Généralités sur la Maladie d’Alzheimer et les dégénérescences lobaires fronto temporales
Les pathologies démentielles sont un enjeu de santé publique. 10% des plus de 65 ans et 32% après 85 ans présentent une maladie d’Alzheimer . Le trouble cognitif majeur (TCM) d’après le DSM-V entraîne un déclin comparativement aux performances globales antérieures avec un retentissement sur le fonctionnement quotidien du patient. Les troubles cognitifs ne sont pas expliqués par une pathologie psychiatrique. Le déclin cognitif est constaté dans l’anamnèse de la maladie et est objectivé et quantifié par des tests neuropsychologiques. Au moins deux des cinq domaines suivants sont altérés : difficulté de mémorisation et rappel d’informations nouvelles, troubles du raisonnement et de l’exécution de tâches complexes, troubles visuospatiaux, troubles du langage, modifications de la personnalité ou du comportement. Ces critères sont indépendants de l’étiologie du TCM et communs aux pathologies neurodégénératives. Le bilan de TCM tel que recommandé par l’HAS en juillet 2012 a pour but d’explorer les causes curables par le dosage des vitamines B9, B12, TSH, calcémie, les sérologies syphilitiques, VIH, le bilan hépatique. La classification et le diagnostic de différentes pathologies démentielles a permis de proposer des traitements symptomatiques et des protocoles de recherche ciblés selon les processus neuro dégénératifs supposés. La maladie d’Alzheimer et la dégénérescence lobaire fronto-temporale sont particulièrement étudiées en raison de leur fréquence et fort impact socio économique. Dans la maladie d’Alzheimer, trois gènes sont validés et peuvent présenter des mutations à l’origine de maladie d’Alzheimer à transmission autosomique dominante : APP (amyloid precursor protein), PSEN1 (presenilin 1), et PSEN2 (presenilin 2), permettant d’affirmer un diagnostic certain du vivant des patients. Ils ne représentent toutefois qu’une part très faible des patients atteints par cette maladie (<1% ). Le diagnostic au stade de trouble cognitif léger ou de TCM permet de proposer des traitements symptomatiques, même si selon les stades, l’attitude reste débattue.
Entre 2002 et 2012, 244 essais thérapeutiques ont été recensés sur clinicaltrials.gov pour la MA, mais aucun n’a atteint son objectif sur le critère primaire d’efficacité. Une part non négligeable de la négativité des essais cliniques étiopathogéniques tient à l’inclusion de patient ne présentant pas les lésions cérébrales attendues. Dans l’essai portant sur le Bapineuzumab 36% des patients (non porteurs de l’allèle APOE4) avaient un PET amyloïde négatif rendant le diagnostic de MA de ces patients inclus hautement improbable. En effet, les critères de diagnostic clinique basés sur la sémiologie des troubles neurologiques des patients et l’imagerie cérébrale (par exemple atrophie hippocampique selon l’échelle de Scheltens) permettent d’établir des arguments en faveur d’une MA mais manquent de spécificité.
Maladie d’Alzheimer
Epidémiologie et sémiologie clinique
La maladie d’Alzheimer est la cause la plus fréquente de trouble cognitif majeur. On estime à 35 millions les personnes atteintes de troubles cognitifs majeurs dans le monde dont près de 900 000 en France. Approximativement 70% des cas sont attribués à une MA. La majorité des cas de MA répond à un déterminisme multifactoriel, au premier rang desquels l’âge. En effet, l’incidence de la maladie double tous les 5 ans après 65 ans. On distingue les formes répondant à un déterminisme mendélien et les formes sporadiques, représentant la majorité des patients et pour lesquels le facteur de risque génétique majeur est le génotype APOE ε4 .
Après une phase prodromale correspondant aux « troubles cognitifs légers » ou Mild Cognitive Impairment (MCI), limitée à des plaintes et troubles mnésiques, apparaissent des déficits dans plusieurs domaines cognitifs : mémoire, langage, praxies, orientation, visuoconstruction, fonction exécutives, associés à une réduction de l’autonomie, allant jusqu’à la dépendance. A côté de cette phase de début mnésique majoritaire, existent des modes de début atypiques tels une aphasie primaire progressive logopénique, une atrophie corticale postérieure, ou des troubles du comportement ou de l’humeur. La mise en institution est par la suite souvent nécessaire et la morbi-mortalité, liée aux troubles de déglutition et à l’alitement, est majeure, après 3 à 15 ans d’évolution. Par ailleurs, une hypertonie, des crises convulsives ou des myoclonies peuvent se rencontrer au cours de l’histoire naturelle de la maladie.
Il existe des arguments scientifiques pour considérer que le processus dégénératif débute 20 à 30 ans avant les manifestations cliniques de la maladie.
L’apport de l’anamnèse, de l’examen neurologique et de la recherche d’autres étiologies de troubles cognitifs majeurs est indispensable au diagnostic. L’imagerie cérébrale permet d’explorer l’hypothèse de lésions alternatives tissulaires, vasculaires ou méningées. L’atrophie cérébrale est en elle-même un élément diagnostique peu spécifique. L’atrophie en lien avec les processus neurodégénératifs débute au lobe temporal médial au niveau de l’hippocampe, du cortex entorhinal et du cortex cingulaire postérieur. Elle permet de distinguer des patients MA versus patients sans trouble cognitif ou de prédire une évolution de TCL en MA . En revanche cette même atrophie peut être présente dans d’autres pathologies comme les DLFT et les démences vasculaires .
Les critères diagnostiques révisés en 2011 tels que définis par le National Institute on AgingAlzheimer’s Association précisent clairement que pour être considéré certain, le diagnostic de maladie d’Alzheimer doit comporter une analyse neuropathologique. La sensibilité établie des critères cliniques est de 81% et la spécificité à 70%. Les biomarqueurs du LCR augmentent la performance diagnostique quand ils sont combinés aux éléments cliniques et anamnestiques et sont ainsi intégrés aux caractéristiques diagnostiques. Les critères définis par le groupe de travail international IWG associent à ce titre les biomarqueurs, l’imagerie amyloïde ou la génétique pour renforcer la certitude diagnostique. Les traitements proposés sont les anticholinestérasiques qui augmentent la concentration en Acétylcholine dans les synapses et les antiglutamatergiques antagonistes des récepteurs NMDA.
Neuropathologie
L’examen neuropathologique des cerveaux de patients MA révèle au niveau macroscopique, une atrophie cérébrale, par diminution de la densité tissulaire de la substance grise et blanche. Les régions temporales internes, notamment l’hippocampe, sont particulièrement altérées, ainsi que le cortex pariétal et préfrontal, le complexe amygdalien et l’insula . La voie cholinergique, impliquée dans les troubles mnésiques et psycho-comportementaux, est la plus affectée. L’atteinte du système noradrénergique diminue les capacités d’attention et de concentration, celle du système sérotoninergique provoque des troubles de l’humeur.
Les deux lésions histologiques caractéristiques de la MA sont les suivantes :
❖La plaque amyloïde est constituée d’un agrégat extraneuronal de fragments peptidiques insolubles, appelés Amyloïde β (Aβ), mis en évidence grâce à des colorations à base de thioflavine ou de rouge Congo. La plaque neuritique , formée de plusieurs isoformes d’Aβ, entourés d’axones et dendrites en dégénérescence, contenant des agrégats de protéine Tau anormalement phosphorylée, est associée au déclin cognitif .
Ces lésions sont concentrées principalement dans le néocortex, initialement dans les aires associatives avec une propagation vers l’hippocampe et l’ensemble des aires corticales .
On observe également des dépôts d’Aβ dans les parois des artères et des capillaires méningés et parenchymateux, responsables d’une perte d’élasticité des micro vaisseaux et d’angiopathie amyloïde cérébrale (AAC).
❖ Les dégénérescences neurofibrillaires (DNF) sont formées de filaments de protéine Tau anormalement phosphorylée en amas, au niveau intracytoplasmique périnucléaire des neurones et dans les dendrites proximales. Elles peuvent entraîner une perturbation du transport axonal allant jusqu’à la mort cellulaire. Elles se localisent principalement au niveau de l’hippocampe et des aires associatives postérieures. Le nombre et la distribution neuroanatomique des DNF corticales sont corrélés au domaine cognitif atteint, ainsi qu’à sa sévérité ce qui a permis l’établissement de classifications (Braak et Thal 1991; Delacourte et al. 1999 ).
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Table des matières
I. INTRODUCTION
1. Généralités sur la Maladie d’Alzheimer et les dégénérescences lobaires fronto temporales
A- Maladie d’Alzheimer
a. Epidémiologie et sémiologie clinique
b. Neuropathologie
c. Génétique
d. Cascade amyloïde
B- Dégénérescences Lobaires Fronto Temporales
a. Epidémiologie – variants cliniques
b. Neuropathologie
c. Génétique
2. Biomarqueurs du LCR
A- Les biomarqueurs dans la MA
B- Le profil de biomarqueurs du LCR compatible avec une MA
C – Le profil de biomarqueurs compatible avec une DLFT
D- Modalités d’interprétation des biomarqueurs du LCR
E- Problématique du diagnostic de référence
3- Objectifs de l’étude
II. METHODOLOGIE
1. Critères d’inclusion
2. Données cliniques
3. Données biologiques
4. Analyse statistique
III. RESULTATS
1. Caractéristiques des populations étudiées
2. Biomarqueurs du LCR en fonction du diagnostic de certitude
3. IATI
4. Courbes ROC et détermination des valeurs de seuils
5. PLM scale
6. Impact des caractéristiques des patients sur les biomarqueurs
A- Age, délai de prélèvement et MMSE
B- Valeur des biomarqueurs par gène porteur des mutations causales
C- Impact du statut APOE pour les patients MA
IV. DISCUSSION
V. BIBLIOGRAPHIE
VI. ANNEXE