Généralités sur la LMMC
Définition
La LMMC est une pathologie hématologique rare du sujet âgé (âge médian au diagnostic entre 65 et 75 ans) , dont l’incidence est estimée à 0,5/100000 cas par an au niveau mondial . C’est une affection clonale de la cellule souche hématopoïétique associant des anomalies myéloprolifératives et myélodysplasiques et caractérisée, avant tout, par une monocytose périphérique supérieure à 1 G/L .
Considérée depuis des années comme un syndrome myélodysplasique selon la classification FAB , la LMMC est aujourd’hui classée parmi les néoplasies myélodysplasiques /myéloprolifératives (SMD/NMP) qui est une entité redéfinie par l’OMS depuis 2008.
De la classification FAB à celle de l’OMS
En 1976, le docteur John M. Bennett et son équipe, qui constitua le groupe FrancoAméricano-britannique (FAB), publiaient non seulement la première classification des leucémies aigues myéloïdes mais posaient aussi les prémices des caractéristiques des syndromes myélodysplasiques tels les AREB et les LMMC en les distinguant des LAM . La LMMC était déjà définie comme étant une hémopathie associée à une monocytose périphérique supérieur à 1G/L. Puis en 1982, le groupe FAB dévoila la première classification des syndromes myélodysplasiques se basant uniquement sur les critères cytologiques (morphologie, cytochimie, nombre de blastes et de monocytes) du sang et de la moelle. Cette classification regroupe les AR, AREB, LMMC, AREB-T et ARS. La LMMC est alors définie comme ayant une monocytose supérieure à 1G/L, une blastose sanguine inférieure à 5% et médullaire inférieure à 20%, avec présence de dysplasie et absence de corps d’Auer . Malgré cette classification, les syndromes myélodysplasiques restent un ensemble d’hémopathies très hétérogènes avec des pronostics et des évolutions différents .
Puis en 1994, le groupe FAB divisa la LMMC en 2 catégories en fonction du nombre absolu de leucocytes au diagnostic. Les patients présentant un nombre de leucocytes supérieur à 13G/L sont classés dans la catégorie LMMC-MP (variante myéloproliférative) et ceux présentant un nombre de leucocyte inferieur ou égal à 13G/L en LMMC-MD (variante dysplasique).
En 2001, les progrès réalisés dans le domaine médical ont permis à l’OMS de revoir cette classification FAB, en intégrant notamment des données cytogénétiques et en individualisant une catégorie d’hémopathie qui présente simultanément des signes de myéloprolifération et de myélodysplasie. La LMMC a donc été reclassée dans une nouvelle catégorie d’hémopathies qui sont les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs (SMD/SMP) . Cette classification OMS 2001 divise aussi la LMMC en deux catégories en fonction de la blastose sanguine et médullaire : LMMC-1 et LMMC-2 . Puis en 2008, l’OMS rebaptise les SMD/SMP en néoplasies myélodysplasiques/ myéloprolifératives (SMD/NMP) qui regroupent : la leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC), la leucémie myéloïde chronique atypique BCR-ABL-1 négative (LMC-a BCR-ABL négative), la leucémie myélomonocytaire juvénile (LMMj) et les néoplasies myélodysplasiques/myéloprolifératives inclassables (SMD/NMP-u). L’anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne et thrombocytose (ARSC-T) est une entité provisoire classée dans les SMD/NMP-u .
De plus la classification OMS 2008 a exclu de la LMMC toutes les formes à hyperéosinophilie avec réarrangements des gènes PDGFRA ou PDGFRB.
La classification OMS souligne aussi l’importance de la quantification des blastes dans le sang et la moelle, car elle permet de classer la LMMC en deux catégories : la LMMC-1 et la LMMC-2 selon le pourcentage de blastes, avec un but de pronostic en termes de survie globale et d’évolution en LAM . Enfin, cette nouvelle version de la classification OMS (4e édition) de 2008 redéfinit la LMMC comme suit:
– une monocyte persistante >1G/L
– absence de chromosome Philadelphie ou de gène de fusion BCR-ABL1
– absence de réarrangement PDGFRA ou PDGFRB
– moins de 20% de blastes dans la moelle et dans le sang (blastes, monoblastes, myéloblastes, promonocytes)
– et au moins un des critères suivants :
– dysplasie (>10%) sur au moins une lignée
– présence d’une anomalie cytogénétique clonale ou moléculaire
– monocytose persistante >3 mois et absence d’autre cause de monocytose (infection, cancer, inflammation, etc.) .
Les autres néoplasies de type SMD/NMP
Parmi l’ensemble des SMD/NMP, on trouve des patients présentant un éventail de signes biologiques et cliniques allant de la cytopénie associée à la dysplasie (proche des SMD), à l’hyperplasie cellulaire associée à un syndrome tumoral (proche des SMP).
La LMMj
La leucémie myélomonocytaire juvénile est une hémopathie rare de l’enfant et représente mois de 2 à 3% des leucémies pédiatriques. Elle touche en majorité de très jeunes enfants (95% des cas ont mois de 4 ans) avec une incidence d’environ 0,6 enfants par million par an avec une nette prédominance masculine (sex ratio:2/1). Le tableau clinique associe une fièvre, une splénomégalie, des adénopathies, des atteintes cutanées et des signes de cytopénies (pâleur, syndrome hémorragique, infection…). La LMMj est caractérisée par une monocytose périphérique supérieure à 1G/L associée souvent à la présence de précurseurs myéloïdes périphériques. L’anémie et la thrombopénie peuvent être d’intensité variable. On note une augmentation du taux d’HbF ainsi qu’une hypersensibilité des précurseurs myéloïdes au GM-CSF in vitro. La moelle est souvent hyperplasique avec parfois un excès d’érythroblastes mais le taux de blastes reste inferieur à 20%. Sur le plan génétique, des mutations des gènes de la voie RAS-MAPK ont été mises en évidence dans 25% des cas et semblent jouer un rôle initiateur, et une monosomie 7 est retrouvée aussi chez 25% des sujets. D’autres anomalies, comme la délétion du gène NF1, retrouvée chez des enfants atteints de la neurofibromatose de type 1, sont des facteurs de risque de développer une LMMj. Les enfants atteints du syndrome de Noonan (mutation du gène PTPN11) peuvent présenter aussi un tableau ressemblant à la LMMj, mais ce dernier est souvent spontanément résolutif .
Enfin, le pronostic de la LMMj est sombre puisque la survie à 3 ans est de moins de 20% sans traitement. Actuellement, la greffe de cellules hématopoïétiques reste le seul traitement curatif même s’il existe une chimiothérapie à base de cytarabine.
La leucémie myéloïde chronique atypique BCR-ABL-1 négative (LMC-a)
La leucémie myéloïde chronique atypique est une pathologie du sujet âgé (âge médian : 62 à 68 ans). C’est une pathologie très rare car sa fréquence est seulement de 1 à 2 cas pour 100 cas de LMC. Elle est caractérisée par l’absence du chromosome Philadelphie ainsi que du gène de fusion BCR-ABL . Sur le plan clinique le tableau dominant est celui de la splénomégalie et de l’hépatomégalie associées à des signes variables d’insuffisance médullaire (anémie ou thrombopénie) .
La leucocytose sanguine est en générale supérieure à 13G/L accompagnée d’une polynucléose, d’une myélémie ainsi que d’une dysgranulopoïèse majeure (hypogranulation et hyposegmentation). La monocytose reste inferieure à 10% des leucocytes, et la basophilie inférieure à 2%. La blastose périphérique et médullaire est souvent élevée mais reste toujours inferieure à 20%. Le myélogramme est en général riche avec une hyperplasie de la lignée granuleuse associée à une dysgranulopoïèse, avec souvent une diminution de la lignée érythrocytaire (Figure1). On peut trouver des trisomies 8 et des délétions 20q associées à la LMC-a, mais aucune anomalie cytogénétique n’est spécifique de la pathologie.
Anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne et thrombocytose (ARSC-T)
Cette entité est provisoire et sa clinique est aspécifique. Son incidence est estimée à 0.7% des SMD selon la classification FAB. Elle est définie par une anémie réfractaire sans blastes circulants, associée à une thrombocytose persistante à plus de 450 G/L. Dans la moelle, on trouve plus de 15% de sidéroblastes en couronne et de nombreux mégacaryocytes atypiques comparables à ceux observés dans une thrombocytémie essentielle (grande taille, noyaux volumineux et hyperlobés), ainsi qu’une blastose toujours inférieure à 5% .
Sur le plan génétique, plus de 60% des patients présentent une mutation du gène JAK2. D’autres anomalies plus rares telles des mutations de MPL ont été rapportées, mais aucune anomalie cytogénétique n’est spécifique de la pathologie .
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Généralités sur la LMMC
A. Introduction
1. Définition
2. De la classification FAB à celle de l’OMS
3. Les autres néoplasies de type SMD/NMP
a. La LMMj
b. La leucémie myéloïde chronique atypique BCR-ABL-1 négative (LMC-a)
c. Anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne et thrombocytose (ARSC-T)
d. Néoplasies myélodysplasiques/myéloprolifératives inclassables (SMD/NPM-u)
B. Epidémiologie
C. Physiopathologie de la LMMC
1. Le monocyte et les monocytoses
a. Le monocyte
b. Les monocytoses
2. Oncogenèse
D. Diagnostic de la LMMC
1. Clinique
2. Biologique
a. Hémogramme
b. Myélogramme et biopsie ostéomédullaire
c. Immunophénotypage
d. Caryotype
e. Biologie moléculaire
f. Culture de progéniteurs CFU- GM
g. Autres paramètres diagnostiques
3. Les recommandations
E. Les classifications
1. Les classifications diagnostiques
a. La classification FAB
b. La classification OMS
2. Les classifications pronostiques
a. Les premiers scores pronostiques de la LMMC
b. Le score IPSS (International Pronostic Scoring System)
c. Le score MDAPS (MD Anderson prognostic score)
d. Le score CPSS (CMML-specific prognostic scoring system)
e. Le score “Mayo prognostic”
3. La problématique de la classification de la LMMC
4. Recommandations
F. Principes thérapeutiques
1. Chimiothérapie conventionnelle
2. Agents hypométhylants
3. Inhibiteur de farnésyl transférase
4. Les traitements de support
5. Greffe de cellules souches hématopoïétiques
6. Recommandations
II. Etude rétrospective d’une cohorte de 85 patients à Rouen
A. Introduction
B. Patients et méthodes
1. Patients
2. Méthodes
a. Recueil de données
b. Analyse de la distribution
c. Analyse de la survie globale
C. Résultats
1. Analyse descriptive
a. La population générale de la cohorte
Les paramètres cliniques
Les paramètres biologiques
L’acutisation
Les traitements
b. Classification selon FAB
c. Classification selon OMS
2. Analyse de survie
a. La survie globale dans la cohorte
b. Survie selon la classification FAB
c. Survie selon la classification OMS
d. Survie selon MDAPS
e. Survie selon IPSS
e. Survie selon le score alternatif de CPSS
f. Survie selon le score « Mayo Clinic »
3. Les facteurs pronostiques
Analyse univariée sur la survie globale en fonction des différentes variables cliniques et biologiques
Analyse multivariée sur la survie globale en fonction des différentes variables cliniques et biologiques
D. Discussion
1. Analyse descriptive de notre cohorte de 85 patients
2. La place des différentes classifications dans notre groupe de patients
3. De nouveaux facteurs pronostiques ?
E. Conclusion et perspectives
CONCLUSION
Annexes
Abréviations
Bibiographie