L’imagerie optique de fluorescence est un outil puissant pour la recherche fondamentale grâce à l’étude des mécanismes moléculaires et cellulaires associés à différentes pathologies. Le développement de sources lumineuses, de capteurs et de molécules fluorescentes permet maintenant d’explorer à l’échelle de la cellule unique ou de l’animal entier des phénomènes avec une haute résolution spatio-temporelle. Cette technique très prometteuse sur le plan clinique, est quantitative et permet une haute sensibilité de détection pour le diagnostic mais aussi pour le suivi d’une thérapie.
Depuis le début des années 2000, la recherche en imagerie médicale a pris un nouvel essor en s’orientant vers l’imagerie moléculaire, dont l’objectif est de visualiser, directement dans le vivant, des processus biologiques en action au niveau cellulaire. Initialement, ces mécanismes ont été étudiés en microscopie de fluorescence et leur transfert à l’imagerie in vivo a permis de faire émerger cette technique parmi les autres approches plus classiques, telles que le PET. Cependant, le transfert de l’imagerie de fluorescence à l’homme doit encore relever un certain nombre de défis techniques qui vont dans un premier temps orienter son application vers de l’imagerie de surface ou peu profonde, comme on en rencontre de nos jours en chirurgie [1].
L’imagerie de fluorescence est une technique émergente dans le domaine des applications biomédicales : elle permet d’observer et de suivre une cible spécifique (constituants de la cellule, agent pathogène, principe actif, etc.), tant dans une cellule que dans un organisme entier, en temps réel et de manière non invasive. Pour ce faire, on utilise des marqueurs, des molécules fluorescentes qui vont cibler des parties que l’on souhaite explorer et les mettre en avant lors de l’observation. La limite de ces observations provient de la fluorescence naturelle des composants biologiques qui vient parasiter le signal émis par les agents d’imagerie.
Utiliser la lumière proche infrarouge permet de s’affranchir de ce phénomène. En effet, la lumière utilisée en imagerie de fluorescence PIR interagit moins avec les composants des tissus, ce qui permet d’améliorer la qualité des images et d’augmenter la sensibilité de détection [1].L’imagerie de fluorescence PIR présente également un avantage considérable sur les rayons X, le scanner et les autres techniques d’imagerie notamment par son innocuité, sa simplicité de mise en œuvre et la possibilité de renouveler l’examen sans risque etc. Cependant, il existe très peu de marqueurs fluorescents efficaces pour l’imagerie biologique dans le proche infrarouge. Les quelques agents commerciaux disponibles sont souvent très sensibles à la lumière et se dégradent très vite ou sont relativement toxiques.
GENERALITES SUR LA FLUORESCENCE
LA FLUORESCENCE
Définition
La fluorescence encore appelée luminescence, est l’émission de photons ultraviolet, visible ou infrarouge par une espèce électroniquement excitée. Le principe consiste à éclairer (« exciter ») une molécule par une longueur d’onde adaptée, celle de l’absorption maximale. Spontanément, la molécule revient ensuite de son état excité à son niveau d’énergie fondamental: cette « transition » se traduit par l’émission d’un ou plusieurs photons. Par opposition au phénomène d’incandescence, la fluorescence n’est pas uniquement conditionnée par l’augmentation de température. Les différents types de fluorescence existant dépendent du mode d’excitation. Le terme d’électro fluorescence, par exemple, est utilisé lorsqu’une espèce est excitée par un champ électrique. D’autres sources peuvent être à l’origine de l’état excité : processus chimique (chimiofluorescence) ; ultrasons (sonofluorescence) ; radiations ionisantes (radiofluorescence)… La fluorescence quant à elle, provient de l’interaction entre la matière et la lumière entrainant une absorption de lumière. Nous retenons donc que la fluorescence correspond à l’émission de lumière par une molécule (un fluorophore) suite à son excitation liée à l’absorption d’un photon.
La lumière et le photon
La lumière est constituée de photons définis comme une particule élémentaire de masse et de charge globalement nulle. Ce sont des grains d’énergie qui se déplacent à la vitesse de la lumière (c = 299,79 m.s-1 ) avec une fréquence d’oscillation ν. Leur énergie E est donnée par la relation :
E = h. ν
La lumière est un phénomène qui se propage depuis des sources telles que les lampes (à incandescence, LED, LASER…) jusqu’à des récepteurs comme l’œil, les plaques photographiques, les caméras vidéo ou les capteurs CCD. C’est un rayonnement électromagnétique visible par l’œil humain qui n’est qu’une oscillation couplée d’un champ électrique E et d’un champ magnétique B (l’un étant perpendiculaire à l’autre) . Cette oscillation se propage en ligne droite selon le vecteur directionnel k, à partir d’une source constituée par un mouvement alternatif de charges électriques q.
Une onde lumineuse se caractérise donc par sa longueur d’onde λ (nm) ou sa fréquence ν (Hz) qui sont inversement proportionnelles : ν = c/λ et qui donnent la couleur .
Le spectre de la lumière visible se situe entre les longueurs d’onde 380 et 780 nm allant du violet au rouge . Pour des longueurs d’ondes plus élevées (> 780 nm), les ondes électromagnétiques constitueront les micro-ondes et les ondes radio tandis que pour des longueurs d’ondes plus faibles (< 380 nm), les rayons X ou les rayons gamma seront présents.
La lumière blanche produite par des lampes à incandescence ou le soleil est constituée d’un ensemble d’ondes électromagnétiques de longueurs d’ondes différentes ; elle est dite polychromatique et son spectre est continu. Pour sélectionner une lumière de couleur donnée, un monochromateur peut être placé devant la source lumineuse afin de sélectionner la longueur d’onde désirée. . Les lampes à décharges (tubes ou ampoules contenant un gaz ou une vapeur sous pression) ont un spectre discontinu aussi appelé spectre de raies qui est constitué d’un nombre limité de radiations. Plus la pression exercée dans les lampes augmente, plus les sources lumineuses sont intenses. Cependant, la largeur des raies émises par le gaz ou la vapeur en question sera plus grande. Les LASER (light amplification by stimulated émission of radiation) sont des sources lumineuses intenses également très utilisées en imagerie car ils produisent une lumière quasi monochromatique dont les largeurs de raies sont très fines. Par exemple, le laser hélium-néon possède deux raies principales à 543 et 633 nm qui peuvent être facilement sélectionnées par des monochromateurs.
Aspects théoriques sur l’absorption et la fluorescence
Les expériences d’imagerie optique de fluorescence sont basées sur une excitation électronique de molécules ou de systèmes moléculaires se faisant par des radiations électromagnétiques non ionisantes (photons). Ces analyses peuvent porter soit sur la quantité de lumière absorbée par l’échantillon (spectroscopie d’absorption), soit sur les radiations lumineuses réémises par l’échantillon (spectroscopie de fluorescence).
Etats d’énergie d’une molécule
Une molécule à l’état fondamental est dite stable. Selon le principe de Pauli, au maximum 2 électrons peuvent parcourir la même orbitale atomique dans l’état fondamental et sont alors de spins opposés (mode de rotation de l’électron sur lui-même). Par conséquent, le spin global de la molécule est nul et l’état fondamental est un état « singulet » de repos. Les électrons de la couche périphérique se trouvent sur l’orbitale disponible de plus faible énergie, ou orbitale « liante ». Les échanges d’énergie avec un rayonnement électromagnétique se font par saut d’énergie : les électrons passent donc d’une orbitale atomique à une autre d’énergie plus élevée. Les niveaux d’énergie atteints étant instables, la durée de vie d’un électron sur un tel niveau est de l’ordre de quelques nanosecondes. La molécule « excitée » devient alors le siège d’une série de réactions dont les manifestations sont diverses, jusqu’à son retour à l’état fondamental stable.
L’absorption et l’émission de lumière par une molécule peuvent être illustrées par le diagramme de Jablonski représentant les différents niveaux d’énergie des électrons d’une molécule . Sur ce diagramme les niveaux d’énergie des électrons sont notés S0 pour l’état singulet fondamental, S1 pour le premier état singulet excité, Sp (p > 1) pour les états singulets excités d’énergie supérieure et T1 pour le premier état triplet. Chaque niveau énergétique Sp et Tp peut être subdivisé en niveaux d’énergies vibrationnelles et rotationnelles. Les niveaux d’énergie notés S0’, S0’’ et S1’ correspondent aux niveaux d’énergie des chromophores après réorientation de la cage de solvant qui les environne et induite par la variation de leur moment dipolaire lors de leur passage de l’état fondamental à l’état excité et réciproquement (de manière générale le moment dipolaire augmente à l’état excité) .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LA FLUORESCENCE ET LA SPECTROSCOPIE PROCHE INFRAROUGE
CHAPITRE 1 : GENERALITES SUR LA FLUORESCENCE
I. LA FLUORESCENCE
I.1.Définition
I.2.La lumière et le photon
I.3.Aspects théoriques sur l’absorption et la fluorescence
I.3.1 Etats d’énergie d’une molécule
I.3.2. Interaction matière-lumière et structure électronique
I.4.Spectroscopie d’absorption et méthode de mesure
I.5. Spectroscopie de fluorescence
I.5.1. Aspect microscopique
I.5.2. Quantification de la fluorescence
II.LES MOLECULES FLUORESCENTES
II.1.Les molécules synthétiques
II.1.1. Les molécules organiques fluorescentes
II.1.2. Les sondes fluorescentes sensibles au calcium
II.1.3. Les quantums dots
II.2.Les protéines fluorescentes
II.2.1. Les protéines fluorescentes et gènes rapporteurs
II.2.2. Les protéines fluorescentes photoconvertibles et photosensibles
III. L’IMAGERIE DE FLUORESCENCE
III.1.Rappels sur les techniques photoniques utilisées en imagerie médicale
III.2.Imagerie par transillumination
III.3.La tomographie par cohérence optique (OCT)
CHAPITRE 2 : LA SPECTROSCOPIE PROCHE INFRAROUGE
I. ASPECTS THEORIQUES
I.1 Rappel sur le rayonnement IR
I.2. Bandes harmoniques et bandes de combinaison
I.3.Absorptions caractéristiques dans le proche infrarouge
II.INSTRUMENTATION EN SPECTROSCOPIE PIR
II.1.Appareillage
II.2.Système de traitement des données
II.3.Matériaux des cellules de mesure et d’échantillonnage
III.APPLICATIONS
DEUXIEME PARTIE : L’IMAGERIE DE FLUORESCENCE PROCHE INFRAROUGE ET SES APPLICATIONS
CHAPITRE 1 : IMAGERIE DE FLUORESCENCE PROCHE INFRAROUGE
I.PLACE DU RAYONNEMENT PIR DANS LE SPECTRE ELECTROMAGNETIQUE
II.MOLECULES FLUORESCENTES UTILISEES EN IMAGERIE DE FLUORESCENCE PIR
II.1.Les cyanines
II.2.Les quantum dots(QDs)
II.3.Les BODIPY
II.4. Biodistribution des traceurs fluorescents
II.4.1.Taille des particules du traceur
II.4.2.Chimie de surface du traceur
III. TECHNIQUE UTILISEE EN IMAGERIE DE FLUORESCENCE PIR
III.1 Injection du fluorophore
III.2 Analyse de la zone d’intérêt
III.2.1 Instrumentation
III.3 Source d’excitation
III.4 Détection
CHAPITRE 2 : APPLICATIONS DE L’IMAGERIE DE FLUORESCENCE PROCHE INFRAROUGE
I. APPLICATIONS
II. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES