Généralités sur la drépanocytose

La drépanocytose est une maladie héréditaire de l’hémoglobine, transmise de façon autosomale récessive. Elle est caractérisée par un remplacement au niveau de la chaîne béta de l’hémoglobine normale adulte appelée Hémoglobine A (Hb A) de l’acide glutamique par une valine. Cette hémoglobine anormale appelée Hémoglobine S (Hb S) présente des modifications biochimiques responsables d’un processus de polymérisation entraînant une déformation des hématies en « faucille » appelée « drépanocytes ». Ces hématies sont alors détruites dans la circulation et cette hémolyse est responsable de l’anémie, d’où le nom de la maladie encore appelé « anémie falciforme ».

Les hématies contiennent normalement trois types de l’hémoglobine :
→ L’hémoglobine A (Hb A) est composée de deux chaînes alpha et deux chaînes béta (a2b2) et représente 96 – 98 % de l’hémoglobine totale.
→ L’hémoglobine A2 (Hb A2) faite de deux chaînes alpha et deux chaines delta (a2d2) 0,5 – 0,8 %.
→ Hémoglobine F : (Hb F) : Durant les 10 premières semaines de la vie, l’hémoglobine F représente jusqu’à 90 % de l’hémoglobine totale.

L’hémoglobine S (Hb S) renferme une chaîne b anormale du fait de la transmission héréditaire d’un gène b-globine anormal au niveau du 11ème chromosome (substitution de l’acide glutamique par la valine au niveau du 6ème codon).
• L’hémoglobinose S est toute présence d’hémoglobine S dans le sang qui n’est pas forcement symptomatique.
• La drépanocytose appelée encore Sicklanémie désigne l’Hémoglobinose S (Hb SS) sous la forme homozygote, est encore appelée « sickl cell anemia ».
• Le trait drépanocytaire (sickl cell trait) est un état de simple hétérozygote (Hb AS). Dans ce groupe, il y a des sujets qui se comportent comme des individus normaux appelés « les simples porteurs du trait ». Elle présente un polymorphisme génétique et peut s’associer à d’autres types d’hémoglobinoses.

Dans ce cas de deux mutations, on parle du double hétérozygote : Elle peut être associée :
o à une béta-thalassémie et se présente sous forme de double hétérozygote pour l’Hb S, d’expression phénotypique non différente de l’anémie falciforme.
o à une hémoglobine C sous forme d’hétérozygote double pour Hb S et Hb C de gravité clinique moyenne et totalement latente.
o à une hémoglobine F persistante d’expression clinique faible ou absente.
o à une hémoglobine E, une hémoglobine D qui sont de formes très rares et d’expressions cliniques très légères.
• La maladie drépanocytaire (sickl cell disease) est définie comme toute affection déterminée par la présence de l’hémoglobine S dans le sang ; que ce soit à l’état homozygote (SS) ; à l’état de simple hétérozygote (AS) ou à l’état de double hétérozygote (thalasso-drépanocytose, drépano-G6PD).

Répartition géographique

Dans le monde, la répartition géographique est très variable, d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre. Le réceptacle original de la tare serait les populations Veddoides de la péninsule de l’Inde méridionale. De là, les gènes auraient être apportés en Afrique par ce peuplement au cours de leur migration préhistorique et auraient disséminés ensuite dans le monde par métissage. Il est remarquable que les Africains de la ceinture siklémique qui s’étend du 15ème parallèle de latitude Nord au 20ème parallèle de latitude Sud soient les plus atteints. On trouve 5 à 20 % de porteurs de la tare en Afrique de l’Ouest et jusqu’à 40 % dans certaines ethnies d’Afrique centrale (Congo, Zaïre, Nigéria) et chez les américains de race noires, 9 % aux Etats-Unis et 12 % aux Antilles françaises. Elle s’observe également chez les sujets non mélanodermes au Moyen orient, en Arabie Saoudite, en Inde, en Turquie et Grèce. A Madagascar, RAKOTOARIMANANA [8] estime le taux de drépanocytaires dans les différentes régions selon le schéma ci-dessous.

Physiopathologie

L’anomalie initiale responsable de la drépanocytose est une transversion A →T au niveau du 6ème codon du gène b-globine, traduite au niveau protéique par la substitution d’un acide aminé (acide glutamique → valine) d’où un changement de charge et de polarité induit en surface de la molécule d’Hb S. La formation d’Hb S résulte de cette substitution (figure 4 et figure 5). Cette anomalie de structure est responsable du processus supramoléculaire de polymérisation de l’Hb S sous l’influence d’une baisse de la pression partielle en oxygène et de ses conséquences en termes de déformation et de fragilisation du globule rouge.

En effet, en situation de désoxygénation, c’est-à-dire le plus souvent dans les capillaires, l’hémoglobine S se polymérise et forme des fibres plus ou moins organisées parallèlement au grand axe du globule rouge (GR). Cette étape initiale, par ailleurs ralentie par la présence d’Hb fœtale (HB F) constitue la gélification de l’Hb. Elle s’associe à une diminution de la solubilité sans altération de la déformabilité du globule rouge. La poursuite de ce processus jusque là réversible, conduit à la formation d’un  rigide dans le globule rouge qui se déforme, perd sa souplesse et se fragilise. Les drépanocytes ainsi constitués s’accumulent dans les capillaires et les obstruent. Ces occlusions microvasculaires, favorisées par un ralentissement du flux capillaire constituent l’élément physiopathologique de base, responsable de la majeure partie de la symptomatologie clinique.

Manifestations cliniques

Les manifestations les plus typiques se voient chez les homozygotes SS. Elles sont très polymorphes et parfois trompeuses, variables d’un sujet à l’autre.

De trois à cinq ans

Sous l’effet protecteur de l’Hb F, les trois premiers mois de l’enfant Hb SS sont asymptomatiques. Les signes cliniques coïncident avec le remplacement progressif de Hb F par Hb adulte porteuse de la mutation S. A partir du 4ème mois vont apparaître les manifestations qui domineront durant les cinq premières années de la vie :
→ L’anémie
→ Les infections
→ Les crises vaso-occlusives
∗ L’anémie est la conséquence de la diminution de durée de vie de GR et apparaît vers 4ème mois. Le patient est alors souvent : asthénique, dyspnéique et quelque fois on note un trouble de comportement. Cette anémie peut s’associer à une crise de séquestration splénique avec un ictère franc et splénomégalie.
∗ Les infections :
→ Les infections aigues à pneumocoques sont classiques, souvent brutales, diffuses (poumon, méninge et sang) et fatales en l’absence de traitement adapté.
→ Les risques d’infection à staphylocoque ou à hémophilus influenzae sont également augmentés.
→ Les salmonelles sont souvent en cause dans les ostéomyélites.
→ Et d’autres germes à multiplication intracelulaire (Myoplasma pneumoniae, chlamydia pneumoniae) participent également à la morbidité. Par ailleurs l’infection, source potentielle de fièvre, d’acidose métabolique voire de déshydratation, favorise la polymérisation de l’Hb S donc la survenue de la crise vasoocclusive.
∗ Les crises vaso-occlusives : elles sont les manifestations les plus fréquentes de la maladie drépanocytaire. Quasi pathognomoniques, elles sont la traduction clinique de l’obstruction des micro-vaisseaux par les GR rigidifiés lors de la polymérisation de l’Hb S : chez le jeune enfant, le tableau le plus typique et souvent révélateur de la maladie est :
→ La dactylite aigue ou syndrome pied main, qui est une atteinte inflammatoire des extrémités souvent associée à un syndrome fébrile.
→ La rate, les os long et le parenchyme pulmonaire sont les sites privilégiés d’accidents vaso-occlusifs à cette période de vie ;
→ L’atteinte des ganglions mésentériques réalise une crise douloureuse abdominale et peut simuler un tableau chirurgical.
→ Le priapisme peut être aussi rencontré chez le jeune enfant.

De l’âge de 5 ans à l’adolescence

→ A cet âge, l’asplenie fonctionnelle est constante.
→ L’adaptation hémodynamique à l’anémie chronique se traduit par un état cardiaque hyperkinétique conduisant parfois à une myocardiopathie dilatée.
→ L’ictère hémolytique est habituel
→ Les lithiases biliaires sont fréquentes.
→ Les CVO hyperalgiques multifocales sont les premières complications
→ La symptomatologie douloureuse prédomine souvent au niveau osseux témoignant soit des lésions ischémiques soit de processus infectieux de type ostéomyélite.
→ Les accidents vasculaires cérébraux ou pulmonaires peuvent mettre en jeu le pronostic vital. D’une façon générale, la fréquence et la sévérité des crises vaso-occlusives conditionnent le pronostic fonctionnel de chaque organe .

L’adolescence :
C’est souvent une période difficile, comme dans toutes les maladies chroniques avec l’apparition d’un sentiment de découragement, voire de révolte qui rend la prise en charge délicate.
→ La croissance staturo-pondérale est ralentie.
→ Le retard pubertaire est fréquent surtout chez le garçon.
→ La fréquence des crises douloureuses et des hospitalisations varient selon l’expression de la maladie.

Adulte :
La qualité de vie de l’adulte drépanocytaire dépend en grande partie de la façon dont s’est exprimée sa maladie antérieurement.
→ Manifestation cardiaque :
o la cardiomégalie est fréquente et peut même être le signe révélateur
o l’insuffisance cardiaque
→ Manifestation rénale :
o hématurie
o infection urinaire
o priapisme
→ Syndrome thoracique aigu : caractérisé par l’apparition d’infiltrat occupant au minimum un segment pulmonaire et s’accompagnant fréquemment de fièvre et d’hypoxie.
→ Manifestations ostéo-articulaires : elles simulent tantôt une crise de RAA, tantôt une crise d’ostéomyélite avec des signes inflammatoires souvent évidents.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS THEORIQUES
I. GENERALITES SUR LA DREPANOCYTOSE
I.1. Définition
I.2. Transmission et expression génotypique de l’hémoglobinose S
I.3. Répartition géographique
I.4. Physiopathologie
I.5. Manifestations cliniques
I.6. Manifestations biologiques
I.7. Signes radiographiques
I.8. Complications
I.9. Traitement
II. GENERALITES SUR L’ANESTHESIE
II.1. Période préopératoire
II.2. Période per opératoire
II.2.1. Principes généraux
II.2.2. Technique d’anesthésie
II.2.3. Les agents anesthésiques
II.3. Période post opératoire
II.3.1. Surveillance
II.3.2. Traitement
II.3.3. Evaluation du réveil
II.3.4. Risques liés à l’anesthésie
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PROPREMENT DIT
I. METHODOLOGIE ET PATIENTS
II. NOS OBSERVATIONS
III. COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
SUGGESTIONS
CONCLUSION

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