable de la plupart des décès d’enfants de moins de 5 ans dans le monde. Elle fait l’objet d’une urgence médicale et nécessite une prise en charge rapide et efficace. Comme dans les cas de malnutrition chronique, l’enfant atteint de malnutrition aiguë est confronté à un très grand risque de maladies (diarrhées, paludisme…) et de mortalité. Parmi les formes de malnutrition aiguë sévère, on distingue : le kwashiorkor, le marasme et le mixte.
LE KWASHIORKOR
• Définition :
C’est une maladie nutritionnelle due à un régime alimentaire pauvre en protéines, qui survient quelques semaines après le sevrage. Il atteint essentiellement les enfants issus de pays pauvres [65]. Il est caractérisé par la présence d’œdèmes, par des altérations des phanères et des muqueuses. L’élément biologique constant et fondamental est une hypo -protéinémie portant sur la fraction albumine du sérum.
• Clinique :
• Phase de début :
Le début est progressif au décours du sevrage, marqué par l’apparition d’une apathie et d’une anorexie. A l’occasion d’une diarrhée ou d’une infection intercurrente, le tableau se complète.
• Phase d’état :
La diarrhée est habituelle et relève des causes multiples et est fréquemment associée à une déshydratation. L’anémie fréquente est de cause variable. Mais à cette période d’état, nous retrouvons la triade du kwashiorkor, constituée par les œdèmes, les troubles cutanéo-muqueux et des phanères et les troubles psychomoteurs [44]. Les œdèmes sont de type carentiel, fermes, indolores, gardant le godet, légèrement déclives. Ils débutent au niveau du coup-de-pied avec une tendance ascendante pour atteindre la région pré-tibiale, les chevilles, les jambes, le dos des mains, les jambes et la face. Ils intéressent rarement les séreuses. Tandis que les lésions cutanéo-muqueuses et des phanères se manifestent au niveau de la peau, la muqueuse et les phanères.
• Troubles psychomoteurs
L’enfant est triste, apathique, irritable, anorexique refusant de s’alimenter, pleurant à la moindre approche. La fonte musculaire est souvent masquée par la préservation du tissu cellulaire sous-cutané et par les œdèmes donnant parfois l’aspect de bébés joufflus. Le poids est compris entre 60 et 80% de la référence pour l’âge. La cassure de la courbe de poids est très nette mais elle est au départ masquée par les œdèmes, et ce n’est qu’après leur disparition que le retard pondéral par rapport à la taille sera bien mis en évidence. [44]
• Biologie :
L’examen biologique met en évidence les signes suivants :
-une hypo-protidémie avec une hypo-albuminémie,
-une anémie par carence martiale et/ou en folate,
-une hyponatrémie et une hypokaliémie,
-une fréquente hypoglycémie. [44]
• Evolution :
En l’absence de traitement le décès survient lors de surinfections surtout pulmonaires ou à la suite de diarrhée avec déshydratation. Sous traitement, la guérison est possible. Elle est marquée par une diminution des troubles digestifs (la diarrhée disparaît), une reprise de l’appétit et la fonte des œdèmes décrivant la classique courbe en « V ». L’enfant sort progressivement de son apathie, devient moins hostile et le sourire réapparaît. Cependant, il est possible d’observer au cours de l’évolution, des troubles neurologiques à type de tremblements associés à une hypertonie. Il s’agit alors du syndrome de Gomez qui survient habituellement vers la 2èmeou 3ème semaine. [44]
• Pronostic :
Aujourd’hui le pronostic est bon (taux de décès < 5%) avec le nouveau protocole de l’OMS et cela quel que soit la sévérité de la malnutrition. [58] Les conséquences de la malnutrition vont dépendre de sa durée, de sa gravité et de l’âge de l’enfant. Le pronostic à distance est mal connu mais les séquelles les plus importantes sont probablement celles affectant le développement psychomoteur. [4] A côté du kwashiorkor, il existe une autre forme de malnutrition sévère qui le marasme.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LA MALNUTRITION ET LA CAVITE BUCCALE
CHAPITRE 1 : LA MALNUTRITION
I. DEFINITION
II. ETIOLOGIES
III. FORMES CLINIQUES
III.1. MALNUTRITION AIGÜE
III.1.1. MALNUTRITION AIGÜE MODEREE
III.1.2. MALNUTRITION AIGÜE SEVERE
III.1.2.1. LE KWASHIORKOR
III.1.2.2. LE MARASME
III.1.2.3. L’ASSOCIATION KWASHIORKOR-MARASME
III.2. LA MALNUTRITION CHRONIQUE
IV. INDICATEURS DE MESURE
CHAPITRE 2 : LA CAVITE BUCCALE DE L’ENFANT
I. RAPPELS ANATOMIQUES ET HISTOLOGIQUES
I.1. ANATOMIQUES
I.2. HISTOLOGIQUES
I.3. L’ERUPTION DENTAIRE
I.3.1. Généralités
I.3.2. La dentition temporaire
I.3.3. Les phases d’éruption
I.4. Particularités chez l’enfant
I.4.1. Le parodonte des dents lactéales
I.4.2. Particularités externes de la dent temporaire
II. VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES DE LA MUQUEUSE BUCCALE
II.1. Au niveau des lèvres
II.1.1. Les grains de Fordyce
II.1.2. Freins de lèvre
II.1.3. Fissure médiane de la lèvre inférieure
II.2. Au niveau des gencives et du plancher
II.2.1. Perles d’Epstein, Nodules de Bohn et kystes de la lame dentaire
II.2.2. Torus mandibulaire
II.2.3. Dents vestigiales
II.3. Au niveau de la muqueuse jugale
II.3.1. Linea alba
II.3.2. Diapneusie
II.3.3. Leucœdème
II.4. Au niveau de la langue
II.4.1. La langue scrotale ou fissuraire ou plicaturée
II.4.2. Langue géographique ou glossite exfoliatrice marginée
II.4.3. Langue villeuse
II.5. Au niveau du palais
II.5.1. Les crêtes palatines
II.5.2. Le torus palatin
CHAPITRE 3 : PATHOLOGIES OU LESIONS BUCCO-DENTAIRES POUVANT S’ASSOCIER A LA MALNUTRITION
I. LESIONS ELEMENTAIRES DE LA MUQUEUSE BUCCALE
II. PATHOLOGIES DENTAIRES
II.1. Carie de la denture temporaire
II.2. Syndrome du biberon
II.3. L’amélogenèse imparfaite
III. Anomalies d’éruption dentaire
III.1. L’éruption dentaire précoce
III.2. L’éruption dentaire retardée
IV. LESIONS MUCCO-GINGIVALES
IV.1. Les aphtes
IV.2. Le Muguet
IV.3. Chéilite angulaire ou perlèche
IV.4. Ouranite
V. MALADIES PARODONTALES
V.1. Gingivite associée à la malnutrition
V.2. Gingivite ulcéro-nécrotique
V.3. Hypertrophies gingivales
VII. Conséquences d’une nutrition carentielle sur l’organe dentaire
Deuxième partie : Enquête épidémiologique
I. Problématique de l’étude
II. Hypothèse de l’étude
III. Objectifs de l’étude
III.1. Objectif général
III.2. Objectifs spécifiques
IV. Méthodologie
IV.1. Matériel
IV.2. Type d’étude
IV.2.1. Cadre d’étude
IV.2.2. Population cible
IV.2.3. Critères de sélection
IV.2.4. Echantillonnage
IV.2.5. Les préalables de l’enquête
IV.2.6. Les variables de l’étude
V. Résultats
V.1. Données descriptives
V.1.1. Identification du patient
V.1.2. Etat médical
V.1.3. Habitudes d’hygiène
V.1.4. Examen endo-buccal
V.2. Données analytiques
VI. Discussion
VI.1. Limites de l’étude
VI.2. Données sociodémographiques
VI.3. Type de malnutrition
VI.4. Pathologies associées
VI.5. Hygiène buccale
VI.6. Etat dentaire
VI.7. Aspects cliniques
VII. Recommandations
VII.1. Recommandations à l’endroit des autorités sanitaires
VII.2. Recommandations à l’endroit des personnels de santé
VII.3. Recommandations à l’endroit des parents
CONCLUSION
REFERENCES