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Place du TAVI
Habituellement, la prise en charge de référence est le remplacement valvulaire aortique chirurgical lorsque le RA devient serré et symptomatique. Cependant, de nombreux patients ne peuvent pas bénéficier de cette prise en charge. Une étude menée dans 25 pays européens en 2005 a en effet montré qu’environ un tiers des patients porteurs d’un RA serré symptomatique ne sont pas opérés. L’âge, la dysfonction ventriculaire gauche et les comorbidités ont été les trois principaux facteurs expliquant l’absence de prise en charge chirurgicale4.
Dès 1985, une prise en charge alternative a été proposée par le Pr Cribier : la valvuloplastieaortique au ballon chez les patients récusés pour un remplacement valvulaire chirurgical5. Cette technique consiste à dilater l’orifice aortique avec un ballon de diamètre adapté à l’anatomie de la valve du patient. Malgré l’amélioration fonctionnelle des patients et la diminution significative des gradients en post procédure, la valvuloplastie aortique au ballon n’a pas démontré d’impact sur le pronostic de cette pathologie. Les deux principales causes étant les complications majeures liées à la procédure et surtout la survenue précoce quasi constante d’une resténose à moyen terme67.
Devant cet échec de la valvuloplastie, le service de Cardiologie du CHU de Rouen a développé le concept d’une valve aortique implantée par voie percutanée (TAVI). Depuis 2002 et la première implantation d’une valve aortique par voie fémorale par le Pr Cribier8, cette technique a connu un essor important, puisqu’actuellement on estime que plus de 200 000 TAVI ont été réalisés dans le monde. Depuis 2012, le TAVI a fait son apparition dans les recommandations des sociétés savantes : c’est la prise en charge de référence pour les patients inopérables(IB)9101112 et c’est une alternative chez les patients à haut risque chirurgical (IIaB)13. Les centres habilités à réaliser un TAVI sont limités à ceux disposant d’un bloc de chirurgie cardiaque sur place.
Le TAVI est habituellement réalisé en première intention par voie fémorale car cette voie d’abord est moins invasive. Si cela est impossible de fait du diamètre, des tortuosités et/ou des calcifications des axes artériels ilio-fémoraux, un TAVI peut être réalisé par voie trans-apicale, trans-aortique, sous-clavière ou carotidienne.
Attitude minimaliste
Depuis la première implantation en 2002 dans le service, toutes les procédures de TAVI sont réalisées sous anesthésie locale. Jusqu’en 2009, les valves EDWARDS® Sapien expandables au ballonnet de première génération nécessitaient une dénudation artérielle chirurgicale pour la voie transfémorale compte tenu de la taille des introducteurs (22-24F). Depuis l’arrivée de la valve Edwards Sapien XT et la diminution du diamètre des introducteurs (16-20F), une solution exclusivement percutanée, sans abord chirurgical, peut être réalisée. Cette nouvelle génération de valve percutanée permet donc des procédures sous anesthésie locale avec une faisabilité et une sécurité démontrées par le service de cardiologie de Rouen1415.
En effet, l’équipe de cardiologie de Rouen depuis les premiers TAVI a toujours prôné une simplification de la procédure en gardant la sécurité du patient comme objectif prioritaire. Actuellement, les procédures de TAVI sont réalisées exclusivement sous anesthésie locale avec une sédation et une analgésie légère par Midazolam et Nalbuphine dans notre centre. La valve est par ailleurs positionnée sous fluoroscopie seule sans avoir recours à une échographie trans-œsophagienne. En salle de cathétérisme sont présents deux opérateurs et deux infirmières : une dédiée au crimping (préparation de la valve sur le cathéter) de la valve et une en salle disponible pour la stimulation ventriculaire rapide et l’administration de médicaments. Sont également rapidement disponibles un échographiste, un chirurgien cardiaque et un anesthésiste à proximité, notamment en cas de complications.
La diminution progressive du diamètre des introducteurs avec l’arrivée de la Valve Edwards de troisième génération, la valve Sapien 3, a renforcé cette approche dite minimaliste.
Sortie précoce
Il n’existe actuellement pas de consensus concernant la durée d’hospitalisation après un TAVI. Cependant une hospitalisation prolongée apparait souvent comme inutile alors qu’une hospitalisation plus courte et un retour rapide à domicile peuvent être bénéfiques.
La population concernée par cette intervention est constituée de patients soit récusés d’une chirurgie, soit à haut risque chirurgical. Il s’agit donc le plus souvent d’une population âgée et fragile avec de multiples comorbidités, notamment gériatriques. Une hospitalisation prolongée peut avoir un impact délétère dans cette population par aggravation des troubles cognitifs et/ou apparition d’un syndrome confusionnel. Cette population est également plus exposée aux complications de décubitus et aux infections nosocomiales. Une réduction de la durée d’hospitalisation et une simplification de la procédure semblent donc particulièrement intéressantes chez ces patients en gardant comme premiers objectifs la sécurité et le confort du patient16. La sortie précoce après un TAVI est donc devenue progressivement, en dehors de l’apparition d’une complication, un choix raisonnable dans le service de cardiologie au CHU de Rouen.
Nous avons récemment étudié de façon rétrospective la faisabilité d’une sortie précoce après un TAVI par voie transfémorale sur la période d’octobre 2009 à décembre 2013 chez 337 patients17. En étudiant la variable « Durée d’hospitalisation », nous avons défini par l’étude des tertiles que 121 (31%) des patients ont pu sortir précocement (≤72h). Les patients, dont la durée d’hospitalisation a dépassé trois jours, ont été classés dans le groupe « sortie tardive ». Nous avons observé une augmentation progressive de l’incidence de la sortie précoce passant 0% en 2009 à 53,2% en 2013. En analyse multivariée, les facteurs prédictifs d’une sortie précoce ont été la présence d’un pacemaker avant TAVI, l’absence d’une dilatation aortique au ballonnet avant la procédure de TAVI et l’absence de survenue d’une complication (notamment insuffisance rénale aigue et saignement nécessitant une transfusion). Une sortie précoce a semblé sécuritaire car le critère principal de jugement comprenant décès et réhospitalisation à 30 jours a été similaire dans le groupe sortie précoce et sortie tardive (3,3% vs 5,1%, p=0,58).
Objectifs
L’objectif de ce travail est donc de démontrer de façon prospective la faisabilité et la sécurité d’une sortie précoce dans les 72h après un TAVI et de rechercher les facteurs d’échec ou prédictifs d’une sortie précoce.
Matériel et Méthode
Population
Il s’agit d’une étude mono centrique, prospective, réalisée au CHU de Rouen, menée entre Janvier 2014 et Janvier 2015. Pendant cette période, 169 patients ont été implantés d’une bioprothèse aortique par voie percutanée dont 153 patients par voie transfémorale.
Seuls les patients ayant été implantés d’un TAVI de façon programmée ont été inclus dans cette étude, les implantations réalisées en urgence ou chez des patients déjà hospitalisés et instables ont été exclus de ce travail. Les échecs d’implantations et les décès per-procédures ont également été exclus. Devant la fréquence des troubles de conductions imposant une surveillance souvent prolongée, les patients implantés d’une COREVALVE (Medtronic, Irvine, California), ont également été exclus de l’étude. Enfin, Les patients porteurs d’une valve mitrale mécanique nécessitant un relais d’anti-coagulation n’ont pas été inclus dans l’étude.
Tous les patients inclus dans cette étude ont signé avant la procédure un formulaire de consentement.
La population de l’étude a été divisée en deux groupes basés sur la durée d’hospitalisation. La durée d’hospitalisation a été définie entre la date de la procédure (Jour 0) et la date de la sortie. Le premier groupe, « sortie précoce », a été constitué de patients ayant une durée d’hospitalisation inférieure ou égale à 3 jours. Le deuxième groupe, « sortie tardive », a été constitué de patients ayant une durée d’hospitalisation supérieure à 3 jours.
Sélection des patients
Lorsque le rétrécissement aortique serré symptomatique était diagnostiqué, un cathétérisme cardiaque complet a été réalisé comprenant une coronarographie, un cathétérisme droit, une angiographie sus-sigmoïdienne et une artériographie des axes ilio-fémoraux. Le dossier du patient a ensuite été discuté en réunion médico-chirurgicale comprenant au moins un cardiologue interventionnel et un chirurgien cardiaque (Heart Team). Si une indication à un TAVI était retenue, le patient était hospitalisé en hôpital de jour pour un bilan de faisabilité comprenant une échographie cardiaque, un scanner cardiaque et des axes vasculaires et une consultation. Pendant cette journée, le patient et son entourage rencontraient un cardiologue du service pour notamment les informer des bénéfices et des risques liés à la procédure. L’organisation d’une sortie précoce avec retour à domicile était de plus expliquée et donc préparée en amont.
Procédure
Les patients ont été hospitalisés la veille de leur procédure. Les traitements anticoagulants oraux ont été arrêtés 4 à 5 jours avant la procédure de façon à obtenir un INR inférieur à 1,5 pour les patients sous antivitamine K (AVK).
Les valves implantées pendant cette période ont été des Edwards Sapien XT et des Sapien 3 (Edwards Lifesciences corporation, Irvine, California).
La procédure a été réalisée sous anesthésie locale par voie d’abord fémorale. Le côté de la voie d’abord a été décidé par l’opérateur en fonction des diamètres vasculaires, des sinuosités artérielles et du degré de calcification évalués par un angio-scanner. Un introducteur artériel de calibre 6 French a été systématiquement mis en place dans l’artère fémorale controlatérale. Un introducteur de 8F a été systématiquement mis en place pour la pose d’une sonde d’entraînement électro-systolique (SEES). En cas d’instabilité de la SEES, un désilet de Mullins a été mis en place. Une sonde mammaire interne a été ensuite positionnée au niveau de la bifurcation iliaque pour réaliser des injections de produit de contraste afin de repérer le site de ponction. Ensuite l’artère fémorale choisie pour l’implantation de la valve a été ponctionnée sous contrôle angiographique et un système de suture artérielle percutané (ProStar XL 10 F, Abbott Vascular Devices, Redwood City, California) a ensuite été mis en place. Puis, un introducteur artériel de 16, 18 ou 20 F a été introduit pour les bioprothèses Sapien XT de 23, 26 et 29 mm. Pour les valves Sapien 3, un désilet de 14F pour les valves de 23 et 26 mm ou un désilet de 16 F pour la valve de 29 mm a été utilisé. Une prédilatation au ballon a été réalisée, la taille du ballon a été adaptée en fonction du diamètre de la valve. La valve a été positionnée sous contrôle angiographique et déployée sous stimulation ventriculaire rapide. Un contrôle angiographique de la valve a été systématiquement réalisé pendant la procédure pour visualiser la position de la valve, rechercher et quantifier une fuite aortique et vérifier la perméabilité des artères coronaires. Après l’implantation de la valve, l’introducteur a été retiré puis l’artère a été fermée au moyen de la suture artérielle précédemment décrite. Un contrôle angiographique a ensuite été réalisé afin de vérifier l’absence de thrombose et l’étanchéité de la suture fémorale.
Les patients ont été ensuite surveillés aux soins intensifs de cardiologie pendant au moins 24h, notamment pour dépister des troubles conductifs. Un bilan biologique a été systématiquement réalisé le lendemain de la procédure comprenant notamment une NFS, un bilan rénal et un dosage de la troponine. Les traitements anticoagulants ont été repris le plus rapidement possible selon l’appréciation du cardiologue interventionnel en fonction de la présence ou non d’une hémorragie. En l’absence d’indication à un traitement anticoagulant, une anti-agrégation plaquettaire par Aspirine et Clopidogrel a été entreprise pour une durée de 1 mois puis par aspirine seul. Une échographie cardiaque a systématiquement été réalisée avant la sortie d’hospitalisation, le plus souvent le lendemain de la procédure.
Complications
Les complications ont été décrites selon les recommandations établies par le Vascular Academic Research Consortium (VARC 2)18 : décès toutes causes, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux mineurs et majeurs, hémorragies vitales, hémorragies majeures, hémorragies mineures, insuffisances rénale aigue stade 1, 2 et 3, complications vasculaires mineures et majeures, et complications mécaniques dues à la bioprothèse.
Recueil des données
Les données cliniques et paracliniques ont été recueillies de manière prospective. Tous les patients étaient inclus dans la base de données des TAVI du CHU de Rouen et dans la base de données France TAVI.
Ont été recueillis avant la procédure : les caractéristiques des patients, les paramètres hémodynamiques non invasifs (échocardiographie, angioscanner) et invasifs (cathétérisme cardiaque), ainsi que les paramètres biologiques (Numération formule sanguine, ionogramme sanguin, bilan rénal).
Ont été recueillis pendant et après la procédure : la survenue éventuelle d’une complication, la surveillance biologique à j1 et à la sortie, l’échographie cardiaque réalisée 24 à 48 heures après la procédure. Enfin, une surveillance à 1 mois a été réalisée comprenant une évaluation clinique et une échographie cardiaque.
Lorsque la sortie à 48 h ou 72h a été impossible, nous avons cherché à en établir la cause précise pendant l’hospitalisation.
Critères de jugement
Le critère de jugement principal a été un critère combiné associant mortalité toute cause confondue et réhospitalisation à 30 jours. Les critères secondaires ont été la mortalité à 30 jours d’une part, et les réhospitalisations à 30 jours d’autre part.
Analyse statistique
Les variables continues sont exprimées en moyenne ± écart type et sont comparées grâce au test t de Student. Les variables qualitatives sont exprimées en nombre (n) et pourcentage (%) et sont comparées soit par le test de Khi-deux de Pearson, soit par un test exact de Fischer pour les évènements rares. Une analyse multivariée par régression logistique a été réalisée afin de rechercher les facteurs prédictifs d’un échec de sortie précoce. Les variables utilisées pour l’analyse multivariée ont été sélectionnées à partir de l’analyse univariée quand une association entre la variable et une sortie précoce a été relevée avec un p < 0.1. Une valeur de p<0.05 a été retenue comme statistiquement significative. Les données ont été étudiées grâce au logiciel SPSS (version 17, IBM, Armonk, New York).
Résultats
Population
Le diagramme des flux des patients est représenté dans la Figure 4. Cent soixante-neuf patients ont été implantés d’un TAVI dans notre centre sur la période de l’étude, 16 ont été exclus car ils ont été implantés par voie trans-apicale, trans-aortique ou trans-carotidienne. Cent cinquante-trois patients ont donc bénéficié d’un TAVI par voie transfémorale (TAVI-TF). Quatre patients ont été exclus car implantés en urgence dans un contexte de choc cardiogénique ou d’insuffisance cardiaque réfractaire. Huit patients ont également été exclus car déjà hospitalisés pour insuffisance cardiaque avant la procédure. Cinq patients implantés avec une CoreValve, 3 patients avec échec de la procédure et 1 patient décédé pendant la procédure n’ont pas été inclus. A noter qu’un patient étranger n’a pas participé à cette étude car le suivi à 1 mois ne pouvait être réalisé à Rouen. Enfin, un patient porteur d’une prothèse mitrale mécanique a été exclu compte tenu de la nécessité d’un relai, souvent prolongé nécessaire entre l’héparine et les AVK. Au total, 130 patients consécutifs ont été inclus dans cette étude.
Causes de sorties tardives
Les causes d’échec de sortie précoce sont représentées dans la figure 7 et sont en accord avec l’analyse multivariée. Cinquante-quatre patients (41,5%) ne sont pas sortis précocement. Les principales causes d’échec d’une sortie précoce sont : Les troubles de conductions chez 23 patients (42,6%), les complications vasculaires majeures chez 13 patients (24,1%) et les problèmes sociaux et d’organisation chez 6 patients (11,1%). Parmi ces derniers patients, 5 patients vivants seuls n’ont pas pu sortir précocement par refus de sortie du patient et/ou de la famille. Une sortie tardive est également due à un défaut d’organisation du service. Les autres causes sont rares et sont représentées par : l’insuffisance cardiaque chez 3 (5,6%) patients, une insuffisance rénale aigue chez 2 (3,7%) patients, un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral, une embolisation valvulaire dans le ventricule gauche traitée par chirurgie et une tamponnade nécessitant un drainage et une surveillance prolongée. Les autres causes d’échecs de sorties (6 patients) sont : des épisodes fébriles, des syndromes confusionnels et une épidermolyse médicamenteuse.
Discussion
Principaux résultats
Les principaux résultats de ce travail prospectif montrent qu’une sortie précoce est possible pour près de 60 % des patients après un TAVI par voie trans-fémorale, programmé, avec une bioprothèse Edwards Sapien XT ou Sapien 3. La sortie précoce n’augmente pas le risque de mortalité et de réhospitalisation à 30 jours. Les facteurs prédictifs d’échec de sortie précoce sont les troubles conductifs et la nécessité d’une transfusion après une hémorragie, le plus souvent d’origine vasculaire.
Faisabilité
Il n’existe pas de consensus concernant la durée d’hospitalisation après un TAVI. Cette durée d’hospitalisation doit être suffisamment longue afin de pouvoir détecter les complications liées à l’intervention mais ne doit pas être prolongée de façon injustifiée. Une hospitalisation prolongée peut même devenir délétère chez des sujets souvent âgés et fragiles (survenue de complications nosocomiales, apparition d’un syndrome confusionnel et/ou aggravation de troubles cognitifs préexistants. En France, la durée moyenne d’hospitalisation pour un TAVI par voie transfémorale est de 10,5 ± 8,1 jours selon les données du registre France 212.
L’étude rétrospective menée dans le service entre 2009 et 2013, utilisant exclusivement des bioprothèse Sapien XT, a démontré d’une part une diminution importante de la durée moyenne d’hospitalisation, de 9,6 jours en 2009 à 5 jours en 2013 et d’autre part un taux de sortie précoce, dans les 72 heures d’environ 30% avec une augmentation, de 0% en 2009 à 53,2% en 201317. Dans notre étude, réalisée en 2014, le taux de sortie précoce a encore augmenté pour atteindre près de 60% des procédures.
En dehors du travail rétrospectif déjà réalisé à Rouen, on ne retrouve que peu d’études publiées sur le sujet. Un travail réalisé à Belfast chez 120 patients consécutifs a retrouvé un taux de sortie précoce de 21,7% dans les 48h et de 32,5 % de sorties dans les 4 jours16. Le taux de sortie précoce de cette étude est donc sensiblement inférieur à celui rapporté par notre groupe mais les auteurs de ce travail ont également inclus des patients traités par voie trans-apicale.
Une sortie précoce après un TAVI par voie transfémorale réalisé sous anesthésie locale est donc devenue une alternative raisonnable dans notre centre grâce à une sélection rigoureuse et prudente des patients, à l’expérience croissante des opérateurs et à la diminution progressive des diamètres des introducteurs permettant de réduire les complications, notamment vasculaires.
Sécurité
Dans ce travail, nous n’avons pas retrouvé d’augmentation des décès ou des réhospitalisations à 30 jours après une sortie précoce. Un seul patient est décédé à J15, dans le groupe sortie précoce, après la survenue d’un accident vasculaire cérébral massif. Ce patient était en fibrillation auriculaire et son traitement par antivitamine K était imparfaitement équilibré. Le taux de réhospitalisations est également très faible (environ 4%) et similaire à ce que le service avait rapporté dans le précédent travail rétrospectif17. Dans l’étude réalisée en Irlande, les auteurs n’ont pas rapporté d’augmentation du risque de décès ou de réhospitalisations à 30 jours en cas de sortie précoce16. Il apparaît donc qu’une sortie précoce est faisable dans près de 60% des cas sans augmenter le risque de décès et de réhospitalisations à court terme.
Causes d’échec de sortie précoce
Dans ce travail, les deux principales causes d’échec d’une sortie précoce sont les deux complications les plus fréquentes après un TAVI : les troubles conductifs et les complications vasculaires. Manifestement, la survenue de ce type de complications requiert une surveillance prolongée et ne permet donc pas une sortie précoce. Selon l’expérience de notre centre, les principales complications après un TAVI surviennent précocement, dans les 48 premières
heures après l’intervention1920. En effet, dans ce travail seulement 1 patient a présenté une complication majeure tardive, un accident vasculaire cérébral survenu à J15 dont l’imputabilité de la procédure est incertaine puisqu’il semble surtout avoir été favorisé par une anticoagulation imparfaite.
Troubles de conduction
Les troubles de la conduction sont une complication fréquente après un TAVI. On différencie deux types de troubles de conduction après un TAVI : les troubles de conduction de haut degré (type bloc atrio ventriculaire du 3° degré) et les autres troubles de conduction (de type bloc de branche gauche plus ou moins associé à d’autres troubles conductifs). En cas bloc atrio-ventriculaire du 3° degré (BAV 3) persistant au bout de 24 heures, un pacemaker est généralement implanté le lendemain de la procédure, permettant ainsi une sortie précoce. En revanche, les BAV 3 transitoires ou les blocs de branche gauche (BBG) complets persistants imposent une surveillance électrocardiographique prolongée afin de définir si une implantation d’un pacemaker est secondairement nécessaire en cas d’aggravation des troubles conductifs. La survenue de ce type de troubles conductifs après un TAVI est la plus fréquente et est dans notre centre la principale cause d’échec d’une sortie précoce (environ 45% des cas), même si l’implantation d’un pacemaker n’a pas été nécessaire.
Le service de Cardiologie du CHU de Rouen a déjà rapporté la fréquence et les différents troubles conductifs survenant après un TAVI avec une valve Edwards19. Dans notre expérience, les BAV3 persistants nécessitant la pose d’un pacemaker sont rares de l’ordre de 4 à 5%. Les BBG complets persistants sont beaucoup plus fréquents et surviennent dans environ 30% des cas. D’autre part, avec les valves Sapiens expandables au ballonnet, lorsque le patient ne présentait pas de trouble de conduction en sortie de procédure, aucun trouble de conduction
tardif n’a été rapporté, notamment pour la bioprothèse Sapien XT1921. D’après les données récentes de la littérature, l’incidence des troubles conductifs est un peu plus fréquente avec la valve Edwards de 3° génération (valve Sapien 3). En effet, il a été rapporté dans un travail portant sur 150 patients traités avec la valve Sapien 3, qu’un pacemaker a été implanté dans 13,3% des cas. Cependant, la fréquence des BBG était similaire (18%)2223.
En ce qui concerne la Bioprothèse Corevalve, l’incidence des troubles de conduction atrio-ventriculaire de haut degrés nécessitant l’implantation d’un pacemaker est plus importante (20-25%)24. L’apparition d’un bloc de branche gauche est également plus fréquente24. Ces troubles de conductions sont donc plus fréquents et peuvent être retardés, ce qui nécessite un monitoring électrocardiographique prolongé et limite la possibilité d’une sortie précoce25.
Complications vasculaires
Les complications vasculaires sont une complication fréquente après un TAVI par voie fémorale. Dans ce travail, les complications vasculaires majeures représentent la deuxième cause d’échec de sortie précoce (environ 25% des cas). Nous avons observé 19,2% cas de complications vasculaires mineures et 9,2% cas de complications vasculaires majeures. Ces résultats sont similaires à ceux rapportés par notre groupe et d’autres équipes1220. Dans notre étude, l’étiologie la plus fréquente de ces complications vasculaires majeures est l’échec du système de fermeture artérielle fémorale (10% d’échec de PROSTAR dans notre travail sur l’ensemble des patients). La survenue de ce type de complication vasculaire majeure nécessite le plus souvent la pose d’un stent couvert pour arrêter le saignement et une transfusion. D’après les résultats de l’analyse multivariée, la nécessité d’une transfusion est un facteur prédictif indépendant hautement significatif d’échec de sortie précoce. En revanche, en l’absence de transfusion, la survenue d’une complication vasculaire mineure est compatible avec une sortie précoce. Avec l’arrivée de la valve Sapien 3 et la diminution des introducteurs (14, 16F), une diminution des complications vasculaires majeures est attendue22.
Facteurs prédictifs d’une sortie précoce
Il n’est pas retrouvé dans notre travail de facteur prédictif pré-procédural d’échec de sortie précoce. En effet, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne les caractéristiques cliniques et échocardiographiques des patients. Ces résultats démontrent qu’il est difficile d’évaluer le succès d’une sortie précoce avant la procédure et que celle-ci est, comme nous l’avons montré ci-dessus, liée à la survenue d’une complication. Dans le travail réalisé auparavant dans le service, nous avions retrouvé plusieurs facteurs prédictifs pré-procéduraux du succès ou de l’échec d’une sortie précoce. L’existence d’une insuffisance rénale chronique, une dyspnée stade IV, la nécessité d’une valvuloplastie aortique préalableétaient prédictifs d’une sortie tardive17. En revanche, la présence d’un pacemaker avant l’intervention était un facteur prédictif de sortie précoce17. Le fait que l’on ne retrouve pas ses facteurs prédictifs est peut être du au manque de puissance statistique de notre travail incluant moins de patients que lors de notre précédent travail rétrospectif (130 VERSUS 337 patients)17.
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Table des matières
1. Introduction
1.1. Généralités et épidémiologie
1.2. Place du TAVI
1.3. Attitude minimaliste
1.4. Sortie précoce
1.5. Objectifs
2. Matériel et Méthode
2.1. Population
2.2. Sélection des patients
2.3. Procédure
2.4. Complications
2.5. Recueil des données
2.6. Critères de jugement
2.7. Analyse statistique
3. Résultats
3.1. Population
3.2. Durée d’hospitalisation
3.3. Caractéristiques des patients
3.4. Caractéristiques de la procédure
3.5. Complications
3.6. Analyses univariées et multivariées
3.7. Causes de sorties tardives
3.8. Critère principal de jugement
4. Discussion
4.1. Principaux résultats
4.2. Faisabilité
4.3. Sécurité
4.4. Causes d’échec de sortie précoce
4.4.1. Troubles de conduction
4.4.2. Complications vasculaires
4.5. Facteurs prédictifs d’une sortie précoce
4.6. Perspectives
4.6.1. Comment améliorer les résultats
4.6.2. Intérêt médico-économique
4.7. Limites
5. Conclusion
6. Bibliographie
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