Généralités et état de l’art sur l’irradiation des matériaux inorganiques hydratés

Les géopolymères

Généralités

Quand une source alumino-silicatée réagit à température ambiante avec une solution de silicates alcalins très concentrée, dans certaines conditions de concentration, il se forme un monolithe solide amorphe, mésoporeux et à faible teneur en calcium appelé « géopolymère ». Ce terme a été inventé dans les années 70 en référence aux polymères minéraux ou inorganiques [1]. Les géopolymères ont une structure en réseau formée de tétraèdres d’aluminates et de silicates (Figure 1). L’aluminium y est en coordinence tétraédrique ; il en résulte un déficit de charge dans la structure. Un cation alcalin hors réseau compense la charge négative du groupement AlO4. Si ces cations sont excédentaires, ils migrent en surface et sont carbonatés par l’atmosphère ambiante [2]. Le rapport atomique Alcalin/Aluminium doit donc rester égal à 1 pour obtenir une phase pure.

Les géopolymères sont considérés comme les analogues amorphes des zéolithes. Les zéolithes sont des matériaux alumino-silicatés microporeux cristallisés. Sous certaines conditions, elles peuvent apparaître au sein du gel géopolymérique [4, 5]. La formule empirique d’un géopolymère est présentée ci-après :

Mn –[(SiO2)z – AlO2-]n, w H2O

où M est un cation monovalent (Na, K ou Cs), n le degré de polycondensation, w la quantité d’eau et z correspond au rapport Si/Al. En faisant varier les quantités de silice, d’eau ou encore la nature du cation alcalin compensateur, des géopolymères aux propriétés structurales diverses peuvent être synthétisés. En pratique, lors de la préparation d’un géopolymère, les paramètres de formulation à faire varier sont les rapports : SiO2 / M2O et H2O / M2O. Il faut cependant veiller à rester dans le domaine d’existence des géopolymères [6].

La géopolymérisation 

Les réactions de géopolymérisation sont complexes et des recherches sont encore menées de nos jours afin de mieux les comprendre [7-10]. En 1985, Babushkin [11] propose des réactions basées sur la dissolution de la source alumino-silicatée suivie d’une polycondensation. Ces réactions permettent de définir un mécanisme de géopolymérisation (Figure 2, développée des concepts évoqués dans [12, 13]).

Ainsi, la réaction de géopolymérisation peut être développée en quatre étapes qui sont :
♦ Dissolution / hydrolyse
♦ Restructuration
♦ Polycondensation
♦ Solidification
La phénoménologie la plus couramment admise dans la littérature est la suivante. Lors de la dissolution / hydrolyse, la source alumino-silicatée est ajoutée à une solution alcaline. Il en résulte un relargage de monomères silicatés (Si(OH)4) et aluminés (Al(OH)4- ) provenant de la rupture des liaisons Si-O-Si et Si-O-Al de la source alumino-silicatée [18]. Ces entités sont notées Q0 car elles ne possèdent aucune liaison avec un autre atome de silicium ou d’aluminium. Ces monomères réagissent entre eux. De petits oligomères (entités Q1 et Q2 ) sont alors formés jusqu’à atteindre un équilibre. C’est l’étape de restructuration. Cette étape est déterminante pour la formation de la microstructure et de la distribution en taille de pores [19, 20]. Enfin, la solution devient sursaturée en oligomères. Ils peuvent former entre eux des liaisons Si-O-Si et Si-O-Al plus dense (entité Q3 ) formant un premier gel géopolymérique. C’est l’étape de polycondensation. Après la formation de ce premier gel, le système continue de se réorganiser. Les différentes entités formées polymérisent pour former un réseau de plus en plus connecté d’alumino-silicates en trois dimensions (entité Q4 ) [21]. Avec la polymérisation le système devient moins mobile, il durcit. C’est l’étape de solidification. En parallèle de cette polymérisation, un phénomène de nucléation-cristallisation de zéolithes peut apparaître sous certaines conditions d’expérience [22]. Ainsi la structure globalement amorphe peut contenir des phases cristallisées voire être totalement cristallisée.

Dans ce mécanisme, l’eau sert de milieu réactionnel. Une étude de résonance paramagnétique électronique (RPE) a suivi le comportement de l’eau durant la géopolymérisation [8]. Les résultats de cette étude montrent que l’eau est consommée pendant l’hydrolyse et la dissolution du métakaolin avant d’être régénérée par l’étape de polycondensation dans la porosité du géopolymère. D’ailleurs, la composition de la solution porale est une information importante pour la compréhension du mécanisme de formation des géopolymères. Elle est aussi utile dans des applications où le géopolymère serait amené à enrober divers éléments notamment vis-à-vis de la corrosion des métaux. Dans le cas de l’enrobage des déchets radioactifs, la connaissance de la composition de l’eau interstitielle est nécessaire afin de comprendre les mécanismes radicalaires entrant en jeu lors de l’irradiation. Lloyd et coll. [23] ont extrait la solution porale de géopolymères fabriqués à partir de cendres volantes. Dans cette étude, les cendres volantes ont été choisies car elles contiennent du calcium. Celui-ci peut favoriser la formation d’une couche de passivation empêchant la corrosion du métal comme il a pu être constaté dans les bétons armés [24]. Il ressort de l’analyse de cette solution que le réseau poreux est rempli d’une solution riche en alcalins possédant un pH très élevé (supérieur à 13) et ne contenant que peu de silice dissoute. Bien que les ions alcalins se retrouvent dans la solution porale des géopolymères, certains cations sont incorporés préférentiellement au réseau. C’est le cas du potassium [19].

Propriétés 

Il est difficile de décrire les caractéristiques d’un géopolymère lorsqu’il peut en exister de nombreuses formulations. Les propriétés dépendent :
♦ des quantités de réactifs placés initialement dans le mélange mais aussi de leur nature,
♦ des paramètres utilisés lors de leur cure notamment la température et l’humidité relative,
♦ de l’âge des échantillons.

Influence de la source alumino-silicatée

Les propriétés des géopolymères synthétisés à partir des deux sources alumino-silicatées les plus utilisées (le métakaolin et les cendres volantes) sont susceptibles de varier. Les propriétés mécaniques des géopolymères au métakaolin sont souvent meilleures que celles des géopolymères aux cendres volantes. La porosité diffère également. En général, la structure possède des pores plus isolés avec le métakaolin et plus interconnectés pour les cendres volantes. Ces différences sont à relativiser aux vues des variations possibles pour chaque type de géopolymères selon la formulation de départ. Deventer et coll. [17] ont comparé au microscope électronique à balayage (MEB) les structures de géopolymères synthétisés à partir de métakaolin ou de cendres volantes pour la source aluminosilicatée et de soude ou silicates d’alcalins pour la solution d’activation (Figure 3).

L’image (b), correspondant au géopolymère au métakaolin, représente un aspect plus homogène et montre peu de traces de matériaux n’ayant pas réagi. En comparaison, un géopolymère aux cendres volantes, comme observé sur l’image (a), possède une grande quantité de matériaux n’ayant pas réagi.

Influence de la quantité d’eau
Le processus de polymérisation est influencé par la quantité d’eau utilisée lors de la synthèse du géopolymère. Celle-ci ne doit pas être trop faible afin de pouvoir mélanger les réactifs correctement et permettre un transfert ionique. Elle ne doit pas non plus être trop élevée pour ne pas diluer les réactifs, freiner la rencontre des oligomères et ainsi ralentir la polymérisation [2]. Un excès d’eau entraîne une perte importante des résistances mécaniques. De plus, l’eau ne participant pas à la réaction de géopolymérisation, il est possible qu’un excès d’eau entraîne l’apparition de pores de taille plus élevée ainsi qu’un volume poreux plus grand [25].

Influence du cation alcalin
Lors de la géopolymérisation, le métal alcalin joue un rôle formateur de la structure du géopolymère puisqu’il compense la charge négative des aluminates et assure ainsi sa stabilité. Sa nature affecte toutes les étapes de la géopolymérisation : de la dissolution jusqu’au durcissement du gel et même l’éventuelle cristallisation de zéolithes. Il influe entre autres sur le nombre et la taille des oligomères en solution. Pour une solution d’activation à base de soude, la dissolution est rapide et les oligomères formés sont de grande taille mais moins nombreux. Dans le cas d’une solution d’activation à base de potasse, c’est l’inverse, la dissolution est plus lente et les oligomères sont de moins grande taille mais plus nombreux. La polymérisation  est alors plus efficace [26]. Une étude sur la dissolution du métakaolin par des solutions d’hydroxydes alcalins a été réalisée [8]. L’utilisation de différents ions alcalins (Na, K et Cs) montre que la dissolution a lieu plus rapidement pour des petits ions alcalins. Elle est donc plus rapide pour Na que K ou Cs. Par contre, les espèces silicatées sont plus polymérisées et les oligomères alumino-silicatés formés sont plus nombreux et de plus petites tailles pour les gros cations. Cela est dû à la différence de densité de charge électronique entre cations. Plus globalement, cette étude montre que l’organisation locale, ainsi que les étapes de gélification et de consolidation du géopolymère sont modifiées selon l’énergie d’hydratation et l’organisation de la sphère d’hydratation de l’alcalin utilisé. D’ailleurs, d’autres études du même auteur montrent que les propriétés finales des géopolymères sont également modifiées [27, 28]. Un géopolymère au potassium a une plus grande surface spécifique qu’un géopolymère au sodium ; sa taille de pores moyenne est plus faible et les pores sont présents en plus grand nombre.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Généralités et état de l’art sur l’irradiation des matériaux inorganiques hydratés
1 Les géopolymères
1.1 Généralités
1.2 La géopolymérisation
1.3 Propriétés
1.3.1 Influence de la source alumino-silicatée
1.3.2 Influence de la quantité d’eau
1.3.3 Influence du cation alcalin
1.3.4 Influence du rapport Si/Al
1.3.5 Influence des paramètres de cure
1.3.6 Influence du temps
1.3.7 Influence d’un traitement thermique après durcissement
1.4 Applications
2 Généralités sur l’irradiation
2.1 Interaction rayonnement-matière
2.1.1 Rayonnement gamma
2.1.2 Rayonnement bêta
2.1.3 Rayonnement alpha
2.2 Pouvoir d’arrêt des particules chargées
2.3 Parcours et structure de traces
2.3.1 Les électrons (β-)
2.3.2 Particules α
2.4 Paramètres d’irradiation
2.4.1 Energie
2.4.2 Débit de dose et dose absorbée
2.4.3 Flux et fluence
2.4.4 Rendement radiolytique
2.5 Résumé des moyens d’irradiation
3 Radiolyse de l’eau
3.1 Mécanisme général
3.1.1 Etape physique
3.1.2 Etape physico-chimique
3.1.3 Etape chimique
3.1.4 Etape homogène
3.2 Propriétés chimiques des radicaux libres formés
3.2.1 Electron hydraté
3.2.2 Hydroxyle
3.3 Influence de quelques paramètres
3.3.1 pH
3.3.2 TEL
3.3.3 Débit de dose et dose
3.3.4 Présence initiale de dihydrogène
3.3.5 Présence initiale d’oxygène
4 Irradiation dans les matériaux
4.1 Etat de l’art sur l’irradiation des géopolymères
4.2 Radiolyse de l’eau en milieu confiné
4.2.1 Effet du débit de dose
4.2.2 Effet du type de rayonnement
4.2.3 Effet de la présence d’oxygène
4.2.4 Effet de la porosité et de la distance inter-feuillets
4.2.5 Effet de la teneur en eau et de la saturation
4.2.6 Effet de la présence de solutés ou d’adjuvants
4.3 Modifications structurales
4.3.1 Densification de réseau
4.3.2 Déshydratation
4.3.3 Précipitation et changement de phase
4.3.4 Modification de la porosité
4.3.5 Modification des résistances mécaniques
4.3.6 Création de défauts électroniques
5 Bilan et objectifs de l’étude
Chapitre 2 : Expérimentations et techniques de caractérisation
1 Géopolymères
1.1 Matières premières
1.2 Synthèse des géopolymères
1.3 Cure des géopolymères
2 Dispositifs expérimentaux d’irradiation
2.1 Simulation des doses intégrées
2.2 Caractéristiques des faisceaux et conditions d’irradiation
2.2.1 Irradiations gamma
2.2.2 Irradiation avec des électrons
2.2.3 Irradiation avec des ions lourds
2.2.4 Résumé des caractéristiques des faisceaux et des conditions d’irradiation
3 Méthodes de caractérisation
3.1 Adsorption d’azote et de vapeur d’eau
3.2 Calorimétrie différentielle à balayage à basse température (DSC)
3.3 Analyse thermogravimétrique et thermodifférentielle (ATG / ATD)
3.4 Résonance magnétique nucléaire du solide à l’angle magique (RMN MAS)
3.5 Spectroscopie Infra rouge à transformée de Fourier (IRTF)
3.6 Analyse de gaz
3.6.1 Chromatographie en phase gazeuse (CPG)
3.6.2 Spectromètre de masse gaz : MAT 271
3.7 Résonance paramagnétique électronique (RPE)
3.8 Microscope électronique à balayage (MEB)
3.9 Diffraction des rayons X (DRX)
3.10 Extraction de la solution interstitielle et résistance mécanique
3.10.1 Extraction de la solution interstitielle
3.10.2 Mesure de la résistance en flexion et compression
3.11 Dosage de la solution interstitielle
3.11.1 Spectrométrie d’émission atomique par plasma à couplage inductif (ICP-AES)
3.11.2 Chromatographie ionique (CI)
4 Résumé des méthodes
Chapitre 3 : Caractérisation des géopolymères non irradiés
1 Etude de la porosité
1.1 Mise en place du protocole de cure
1.1.1 Temps de démoulage
1.1.2 Humidité relative de stockage
1.1.3 Age du géopolymère
1.2 Effet de la nature du cation alcalin
1.3 Effet de l’humidité relative de stockage, de la lyophilisation et du traitement thermique
1.3.1 Effet de l’humidité relative
1.3.2 Effet de la lyophilisation
1.3.3 Effet du traitement thermique
1.4 Conclusion sur l’évolution de la porosité
2 Etude de l’eau dans les géopolymères
2.1 Teneur en eau et force de liaison
2.2 Confinement de l’eau
2.3 Organisation de l’eau
2.4 Composition de la solution interstitielle
2.5 Conclusion sur l’étude de l’eau dans les géopolymères
3 Conclusion sur la caractérisation des géopolymères non irradiés et choix des échantillons à irradier.
Conclusion

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