Le débat autour de la décentralisation se trouve au centre de la vie politique malgache depuis plusieurs décennies. Si la décentralisation politique, à travers le découpage du territoire national en entités locales et autonomes a été acceptée depuis l’indépendance, cette volonté ne s’est toujours pas traduite par une véritable décentralisation administrative et budgétaire. La décentralisation à Madagascar reste donc comme une connaissance abstraite, sans concrétisation et ne joue pas son principal rôle qui est le développement du pays.
APPROCHE THEORIQUE DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL
Le concept de la décentralisation implique un choix de planification du développement d’un pays. Elle doit s’accompagner d’une répartition des pouvoirs de décision centrale pour faire bénéficier des plus démunis de la croissance économique entre les mains des plus démunis et sur l’ensemble du territoire national et d’en mobiliser les ressources. Mais les problèmes essentiels sont ici les interdépendances ou la concurrence des décisions, des productions et des financements.
GENERALITES SUR LA DECENTRALISATION ET LE DEVELOPPEMENT LOCAL
La poursuite de la décentralisation fait son chemin au moment où les pays développés ou en voie de développement essaient de remettre en question le monopole du pouvoir de décision des gouvernements centraux. Dans les pays développés, la décentralisation est un véritable moyen pour développer le pays car cela est un instrument visant à réorganiser l’administration publique avec pour objectif de fournir les services publics efficaces à des coûts raisonnables à la suite de la période de l’État providence3. Les pays en développement se tournent aussi vers la décentralisation afin de détourner les pièges de l’inefficacité gouvernementale, de l’instabilité macroéconomique, et des taux de croissance économique trop faibles. D’où la lutte contre la pauvreté à travers la décentralisation.
Concept de la décentralisation
Définitions et différents types de la décentralisation
Définitions
Il existe plusieurs définitions du terme décentralisation. Pour la Banque mondiale , par exemple, ce terme désigne un vaste éventail de réorganisations du secteur public : « La décentralisation est le transfert d’autorité et de responsabilités en matière de fonctions publiques depuis l’administration centrale vers les autorités intermédiaires ou locales ou vers des organismes gouvernementaux quasi autonomes et/ou vers le secteur privé. Il s’agit d’un concept complexe et à multiples facettes. Une distinction doit être faite entre les différents types de décentralisation car ceux-ci présentent des caractéristiques, des implications politiques et des conditions de succès différent ».
Communément, la décentralisation est définie comme : « transfert des prérogatives publiques des niveaux supérieurs de gouvernance aux niveaux inférieurs. Il peut s’agir des pouvoirs administratifs (transfert de fonctionnaires et de missions publiques au niveau local), budgétaires (délégations des ressources et des capacités à exercer des activités rémunératrices), politiques (délégation du pouvoir de prise de décisions), ou encore d’un mélange entre ces différentes prérogatives». Cette définition a été donnée par Johannes Jütting, économiste principal au centre de développement de l’OCDE.
Différents aspects de la décentralisation
En évoquant la notion de décentralisation, on se réfère davantage à la constitution car c’est cette loi fondamentale qui organise la vie administrative dans un Etat. L’Etat est une circonscription, plus précisément une personne morale du droit publique mais il n’il y a pas monopole car au sein de l’Etat lui-même, il y a aussi des collectivités territoriales décentralisées dotées de la personnalité juridique qui exercent en toute autonomie des fonctions administratives (idée générale de la décentralisation).
Pour notre part, il s’agit de s’intéresser de manière étroite aux différents aspects de la décentralisation :
❖ Décentralisation fonctionnelle
IL s’agit d’un processus par lequel des fonctions classiques retenues par l’Etat sont transmises aux collectivités (le guichet foncier dans la décentralisation foncière). L’objectif dans le cadre de ce processus, c’est de désengorger les services centraux et de responsabiliser les services locaux. La problématique est d’ordre technique car il faut une certaine assimilation dans certains domaines.
❖ Décentralisation technique
A Madagascar, on a deux niveaux d’Administration : le central et le local. Ils ont des tâches identiques mais il y a beaucoup de différences en termes de technicité. C’est la raison pour laquelle le niveau central implante des établissements publics au niveau local afin de transférer les moyens et le savoir faire. La problématique en la matière est d’ordre matériel car l’Etat manque de moyens et d’infrastructures. Cependant la carence de l’Etat dans ce domaine est compensée par la coopération décentralisée. Un autre processus qui permet aux bailleurs de fonds d’agir directement au niveau des collectivités de base.
❖ Décentralisation territoriale
C’est une politique de l’Etat qui englobe les différents aspects de la décentralisation (aménagement du territoire). Cela veut dire qu’une certaine compétence et le pouvoir du gouvernement sont transférés vers les collectivités.
L’articulation entre décentralisation et déconcentration administrative: Instruments de la proximité administrative
Décentralisation et déconcentration, opérations de transfert des pouvoirs de l’État vers des autorités locales. La déconcentration correspond à un transfert de décision de l’administration centrale vers ses relais locaux ou régionaux alors que la décentralisation correspond à un transfert d’attributions de l’État à des collectivités territoriales, juridiquement distinctes de lui. Le système de déconcentration apporte deux avantages. D’une part, un avantage juridique c’est-à-dire qu’il permet de respecter le caractère unitaire de l’Etat. D’autre part, un avantage technique car il permet au Chef de l’Etat et à son gouvernement de bien maîtriser l’exécution de la politique générale de l’Etat.
Pourtant l’inconvénient avec la décentralisation c’est que le pouvoir central risque de tout confisquer. Cela conduit à un système de centralisme démocratique5. C’est pour apaiser cette situation que la décentralisation a été instaurée dans l’organisation administrative. D’où une relation étroite est établie entre la déconcentration et la décentralisation. Au terme de l’article 19 de la loi n° 93-005 du 28 janvier 1994 portant orientation générale de la politique de décentralisation modifiée et complétée par la loi n° 94-039 du 03 janvier 1995 : « A un pouvoir décentralisé doit correspondre un pouvoir déconcentré ». C’est ainsi que l’organisation administrative territoriale de l’Île est axée à la fois sur les deux techniques. Parmi les vertus que l’on prête communément à la décentralisation et à la déconcentration, il y a celle, fondamentale, de rapprocher l’administration des administrés. Plus exactement, la déconcentration vise à rapprocher l’administration d’Etat des administrés ; la décentralisation a pour objectif de faire participer les habitants, à travers leurs représentants élus, à la gestion des affaires locales. Des rapports entre les deux modes d’organisation administrative s’est développée une certaine articulation organique et fonctionnelle, le tout pour une meilleure gouvernance locale.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I. APPROCHE THEORIQUE DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL
CHAP I : GENERALITES SUR LA DECENTRALISATION ET LE DEVELOPPEMENT LOCAL
Section I : Concept de la décentralisation
1. Définitions et différents types de la décentralisation
2. L’articulation entre décentralisation et déconcentration administrative: Instruments de la proximité administrative
3. Les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) et leurs compétences
Section II : Concept du développement local
1. Définition du développement local et son fonctionnement
2. Les outils du développement local
3. Les objectifs du développement local
Section III : Sources de financement de la décentralisation à Madagascar
1. Niveaux de la décentralisation
2. Les sources de financement de la décentralisation
3. La décentralisation et les intervenants extérieurs
CHAP II : La décentralisation et la gouvernance locale
Section I: La décentralisation au service de la gouvernance locale
1. Cadre conceptuel de la gouvernance
2. Etat des lieux : gouvernance à Madagascar
3. Liens entre la décentralisation et le développement économique local
Section II : Décentralisation : une nécessité d’autonomie
1. Décentralisation, gouvernance et autonomie locale
2. Autonomie administrative
3. Autonomie financière
PARTIE II. Analyse des liens au niveau de la politique nationale de la décentralisation et le développement
CHAP I: La décentralisation dans le cadre du développement de Madagascar
Section I: La décentralisation pour le développement
1. La décentralisation pour le développement de 1997 à 1998
2. La décentralisation pour le développement de 1998 à 1999
3. La décentralisation pour le développement à partir de 2000
Section II: La décentralisation : stratégie de développement
1. Choix de la forme de décentralisation la plus appropriée
2. Mobilisation des ressources humaines et financières
3. Collectivités décentralisées, acteurs de développement économique et social
CHAP II : L’application de la décentralisation pour développer Madagascar
Section I : Les motifs et objectifs clés de la politique de décentralisation
1. Du point de vue institutionnel
1.1. Promouvoir des formes de gouvernement et de planification du développement plus démocratique et participative
2. Du point de vue organisationnel et social
3. La réduction de la pauvreté est-elle un objectif stratégique de la décentralisation?
Section II : Décentralisation et développement local au service de la réduction de la pauvreté
1. Décentralisation, gouvernance locale et renforcement des capacités
2. Décentralisation et réduction de la pauvreté
Section III : Défis à relever
1. Construction des capacités aux niveaux régional et local
2. Aide à générer des revenus pour les CTD
3. Mécanismes régulateurs
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE