Généralités sur la formulation des caoutchoucs
Sans charge ni additif, le caoutchouc aurait peu de débouchés. Pour lui conférer un certain nombre de propriétés, il y a nécessité de formuler notamment pour répondre aux fonctions suivantes [CUR 84, LEB 96, CAN 00] :
– améliorer les propriétés d’usage comme l’usure du pneumatique sur route ou la résistance à la rupture d’un caoutchouc en ajoutant des charges renforçantes,
– faciliter la mise en œuvre pendant les étapes de transformation, en utilisant des plastifiants,
– protéger l’élastomère contre l’oxydation, on utilise des agents antioxydants,
– et empêcher l’écoulement après sa mise en œuvre, en réticulant le caoutchouc à l’aide d’agents de vulcanisation.
La dispersion des charges
Bien disperser, c’est passer d’un granulé initial macroscopique de l’ordre du millimètre à la taille la plus basse accessible d’une centaine de nanomètres, celle d’un agrégat. Ceci s’effectue par l’exercice des forces hydrodynamiques sur le granulé de charge initialement introduit dans le mélangeur. Ce granulé au cours du mélangeage passe donc par différentes échelles de tailles qu’il est bon de rappeler ici.
Les différentes échelles de taille de la charge
La Figure 1-4 représente les différentes échelles de taille entre la particule ultime (obtenue après fabrication de la charge sous une forme très peu dense) et le granulé de charge introduit dans le mélangeur. Pendant le processus de fabrication du noir de carbone [BLO 87, DON 93], l’élément carbone est d’abord sous forme de PARTICULES colloïdales sphériques et d’agrégats de particules coalescées de taille colloïdale. Ces agrégats constituent la structure primaire des charges, structure indestructible. Ces AGRÉGATS de particules liées par des liaisons fortes se regroupent en amas, parfois aussi appelés agglomérats dans la littérature, assemblages résultant de liaisons plus faibles. Il s’agit de la structure secondaire des charges qui est, elle, destructible. Afin d’éviter toute confusion, nous préférons garder l’appellation d’AMAS pour le regroupement d’agrégats, l’AGGLOMÉRAT étant le noir de carbone mal dispersé en fin de mélange dans l’industrie du caoutchouc. Enfin ces amas sont regroupés en GRANULÉS.
Ce sont ces derniers objets macroscopiques, les granulés, que l’on mélange à l’élastomère car on les manipule plus aisément que les agrégats qui occuperaient un bien trop gros volume à même masse totale de noir de carbone. C’est la taille de l’agrégat qu’il faut atteindre en mélangeage pour un renforcement optimal. La taille de la particule, elle, n’est jamais atteinte. On parlera d’OBJET pour toute charge (granulé, agglomérat, amas, agrégat ou particule).
La qualité du renforcement est, entre autre, contrôlée par l’aptitude des granulés incorporés dans la matrice à se diviser en agrégats sous l’action du mélangeage (dispersibilité). Cette propriété est dépendante des interactions charge-élastomère, et notamment des caractéristiques de la charge.
Les caractéristiques de la charge
Les deux principales caractéristiques d’une charge [ILE 79, BLO 87, DON 93] sont la taille de la particule élémentaire et la structure de l’agrégat. C’est d’ailleurs sur celles-ci qu’est basée la norme ASTM de description d’un noir de carbone.
Prenons le noir de carbone de référence N234. Le premier chiffre de la norme X=2 décrit la finesse de la particule associée à la SURFACE SPÉCIFIQUE DÉVELOPPÉE. Plus la finesse est grande, plus la taille de la particule est faible et plus la surface spécifique développée dans un volume fixé est grande. Différentes techniques permettent de la caractériser. Elles sont basées sur l’adsorption de molécules spécifiques à la surface de la charge :
– la méthode BET (Brunauer, Emmett et Teller) détermine la quantité d’azote adsorbé,
– l’adsorption d’iode (NI2) est une méthode plus simple mais affectée par la chimie de surface,
– enfin la CTAB (Cetyl trimethyl ammonium bromide) repose sur l’adsorption d’une molécule plus grosse que celle d’azote. Elle mesure donc une surface spécifique qui est accessible à de grosses molécules et donc plus proche de celle accessible aux élastomères.
Le deuxième chiffre de la norme Y=3 décrit la STRUCTURE DE L’AGRÉGAT. C’est une notion plus difficile à appréhender. Elle représente la façon dont les particules de noir de carbone s’empilent pour former des agrégats et rend ainsi compte du degré d’encombrement et d’irrégularité des agrégats. Plus la structure est grande, plus l’agrégat passe d’un assemblage compact de particules à un assemblage plus irrégulier avec des branchements ce qui diminue la capacité d’empilement des agrégats et donc diminue la densité des amas d’agrégats. La structure est exprimée en ml/100g, ce qui correspond au volume de liquide (DBP : Dibutylphtalate) requis pour remplir les vides entre agrégats résultant de la structure. Si un traitement mécanique est appliqué au noir avant la mesure (Crushed DBP), cette méthode ne prend en compte que les structures primaires.
Ces deux notions de surface développée et de structure sont importantes car elles permettent d’estimer la qualité de la dispersion et du renforcement [DIZ 76, COT 84, COR 92a, CAN 00] :
– Plus la surface développée est grande, plus le renforcement est important et plus l’objet est difficile à disperser.
– Côté structure, plus la structure est haute, plus il y a de porosités entre agrégats donc moins il y a de cohésion. Ainsi, l’objet sera plus facile à disperser.
D’autres facteurs, tels que la porosité ou encore l’activité de surface de la charge influence l’interaction charge – élastomère. Signalons seulement que l’activité de surface, au sens chimique, est reliée à la réactivité des groupes chimiques présents à la surface de la charge et, au sens physique, réfère à la capacité d’adsorption. Quant à la porosité, il est important de distinguer à différentes échelles les porosités entre agrégats et les porosités entre particules.
Mélangeage, dispersion et distribution
Atteindre facilement une bonne dispersion dépend de la viscosité de l’élastomère, de la nature de la charge, de leurs interactions et de la procédure de mélangeage. Comprendre le processus de mélangeage requiert une considération de tous ces aspects. La partie précédente traitait de la charge, ce paragraphe s’intéresse au mélangeage, à ses différentes étapes, à l’outil et aux modes de dispersion.
Le mélangeur interne
Le mélangeur interne [DIZ 76, MAR 94] comprend essentiellement (Figure 1-6) deux éléments rotatifs (les rotors) enfermés dans une chambre. Une pression est exercée sur la matière par un piston, ce qui réduit la quantité de vides dans la chambre et augmente la vitesse d’incorporation des ingrédients. Il se produit au cours du mélangeage une élévation de température qui nécessite de refroidir l’outil par circulation d’eau.
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Table des matières
INTRODUCTION
I Problème posé
II Contexte industriel
III Démarche
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE GENERALE
I Généralités sur la formulation du caouthcouc
II La dispersion des charges
II.1 Les différentes échelles de taille de la charge
II.2 Les caractéristiques de la charge
III Mélangeage, dispersion et distribution
III.1 Le mélangeur interne
III.2 Les étapes du mélangeage
III.3 Les mécanismes de dispersion dans le mélangeur
III.3.1 La rupture
III.3.2 Le modèle «onion peeling»
IV Dispersion en rhéo-optique
IV.1 Observation de la dispersion dans les liquides newtoniens
IV.1.1 Dispositifs expérimentaux
IV.1.2 Mécanismes de dispersion : érosion et rupture
IV.1.3 Lois cinétiques d’érosion
IV.1.4 Influence de l’infiltration de la matrice dans la charge
IV.2 Observation de la dispersion dans les élastomères
V Analyse critique
V.1 Les nombreux paramètres entrant en jeu
V.2 Les ambiguïtés de la littérature et leurs conséquences
V.3 Apports et limites de la littérature
V.3.1 Études en mélangeur
V.3.2 Études en rhéo-optique
VI Conclusion et choix des axes de recherche
Chapitre 2 : PRODUITS, CARACTERISATION ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES
I Produits et Caractérisation
I.1 Les matrices polymères
I.1.1 Élastomères liquides
I.1.2 Les élastomères
I.1.2.1 Caractéristiques des élastomères
I.1.2.2 Rhéologie des élastomères
I.2 Les granulés de charge
I.2.1 Noir de carbone
I.2.2 Silice
I.2.3 Porosité des charges
I.2.4 Billes de verre
II Techniques expérimentales
II.1 Outils de rhéo-optique utilisés
II.1.1 Le rhéomètre transparent contra-rotatif
II.1.1.1 Principe de l’appareil
II.1.1.2 Préparation des échantillons
II.1.1.3 Incertitude de mesure sur le taux de cisaillement appliqué
II.1.2 La cellule de mise en pression
II.1.2.1 Principe de l’appareil
II.2 Outils de mélangeage pour l’étude en milieu concentré
II.2.1 Le mélangeur interne
II.2.2 Le viscosimètre Mooney (essais réalisés chez Michelin)
II.2.2.1 Échantillonnage
II.2.2.2 Description du viscosimètre Mooney
II.2.2.3 Protocole expérimental
II.3 Outils d’analyse
II.3.1 L’analyse d’images
II.3.2 L’analyse Dispergrader
II.3.2.1 Quantification de l’état de dispersion (principe)
II.3.2.2 Échantillonnage
Chapitre 3 : ÉTUDE DE L’INFILTRATION DE LA CHARGE PAR LA MATRICE
I Étude de l’infiltration d’amas de silice par une matrice
I.1 Littérature : Modèle d’infiltration de Bohin pour les fluides newtoniens
I.2 Partie expérimentale
I.2.1 Dispositif expérimental
I.2.2 Produits utilisés
I.3 Résultats
I.3.1 Cinétique d’infiltration pour un fluide élastomère
I.3.2 Définition des temps caractéristiques de l’infiltration
I.3.3 Cinétique d’infiltration pour les trois élastomères à 140°C
I.4 Discussion et conclusion
II Effet de paramètres intrinsèques sur l’infiltration
II.1 Littérature dans les fluides newtoniens de faible viscosité
II.2 Résultats
II.2.1 Effet des caractéristiques de la charge
II.2.1.1 Effet de la taille des amas de silice Z1115
II.2.1.2 Effet de la taille des porosités Dp
II.2.2 Effet de la viscosité du polymère
II.2.2.1 Effet de la viscosité pour les fluides PDMS
II.2.2.2 Effet de la viscosité pour les fluides PIB
II.2.2.3 Interprétation des résultats pour l’effet de la viscosité PDMS/PIB
II.2.2.4 Effet de la masse molaire des mélanges de PIB
II.2.2.5 Effet de la viscosité pour un élastomère via l’effet de la température
II.2.2.6 Conclusion sur l’effet de la viscosité sur l’infiltration
II.3 Conclusion
II.4 Application à l’étude de la dispersion du noir de carbone
III Effet de paramètres externes sur l’infiltration
III.1 Littérature dans les fluides newtoniens de faible viscosité
III.2 Partie expérimentale
III.3 Résultats
III.3.1 Effet du cisaillement
III.3.1.1 Cas d’un fluide newtonien : PDMS (94 Pa.s)
III.3.1.2 Cas de l’élastomère : EPDM
III.3.1.2.1 Effet du cisaillement sur la cinétique d’infiltration
III.3.1.3 Effet du cisaillement sur les temps caractéristiques
III.3.1.4 Effet du cisaillement : Discussion et conclusion
III.3.2 Effet de la pression
III.3.2.1 Cas d’un fluide newtonien : PDMS (170 Pa.s)
III.3.2.2 Cas de l’élastomère : EPDM
III.3.2.3 Effet de la pression : Conclusion et Discussion
IV Conclusion sur l’infiltration et application
IV.1 Résumé des résultats sur l’infiltration
IV.2 Application à l’étude de la dispersion du noir de carbone
CONCLUSION
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