Généralités sur la gestion des déchets nucléaires en France

Le ruthénium est un métal blanc brillant de la famille des platinoïdes (Ru, Rh, Pd, Os, Ir, Pt). Il est utilisé dans l’industrie pour ses propriétés de dureté [1], de conduction [2, 3] et de résistance à la corrosion [4]. Le ruthénium peut adopter de nombreux états d’oxydation et est ainsi très utilisé dans la chimie des complexes [5]. Dans le domaine du nucléaire, le ruthénium est un des produits de la réaction de fission de l’uranium. Après 4 ans de fonctionnement, le combustible d’une centrale nucléaire ne contient plus assez de matière fissile et doit être changé. Certains pays, dont la France, ont fait le choix de retraiter leur combustible usé. Ce retraitement consiste d’une part à récupérer les matières valorisables (U et Pu) et d’autre part à isoler les déchets ultimes (produits de fission et actinides dits mineurs) [6]. A l’issue du retraitement, les déchets se présentent sous la forme d’une solution d’acide nitrique [7]. Ces déchets ultimes, hautement radioactifs, doivent alors être confinés afin d’empêcher la libération de radionucléides dans l’environnement.

Généralités sur la gestion des déchets nucléaires en France 

Les déchets de haute activité

L’énergie nucléaire représente environ 12 % de la production d’électricité dans le monde. En France, où le choix de l’énergie nucléaire a été fait dès les années 60 [1], ce chiffre atteint les 75 % [2]. Au sortir de la seconde guerre mondiale, la croissance économique du pays allant de pair avec la consommation énergétique, le désir d’indépendance énergétique est apparu dans la politique française. Une sortie du charbon vers l’énergie hydraulique puis nucléaire est entamée. En 1963, la première centrale nucléaire française pour la production électrique est mise en service à Chinon [3]. Depuis, le nucléaire reste un choix privilégié par la France dans le mix énergétique pour produire efficacement de l’électricité avec de faibles émissions de CO2 [1]. Ce choix est appuyé par la prise de conscience du réchauffement climatique et de l’épuisement des ressources fossiles carbonées. Depuis le début de l’aire nucléaire, avec ses 58 réacteurs nucléaires [4], la France a produit et produira encore plusieurs milliers de mètres cubes de déchets nucléaires de haute activité [5]. La gestion de ces déchets (flux de 120 m3 /an de déchets de haute activité en France en 2005 [5]), directement issus du combustible usé, est nécessaire.

Origine

Le parc nucléaire français est composé de Réacteurs à Eau Pressurisée (REP). Le circuit primaire de ces réacteurs est le seul mettant en jeu des matières radioactives : l’eau de ce circuit circule dans le cœur du réacteur où se situe le combustible, composé de pastilles d’UO2 enrichi en 235U ou de MOX (Mixed OXide), composé d’un mélange d’uranium et de plutonium. Ces pastilles sont empilées dans les « crayons de combustible ». Sous le choc de neutrons, les noyaux fissiles du combustible vont se séparer et libérer de l’énergie et des neutrons, qui pourront à leur tour provoquer la fission d’autres noyaux dans une réaction en chaîne [6]. L’énergie, libérée par les réactions de fission, chauffe l’eau du circuit primaire, qui transfère son énergie au circuit secondaire via le générateur de vapeur. La vapeur ainsi formée dans le circuit secondaire permet d’entraîner une turbine qui génère, grâce à l’alternateur, de l’électricité. La vapeur du circuit secondaire retourne ensuite à l’état liquide grâce au circuit de refroidissement et ainsi de suite [7, 8]. Après environ quatre années de fonctionnement, la composition chimique du combustible a beaucoup changé. Il est dit « usé », c’est à-dire qu’il ne contient plus assez de matière fissile pour assurer un fonctionnement optimal du combustible. Il est alors extrait du circuit primaire et remplacé.

Composition

Le combustible usé est alors composé de 96 % de matières valorisables (U et Pu) et de 4 % de déchets ultimes à confiner, pour empêcher la dissémination des radionucléides dans l’environnement [9]. Ces déchets ultimes sont des actinides mineurs et des produits de fission (dont le ruthénium) et d’activation.

Radiotoxicité

Tous ces éléments ne présentent pas la même période ni la même radiotoxicité. Les actinides U et Pu et les actinides mineurs sont les principaux responsables de la radiotoxicité et de la longue durée de vie des déchets. La plus longue période de désintégration parmi ces éléments est celle de l’238U, elle atteint 4,47.10⁹ années. Sans retraitement de ces déchets, un temps d’entreposage de plus de 200 000 ans serait alors nécessaire pour qu’ils retrouvent la radiotoxicité d’un minerai d’uranium naturel.

Le procédé PUREX 

Afin de limiter ce temps d’entreposage des déchets, la France a fait le choix de les retraiter. Avant d’être retraité, le combustible usé français est entreposé environ cinq années en piscine de refroidissement afin d’y faire décroître leur chaleur résiduelle. Il est ensuite envoyé à l’usine de la Hague pour y être retraité via le procédé PUREX (Plutonium Uranium Refining by EXtraction) [9]. Le procédé PUREX permet d’extraire l’uranium et le plutonium afin, d’une part de les réutiliser (cas du plutonium dans le combustible MOX, voire à l’avenir, de l’uranium appauvri qui pourrait être utilisé pour la fabrication des combustibles pour les réacteurs à neutrons rapides) et d’autre part pour diminuer la radioactivité des déchets ultimes. Lors du procédé PUREX, les gaines autour des crayons de combustible sont découpées, c’est l’étape de cisaillage, puis le combustible est dissous à chaud dans une solution d’acide nitrique concentré à 4 N environ. Pour un combustible UOX, le temps de dissolution est d’environ 2 h, jusqu’à une teneur en uranium dissous de 200 à 250 g/L, ce qui permet une récupération de l’uranium et du plutonium du combustible usé supérieure à 99,9 %. Les actinides mineurs et la majorité des produits de fission sont également solubilisés. Les particules n’ayant pas été dissoutes sont appelées « fines de dissolution ». Elles sont éliminées de la solution d’acide nitrique par centrifugation. De la solution récupérée, sont alors extraits l’uranium et le plutonium dans une phase organique de TBP (phosphate de tri-n-butyle). Ils sont ensuite désextraits du TBP, afin de pouvoir réutiliser ce dernier. Enfin, l’uranium et le plutonium sont convertis en oxydes solides [10]. Une solution d’acide nitrique, contenant les produits de fission, les actinides mineurs non valorisables (c’est-à-dire les actinides autres que U et Pu), les produits de corrosion et les impuretés provenant des gaines, est donc récupérée à l’issue du procédé PUREX. A l’exception des fines de dissolution retrouvées en suspension, tous les autres éléments sont dissous dans la solution [12].

La vitrification

Pour satisfaire les exigences de sûreté et éviter toute dissémination de radionucléides, la solution de déchets sous forme liquide ne peut être stockée telle quelle. Ainsi, dès les années 1960, la vitrification de ces solutions est rapidement évoquée.

Choix de la vitrification

Grâce à sa structure désordonnée, le verre possède une grande capacité d’intégration des atomes de différentes natures au sein même de sa structure. Il est aussi très stable thermiquement, sous irradiation et dans le temps. C’est pour toutes ces qualités qu’il a été choisi pour le confinement des déchets nucléaires [13]. En France et dans la plupart des pays, c’est plus précisément un verre alumino-borosilicaté qui a été retenu. Parmi les différentes familles de verre, celui là présente des propriétés particulièrement intéressantes en terme de capacité d’intégration des éléments à confiner, de durabilité chimique mais aussi en terme de température d’élaboration, ce dernier point étant important pour la mise en œuvre au niveau industriel [14].

Mise en place industrielle

Comme le procédé PUREX, en France, la vitrification des déchets issus des combustibles UOX et MOX usés et retraités est effectuée à La Hague, dans les ateliers R7 (depuis 1989) puis T7 (depuis 1992), d’où le nom de « verre R7T7 ». La France a été le premier pays à mettre en place la vitrification des déchets nucléaires à l’échelle industrielle, en 1978, sur le site de Marcoule. A ce jour, elle est le pays ayant produit le plus grand nombre de containeurs (20 973 fin 2013) [15]. Elle possède une grande expérience sur toutes les facettes de la vitrification, qui est réalisée en deux étapes en France.

La calcination

Dans un premier temps, la solution de PFA est calcinée dans un four rotatif autour de 150 °C pour évaporer l’eau et les nitrates puis vers 550 °C pour transformer les espèces restantes en oxydes . Afin de limiter la volatilisation de certains éléments (le ruthénium en particulier), un réducteur, généralement du sucre, est ajouté. Un système de dépoussiérage et de traitement des gaz est installé en amont du four de calcination afin de récupérer et traiter de nouveau les poussières et les gaz issus de la calcination et de la vitrification . Le mélange d’oxydes obtenu à la sortie du four de calcination, appelé « calcinat », est très pauvre en formateur de réseau et ne peut pas être vitrifié directement.

Le procédé de vitrification

Un adjuvant de vitrification est donc ajouté : une fritte de verre alumino-borosilicatée. Cette fritte et le calcinat sont introduits dans un four chauffé à 1100-1200°C afin d’intégrer les éléments du calcinat au réseau vitreux. L’alimentation du four est faite de manière quasi-continue. La coulée, elle, se fait de manière discontinue : les conteneurs en acier inoxydable sont remplis en deux coulées de 200 kg pour garder du verre chaud dans le four.

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Table des matières

Introduction générale
Préambule : Généralités sur la gestion des déchets nucléaires en France
1. LES DECHETS DE HAUTE ACTIVITE
1.1. ORIGINE
1.2. COMPOSITION
1.3. RADIOTOXICITE
2. LE PROCEDE PUREX
3. LA VITRIFICATION
3.1. CHOIX DE LA VITRIFICATION
3.2. MISE EN PLACE INDUSTRIELLE
3.2.1. La calcination
3.2.2. Le procédé de vitrification
3.2.3. Le pot de fusion
3.2.4. Le creuset froid
3.3. LE VERRE NUCLEAIRE
4. LE STOCKAGE
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre 1 : Etat de l’art, motivations et contours de l’étude du ruthénium dans les verres
1. PRESENTATION GENERALE DU RUTHENIUM
1.1. LE RUTHENIUM DANS TOUS SES ETATS
1.1.1. Etats redox
1.1.2. Le ruthénium métallique
1.1.3. Les oxydes de ruthénium RuO2, RuO3 et RuO4
1.1.4. Cinétiques d’oxydo-réduction du ruthénium
1.1.5. Utilisations du ruthénium dans l’industrie
1.2. LE RUTHENIUM DANS LE NUCLEAIRE
1.2.1. Dans le combustible usé
1.2.2. Dans les étapes du procédé PUREX
1.2.3. Lors de la calcination
2. LE VERRE
2.1. DEFINITIONS ET STRUCTURE
2.1.1. Modèle du réseau aléatoire continu
2.1.2. Coordinance de l’oxygène
2.1.3. Rôle des différents cations
2.2. NOTIONS DE REDOX DANS LES VERRES
3. LES PARTICULES INSOLUBLES DANS LES VERRES NUCLEAIRES
3.1. LES PLATINOÏDES DANS LE VERRE
3.1.1. Solubilité des platinoïdes
3.1.2. Intégration dans le réseau vitreux
3.1.3. Morphologie des particules insolubles
3.1.4. Volatilisation
3.2. REDOX DES PARTICULES INSOLUBLES
3.2.1. Cas du ruthénium seul
3.2.2. Cas du ruthénium en présence de Pd-Te
3.3. IMPACT DES PARTICULES INSOLUBLES DANS LES PROCEDES DE VITRIFICATION
3.3.1. Regroupement et sédimentation
3.3.2. Rhéologie de la fonte verrière
3.2.3. Conductivité électrique
3.4. LE RUTHENIUM DANS LES VERRES NUCLEAIRES : QUESTIONNEMENTS ET OBJECTIFS DE L’ETUDE
4. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre 2 : Outils théoriques et expérimentaux, méthode et matériel
1. MODELISATION THERMODYNAMIQUE
1.1. NOTIONS DE BASE DE THERMODYNAMIQUE
1.2. METHODE CALPHAD
1.3. BASE DE DONNEES
1.4. CALCULS THERMODYNAMIQUES ET INTERPRETATION
2. DEMARCHE EXPERIMENTALE
3. MATIERES PREMIERES
3.1. LES PRECURSEURS POUR LE SYSTEME DES INSOLUBLES
3.1.1. Le ruthénium
3.1.2. Le palladium
3.1.3. Le tellure
3.1.4. Cas du système Pd-Ru-Te-O étudié dans le verre
3.2. VERRES
3.2.1. Verres utilisés pour l’étude du système Ru-O
3.2.2. Verre utilisé pour l’étude du système Pd-Ru-Te-O
4. PREPARATION DES ECHANTILLONS
4.1. ECHANTILLONS DE L’APPROCHE THERMODYNAMIQUE SOUS ATMOSPHERE GAZEUSE (ECHANTILLONS THG)
4.1.1. Système Ru-O
4.1.2. Système Pd-Ru-Te-O
4.2. ECHANTILLONS DE L’APPROCHE THERMODYNAMIQUE DANS LE VERRE (ECHANTILLONS THV)
4.2.1. Système Ru-O
4.2.2. Système Pd-Ru-Te-O
4.3. ECHANTILLONS DE L’APPROCHE CINETIQUE SOUS ATMOSPHERE GAZEUSE (ECHANTILLONS CING)
4.4. ECHANTILLONS DE L’APPROCHE CINETIQUE DANS LE VERRE (ECHANTILLONS CINV)
4.4.1. Système Ru-O
4.4.2. Système Pd-Ru-Te-O
5. CARACTERISATION DES ECHANTILLONS
5.1. MESURES DE P(O2)
5.2. ATD/ATG
5.3. MICROSCOPIE
5.3.1. Microscope optique
5.3.2. Microscope Electronique à Balayage (MEB)
5.4. DIFFRACTION DES RAYONS X (DRX)
5.5. ELECTRON BACK-SCATTERED DIFFRACTION (EBSD)
5.6. SPECTROMETRIE DE MASSE A HAUTE TEMPERATURE (MSHT)
5.7. TRAITEMENT D’IMAGE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre 3 : Equilibres thermodynamiques du ruthénium : Etude sous atmosphère gazeuse
1. LE SYSTEME RU-O
1.1. CALCULS CALPHAD
1.2. ÉTUDE EXPERIMENTALE SOUS AIR
1.2.1. Détermination de Tréduction
1.2.2. Étude de la volatilisation
1.2.3. Observations morphologiques
1.3. DISCUSSION
2. LE SYSTEME PD-RU-TE-O
2.1. CALCULS CALPHAD
2.2. ÉTUDE EXPERIMENTALE EN AMPOULES SCELLEES
2.2.1. Comparaison calcul/mesure sur les compositions du système Pd-RuO2-Te
2.2.2. Formation de Ru0 non prédite par les calculs à l’équilibre
2.2.3. Compositions typiques des verres nucléaires
2.3. DISCUSSION
2.3.1. Robustesse de la base de données
2.3.2. Origine du ruthénium métallique dans les compositions 2 et 4
2.3.3. Ajustement de la solubilité du ruthénium dans le liquide Pd-Te : étude du système Pd-Ru-Te
3. CONCLUSIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre 4 : Equilibres thermodynamiques du ruthénium : Etude dans le verre
1. LE SYSTEME RU-O
1.1. REDOX DU RUTHENIUM DANS DES VERRES SANS POUVOIR REDOX (SPR)
1.1.1. Prédiction de la spéciation du ruthénium : détermination de la p(O2) des verres et application des calculs Calphad
1.1.2. Etude expérimentale de la spéciation du ruthénium
1.1.3. Discussion
1.2. REDOX DU RUTHENIUM DANS UN VERRE AVEC POUVOIR REDOX (APR)
1.2.1. Prédiction de la spéciation du ruthénium : détermination de la p(O2) du verre et application des calculs Calphad
1.2.2. Etude expérimentale de la spéciation du ruthénium
1.2.3. Discussion
1.3. CONCLUSIONS SUR LE SYSTEME RU-O
2. LE SYSTEME PD-RU-TE-O
2.1. PREDICTION DE LA SPECIATION DU RUTHENIUM : DETERMINATION DE LA P(O2) DU VERRE ET APPLICATION DES CALCULS CALPHAD
2.2. DETERMINATION DE LA TREDUCTION DANS UN VERRE COMPLEXE
2.3. COMPORTEMENT DES DIFFERENTES ESPECES INSOLUBLES
2.4. MORPHOLOGIE DES PLATINOÏDES
2.5. DISCUSSION
3. CONCLUSIONS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre 5 : Limitations cinétiques à l’atteinte des équilibres thermodynamiques – Cas de l’oxydation
Conclusion générale

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