Généralités sur la congélation d’une matrice alimentaire
La congélation d’une matrice biologique peut être définie comme l’abaissement de la température sous le point de congélation commençante, jusqu’à solidification d’une certaine quantité de l’eau contenue dans la matrice. La congélation est largement utilisée pour la conservation à long terme de matrice biologiques (aliments, tissus, …) et permet la préservation de la plupart des qualités des aliments. Son pouvoir de conservation résulte globalement de la baisse de l’activité de l’eau du fait du changement de phase eau-glace. L’abaissement de la température a également pour effet de ralentir les cinétiques des réactions de dégradation et de limiter voire de stopper le développement des microorganismes. Cependant, certaines caractéristiques organoleptiques telles que le goût, la texture, et la valeur nutritive des aliments sont parfois affectées par la congélation. L’ampleur de ces dégradations dépend entre autres de la qualité initiale des produits mais aussi du contrôle du procédé de congélation et des étapes de stockage et de décongélation. Ces dégradations sont principalement liées à des phénomènes physiques induits par la cristallisation de l’eau et par les phénomènes de diffusion associés. Les réaction chimiques et biochimiques de dégradation peuvent être soit induites par ce phénomène de cristallisation soit simplement ralenties par la basse température.
Différents états de l’eau dans les systèmes biologiques
L’eau peut être présente à l’état liquide, solide ou vapeur. Différents «types » d’eau peuvent être observés dans une matrice biologique. L’état de l’eau dans un système biologique peut être représenté par un diagramme de type isotherme de sorption . Ce diagramme représente l’activité de l’eau du produit en fonction de son humidité absolue (Levine et al. (1991)).
Phénomènes intervenant lors de la congélation
La solidification de l’eau pure se produit à 0°C sous pression atmosphérique. Cependant, l’état liquide peut être observé à une température inférieure à la température théorique de solidification; on parle alors de surfusion. L’eau présente dans les produits alimentaires l’est sous forme d’une solution saline. Cela a pour effet d’abaisser le point de solidification de l’eau à une température inférieure à 0°C. Deux processus gouvernent le phénomène de cristallisation dans un procédé de congélation : la nucléation et la croissance des cristaux de glace.
Nucléation
L’existence d’un cristal de glace stable est précédée par l’apparition d’un nucleus à partir duquel le cristal pourra se développer. Le processus de production de ces nucléus s’appelle la nucléation. Les nucleus sont des groupes de molécules qui jouent le rôle d’interfaces pour la condensation de molécules additionnelles. Si les nucleus sont formés par un agrégat de molécules du liquide refroidi, la nucléation est dite homogène ou spontanée. Si les germes sont formés par des particules étrangères ou par des surfaces, la nucléation est dite hétérogène. La nucléation spontanée de la glace se produit à des températures de l’ordre de -40 °C. La nucléation hétérogène peut se produire à des températures plus élevées mais inférieures à zéro.
Croissance
La phase de nucléation est suivie d’une phase de croissance qui est contrôlée par deux phénomènes physiques : l’évacuation de la chaleur latente de la zone de cristallisation et la diffusion de l’eau vers les cristaux en croissance. Les molécules d’eau doivent diffuser de la masse du liquide vers le cristal pour s’ajouter au cristal croissant, et en même temps les molécules de soluté doivent quitter la surface de croissance du cristal. Le flux thermique détermine également le nombre de sites de nucléation formés. Or, la taille des cristaux est inversement proportionnelle au nombre de nucléus. Dans le cas d’une vitesse de progression rapide du front de changement de phase, la croissance des cristaux de glace initiaux qui est limitée par les phénomènes de diffusion est faible ; le taux de nucléation sera donc plus élevé que dans le cas d’une vitesse de déplacement faible (Reid (1997)).
Diagramme de phase eau/glace
La majorité des matériaux deviennent plus denses quand ils sont refroidis. Pour des substances complexes solutés/eau elles sont plus denses à l’état congelé qu’à l’état solide. L’eau à l‘état liquide a un point de densité maximum à +3.98°C (Akyurt et al. (2002)). Les cristaux de glace peuvent avoir des structures différentes. La glace la plus courante obtenue à pression atmosphérique est de type hexagonal, noté Ih. Elle est observée jusqu’à une pression de 200 MPa environ ; au-delà de cette pression, d’autres structures cristallines existent. La ligne d’équilibre entre l’eau et la glace Ih a une pente négative, ce qui est la conséquence d’une densité plus importante du liquide par rapport au solide (pente dP/dT négative dans la relation de Clapeyron).
Lorsqu’on peut supposer que les sources d’énergie thermoélastique ou thermoplastique sont négligeables, supposition généralement faite en transfert de chaleur avec ou sans changement de phase, la résolution de cette équation de chaleur peut être abordée de deux manières principales: par des méthodes analytiques ou semi-empiriques ou par des méthodes numériques reposant sur des équations aux dérivées partielles discrétisées (différences finies, volumes finis et éléments finis). Les premiers modèles permettant de prévoir le temps de congélation d’aliments ont été développés à partir de solutions analytiques de l’équation de diffusion de la chaleur. Le modèle de Plank reste de nos jours encore une référence incontournable (Plank (1913)). De nombreux modèles analytiques issus du modèle de Plank ont été proposés par la suite afin de prendre en compte les phases initiales et finales de refroidissement (hors congélation) et des géométries complexes (Cleland (1990)). Des modèles de transfert de masse permettant de modéliser les pertes de masse ont également été développés (Radford et al. (1976)). L’amélioration des performances des ordinateurs a permis le développement de méthodes numériques appliquées avec succès aux problèmes de l’agroalimentaire (Pham (2001)).
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
I. Généralités sur la congélation d’une matrice alimentaire
I.1. Différents états de l’eau dans les systèmes biologiques
I.2. Diagramme de phase eau/glace
II. Aspects thermiques de la congélation d’une matrice biologiques : résolution numérique et propriétés thermophysiques
II.1. Mise en équation
II.2. Méthodes de résolution
II.3. Evaluation des propriétés thermophysiques
II.3.1. Température de congélation commençante (Tcc)
II.3.2. Quantité de glace en fonction de la température
II.3.3. Eau non congelable
II.3.4. Chaleur spécifique apparente (Cp,app) et Enthalpie (H)
II.3.5. Conductivité thermique (l)
II.3.6. Masse volumique (r)
III. Aspects mécaniques de la congélation d’une matrice biologique : modélisation et propriétés mécaniques
III.1. Mise en équation du problème mécanique
III.2. Méthodes de résolution
III.3. Evaluation des propriétés mécaniques
III.3.1. Principe des mesures des propriétés mécaniques
III.3.2. Etat de l’art sur la mesure des propriétés mécaniques de solide avec ou non de changement de phase
III.3.2.a. Avec changement de phase
III.3.2.b. Caractérisation du comportement mécanique de la glace pure
III.3.2.c. Caractérisation du comportement mécanique de matrices humides
IV. Couplage thermomécanique de biomatériaux au cours d’un changement de phase
IV.1. Mise en évidence d’un couplage thermomécanique
IV.1.1. Cas général d’un couplage thermomécanique : exemple du séchage
IV.1.2. Cas particulier des matrices humides alimentaires en congélation
IV.2. Résolution et modélisation du couplage thermomécanique
Chapitre 2 : Matériels et méthodes
I. Propriétés des matériaux
I.1. Détermination de la teneur en eau
I.2. Préparation des échantillons pour les essais mécaniques
II. Propriétés thermiques
II.1. Détermination de la température de congélation commençante (Tcc)
II.2. Détermination de l’enthalpie de changement d’état et de la chaleur spécifique
II.3. Détermination de la conductivité thermique
III. Propriétés mécaniques
III.1. Essais en grandes déformations
III.1.1. Protocole de mesure de la déformation en fonction de la charge (tests en traction)
III.1.2. Protocole de mesure du coefficient de Poisson
III.1.3. Protocole de mesure en relaxation
III.2. Essais en petites déformations
III.2.1. Protocole de mesure des propriétés mécaniques en fonction de la température
III.2.2. Protocole de mesure du coefficient linéaire d’expansion
IV. Simulation numérique
IV.1. Géométrie et Maillage
IV.2. Algorithme de calcul et Hypothèses
IV.3. Post traitement
IV.4. Validation du champ de température
V. Protocoles expérimentaux de validation des résultats de modélisation
V.1.Procédés de congélation
V.2.Mesures de la température
V.3.Mesures du déplacement global
Chapitre 3 : Aspects numériques
I. Introduction
II. Description du problème thermomécanique – schémas de résolution
II.1. Problème thermique
II.2. Problème mécanique
III. Implantation numérique sous ABAQUS® /Standard
III.1. Problème thermique
III.2. Problème mécanique
IV. Elément de validation
IV.1. Influence des données d’entrées de la loi de comportement
IV.2. Validation des champs de températures
Chapitre 4 : Propriétés thermiques et mécaniques des matériaux d’étude
I. Propriétés thermiques
I.1. Teneur en eau et point de congélation commençante
I.2. Chaleur spécifique apparente
I.3. Conductivité thermique
II. Propriétés mécaniques
II.1. Texturomètre
II.1.1. Tests de traction simple- influence de la température
II.1.1.a. Coefficient de Poisson
II.1.1.b. Influence de l’état du matériau sur les tests de traction
II.1.1.c. Module d’Young
II.1.1.d. Test de relaxation
II.1.2. Influence de la vitesse de charge sur les tests mécaniques
II.2. Viscoélastocimètre (DMA)
II.2.1. Variation du module d’Young complexe en fonction de la température
II.2.2. Influence de la température sur le coefficient d’expansion thermique
II.3. Comparaison entre les deux méthodes de mesure sur l’évolution du module d’Young en fonction de la température
III. Conclusion
Chapitre 5 : Résultats numériques du couplage thermomécanique
Conclusion