GENERALITES SUR LA MALNUTRITION
Définition
Selon l’OMS « la malnutrition est un état pathologique résultant de l’insuffisance ou des excès relatifs ou absolus d’un ou de plusieurs nutriments essentiels, que cet état se manifeste cliniquement, ou qu’il ne soit décelable que par les analyses biologiques, anthropométriques ou physiologiques » (1).
Situation de la malnutrition
Dans le monde
La malnutrition aiguë sévère intervient pour 45 % de décès en s’associant à d’autres maladies comme la diarrhée, la pneumonie et le paludisme ; maladies plus fréquentes chez l’enfant âgé de moins de 5 ans (14,15).Elle est responsable de 5 à 15 % de décès d’enfants en Afrique, soit environ 1 à 2 millions chaque année (16). Environ 815 millions de personnes souffrent de faim dans le monde (17). Selon l’OMS, 155 millions d’enfants de moins de cinq ans présentent un retard de croissance, tandis que 41 millions sont en surpoids (18). En Afrique de l’Ouest et du Centre, environ 40 % des enfants de moins de 5 ans souffrent d’un retard de croissance, et 60 % sont anémiés (17,18).
En Afrique
La Région africaine est confrontée au fardeau de la malnutrition et, si les tendances actuelles se poursuivent, on ne pourra pas atteindre l’objectif qui est d’éliminer la faim et toute forme de malnutrition au plus tard en 2030(19). Le nombre de personnes sous-alimentées en Afrique subsaharienne est passé de 181 millions de sujets en 2010 à presque 222 millions d’individus en 2016. (20) Chez les enfants, si la prévalence du retard de croissance a baissé, passant de 38,3 % à 30,3 % entre 2000 et 2017, le nombre d’enfants malnutris a augmenté du fait de la croissance démographique, passant de 50,6 millions à 58,7 millions d’enfants atteints de malnutrition. Le taux d’émaciation était de 7,1 % en 2017, soit 13,8 millions d’enfants en valeur absolue, parmi lesquels quatre millions d’enfants souffrant d’émaciation sévère(21).
Au Sénégal
La malnutrition aiguë
Elle est définie par un très faible score poids/taille [inférieur de -3Z-score sa médiane], par une émaciation sévère et visible ou par la présence d’œdèmes nutritionnels.
Le taux de malnutrition aiguë au niveau national ne traduit pas une situation d’alerte ou de crise nutritionnelle. Néanmoins, il existe des disparités dans certaines régions du Sénégal concernant la situation nutritionnelle des enfants de moins de 5 ans. Les régions du nord du Sénégal ont été les plus affectées : les enfants des régions de Matam (15,0%), et de Louga (13,8%). La région de Fatick avec 12,6% est également dans une situation préoccupante. La situation de malnutrition aiguë globale, au niveau national, est égale à 9,0%. (22).
La malnutrition chronique (Retard de croissance)
Elle est définie par un très faible score taille/âge [inférieur de -2Z-score de la médiane de la population de référence]. Elle est la conséquence d’un manque de qualité de la nourriture. Elle s’inscrit dans la durée et se caractérise par un retard de croissance. Elle peut aussi être influencée par des maladies récurrentes et chroniques. Au Sénégal, la situation du retard de croissance est acceptable, avec un taux de 17,0% chez les enfants de 0-59 mois, au niveau national (22). Par contre, des disparités importantes existent selon les régions. Les taux sont plus élevés dans le sud et sud-est du pays avec des prévalences élevées dans les régions de Kolda (31,6%), de Kédougou (28,8%), et de Sédhiou (26,6%), traduisant une situation préoccupante dans ces régions (23).
L’insuffisance pondérale
Elle est définie par un très faible score poids/âge [inférieur de -2Z-score de la médiane de la population de référence]. Au Sénégal, avec 14,0% de prévalence au niveau national, la situation de l’insuffisance pondérale est précaire pour les enfants de 0-59 mois au Sénégal (22). Par ailleurs, les régions de Sédhiou, Matam, Kédougou et Tambacounda, sont les strates qui présentent une prévalence d’insuffisance pondérale de plus de 20%, donc une situation nutritionnelle également préoccupante en termes d’insuffisance pondérale (23).
Physiopathologie de la malnutrition aiguë
La malnutrition a comme point de départ une réduction de la prise alimentaire. L’apport alimentaire insuffisant (quantité ou qualité) entraîne un amaigrissement qui fait que l’enfant puise d’abord dans ses réserves ou sa masse graisseuse (le tissu adipeux peut quasiment disparaître), puis dans sa masse musculaire (30 à 50%). De ce fait, il y a une diminution de la masse corporelle qui se traduit par une perte de poids (24). Cette perte pondérale entraîne une réduction des besoins nutritionnels avec réduction du métabolisme de base de 30 à 40% de sa valeur initiale, qui peut se poursuivre jusqu’à ce qu’un équilibre besoins/apports soit atteint. (25) C’est le fameux cercle vicieux du risque nutritionnel qui associe:
– une redistribution de la masse corporelle responsable d’un déficit des masses musculaires et graisseuses, d’une augmentation de l’eau totale, du capital sodé et d’une diminution du capital potassique;
– une diminution du renouvellement de la synthèse des protéines. Ce qui représente une épargne de la dépense d’énergie dont les conséquences nocives sont:
o une diminution de la synthèse de l’albumine (hypoalbuminémie) ;
o une diminution de la synthèse enzymatique (malabsorption intestinale, diarrhée chronique), une diminution du potentiel immunitaire responsable d’une plus grande susceptibilité aux infections et/ou de différents dysfonctionnements organiques ;
o retard de la cicatrisation et des troubles trophiques etc.
– Une diminution de la masse et de la force musculaire : atteintes des muscles striés, lisses et diaphragmatique. L’atteinte diaphragmatique, parfois favorisée par une hypophosphorémie, est un facteur qui peut retarder le sevrage de la ventilation artificielle. Elle est aussi un facteur de détresse respiratoire chronique. Bien que la fonction musculaire myocardique soit longtemps préservée, les performances ventriculaires finissent par être diminuées entraînant une insuffisance cardiaque congestive aggravée par des carences spécifiques (vitamine B1, sélénium) (26).
– des atteintes neurologiques périphériques et centrales caractérisées par l’altération des vitesses de conduction de l’influx nerveux ou de la transmission au niveau de la plaque motrice, sont observées lorsque la diminution de la force musculaire est profonde et le plus souvent associée à des troubles électrolytiques. (27)
– des atteintes endocriniennes : c’est la première cause d’hypofonctionnement antéhypophysaire. Une hypothermie par ralentissement du métabolisme de repos peut s’observer dans les dénutritions sévères par carence d’apport (anorexie mentale notamment) (27). Il existe également une réduction de la concentration cellulaire du glutathion, élément clé dans la défense contre l’agression oxydante par les radicaux libres. Quand on réduit expérimentalement le niveau de glutathion de cellules normales jusqu’au niveau atteint en cas de malnutrition avec œdèmes, les troubles de perméabilité sont reproduits et on observe le même type d’anomalie hydro électrolytique qu’au cours du kwashiorkor. Il existe un effacement des glomérules rénaux évoquant ceux observés au cours des syndromes néphrétiques, mais sans protéinurie(27).
Les causes de la malnutrition
Les deux principales causes immédiates de la malnutrition sont l’inadéquation de la ration alimentaire et la maladie. Leur interaction tend à créer un cercle vicieux : l’enfant malnutri résiste moins bien à la maladie, il tombe malade et de ce fait la malnutrition empire. Les causes de la malnutrition peuvent être multiples : génétiques, métaboliques ou environnementales(28,29). La malnutrition est en fait le résultat de toute une combinaison de facteurs sous-jacents parmi lesquels on peut citer :
– La famine et les guerres.
– La sécurité alimentaire insuffisante au niveau du foyer : les enfants consomment des aliments ne contenant pas suffisamment d’énergie et de nutriments dont ils ont besoin.
– Le manque d’accès à l’eau et à un environnement satisfaisant : l’insalubrité causant les maladies infectieuse telles que la diarrhée qui à leur tour deviennent cause majeure de malnutrition.
– La mauvaise qualité ou l’inaccessibilité aux services de santé.
– L’inadéquation des soins aux mères et aux enfants : les familles ne consacrent pas le temps et les ressources nécessaires à la prise en charge de leur santé et de leur alimentation.
– L’état nutritionnel des mères : la malnutrition commence dès la conception.
– La discrimination à l’égard des femmes et des jeunes filles : l’analphabétisme et la place réduite des femmes sur le marché du travail sont des causes fondamentales de la malnutrition, et les enfants nés des femmes n’ayant pas eu accès à l’éducation ont deux fois plus de risque de mourir en bas âge.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. GENERALITES SUR LA MALNUTRITION
I.1. Définition
I.2. Situation de la malnutrition
I.2.1. Dans le monde
I.2.2. En Afrique
I.2.3. Au Sénégal
I.2.3.1. La malnutrition aiguë
I.2.3.2. La malnutrition chronique (Retard de croissance)
I.2.3.3. L’insuffisance pondérale
I.3. Physiopathologie de la malnutrition aiguë
I.4. Les causes de la malnutrition
I.5. Les conséquences de la malnutrition
I.6. Les caractéristiques cliniques et anthropométriques
I.6.1. Le poids
I.6.2. La taille
I.6.3. L’indice taille pour âge
I.6.4. L’indice poids pour taille
I.6.5. L’indice poids pour âge
I.6.6. Le périmètre crânien
I.6.7. Le périmètre brachial
I.6.8. Rapport périmètre brachial/périmètre crânien (PB/PC)
I.7. Classification des malnutritions
I.7.1. Classification de l’OMS
I.7.2. Classification de Gomez
I.7.3. Classification en fonction de l’indicateur périmètre brachial
I.7.4. Classification de Waterloo
I.7.4.1. Classification en fonction de l’indicateur poids/taille
I.7.4.2. Classification en fonction de l’indicateur taille/âge
I.7.1. Classification basée sur la clinique
I.7.1.1. Le kwashiorkor
I.7.1.2. Le marasme
I.7.1.3. La forme mixte ou le kwashiorkor-marasmique(67)
II. LES MARQUEURS BIOLOGIQUES DE LA MALANUTRITION
II.1. Les protéines sériques totaux
II.2. L’albumine
II.3. La transthyrétine (TTR) ou préalbumine
II.4. La transferrine
II.5. Le fer sérique
II.6. La ferritine
II.7. La Protéine C réactive
II.8. L’orosomucoide (alpha 1-glycoprotéine acide)
II.9. Le cuivre
II.10. Le zinc
II.11. Le chrome
II.12. Le sélénium
II.13. Les vitamines
II.13.1. La vitamine A
II.13.2. La vitamine B9 (acide folique)
II.13.3. La vitamine B12
II.13.4. La vitamine C
II.13.5. La vitamine D
II.14. Les lipides
II.15. Les acides aminés plasmatiques et urinaires
II.16. Le bilan d’azote
II.17. L’hémogramme
II.17.1. La numération formule sanguine (NFS)
II.17.2. Le réticulocyte
II.18. Les indices de risque de malnutrition et de risque de complications liées à la malnutrition
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE
I.1. Le type d’étude
I.2. Le cadre d’étude
I.3. Les sujets
I.3.1. Les malades
I.3.1.1. Critères d’inclusion
I.3.1.2. Critères de non inclusion
I.3.1.3. Critères d’exclusion
I.3.2. Les témoins
I.4. Les prélèvements
I.5. Les variables étudiées
I.5.1. Les variables anthropométriques
I.5.2. Les variables biologiques
I.5.2.1. Paramètres hématologiques
I.5.2.1.1. L’hémogramme
I.5.2.1.2. Le taux de réticulocyte
I.5.2.2. Les paramètres biochimiques
I.5.2.2.1. Dosage de la protéinémie
I.5.2.2.2. Dosage de l’albuminémie
I.5.2.2.3. Dosage de la préalbuminémie
I.5.2.2.4. Le fer sérique
I.5.2.2.5. Dosage de la ferritinémie
I.5.2.2.6. Dosage de la protéine C réactive (CRP)
I.6. Analyse statistique
II. RESULTATS
II.1. Les caractéristiques cliniques
II.1.1. L’âge
II.1.2. Le sexe
II.2. Les caractéristiques anthropométriques
II.3. Les variables biologiques
II.3.1. Les paramètres hématologiques
II.3.2. Les paramètres biochimiques
II.3.2.1. La protéinémie et l’albuminémie
II.3.2.2. La préalbuminémie
II.3.2.3. Le fer sérique
II.3.2.4. La ferritine
II.3.2.5. La Protéine C réactive
III. DISCUSSION
III.1. Caractéristiques cliniques
III.1.1. L’âge
III.1.2. Le sexe
III.2. Caractéristiques anthropométriques
III.2.1. Le poids
III.2.2. La taille
III.2.3. L’indice poids pour âge
III.2.4. Le périmètre brachial, le périmètre crânien et le rapport PB/PC
III.3. Paramètres biologiques
III.3.1. Paramètres hématologique
III.3.2. Paramètres biochimiques
III.3.2.1. Les protéines sériques totales
III.3.2.2. L’albumine
III.3.2.3. La transthyrétine
III.3.2.4. Le fer sérique
III.3.2.5. La ferritine
III.3.2.6. La Protéine C réactive
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES